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Date : 20120209

Dossier : IMM‑4887‑11

Référence : 2012 CF 192

[traduction française certifiée, non révisée]

Calgary (Alberta), le 9 février 2012

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

HARMINDER SINGH DHILLON

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demande de parrainage d’Harminder Singh Dhillon à titre de résident permanent, sur le fondement qu’il s’agit d’un membre de la famille, a été rejetée, car la première secrétaire (Immigration) du Haut‑commissariat du Canada à New Delhi n’était pas convaincue qu’il n’était pas en mesure, en tant qu’adulte âgé de plus de vingt‑deux ans, de subvenir par lui‑même à ses besoins financiers. Elle a reconnu qu’il était atteint d’une invalidité physique en raison d’une poliomyélite, mais elle n’a pas estimé, conformément au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, que son état physique ou mental le rendait incapable de subvenir à ses besoins financiers. La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Hier, à la suite de l’audience, j’ai déclaré que j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, car j’estimais que la décision était déraisonnable. Voici mes motifs.

 

[3]               Selon la règle générale, un enfant adulte âgé de plus de vingt‑deux ans ne peut pas être parrainé à titre d’enfant à charge. Il y a toutefois des exceptions. La définition de l’expression « enfant à charge » figurant à l’article 2 du Règlement comprend un enfant qui « est âgé de vingt‑deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt‑deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental ».

 

[4]               Harminder est aujourd’hui âgé de trente‑huit ans. Les parties conviennent qu’il n’a jamais travaillé, qu’il n’est pas marié et qu’il a, pour l’essentiel, toujours été dépendant du soutien financier de ses parents. Il est sain d’esprit et a terminé ses études secondaires.

 

[5]               La seule controverse vise l’étendue de son invalidité partielle et la question de savoir si son état l’empêche de subvenir lui‑même à ses besoins financiers.

 

[6]               La demande était accompagnée d’un affidavit d’Harminder, de deux affidavits de son père et d’une déclaration d’un représentant du village indiquant qu’Harminder vivait dans le village Lama, au Pendjab, qu’il était célibataire et sans emploi et qu’il ne recevait aucune prestation soit du gouvernement central soit du gouvernement du Pendjab.

 

[7]               Diverses déclarations provenant de médecins œuvrant dans des hôpitaux ont décrit son état de santé. Le Dr Deepak Kumar a confirmé que l’état d’Harminder est un état connu de paralysie résiduelle des deux membres inférieurs due à la poliomyélite. Le Dr Kumar a évalué l’invalidité à 70 pour cent et a indiqué qu’Harminder ne pouvait pas subvenir à ses besoins quotidiens et avait besoin d’aide pour ses activités quotidiennes. Pour marcher, il utilise des béquilles soutenues par ses deux membres supérieurs.

 

[8]               Dans son affidavit, Harminder a notamment déclaré sous serment que personne ne voulait lui offrir un emploi et qu’il ne peut [traduction] « monter à bord d’un autobus, etc., avec des béquilles ». La première secrétaire a demandé à un médecin‑examinateur en Inde de lui préparer un rapport sur les activités de la vie quotidienne (RAVQ). Ce médecin a entre autres indiqué qu’Harminder pouvait assurer ses propres soins, en ce sens qu’il pouvait se nourrir, boire, s’habiller, se laver et aller aux toilettes sans aide. Il avait une certaine mobilité : il pouvait effectuer un transfert en direction d’un lit, d’une chaise, d’un fauteuil roulant, de la toilette et du bain et, et en sortir, et pouvait marcher sans difficulté une cinquantaine de verges. Il avait besoin d’un peu d’aide pour monter et descendre des marches. Il n’avait aucune difficulté à communiquer. Il dépendait de ses béquilles.

 

[9]               Les motifs de la décision de la première secrétaire sont énoncés dans les notes qu’elle a consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration. Elle était d’avis que le rapport qu’elle avait demandé contredisait les conclusions du Dr Kumar. Même si Harminder avait certaines limites de mobilité, il pouvait accomplir la plupart des tâches par lui‑même et avait douze années de scolarité. Elle n’était donc pas convaincue qu’il n’était pas en mesure de subvenir à ses besoins financiers à cause de son état physique ou mental.

 

[10]           Cela dit, elle n’a pas traité des conditions du pays, qui n’ont pas été contredites, selon lesquelles les personnes atteintes d’une invalidité sont parmi les plus exclues de la société indienne (article en ligne New World Bank Report Finds People with Disabilities among the Most Excluded in Indian Society) et la majorité des Indiens qui se trouvent dans la situation d’Harminder, soit quelque 62 pour cent d’entre eux, ne peuvent se trouver un emploi. Ainsi, selon la prépondérance des probabilités, il n’est pas en mesure de subvenir à ses besoins en raison de l’attitude de la société dans laquelle il vit. La personne doit non seulement vouloir travailler, mais une autre personne doit aussi être disposée à l’embaucher.

 

[11]           De plus, l’agente a refusé d’accorder quelque poids que ce soit aux affidavits parce qu’ils ont été produits aux fins d’appuyer la demande. Évidemment qu’ils l’appuyaient! Cela ne veut pas dire qu’ils n’étaient pas véridiques. Tout ce que l’on peut dire est que certaines opinions ont été exprimées. Des éléments de preuve ne peuvent être rejetés simplement parce qu’ils sont associés au demandeur (Basra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 535, et Rendon Ochoa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1105).

 

[12]           Il n’y avait pas d’incohérences et la présomption réfutable selon laquelle une personne dit la vérité s’applique (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302).

 

[13]           De plus, les rapports des médecins ne comportaient pas de contradiction inhérente. Le médecin qui a rédigé le RAVQ n’a pas émis d’opinion quant au pourcentage d’invalidité partielle.

 

[14]           Où Harminder travaillerait‑il dans son village? Selon son témoignage non contredit, il n’est pas en mesure de monter à bord d’un autobus. De plus, il y avait amplement de preuves démontrant l’existence d’une discrimination sociale envers les personnes dans sa situation et que personne ne l’emploiera.

 

[15]           Comme l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 CSC 2, le caractère raisonnable de la décision doit s’apprécier dans le contexte du type particulier de processus décisionnel en cause et de l’ensemble des facteurs pertinents (au paragraphe 18). L’incapacité d’Harminder de subvenir financièrement à ses besoins ne peut être prise en compte de façon abstraite. La question est de savoir s’il est en mesure de subvenir financièrement à ses besoins à l’endroit où il vit et non si son état physique l’empêcherait de pouvoir subvenir à ses besoins au Canada, où les commissions des droits de la personne fédérale et provinciales ne ménageraient pas ceux qui ne l’engageraient pas en raison de son invalidité.

 

[16]           Les parties ont convenu qu’il n’y avait pas de question à certifier à soumettre à la Cour d’appel et je suis d’accord.

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS,

            LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 7 juin 2011, de la première secrétaire (Immigration) de la Section de l’immigration du Haut‑commissariat du Canada situé à New Delhi, dans leur dossier numéro B054966483, est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

2.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                    IMM‑4887‑11

 

INTITULÉ :                                                  DHILLON c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 8 février 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 9 février 2012

 

 

 

Comparutions :

 

Raj Sharma

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rick Garvin

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

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