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Date : 20120209

Dossier : IMM‑2880‑11

Référence : 2012 CF 191

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 9 février 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

ADOLFO MARTINEZ CUERO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Adolfo Martinez Cuero a grandi en Colombie, mais a vécu aux États‑Unis de 1987 à 2003. Il est retourné en Colombie pour s’occuper de son père malade et a été la cible d’extorsion parce qu’il était perçu comme étant une personne qui avait fait fortune aux États‑Unis. Il a tenté de lancer une entreprise en Colombie, mais il a été accusé d’être un informateur. En 2004, il a de nouveau quitté son pays pour se rendre aux États‑Unis et y a vécu jusqu’en 2008. Il est ensuite parti pour le Canada, où il a présenté une demande d’asile.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Cuero : l’asile ne pouvait lui être conféré parce qu’il avait commis un crime grave de droit commun aux États‑Unis. En 1991, M. Cuero a été reconnu coupable de trafic de cocaïne. Au Canada, la peine maximale pour cette infraction serait l’emprisonnement à perpétuité.

 

[3]               M. Cuero soutient qu’il s’est réadapté depuis la perpétration du crime. La Commission a toutefois conclu que la réadaptation ne constituait pas un facteur pertinent puisque la seule question qu’elle avait à trancher était celle de savoir si M. Cuero avait été reconnu coupable d’un « crime grave de droit commun ». Pour répondre à cette question, il fallait examiner les éléments du crime, le mode de poursuite, la peine prescrite, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous‑jacentes à la déclaration de culpabilité.

 

[4]               La Commission a reconnu que M. Cuero ne possédait pas de casier judiciaire et qu’il avait travaillé fort pour contribuer à la société et s’occuper de sa famille. Cependant, c’était la nature du crime et non le comportement du demandeur après l’infraction qu’elle devait examiner.

 

[5]               M. Cuero soutient que la Commission a commis une erreur en omettant de prendre en compte sa réadaptation comme facteur pour décider si on pouvait lui conférer l’asile. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner que sa demande soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui‑ci effectue un nouvel examen.

 

[6]               Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la Commission et je dois donc rejeter la demande de contrôle judiciaire. La Commission a conclu à juste titre que la réadaptation ne constitue pas un facteur pertinent pour déterminer si le demandeur ne pouvait obtenir l’asile en raison d’un crime grave de droit commun.

 

[7]               La Cour est appelée à trancher une seule question : la Commission a‑t‑elle commis une erreur en refusant de prendre en compte la question de la réadaptation?

 

II.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en refusant de prendre en compte la réadaptation de M. Cuero?

 

[8]               M. Cuero soutient que la conclusion de la Commission, principalement fondée sur son interprétation de l’arrêt Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404 [Jayasekara], selon laquelle tous les événements postérieurs à une déclaration de culpabilité ne sont pas pertinents pour l’analyse en vertu de la section Fb) de l’article premier, est à la fois une erreur de droit et une position déraisonnable. À titre d’exemple, dans l’arrêt Jayasekara, la Commission a pris en compte dans son analyse la conduite du demandeur après la déclaration de culpabilité, à savoir la violation de son ordonnance de probation. La Cour d’appel fédérale n’a pas conclu que ce facteur n’était pas pertinent pour la question de l’exclusion.

 

[9]               M. Cuero fait valoir que s’il a été jugé que la violation d’une ordonnance de probation pouvait valablement faire partie de l’analyse de la Commission au titre de la section Fb) de l’article premier, d’autres conduites postérieures à une déclaration de culpabilité, comme la réadaptation, devraient être également prises en compte.

 

[10]           À mon avis, la Commission doit simplement décider si un crime a été commis et s’il s’agissait d’un « crime grave de droit commun ». Des facteurs étrangers à la déclaration de culpabilité, comme la réadaptation, ne devraient pas être pris en compte pour évaluer la gravité de l’infraction d’un demandeur (Rojas Camacho c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 789, aux paragraphes 15 et 16; Hernandez Febles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1103, aux paragraphes 48, 50 à 52 et 59 [Febles]).

 

[11]           En ce qui concerne la pertinence de la probation, comme dans l’affaire Jayasekara, ce facteur fait partie de la peine pour le crime lui‑même. Cependant, la réadaptation n’est pas liée à la déclaration de culpabilité ou à la détermination de la peine.

 

[12]           M. Cuero s’appuie sur la décision Guerrero c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 384. Dans cette affaire toutefois, la Cour a simplement déclaré que la Commission n’avait pas indiqué clairement la raison pour laquelle elle n’avait pas considéré comme convaincant l’ensemble des circonstances atténuantes, y compris le temps qui s’était écoulé depuis le crime. La Cour n’a pas conclu que la réadaptation était un facteur pertinent.

 

[13]           Je constate que dans la décision Febles, précitée, la preuve démontrait que le demandeur avait été réadapté. La Commission a cependant conclu qu’elle devait « s’en remettre à la législation et à l’état de la jurisprudence actuelle qui prévoit qu’une personne trouvée coupable d’avoir commis un crime grave de droit commun, comme c’est le cas en l’espèce, doit être exclue de l’application de la Convention » (au paragraphe 21). En rejetant la demande de contrôle judiciaire, le juge Scott a néanmoins conclu qu’aucun arrêt de la Cour d’appel fédérale n’avait expressément tranché la question. En conséquence, il a certifié la question suivante :

 

Lorsque la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié applique la section Fb) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies la réhabilitation de l’intéressé depuis la perpétration des crimes en cause est‑elle un facteur pertinent à prendre en considération?  

 

[14]           Les parties conviennent que la Cour devrait formuler la même question en l’espèce.

 

III.       Conclusion et décision

 

[15]           À mon avis, la Commission n’a commis aucune erreur en ne tenant pas compte de la preuve concernant la réadaptation. Je dois donc rejeter la demande de contrôle judiciaire. Cependant, étant donné que le juge Scott a certifié une question sur ce point dans la décision Febles, je formulerais la même question.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  La question certifiée suivante est formulée :

Lorsque la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié applique la section Fb) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies la réhabilitation de l’intéressé depuis la perpétration des crimes en cause est‑elle un facteur pertinent à prendre en considération?  

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


Cour fÉdÉrale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                    IMM‑2880‑11

 

INTITULÉ :                                                   ADOLFO MARTINEZ CUERO c
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 17 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 février 2012

 

 

 

Comparutions :

 

Max Wolpert

POUR LE DEMANDEUR

 

Caroline Christiaens

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Golden Law Corp

Avocats

Burnaby (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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