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 Date : 20120213


Dossier : T-304-05

Référence : 2012 CF 185

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 13 février 2012

En présence de Me Roger R. Lafrenière, protonotaire

 

AFFAIRE INTÉRESSANT le Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2, dans sa version modifiée

 

ET une décision arbitrale rendue par Me Eric G. Lister, c.r., déposée le 15 février 2005

 

ENTRE :

 

ALBERT SINCLAIR, PÈRE

 

plaignant

(créancier judiciaire)

et

 

 

 

PREMIÈRE NATION DE SPLIT LAKE

 

 

employeuse

(débitrice judiciaire)

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Albert Sinclair, père (le plaignant), a présenté une requête ex parte en vue d’obtenir une ordonnance de saisie‑arrêt, aux termes de l’article 449 des Règles des Cours fédérales (les Règles), pour que toutes les créances échues ou à échoir, dont est redevable une succursale locale de la Banque Royale du Canada à Thompson, au Manitoba (la tierce‑saisie), en faveur de la Nation des Cris de Tataskweyak, anciennement connue sous le nom de Première nation de Split Lake (l’employeuse), soient saisies‑arrêtées pour le paiement de la dette de 10 435,20 $ constatée par le jugement et due en date du 12 janvier 2012, plus la somme de 403,00 $ pour les dépens impayés, pour un total de 10 838,20 $. Le plaignant sollicite également une ordonnance d’adjudication des dépens de 300,00 $ à l’encontre de l’employeuse, ou d’un autre montant que la Cour estime juste et approprié dans les circonstances.

 

[2]               La question que soulève la présente requête est de savoir s’il existe une « ordonnance exigeant le paiement d’une somme d’argent », au sens de l’article 425 des Règles, pouvant être exécutée au moyen d’une saisie‑arrêt.

 

Le contexte

 

[3]               Le plaignant est un membre de la bande de la Nation des Cris de Tataskweyak. En 1998, il fut engagé par le directeur de la station de radio de Split Lake afin de pourvoir le poste d’annonceur et présentateur. Le plaignant a été congédié le 7 novembre 2003 parce qu’il aurait enfreint la [traduction] « politique de tolérance zéro » de la Première nation concernant la consommation d’alcool. Le plaignant a nié avoir jamais bu dans la réserve et a déposé une plainte de congédiement injustifié contre l’employeuse.

 

[4]               Me Eric G. Lister, c.r., a été nommé comme arbitre pour entendre la plainte sous le régime du Code canadien du travail, SR, c L-1. L’arbitre a tenu une audience le 23 novembre 2004; cependant, l’employeuse a refusé de se présenter.

 

[5]               Dans une décision datée du 26 novembre 2004 (la décision arbitrale), l’arbitre a conclu que le plaignant avait été injustement congédié. Il a ordonné que le plaignant soit réintégré dans ses fonctions à compter du 1er décembre 2004. Il a également ordonné que l’employeuse indemnise le plaignant pour le salaire impayé pendant la période du 10 novembre 2003 au 30 novembre 2004.

 

[6]               Le 15 février 2005, la décision arbitrale a été déposée au greffe de la Cour fédérale en vertu du paragraphe 251.15(1) du Code canadien du travail. Après avoir été déposée, la décision arbitrale a acquis le même statut qu’un jugement et la même force exécutoire, comme si elle avait été rendue par la Cour : Banque nationale du Canada c Granda, [1984] 2 CF 249 (CA).

 

[7]               Sur le fondement d’une ordonnance de saisie‑arrêt datée du 17 janvier 2006, la somme de 16 637,98 $, équivalant au salaire dû au plaignant jusqu’au 30 novembre 2004, plus 300,00 $ pour les dépens, a été versée au greffe de la Cour.

 

[8]               L’employeuse a par la suite présenté une demande pour faire annuler le jugement, laquelle fut rejetée. Il fut ordonné, dans une ordonnance datée du 28 février 2008, que la somme de 16 937,98 $, et les intérêts courus, soit payée à l’avocat du plaignant. Les dépens à l’égard de la procédure de saisie‑arrêt, fixés à 403,00 $, ont été adjugés au plaignant.

 

[9]               Dans son affidavit à l’appui de la présente requête, le plaignant déclare que l’employeuse n’a pas payé les dépens adjugés de 403,00 $. Il fait aussi valoir que, contrairement à ce qu’avait ordonné l’arbitre, il n’a jamais été réengagé par l’employeuse.

 

[10]           Le plaignant mentionne qu’il a obtenu un autre emploi le 10 juin 2005, ce qui l’a laissé sans salaire pendant la période du 1er décembre 2004 au 10 juin 2005. Il allègue que, de ce fait, l’employeuse lui doit 8 832,00 $ en salaire pour la période de chômage, de même que les intérêts sur cette somme, qui étaient de 1 603,20 $ en date du 12 janvier 2012.

 

[11]           Le plaignant affirme qu’il croit que l’employeuse conserve un compte bancaire à la succursale de la Banque Royale du Canada située au 23, avenue Selkirk, à Thompson, au Manitoba. Il sollicite donc une ordonnance contre la tierce-saisie pour saisir‑arrêter la somme de $10,838.20, plus $300.00 pour les dépens relatifs à la présente requête.

 

Analyse

 

[12]           En vertu du paragraphe 449(1) des Règles, sur requête ex parte du créancier judiciaire, la Cour peut ordonner qu’une créance échue ou à échoir, dont est redevable un tiers se trouvant au Canada à un débiteur judiciaire, soit saisie‑arrêtée pour le paiement de la dette constatée par le jugement; que le tiers se présente, aux date, heure et lieu précisé, pour faire valoir les raisons pour lesquelles il ne devrait pas payer au créancier judiciaire la dette dont il est redevable au débiteur judiciaire ou la partie de celle‑ci requise pour l’exécution du jugement.

 

[13]           Pour obtenir une ordonnance de saisie-arrêt, il faut d’abord qu’il existe une dette constatée par jugement, en d’autres mots, une « ordonnance [inexécutée] exigeant le paiement d’une somme d’argent ». En particulier, il doit y avoir une ordonnance octroyant une réparation pécuniaire à une partie, par une autre partie, laquelle ordonnance peut être exécutée.

 

[14]           La décision arbitrale ne prévoit pas de réparation pécuniaire en faveur du plaignant pour quelque période que ce soit après le 30 novembre 2004. En fait, elle se limite à déclarer que le plaignant doit être réintégré.

 

[15]           L’ordonnance de réintégration peut être exécutée en vertu de la partie 12 des Règles. Subsidiairement, le plaignant aurait pu retourner devant l’arbitre pour obtenir des dommages‑intérêts au lieu de la réintégration, comme cela fut fait dans Pierre c Conseil tribal de Roseau River (1re inst), [1993] 3 CF 756. Toutefois, une requête sollicitant une ordonnance de saisie-arrêt n’est manifestement pas la procédure appropriée pour obtenir un jugement par défaut contre l’employeuse pour l’inobservation de la décision arbitrale.

 

Conclusion

 

[16]           La requête en saisie‑arrêt du salaire qui serait dû au plaignant par suite de la déclaration de réintégration est rejetée.

 

[17]           Le plaignant a démontré que l’employeuse n’avait pas payé les dépens adjugés le 28 février 2008 et fixés à 403,00 $. Selon la partie XIV de la Loi sur la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, les intérêts après‑jugement sur les dépens adjugés représentent à ce jour environ 22,00 $.

 

[18]           En ce qui concerne les dépens à l’égard de la présente requête, la majeure partie des documents que le plaignant a présentés dans le cadre de la requête avaient trait à sa réclamation pour salaire impayé. Dans les circonstances, je suis d’avis de réduire l’adjudication de dépens à 150,00 $.

 

[19]           Par conséquent, une ordonnance de saisie-arrêt sera rendue pour saisir‑arrêter la somme de 425,00 $ constatée par jugement, plus 150,00 $ pour les dépens à l’égard de la présente requête.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.         la requête soit accueillie en partie, avec des dépens à l’égard de la présente requête fixés à 150,00 $, y compris les débours et les taxes, payables par l’employeuse, la Nation des Cris de Tataskweyak;

 

2.         toutes les créances échues ou à échoir, dont est redevable la tierce-saisie, la Banque Royale du Canada située au 23, avenue Selkirk, à Thompson, au Manitoba, à la Nation des Cris de Tataskweyak, soient saisies‑arrêtées pour le paiement des dépens de 425,00 $ faisant l’objet de l’ordonnance inexécutée d’adjudication des dépens, plus les dépens de 150,00 $ relatifs à la procédure de saisie‑arrêt;

 

3.         sauf si la somme de 575,00 $ est versée au greffe de la Cour, ou qu’un affidavit est déposé par la Banque Royale du Canada confirmant qu’il n’y a aucune créance échue ou à échoir, redevable à la Nation des Cris de Tataskweyak, ou, subsidiairement, que toutes les créances échues ou à échoir, redevables à la Nation des Cris de Tataskweyak, jusqu’à la somme de 575,00 $, ont été versées au greffe de la Cour, un représentant de la Banque Royale du Canada se présente devant la Cour fédérale, au 363 Broadway, 4e étage, à Winnipeg, au Manitoba, le lundi 12 mars 2012 à 9 h 30, pour faire valoir les raisons pour lesquelles la Banque Royale du Canada ne devrait pas payer au plaignant la somme de 575,00 $, ou la partie de celle‑ci requise pour l’exécution de l’ordonnance d’adjudication de dépens datée du 28 février 2008, ainsi que les dépens à l’égard de la procédure de saisie‑arrêt;

 

4.         le plaignant signifie une copie de la présente ordonnance à la Banque Royale du Canada située au 23, avenue Selkirk, à Thompson, au Manitoba, conformément à l’article 130 des Règles des Cours fédérales, et dépose une preuve de signification, au plus tard le 29 février 2012.

 

 

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-304-05

 

INTITULÉ :                                      ALBERT SINCLAIR, PÈRE c

                                                            LA PREMIÈRE NATION DE SPLIT LAKE

 

 

REQUÊTE EX PARTE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À

VANCOUVER, EN COLOMBIE‑BRITANNIQUE, CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :           LE 13 FÉVRIER 2012

 

 

 

OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR :

 

LARRY B. NASBERG

 

POUR LE PLAIGNANT

(CRÉANCIER JUDICIAIRE)

 

S.O.

POUR L’EMPLOYEUSE

(DÉBITRICE JUDICIAIRE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LARRY B. NASBERG

Conseiller juridique

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE PLAIGNANT

(CRÉANCIER JUDICIAIRE)

S.O.

POUR L’EMPLOYEUSE

(DÉBITRICE JUDICIAIRE)

 

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