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Date : 20120201


Dossier : IMM-3732-11

Référence : 2012 CF 123

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er février 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

SUMAIYA ZAKIRHUSEN MOTALA

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 12 mai 2011, par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté l’appel que la demanderesse avait interjeté contre le refus par l’agent des visas de sa demande de parrainage de dix autres membres de sa famille. Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée. Une question sera certifiée en vertu de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

 

Le contexte

[2]               Sous le régime établi par la Section 3 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), tout Canadien qui souhaite parrainer des membres de sa famille au Canada doit démontrer qu’il a la capacité financière de subvenir à leurs besoins lorsqu’ils arriveront ici. C’est pourquoi le sous-alinéa 133(1)j)(i) exige une preuve de revenu :

133. (1) L’agent n’accorde la demande de parrainage que sur preuve que, de la date du dépôt de la demande jusqu’à celle de la décision, le répondant, à la fois :

 

 

 

[…]

 

j) dans le cas où il réside :

 

(i) dans une province autre qu’une province visée à l’alinéa 131b), a eu un revenu total au moins égal à son revenu vital minimum, […]

 

133. (1) A sponsorship application shall only be approved by an officer if, on the day on which the application was filed and from that day until the day a decision is made with respect to the application, there is evidence that the sponsor

 

 

(j) if the sponsor resides

 

(i) in a province other than a province referred to in paragraph 131(b), has a total income that is at least equal to the minimum necessary income, …

 

 

[3]               Le revenu vital minimum (le RVM) est un terme réglementaire. Le montant ou seuil, auparavant désigné comme le seuil de faible revenu ou SFR, est établi sur la base de divers indicateurs économiques et sociaux et varie selon la région. Le RVM n’est pas en cause, mais la manière dont le revenu de la demanderesse est calculé pour savoir si l’exigence relative au RVM a été remplie pose problème. À cet égard, le Règlement prévoit qu’à peu d’exceptions près, l’avis de cotisation revêt une importance déterminante :

134. (1) Pour l’application du sous-alinéa 133(1)j)(i), le revenu total du répondant est déterminé selon les règles suivantes :

 

 

a) le calcul du revenu se fait sur la base du dernier avis de cotisation qui lui a été délivré par le ministre du Revenu national avant la date de dépôt de la demande de parrainage, à l’égard de l’année d’imposition la plus récente, ou tout document équivalent délivré par celui-ci;

 

b) si le répondant produit un document visé à l’alinéa a), son revenu équivaut à la différence entre la somme indiquée sur ce document et les sommes visées aux sous-alinéas c)(i) à (v);

*                    

134. (1) For the purpose of subparagraph 133(1)(j)(i), the total income of the sponsor shall be determined in accordance with the following rules :

 

(a) the sponsor’s income shall be calculated on the basis of the last notice of assessment, or an equivalent document, issued by the Minister of National Revenue in respect of the most recent taxation year preceding the date of filing of the sponsorship application;

 

(b) if the sponsor produces a document referred to in paragraph (a), the sponsor’s income is the income earned as reported in that document less the amounts referred to in subparagraphs (c)(i) to (v);

*                    

 

[4]               Le Règlement précise également que la période de douze mois précédant la date de la demande est celle qui servira à déterminer si le critère du RVM est rempli : il s’agit de la période déterminante. En l’espèce, la demande de parrainage a été présentée en 2005; la période déterminante au titre de l’article 134 correspond donc à l’année d’imposition 2004-2005. La demande de la demanderesse a échoué, car son revenu (40 274 $), tel qu’en faisait état l’avis de cotisation, était bien en deçà du RVM de 63 591 $.

 

[5]               Quatre ans plus tard, toutefois, la situation financière de la demanderesse avait apparemment changé. Le revenu de l’époux de la répondante et cosignataire de la demande était maintenant bien supérieur. Ils ont donc interjeté appel de la décision de l’agent des visas devant la SAI en invoquant un changement de situation.

 

[6]               Il n’est pas contesté qu’en date de l’audience devant la SAI en 2011, la répondante et son époux cosignataire avaient soumis des avis de cotisation montrant qu’ils remplissaient l’exigence relative au RVM pour le parrainage, et ce, depuis 2010. Ce revenu combiné incluait les 65 000 $ que le cosignataire avait tiré de son emploi et les 17 655 $ que la répondante avait gagnés en travaillant à son compte.

 

[7]               La SAI a conclu, à juste titre, qu’à la date du dépôt de la demande, soit le 12 octobre 2005, qui s’avère être la date déterminante, la demanderesse ne respectait pas l’exigence relative au RVM; elle a donc maintenu la décision de l’agent des visas. Cependant, ce n’était pas le fin mot de l’affaire, puisque la SAI avait le pouvoir discrétionnaire d’accorder une mesure spéciale du fait du changement de situation.

 

[8]               Lorsqu’elle a apprécié le changement de situation, et qu’elle s’est demandé si elle devait accorder une mesure discrétionnaire, la SAI a craint que le revenu de la demanderesse provenant de son travail autonome, tel qu’il était rapporté dans l’avis de cotisation de 2010, ne fût pas authentique. Elle a estimé qu’il pouvait avoir été surestimé en 2010 pour les besoins de la demande de parrainage, et a donc décidé de le soustraire du revenu total. Ainsi, une fois déduits les 17 655 $ du revenu combiné déclaré de 79 398 $, la demanderesse se retrouvait en deçà du RVM nécessaire pour subvenir aux besoins de dix personnes.

 

[9]               La SAI a également fait remarquer que les niveaux de revenu déclarés se trouvaient démentis par le fait que la demanderesse et son mari vivaient dans un logement subventionné. Elle a aussi relevé que la demanderesse n’avait pas produit les comptes de profits et de pertes relatifs à son entreprise de garde d’enfants, bien qu’on les lui ait demandés deux fois.

 

La raison pour laquelle cette conclusion était pertinente

[10]           Le fondement factuel sur lequel la SAI s’est appuyée pour apprécier l’affaire – c’est-à-dire la conclusion voulant que le revenu de la demanderesse soit en deçà du RVM – avait une importance capitale, puisqu’il allait déterminer lequel des deux critères relatifs aux considérations d’ordre humanitaire elle appliquerait à la demanderesse dans lexercice de son pouvoir discrétionnaire : le plus strict, ou le plus indulgent, tel que la SAI l’a formulé dans la décision Jugpall c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] DSAI no 600.

 

[11]           Suivant ce critère plus indulgent, si le revenu de la demanderesse en 2011 avait dépassé le RVM, la SAI se serait demandé s’il existait des facteurs positifs, indépendants des circonstances financières, justifiant la prise d’une mesure spéciale, et confirmant qu’il serait injuste d’exiger de la demanderesse qu’elle recommence tout le processus de demande de parrainage depuis le début. Si toutefois la demanderesse ne satisfaisait pas à l’exigence relative au RVM en 2011, le critère plus strict – établir l’existence de difficultés injustifiées ou excessives – trouverait à s’appliquer aux considérations d’ordre humanitaire. Ce carrefour, puisqu’on peut le décrire ainsi, ne résulte d’aucune exigence législative, mais plutôt de la jurisprudence de la SAI : Jugpall; Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1970] DSAI no 1.

 

Le résumé des positions

[12]           On adhère manifestement à l’argument – la demanderesse fait valoir que la SAI n’avait pas le pouvoir de passer outre à l’avis de cotisation pour décider lequel des deux critères devait être retenu, et invoque le régime réglementaire à l’appui de cette allégation. En vertu de l’article 134 du Règlement, les avis de cotisation [traduction] « font foi du revenu » pour les besoins de la décision initiale, et il doit donc exister une symétrie entre les deux stades du processus. Quelle que soit l’étendue de sa compétence, la SAI ne peut écarter l’avis de cotisation comme preuve de revenu; le libellé explicite du Règlement, selon lequel l’avis de cotisation est décisif, la contraint d’appliquer le critère plus indulgent.

 

[13]           Le défendeur avance un argument politique, et fait valoir que le système de parrainage subirait un préjudice si la SAI devait, comme il le dit, [traduction] « accepter aveuglément » l’avis de cotisation comme preuve de revenu. Le revenu tiré d’un travail autonome peut être exagéré en reportant les dépenses et les gains d’une année à l’autre. Je note toutefois que le Règlement [traduction] « accepte aveuglément », pour reprendre l’expression du défendeur, l’avis de cotisation contenu dans la demande initiale, et ne fait aucune distinction entre le revenu lié à un emploi et celui qui se rapporte à un travail autonome. Je signale par ailleurs que le problème du préjudice dont parle le défendeur se pose également au stade des demandes initiales. Le défendeur a fait valoir que les formulaires de demande, dont il exige qu’ils soient remplis, établissent une distinction entre ces deux formes de revenu. Cependant, les formulaires conçus par le gouvernement aux fins d’application de la Loi ne constituent pas un fondement juridiquement acceptable pour interpréter le Règlement.

 

[14]           Acceptation aveugle ou pas, la primauté accordée aux avis de cotisation correspondait à un choix politique de la part du ministre et du gouverneur en conseil au moment de l’adoption du Règlement. Il est donc difficile de contester le recours à l’avis de cotisation pour calculer les « revenus canadiens gagnés » dont il est question à l’alinéa 134(1)c) qui prévoit :

134. (1) Pour l’application du sous-alinéa 133(1)j)(i), le revenu total du répondant est déterminé selon les règles suivantes :

 

[…]

 

 

c) si le répondant ne produit pas de document visé à l’alinéa a) ou si son revenu calculé conformément à l’alinéa b) est inférieur à son revenu vital minimum, son revenu correspond à l’ensemble de ses revenus canadiens gagnés au cours des douze mois précédant la date du dépôt de la demande de parrainage, exclusion faite de ce qui suit : […]

 

 

[Non souligné dans l’original.]

134. (1) For the purpose of subparagraph 133(1)(j)(i), the total income of the sponsor shall be determined in accordance with the following rules :

 

 

(c) if the sponsor does not produce a document referred to in paragraph (a), or if the sponsor’s income as calculated under paragraph (b) is less than their minimum necessary income, the sponsor’s Canadian income for the 12-month period preceding the date of filing of the sponsorship application is the income earned by the sponsor not including…

*                    

[Emphasis added]

 

[15]           La possibilité que le revenu issu d’un travail indépendant soit déclaré en trop sous couvert de planification fiscale, et aboutisse, au moment de l’audience devant la SAI, à un avis de cotisation dont la valeur dépasse le seuil de revenu, suscite des préoccupations réelles et légitimes. C’est pourquoi dans Jugpall, précitée, la SAI, au moment d’envisager le « critère de solvabilité financière prévu par le Règlement, dans sa version modifiée », soulignait la nécessité de démontrer que l’exigence relative au RVM avait déjà été remplie. En d’autres mots, la préoccupation dont nous parlions est atténuée par le fait que la demanderesse doit démontrer qu’elle a respecté l’exigence relative au RVM année après année depuis la date déterminante.

 

Analyse

[16]           C’est dans ce contexte que se pose la question bien précise de savoir si la SAI a commis une erreur de droit en rejetant le revenu déclaré par la demanderesse en tant que travailleuse autonome, tel qu’il apparaît sur l’avis de cotisation de 2010. La demanderesse fait valoir que la SAI a commis une erreur en introduisant de nouvelles exigences dans le calcul du revenu, allant au-delà de celles que prévoit le paragraphe 134(1) du Règlement, ce qui revenait à écarter l’avis de cotisation et les montants déclarés. Si le RVM était dépassé, la demande serait appréciée suivant des critères plus favorables. Il n’y a pas lieu d’établir l’existence des difficultés définies dans la jurisprudence lorsqu’on a réfuté le motif d’interdiction de territoire.

 

[17]           Le Règlement ne prescrit pas différents critères d’évaluation du RVM à différents stades du processus. Comme le faisait observer le juge Robert Barnes dans Chahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 953, aux paragraphes 5 et 11 :

Les règles de calcul du revenu obligent la décideure à utiliser d’abord le dernier avis de cotisation du répondant (ou tout document équivalent) à l’égard de l’année d’imposition la plus récente, sauf si ce document n’est pas produit ou s’il révèle un revenu inférieur au minimum réglementaire. Dans une telle situation, la décideure doit calculer « l’ensemble [des] revenus canadiens gagnés au cours des douze mois précédant la date du dépôt de la demande de parrainage ». Il s’agit alors d’évaluer le revenu réellement gagné au cours d’une période qui s’étend sur deux années d’imposition. Il est à tout le moins implicite à la lecture du Règlement que ce calcul peut être effectué à l’aide de tout renseignement financier fiable produit par le répondant. Il peut s’agir évidemment d’avis de cotisation ou de documents équivalents, mais aussi d’autres types de documents. Toute autre interprétation serait contraire à l’intention déclarée dans le Règlement, qui est de régir les situations où aucun avis de cotisation n’existe ou n’est produit. Il pourrait s’agir également d’éléments de preuve montrant que les revenus n’ont pas été gagnés de façon uniforme au cours d’une année d’imposition donnée.

 

[…]

 

Les dispositions réglementaires applicables n’imposent en effet aucune méthode de calcul. Puisque le paragraphe 134(1) du Règlement prévoit que les avis de cotisation (ou tout document équivalent) délivrés par l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) doivent être privilégiés dans le calcul du revenu minimum d’un répondant, il n’est pas nécessairement déraisonnable d’effectuer le calcul seulement à partir de ces pièces justificatives.

 

[Non souligné dans l’original.]

[18]           Je souscris à la position du juge Barnes. Le paragraphe 134(1) n’impose ni n’interdit d’enquête sur la véracité des données figurant dans les documents fournis au titre de cette disposition. J’estime toutefois que le pouvoir de la SAI de se livrer à une telle enquête découle de sa compétence fondamentale d’accorder une mesure spéciale ou discrétionnaire.

 

[19]           Le paragraphe 67(2) de la LIPR décrit la compétence de la SAI :

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

[…]

 

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l’affaire est renvoyée devant l’instance compétente.

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

….

 

(2) If the Immigration Appeal Division allows the appeal, it shall set aside the original decision and substitute a determination that, in its opinion, should have been made, including the making of a removal order, or refer the matter to the appropriate decision-maker for reconsideration.

 

 

[20]           La SAI a instruit un appel de novo à l’encontre de la décision de l’agent des visas voulant que la demanderesse n’ait pas respecté l’exigence relative au RVM, et, dans la mesure où son pouvoir discrétionnaire l’autorise à accorder une mesure spéciale pour y remédier, elle peut exiger des éléments de preuve et examiner l’ensemble des questions et éléments ayant une pertinence particulière en vue de l’exercice de ce pouvoir : voir, par exemple, quoique dans un contexte différent, Canada (Citoyenneté et Immigration) c Peirovdinnabi, 2010 CAF 267.

 

[21]           La SAI doit exercer ce pouvoir discrétionnaire conformément aux considérations juridiquement pertinentes. Dans ce contexte, réclamer une preuve de revenu réel s’accorde avec l’objet et le but du Règlement. Dans Dang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2000] ACF no 1187, au paragraphe 61, la juge Eleanor Dawson (aujourd’hui juge à la Cour d’appel) faisait observer qu’avant d’exercer son pouvoir discrétionnaire, la SAI devait examiner les facteurs qui sous-tendent une allégation de changement de situation. Parmi les dix-sept facteurs énumérés, quatre sont pertinents en l’espèce :

[…]

 

(ii) l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par la loi à la section d’appel dépendait du contexte créé par la détermination de l’inadmissibilité;

 

[…]

 

(vi) les changements survenus dans la situation sont pertinents aux fins d’un appel fondé sur l’alinéa 77(3)b) de la Loi; de l’avis de la section d’appel, il était d’autant plus important d’être en mesure de tenir compte de ces changements, dans l’exercice de la compétence que la section d’appel possédait en equity, dans les cas où il était impossible de tenir compte de ces changements en déterminant si le refus de l’agent des visas était valide sur le plan juridique;

 

(vii) les changements survenus dans la situation financière doivent être appréciés conformément aux modifications apportées au Règlement; ils ne pourraient pas servir à porter atteinte à ces modifications;

 

[…]

 

(xv) la section d’appel a souligné que le fait qu’un appelant puisse être devenu suffisamment solvable au stade de l’appel ne voulait pas nécessairement dire qu’il aurait gain de cause devant la section d’appel;

 

[…]

 

[22]           En conclusion, la SAI peut, du fait de son pouvoir discrétionnaire d’établir si on a réfuté les motifs d’interdiction de territoire, et s’il convient donc d’octroyer une mesure spéciale, exiger des éléments de preuve pour corroborer le revenu déclaré dans l’avis de cotisation. Il lui est permis de mettre en doute l’exactitude et la véracité de certains documents financiers soumis à l’appui des demandes de parrainage, et de leur accorder une force probante relative et proportionnelle. Je ferai remarquer, en terminant, que cette interprétation de l’étendue de la compétence de la SAI concorde avec l’objectif de l’ensemble du Règlement, qui entend veiller à ce que la subsistance des personnes parrainées au Canada soit assurée, et à ce que l’intégrité des dispositions de la LIPR sur le parrainage ne soit pas sapée par des déclarations de revenus délibérément ou accidentellement inexactes.

 

Le deuxième motif de contrôle – erreur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire

[23]           Quant à la deuxième question en litige, la demanderesse soutient que la SAI a appliqué de manière erronée le critère de la décision Jugpall pour déterminer si les considérations d’ordre humanitaire justifiaient la prise d’une mesure spéciale. La SAI déclarait ce qui suit au paragraphe 42 de cette décision :

1. La situation actuelle de l’appelant indique-t-elle que le critère de solvabilité financière prévu par le Règlement, dans sa version modifiée, est respecté au moment de l’audience? Cela comprend le fait de satisfaire au critère du seuil de faible revenu pendant les 12 mois précédant le moment de l’audience.

 

2. Si la réponse à la première question est affirmative, existe-t-il d’autres facteurs favorables qui justifient l’octroi d’une mesure spéciale? Existe-t-il des facteurs défavorables qui jouent contre l’octroi d’une mesure spéciale? Une norme moins élevée que celle exigée dans l’affaire Chirwa peut être suffisante pour justifier l’octroi d’une mesure spéciale.

 

3. Si la réponse à la première question est négative, existe-t-il néanmoins des raisons d’ordre humanitaire suffisantes pour justifier l’octroi d’une mesure spéciale, conformément au critère exposé dans l’affaire Chirwa, compte tenu du fait que l’appelant ne peut, quant au fond, satisfaire aux exigences de la Loi? Le nombre et la nature de ces facteurs varieront, selon la mesure dans laquelle l’appelant ne réussit pas à satisfaire aux exigences de la Loi.

 

[24]           La demanderesse soutient que, comme sa situation actuelle atteste que l’obstacle relatif à l’interdiction de territoire a désormais été surmonté, l’application du critère plus strict quant aux considérations d’ordre humanitaire est déraisonnable. Elle ajoute que la preuve démontre qu’elle remplit à présent l’exigence relative au RVM, et que l’obstacle relatif à l’interdiction de territoire a donc été surmonté.

 

[25]           Cette observation repose sur l’argument voulant que la SAI ait mal appliqué le paragraphe 134(1) du Règlement et qu’elle n’ait pas la compétence requise pour écarter le montant déclaré dans l’avis de cotisation de 2010, argument que j’ai rejeté plus haut. Deuxièmement, cette assertion présuppose que la demanderesse a effectivement surmonté l’obstacle relatif à l’interdiction de territoire, argument qui doit également échouer, compte tenu de la conclusion selon laquelle la SAI n’a pas commis d’erreur en réclamant des éléments de preuve pour étayer la situation financière de la demanderesse.

 

[26]           L’avocat du défendeur a proposé une question à certifier. Ayant reçu les observations qui s’y rapportent, je certifie la question suivante conformément à l’article 74 de la LIPR :

La Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié doit-elle, dans le cadre de l’audition d’un appel visant le refus d’une demande de parrainage de parents par un agent des visas, tenir pour probant le revenu déclaré dans l’avis de cotisation du demandeur, pour l’application de l’article 134 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227?

 

[27]           La question proposée découle de celles qui ont été soulevées dans la présente affaire, et non des motifs de la décision Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 RCF 129. Deuxièmement, la question a une portée générale et la réponse permettrait de régler l’appel.

 

[28]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT

[29]           LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par la présente rejetée. L’avocat a proposé une question à certifier et je certifie la question suivante conformément à l’article 74 de la LIPR :

La Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié doit-elle, dans le cadre de l’audition d’un appel visant le refus d’une demande de parrainage de parents par un agent des visas, tenir pour probant le revenu déclaré dans l’avis de cotisation du demandeur, pour l’application de l’article 134 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227?

 

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3732-11

 

INTITULÉ :                                       SUMAIYA ZAKIRHUSEN MOTALA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 DÉCEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 1er FÉVRIER 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

POUR LA DEMANDERESSE

 

Gordon Lee

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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