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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20120127

Dossier : T-236-11

Référence : 2012 CF 106

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2012

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

OLGA PLESZKEWYCZ

 

demanderesse

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant la décision datée du 11 janvier 1994, par laquelle Marc Gervais, gestionnaire du Régime d’aide aux personnes déstructurées à l’Institut Allan Memorial (le Régime d’aide) a confirmé sa décision initiale datée du 18 avril 1993, à savoir qu’il rejetait la demande de Mme Pleszkewycz (la demanderesse) en vue d’obtenir une indemnité au titre du Décret concernant les paiements à titre gracieux aux personnes déstructurées à l’Institut Allan Memorial au cours des années 1950 et 1965, C.P. 1992-2302 (le décret). Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

 

I. Le contexte du décret

[2]               Pour bien comprendre la décision dont il est question en l’espèce, il est utile d’exposer le contexte historique dans lequel le décret a été adopté.

 

[3]               Au début des années 1980, le gouvernement du Canada a commencé à se préoccuper des recherches médicales et des traitements médicaux controversés auxquels on avait soumis des patients psychiatriques à l’Institut Allan Memorial de l’Hôpital Royal Victoria de Montréal (l’IAM) au cours des années 1950 et 1960 et, plus précisément, des patients confiés aux soins d’un psychiatre, le Dr Ewen Cameron. Ces préoccupations avaient pris naissance dans le contexte d’une poursuite intentée contre le gouvernement des États-Unis par d’anciens patients de l’IAM, qui réclamaient des dommages-intérêts pour préjudice par suite des traitements psychiatriques qu’ils avaient reçus du Dr Cameron. Les plaignants alléguaient que la Central Intelligence Agency avait octroyé des fonds au Dr Cameron pour mener sur eux des expériences psychiatriques sans leur consentement. Les traitements en question comprenaient des doses massives d’électrochocs (sismothérapie ou thérapie électroconvulsive), une saturation psychique, une cure de sommeil provoquée par des médicaments, de même que l’administration de substances chimiques telles que la diéthylamide de l’acide lysergique, ou LSD, qui avaient causé des lésions graves et durables aux patients.

 

[4]               Comme il avait financé en partie les travaux de recherche ayant mené aux traitements psychiatriques administrés par le Dr Cameron, le gouvernement du Canada était inquiet de son éventuelle responsabilité. Le ministère de la Justice a mandaté un avocat, George T.H. Cooper, pour faire enquête sur l’affaire et préparer un avis juridique sur l’éventuelle responsabilité de la Couronne. Me Cooper a mené une enquête approfondie sur les travaux de recherche du Dr Cameron et sur les traitements administrés à l’époque aux patients de l’IAM. Il a rédigé un rapport qu’il a présenté au ministre de la Justice en février 1986, dans lequel figurait une description exhaustive des travaux de recherche et des traitements du Dr Cameron, de pair avec son avis quant à la responsabilité du gouvernement.

 

[5]               Me Cooper a axé son travail sur une technique précise appelée « déstructuration », car celle-ci était semblable à certains des traitements qui étaient en litige devant les tribunaux aux États-Unis; cependant, au début de son avis, il a énuméré et classé des techniques psychiatriques différentes auxquelles on avait eu recours à l’IAM dans les années 1940, 1950 et 1960 :

[traduction]

 

Pour les besoins du présent rapport, il est possible de diviser en deux catégories les traitements psychiatriques que l’on a administrés à divers moments à l’Institut Allan au cours des années 1940, 1950 et 1960 :

1)         ceux utilisés ailleurs au Canada et dans le monde; ces traitements comprenaient une TEC (thérapie électroconvulsive, parfois appelée : traitements par électrochocs), des traitements-chocs par coma insulinique, une cure de sommeil et l’administration de médicaments (dont la diéthylamide de l’acide lysergique, ou LSD);

2)         ceux utilisés à l’Institut Allan et à quelques centres dans d’autres pays (mais non ailleurs au Canada); ces traitements comprenaient une déstructuration, une saturation psychique et une privation sensorielle.

 

(Page 13 du rapport)

 

[6]               Me Cooper a bien résumé les idées du Dr Cameron qui avaient inspiré ses travaux de recherche et l’administration aux patients de traitements de déstructuration. Voici ce qu’il a mentionné, aux pages 14 et 15 de son rapport :

[traduction]

 

Le Dr Cameron était d’avis que la maladie mentale était attribuable au fait que le patient avait appris au fil des ans des façons [traduction] « incorrectes » de réagir au monde qui l’entourait.

Les [traduction] « voies de transmission cérébrales » étaient donc le fruit de la répétition d’une série de [traduction] « réactions apprises » qui, socialement, n’étaient pas acceptables et amenaient le patient à être catégorisé comme mentalement atteint.

Des psychiatres avaient constaté de nombreuses années durant que les personnes victimes de convulsions du cerveau ne devenaient pas mentalement malades. C’était le cas, par exemple, des personnes souffrant de convulsions épileptiformes ou de coma insulinique. Certains avaient émis l’hypothèse que ces convulsions naturelles éclaircissaient d’une certaine façon les [traduction] « voies de transmission cérébrales », et faisaient donc disparaître ces schémas de pensée [traduction] « incorrects ». Il a été déduit de ces observations que, s’il était possible de provoquer artificiellement des convulsions chez les personnes atteintes d’une maladie mentale, cela romprait les [traduction] « voies de transmission cérébrales » et guérirait la maladie. Telle était l’idée de base qui sous-tendait la TEC, les traitements-chocs par coma insulinique et d’autres traitements conçus pour provoquer des convulsions.

Le Dr Cameron s’est emparé de cette idée et l’a poussée nettement plus loin que les psychiatres faisant partie du courant ordinaire de la profession en Europe et en Amérique du Nord. Sa solution était de rompre les voies de transmission cérébrales, grâce à l’application hautement perturbatrice de doses massives d’électrochocs, maintes fois supérieures aux doses administrées dans le cadre d’une TEC ordinaire – deux fois par jour, par opposition à trois fois par semaine, par exemple – jusqu’à ce que le cerveau du patient soit [traduction] « déstructuré », c.-à-d. (dans le cas des patients psychotiques) jusqu’à ce que tous les symptômes schizophréniques aient disparu, de même que d’autres aspects de la mémoire. L’idée consistait à [traduction] « restructurer » par la suite le cerveau en tentant d’instiller dans l’esprit du patient des façons de penser nouvelles et [traduction] « correctes ».

 

[7]               Le Dr Cameron s’est servi de techniques de déstructuration auprès de patients psychotiques et psychonévrotiques. Cela consistait à déstructurer leur cerveau pour ensuite le restructurer. Me Cooper a décrit comme suit les étapes que comprenaient la déstructuration et une cure de sommeil prolongée :

[traduction]

 

Pour la déstructuration, le patient était soumis à des doses massives d’électrochocs – jusqu’à vingt ou trente fois plus intenses que dans le cadre de la thérapie électroconvulsive (TEC) [traduction] « ordinaire ». À la fin d’une période de traitement pouvant atteindre 30 jours – jusqu’à 60 traitements au rythme de deux par jour – l’état mental du patient était devenu plus ou moins semblable à celui d’un enfant et indifférent.

En prévision du traitement, le patient était plongé dans un état de sommeil prolongé pendant une dizaine de jours, en recourant à divers médicaments. C’était à ce moment que débutaient les doses massives d’électrochocs, et le patient était maintenu pendant tout ce temps dans un sommeil ininterrompu. Entre le trentième et le soixantième jour de sommeil, et après 30 à 60 séances d’électrochocs, la déstructuration était complète. La déstructuration était ensuite maintenue pendant une autre semaine environ, et les séances d’électrochocs étaient réduites à trois par semaine.

Graduellement, les séances de traitement étaient réduites à une par semaine. Suivait ensuite une période de réorganisation, dans laquelle le patient remontait du « troisième stade », franchissait le « deuxième stade » et atteignait le « premier stade » de la déstructuration. […] (Pages 17 et 18 du rapport de Me Cooper).

[Non souligné dans l’original.]

 

[8]               Selon Me Cooper, c’est en 1955 que le Dr Cameron a parachevé la technique complète de déstructuration.

 

[9]               Me Cooper a conclu qu’il était aujourd’hui évident que les techniques de déstructuration du Dr Cameron n’étaient pas [traduction] « fondées sur de solides principes scientifiques ou médicaux » (page 26 du rapport). Il a toutefois ajouté que les travaux de recherche et les traitements du Dr Cameron, y compris la technique de déstructuration, étaient tout de même acceptables dans le contexte des normes médicales de l’époque. Pour ce qui était de la responsabilité de la Couronne, Me Cooper a tiré la conclusion suivante :

[traduction]

 

À mon avis, compte tenu du climat de l’époque, ainsi que des pratiques qui avaient cours en matière de recherche et d’expérimentation médicales, de déontologie et de consentement, on ne peut s’attendre à ce que le gouvernement du Canada soit responsable de ce qui s’est passé à l’IAM, même en présumant (contrairement à ma propre conclusion sur ce point) que le Dr Cameron a franchi la ligne de ce qui était acceptable dans le domaine de la recherche médicale. […] (Page 126 du rapport).

 

[10]           En dépit de cette opinion selon laquelle le gouvernement fédéral n’était pas responsable, ni juridiquement ni moralement, des patients que le Dr Cameron avait traités, Me Cooper a traité de la possibilité d’accorder à ces derniers des paiements à titre gracieux et il a examiné en détail les questions pertinentes; il n’a toutefois pas recommandé de manière positive que de tels paiements soient faits. Le gouvernement du Canada a néanmoins décidé d’autoriser par décret le ministre de la Justice à effectuer, à certaines conditions, un paiement à titre gracieux de 100 000 $ à toute personne « déstructurée ».

 

[11]           Le gouvernement a adopté le Régime d’aide en vue d’administrer le processus d’indemnisation prévu dans le décret. Selon le guide d’information sur ce Régime, l’objet de ce dernier était le suivant :

[traduction]

 
RENSEIGNEMENTS DE BASE

Le Régime d’aide aux personnes déstructurées à l’Institut Allan Memorial (Régime d’aide) que le gouvernement du Canada a établi accorde la somme de 100 000 $ pour aider des personnes résidant au Canada, à titre de mesure de compassion envers un groupe de victimes d’une infortune de nature médicale. Ces personnes sont les anciens patients du Dr Ewen Cameron qui, entre les années 1950 et 1965, ont été traités au moyen de techniques de déstructuration psychiatrique financées par le gouvernement du Canada.

 

[12]           Le décret comporte une définition des expressions « personne déstructurée » et « traitement de déstructuration » qui correspond essentiellement, quoique sous forme abrégée, aux définitions et aux explications que l’on trouve dans le rapport de Me Cooper. Ces définitions sont les suivantes :

« personne déstructurée » Personne, patiente du Dr Ewen Cameron, qui a subi des traitements complets ou considérables de déstructuration à l’Institut Allan Memorial à Montréal entre 1950 et 1965.

« traitement de déstructuration » Sommeil prolongé suivi d’une sismothérapie intensive, rendant l’état mental du patient semblable à celui d’un enfant.

 

[13]           Le guide d’information sur le Régime d’aide contient des renseignements sur la procédure de demande ainsi que sur le processus décisionnel administratif. Il y est indiqué que les demandes seront étudiées par un médecin examinateur dont la recommandation sera ensuite analysée par un comité d’examen du ministère de la Justice (le Comité d’examen), qui rendra la décision définitive.

 

II. Les antécédents de la demanderesse et la décision faisant l’objet du présent contrôle

[14]           La demanderesse a été admise à l’IAM le 3 juillet 1958 et elle a obtenu son congé le 26 août suivant. Elle a été soignée par le Dr Cameron et son équipe pour une [traduction] « psychose post-partum, de type schizophrène » (rapport du Dr Cameron, à la page 79 du dossier de la demanderesse). Lors de son séjour à l’IAM, la demanderesse a subi une thérapie électroconvulsive intensive; elle a reçu 25 électrochocs (TEC), dont 13 du type Page‑Russell (six fois plus intense qu’une TEC ordinaire). On lui a également administré du sodium amytal et du lagactil. Après son congé, la demanderesse a été suivie par le Dr Cameron à titre de patiente externe jusqu’en 1960.

 

[15]           Le 6 décembre 1992, la demanderesse a présenté une demande d’indemnité au titre du décret. Un médecin examinateur de la Croix-Bleue a étudié la demande de la demanderesse, ainsi que son dossier hospitalier, qui avait été établi à l’IAM. Ce médecin a recommandé que l’on rejette la demande au motif que rien n’indiquait que la demanderesse avait été soumise à une cure de sommeil ou à un traitement de déstructuration. Cette recommandation indiquait ce qui suit :

[traduction]

 

L’auteure de la demande a été traitée à une seule occasion à l’Institut Allan Memorial. Elle a été soumise à 24 TEC lors de son séjour, mais il n’y a aucune indication de cure de sommeil ou de déstructuration.

Au vu des dossiers médicaux fournis, je ne puis recommander l’acceptation de cette demande d’aide.

 

[16]           Il y a, dans le dossier, une note écrite par les membres du Comité d’examen qui ont reçu la recommandation du médecin examinateur. Cette note indique, en guise d’évaluation finale : [traduction] « Bon exemple de différence entre une thérapie électroconvulsive intensive et une déstructuration ».

 

[17]           Marc Gervais, membre du Comité d’examen et gestionnaire du Régime d’aide, a rejeté la demande de la demanderesse dans une décision datée du 25 juin 1993, dont le texte est le suivant :

[traduction]

Nous avons reçu la demande que vous avez présentée dans le cadre du Régime d’aide aux personnes déstructurées à l’Institut Allan Memorial et votre admissibilité à l’octroi d’une aide ne peut pas être approuvée.

Le décret qui établit le pouvoir d’indemniser des personnes en vertu des dispositions du Régime d’aide définit la déstructuration comme suit :

« Sommeil prolongé suivi d’une sismothérapie intensive, rendant l’état mental du patient semblable à celui d’un enfant ».

Pour pouvoir obtenir un paiement à titre gracieux de 100 000 $, il faut donc qu’une personne ait subi le traitement de déstructuration défini ci-dessus.

La preuve médicale que vous avez fournie n’indique pas que vous avez été soumise à la déstructuration définie dans le décret ou que les traitements que vous avez reçus lors de votre séjour à l’Institut Allan Memorial ont rendu votre état mental semblable à celui d’un enfant.

Se fondant sur les dossiers médicaux accompagnant votre demande, la Croix-Bleue a recommandé que la demande soit rejetée, et le Comité d’examen du ministère de la Justice a pris cette recommandation en considération et l’a acceptée.

 

[18]           La demanderesse a demandé que l’on réexamine cette décision, mais, le 11 janvier 1994, Marc Gervais lui a envoyé une lettre l’informant que la décision restait la même.

 

[19]           La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée en septembre 2010, longtemps après le délai de 30 jours que prévoient l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, et l’article 359 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. La demanderesse a engagé la présente instance après avoir été informée que la Cour avait rendu deux jugements en rapport avec des décisions par lesquelles le Comité d’examen avait refusé d’accorder une indemnité au titre du décret à d’anciens patients du Dr Cameron. En juin 2004, le juge Beaudry, dans la décision Kastner c Canada (Procureur général), 2004 CF 773, 254 FTR 97 (Kastner), a infirmé la décision du Comité d’examen de refuser d’indemniser Gail Kastner au titre du décret; Mme Kastner avait été soignée par le Dr Cameron à l’IAM en 1953. En février 2007, le juge Martineau a accordé une prorogation de délai en vue de pouvoir signifier et déposer une demande de contrôle judiciaire visant une décision que le Comité d’examen avait rendue dans une affaire mettant en cause Janine Huard, une autre patiente du Dr Cameron à laquelle on avait refusé d’accorder une indemnité au titre du décret (Huard c Canada (Procureur général), 2007 CF 195, 328 FTR 1).

 

[20]           C’est après avoir été informée de ces deux affaires que la demanderesse a engagé la présente instance. Le 26 août 2010, elle a signifié et déposé une requête en prorogation de délai en vue de pouvoir signifier et déposer un avis de demande. La requête a été accueillie sur consentement le 16 décembre 2010.

 

La question en litige

[21]           La question qui est en litige en l’espèce consiste à savoir si la décision de refuser d’accorder à la demanderesse une indemnité au titre du décret est raisonnable.

 

III. La norme de contrôle applicable

[22]           Il ne ressort pas clairement des observations de la demanderesse si la Cour est invitée à contrôler la décision du Comité d’examen selon la norme de la décision correcte ou selon la norme de la raisonnabilité. La demanderesse soutient qu’on ne doit avoir aucune retenue à l’égard de cette décision, car le décret ne contient pas de disposition d’inattaquabilité, d’importants droits de la personne sont en jeu et le Comité d’examen n’a pas d’expertise spéciale en psychiatrie. Elle admet toutefois que sa cause soulevait une question mixte de faits et de droit et que le Comité d’examen jouissait d’un certain pouvoir discrétionnaire. Ces deux éléments militent en faveur de la retenue. La demanderesse soutient que, en tout état de cause, la décision du Comité d’examen ne peut pas être maintenue selon l’une ou l’autre norme de contrôle, car ce dernier a commis une erreur en ayant examiné la mauvaise question.

 

[23]           Le défendeur est d’avis qu’il convient de contrôler la décision selon la norme de la raisonnabilité et il cite la décision Kastner, dans laquelle le juge Beaudry a conclu que la norme applicable était la décision raisonnable simpliciter.

 

[24]           Je suis d’accord avec le défendeur. Dans l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, 337 DLR (4th) 385, aux paragraphes 16 et 17, la Cour suprême a réitéré le processus qui s’applique dans l’analyse relative à la norme de contrôle :

16        Dans Dunsmuir, la Cour consacre la démarche en deux étapes qui permet d’arrêter la norme de contrôle applicable : l’analyse relative à la norme de contrôle. Premièrement, la cour saisie « vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle » (par. 62). L’analyse doit demeurer axée sur la nature de la question soumise au tribunal administratif en cause (Khosa, par. 4, le juge Binnie). Les facteurs dont il doit être tenu compte pour déterminer si, dans un cas donné, la déférence s’impose à l’endroit du tribunal administratif sont les suivants : l’existence d’une disposition d’inattaquabilité (ou « clause privative » dans le vocabulaire juridique traditionnel), l’existence d’un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale et la nature de la question de droit (Dunsmuir, par. 55). La Cour reconnaît que la déférence est généralement de mise lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie. La déférence peut également s’imposer lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil dans son domaine spécialisé (Dunsmuir, par. 54; Khosa, par. 25).

17        Dans l’arrêt Dunsmuir, notre Cour nuance la jurisprudence antérieure sur les dispositions d’inattaquabilité en reconnaissant que celles‑ci, qui ont longtemps permis de soustraire les décisions administratives au contrôle judiciaire, peuvent donner lieu à l’application d’une norme déférente. Mais leur présence ou leur absence ne sont plus déterminantes quant à savoir si la déférence s’impose ou non à l’endroit du tribunal administratif (par. 52). Dans l’arrêt Khosa, les juges majoritaires de notre Cour confirment qu’indépendamment de l’existence d’une disposition d’inattaquabilité, une certaine déférence s’impose à l’égard du tribunal administratif dans une affaire ayant trait au rôle, à la fonction et à l’expertise propres à ce décideur (par. 25‑26).

 

[25]           Je souscris, dans l’ensemble, aux principes énoncés dans Kastner. Je suis également d’avis qu’une analyse relative à la norme de contrôle applicable se solderait par l’adoption de la norme de la raisonnabilité. La décision du Comité d’examen comportait une question mixte de faits et de droit : il avait à interpréter le décret et à l’appliquer à la lumière des éléments de preuve présentés dans chaque cas. Le Comité d’examen a été créé expressément pour étudier les demandes présentées au titre du décret; c’était là son seul mandat. Il n’était pas formé de médecins ou d’experts en psychiatrie, mais il se composait de juristes qui étaient bien au fait du décret et qui avaient l’avantage de disposer des recommandations d’un médecin examinateur qui avait étudié le dossier avant que le Comité effectue son propre examen. Compte tenu du contexte et de l’objet du décret, l’absence d’une disposition d’inattaquabilité n’est pas déterminante. La décision du Comité d’examen sera donc contrôlée selon la norme de la raisonnabilité.

 

[26]           Cette norme a été décrite en ces termes dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 :

47        La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[27]           Récemment, dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 à 16 (disponible dans CanLII) (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union), la Cour suprême a fait des commentaires sur le degré de déférence dont il convient de faire preuve envers les décideurs dans les cas où c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique, et elle a insisté sur la nécessité d’apprécier le caractère raisonnable du résultat et la possibilité que la cour de révision examine le dossier à cette fin :

14        […] les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles. Il me semble que c’est ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir en invitant les cours de révision à se demander si « la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité » (par. 47).

15        La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [de l’organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.

16        Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, à la p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

IV. Analyse

[28]           La demanderesse fonde son observation selon laquelle le Comité d’examen a commis une erreur dans sa décision sur les affirmations factuelles qui suivent : pendant que le Dr Cameron la soignait à l’IAM en 1958, elle a été soumise à des traitements expérimentaux qui comprenaient des TEC, et on lui a administré des médicaments expérimentaux qui provoquaient le sommeil; après les traitements, elle a subi de graves pertes de mémoire et n’a pu prendre soin d’elle-même et de son enfant; les traitements qu’elle a reçus ont réduit son esprit à celui d’un enfant. En somme, la demanderesse soutient qu’il ressort de la preuve qu’elle a été soumise aux rudiments de la déstructuration et que, de ce fait, elle a droit à une indemnité au titre du décret. Au paragraphe 24 de son mémoire des faits et du droit, elle déclare ce qui suit à l’appui de sa prétention :

[traduction]

 

24.       La demanderesse a demandé une indemnité, car elle avait été soignée par le Dr Cameron entre 1950 et 1965 et elle, à l’instar de Gail Kastner, Janine Huard et Morris Gutherz, avait été soumise aux rudiments des traitements de déstructuration, et elle avait été considérablement, sinon totalement, déstructurée par ces traitements, qui l’avaient ramenée à l’état mental d’un enfant, ainsi qu’il ressort de son dossier médical à l’Hôpital Royal Victoria;

 

[29]           La demanderesse soutient que le Comité d’examen a mal interprété et mal appliqué le décret en ce sens qu’il s’est demandé si elle avait subi le traitement de déstructuration complet; il aurait dû examiner si elle avait reçu un traitement de déstructuration complet, ou considérable. Le Comité d’examen ne s’est donc pas conformé à l’objet du décret et il a, de ce fait, omis de tenir compte d’aspects pertinents. De plus, en traitant de la mauvaise question, le Comité d’examen a restreint son pouvoir discrétionnaire.

 

[30]           La demanderesse soutient que cette mauvaise interprétation du décret ressort dans ce qu’elle appelle la [traduction] « cause type » concernant Mme Kastner. Dans la décision Kastner, le juge Beaudry a conclu que le Comité d’examen, dans son analyse, s’était borné à apprécier si Mme Kastner, que le Dr Cameron avait soignée en 1953, avait été soumise aux traitements de déstructuration complets qui étaient disponibles après 1955, au lieu de se demander si Mme Kastner avait reçu un traitement de déstructuration « considérable », comme le décret le prévoyait. Le juge Beaudry a conclu que « [l]e fait de s’être posé la mauvaise question et de ne pas avoir, par conséquent, tenu compte d’un aspect très pertinent, le mot “considérable”, indique que la décision est déraisonnable » (Kastner, précitée, au paragraphe 37).

 

[31]           La demanderesse se fonde dans une large mesure sur la décision Kastner et, compte tenu de la définition d’une « personne déstructurée » que donne le décret, elle soutient que, dans son cas, le Comité d’examen a commis la même erreur : il s’est tout simplement demandé si elle avait reçu les traitements de déstructuration complets, et n’a pas tenté de vérifier si elle avait reçu des traitements de déstructuration considérables. En omettant de fonder sa décision sur cet aspect pertinent, le Comité d’examen a commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et il a rendu une décision déraisonnable. La demanderesse soutient de plus que les traitements qu’elle a reçus, et l’effet que ceux-ci ont eu sur son état, sont semblables à ceux que Mme Kastner a subis. C’est donc dire que, si le Comité d’examen avait examiné la bonne question, il aurait conclu qu’elle avait droit à l’indemnité. Subsidiairement, la demanderesse soutient que, au vu de son dossier médical, il faudrait soumettre de nouveau sa demande au Comité d’examen pour qu’il la réexamine sous l’angle approprié.

 

[32]           Le défendeur, en revanche, soutient que la décision du Comité d’examen est raisonnable et qu’il ressort clairement du dossier médical de la demanderesse que celle-ci n’était pas une « personne déstructurée » au sens du décret, car elle n’a pas été soumise entièrement ou partiellement à des traitements de déstructuration.

 

[33]           Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la décision du Comité d’examen est raisonnable et je conviens avec le défendeur que la preuve ne peut étayer la conclusion selon laquelle la demanderesse est une « personne déstructurée » au sens du décret.

 

[34]           Comme il a été mentionné plus tôt, la demanderesse se fonde dans une large mesure sur la décision Kastner. Avec égards, j’estime qu’il y a des différences marquées entre les faits et les éléments de preuve dont il était question dans l’affaire Kastner et ceux dont il est question en l’espèce, et il convient de situer le jugement du juge Beaudry dans le contexte de la situation particulière de Mme Kastner.

 

[35]           Tout d’abord, il est important de garder à l’esprit que Mme Kastner avait été traitée à l’IAM en 1953 – avant 1955, quand le Dr Cameron avait parachevé le traitement de déstructuration – et la preuve d’expert qu’elle avait produite indiquait clairement qu’elle avait subi des traitements qui constituaient les rudiments de la technique de déstructuration. Tel est le contexte qui a amené le juge Beaudry à souligner que, même si la technique de déstructuration est devenue tout à fait au point en 1955, le décret prévoyait l’octroi d’une indemnité aux personnes qui avaient reçu des traitements à compter de 1950 et aux personnes qui avaient subi des traitements de déstructuration considérables. Le juge Beaudry a conclu que les décideurs avaient commis une erreur, car ils avaient simplement déterminé si la demanderesse avait reçu des traitements de déstructuration complets, plutôt que des traitements de déstructuration complets ou considérables.

 

[36]           Les extraits qui suivent expliquent le raisonnement du juge Beaudry :

4          C’est en 1955 que le processus complet de déstructuration a été mis au point et il a fait ensuite l’objet d’une publication. Cependant, la thérapie utilisée avant 1955 comportait la plupart de ces caractéristiques de déstructuration, en particulier le sommeil artificiel et les électrochocs.

[…]

37        Je reconnais, avec la demanderesse, que les décideurs semblent bien s’être demandé « si Mme Kastner avait reçu le traitement complet utilisé après 1955 » et ne se sont pas posé la bonne question, c’est-à-dire celle de savoir « si elle avait subi un traitement considérable de déstructuration entre 1950 et 1965 ». Le fait de s’être posé la mauvaise question et de ne pas avoir, par conséquent, tenu compte d’un aspect très pertinent, le mot « considérables », indique que la décision est déraisonnable.

[…]

39        Il est important de comprendre que les traitements qu’a reçus Mme Kastner en 1953 (sismothérapie intensive accompagnée d’une cure de sommeil) constituaient les bases des traitements de déstructuration. Les véritables « traitements de déstructuration » (sommeil prolongé et sismothérapie massive) n’ont débuté qu’en 1955, comme cela est confirmé à la page 25 du rapport où les auteurs écrivent [traduction] « c’est en 1955 que Cameron lui-même a décidé, pour reprendre ses propres termes, “d’exploiter les possibilités qu’offrait cette méthode [la déstructuration]” ». Il n’empêche que l’ordonnance prévoit expressément l’indemnisation des traitements complets ou considérables de déstructuration administrés entre 1950 et 1965. Étant donné que la méthode complète de déstructuration n’a pas été mise au point avant 1955, le législateur n’aurait pas utilisé l’année 1950 comme point de départ s’il avait souhaité en faire un critère. Le législateur a également clairement indiqué qu’il entendait accorder une certaine souplesse dans l’analyse des traitements reçus par les patients du Dr Cameron en utilisant l’expression « traitements... considérables de déstructuration ». On ne retrouve pas cette souplesse dans la décision qu’a prise Marc Gervais, confirmée par Ken Duford, en particulier dans le passage [traduction] « les preuves n’indiquent pas que vous ayez fait l’objet d’une cure de sommeil ou de déstructuration ».

40        Il convenait de se demander si la demanderesse avait subi des traitements considérables de déstructuration, ce qui n’a pas été fait. […]

[Souligné dans l’original.]

 

[37]           Il est important aussi de garder à l’esprit que le juge Beaudry s’est dit convaincu que la preuve montrait que Mme Kastner avait été soumise à des traitements de déstructuration considérables et qu’elle avait donc droit à une indemnité au titre du décret. Cette constatation, qui était déterminante, ressort dans la conclusion du jugement du juge Beaudry, où il dit que la demanderesse avait droit au paiement à titre gracieux de 100 000 $.

 

[38]           Cette constatation est étayée par une preuve convaincante. À l’appui de sa demande d’indemnité, Mme Kastner avait présenté l’avis médical de deux psychiatres experts, de pair avec son dossier médical et l’avis du psychiatre qui la suivait à l’époque et qui l’avait orientée vers le Dr Cameron. Dans sa demande de réexamen, elle avait également fourni des affidavits de sa sœur et de l’époux de cette dernière, qui attestaient de son état, tant durant les traitements que par la suite.

 

[39]           Le juge Beaudry a apprécié la preuve médicale en la scindant par rapport aux trois conditions énoncées dans la définition de la déstructuration. Pour ce qui était des deux premières - le sommeil prolongé et la sismothérapie intensive - le juge Beaudry a résumé ainsi la preuve médicale :

42        Durant les deux mois et demi qu’elle a passé à l’IAM, Mme Kastner a subi, d’après son dossier médical, 43 traitements d’électrochocs, dont quatre étaient des traitements Page-Russell. Un électrochoc Page-Russell est six fois plus intense qu’un électrochoc normal, ce qui veut dire qu’elle a reçu en fait un total de 63 électrochocs. On a également provoqué chez elle plusieurs comas insuliniques et utilisé différents médicaments pour provoquer son sommeil.

43        Le Dr Hoffman estime, tout comme le Dr Pierre-Louis, que Mme Kastner a subi des traitements d’électrochocs et une sismothérapie intensive et massive, combinés à l’administration de barbituriques, de façon à provoquer le sommeil (lettres datées respectivement du 29 septembre et du 5 octobre 1993). Le Dr Hoffman a également considéré qu’il existait un lien direct entre l’administration d’électrochocs et les barbituriques, ce qui démontre que Mme Kastner a subi les éléments de base des traitements de déstructuration. Il est bon de reproduire certains passages de cet avis médical :

[traduction] Je tiens à porter à la connaissance du comité d’examen les opinions suivantes qui concernent son état de santé :

[…]

2)         Elle a souffert d’une maladie iatrogène découlant d’un recours intensif (et inapproprié) aux électrochocs, aux médicaments et à des cures de sommeil. Ces traitements ont entraîné un délire iatrogène et un comportement régressif infantile.

3)         Les traitements aux électrochocs ont été très nombreux et beaucoup trop intenses.

4)         L’administration d’électrochocs a été combinée à une cure de sommeil la nuit précédente. Des barbituriques ont été utilisés à cette fin.

5)         Les éléments précédents indiquent qu’il existe un lien manifeste entre les cures de sommeil et le recours à une sismothérapie intensive, ce qui constitue les éléments de base d’une déstructuration. [...]

44        Pour ce qui est du Dr Stern, le seul autre expert dont le témoignage a été soumis au décideur, il conclut que Mme Kastner a effectivement subi un traitement de déstructuration dans une lettre datée du 17 mars 1994 :

[traduction] À sa sortie de l’hôpital, elle montrait les symptômes habituels de la déstructuration, à savoir une grave perte de mémoire qui persiste à ce jour. Elle était incapable de reconnaître les membres de sa famille, pas même sa sœur jumelle qui s’occupait d’elle et avec laquelle elle vivait étant donné qu’elle avait régressé au niveau d’un enfant. [...]

Elle était également dépendante des drogues. Pendant des années, la patiente a souffert de convulsions et de comas […].

45        Pour résumer, les preuves indiquent clairement que Mme Kastner a reçu des doses massives d’insuline et de barbituriques destinées à provoquer son sommeil, suivies d’une sismothérapie intensive, comprenant des électrochocs Page-Russell (un électrochoc Page-Russell étant l’équivalent de six électrochocs). Comme cela a été mentionné ci-dessus, il n’était pas nécessaire d’établir qu’on avait provoqué un sommeil prolongé, qui est un des éléments du traitement de déstructuration qui a commencé en 1955, mais simplement que le sommeil avait été provoqué, à titre d’élément de base de la méthode de déstructuration. Il est également important de rappeler que, selon le décret, il suffit d’avoir subi un traitement considérable de déstructuration pour qu’il y ait eu traitement de déstructuration.

[Souligné dans l’original.]

 

[40]           Le juge Beaudry s’est également dit convaincu que Mme Kastner satisfaisait à la troisième condition, c’est-à-dire que le traitement avait eu pour résultat de rendre son état mental semblable à celui d’un enfant. L’extrait qui précède, tiré d’une lettre du Dr Stern, illustre bien l’état de Mme Kastner. Le dossier médical de la demanderesse, l’avis des experts médicaux et les affidavits de la sœur jumelle de la demanderesse et de l’époux de cette sœur corroboraient aussi cet état. Le juge Beaudry a résumé en ces termes la preuve connexe :

47        Le décret exige non seulement que le patient démontre qu’il a subi des traitements considérables de déstructuration mais il exige aussi que l’état mental du patient soit devenu semblable à celui d’un enfant en raison du traitement. Le dossier médical de Mme Kastner et les affidavits déposés par Zelda et Herbert Hoffman montrent qu’elle a régressé à un stade infantile.

48        Le dossier médical de Mme Kastner contient des notes médicales indiquant qu’elle se trouvait dans un état mental semblable à celui d’un enfant : […]

49        Pendant les visites qu’elle a faites à l’hôpital et par la suite, la sœur jumelle de la demanderesse, Zelda Hoffman, et son mari, Herbert Hoffman, ont remarqué qu’elle régressait dans un état infantile, dans la mesure où elle parlait comme un enfant, souffrait d’incontinence urinaire, qu’elle suçait son pouce et exigeait d’être nourrie au biberon, comme l’indiquent les passages suivants de l’affidavit de Mme Hoffman :

8. Lorsque j’allais voir ma sœur à l’Institut Allan Memorial, je constatais qu’elle avait un comportement infantile, elle parlait comme un enfant et suçait son pouce;

9. Après le 23 avril 1953, lorsqu’elle a terminé son séjour à l’Institut Allan Memorial, je l’ai souvent trouvé en train d’uriner sur le plancher du salon;

10. Le comportement infantile décrit ci-dessus s’est poursuivi de façon intermittente pendant des années, en particulier le parler enfantin et la succion digitale;

11. En outre, ma sœur ne se souvient pas de son enfance ou de son passé et elle n’a encore aujourd’hui que des souvenirs très vagues et imprécis de ces périodes.

 

[41]           En l’espèce, la demanderesse demande à la Cour de suivre les conclusions du juge Beaudry. Comme ce dernier a conclu que le Comité d’examen avait appliqué le mauvais facteur dans le cas de Mme Kastner, il a forcément fait la même chose dans le cas présent.

 

[42]           Je ne suis pas d’accord avec cette thèse. Le Comité d’examen appréciait chaque demande au cas par cas, en tenant compte des éléments de preuve se trouvant dans le dossier; on ne peut pas contester ses décisions de manière indistincte.

 

[43]           Comme l’a judicieusement déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, au paragraphe 15, il convient d’« examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat ».

 

[44]           Les circonstances de l’espèce sont tout à fait différentes de celles dont il était question dans Kastner. Premièrement, la demanderesse a été traitée par le Dr Cameron en 1958, après que ce dernier eut parachevé la technique de déstructuration. Le contexte n’oblige donc pas à apprécier si la demanderesse a été exposée aux rudiments de ce qui est devenu plus tard la déstructuration, comme dans Kastner. Toutefois, cela ne veut pas dire que la demanderesse n’aurait pas eu droit à une indemnité si elle avait montré qu’elle avait été soumise à des traitements de déstructuration considérables.

 

[45]           La décision du Comité d’examen est la suivante :

[traduction]

 

La preuve médicale que vous avez fournie n’indique pas que vous avez été soumise à la forme de déstructuration définie dans le décret ou que les traitements que vous avez reçus pendant votre séjour à l’Institut Allan Memorial ont rendu votre état mental semblable à celui d’un enfant.

 

[46]           Cette décision était appuyée par le médecin examinateur, qui avait noté ce qui suit dans sa recommandation : [traduction] « il n’y a aucune indication de cure de sommeil ou de déstructuration ».

 

[47]           Je reconnais que le Comité d’examen n’a pas précisé dans sa décision s’il s’était demandé si la demanderesse avait été soumise à un traitement de déstructuration complet ou considérable. Cependant, dans sa note, il indique que la situation de la demanderesse illustre bien la différence qu’il y a entre une thérapie électroconvulsive intensive et la déstructuration, et le médecin examinateur a signalé qu’il n’y avait aucune indication de déstructuration. Compte tenu du dossier médical de la demanderesse, ainsi que de ces notes, il n’était pas nécessaire, selon moi, que le Comité d’examen donne des motifs plus étoffés. S’il n’y avait aucune indication de déstructuration, il n’était pas nécessaire de préciser que la demanderesse n’avait pas été soumise à des traitements de déstructuration, fussent-ils complets ou considérables.

 

[48]           Par ailleurs, même si l’on présume que la décision du Comité d’examen n’indique pas clairement si ce dernier s’est juste demandé si la demanderesse avait été soumise à un traitement de déstructuration complet ou s’il a aussi examiné la question de savoir si elle avait été soumise à un traitement de déstructuration considérable, je suis d’avis que cela importe peu, et ce, pour deux raisons.

 

[49]           Premièrement, la preuve que la demanderesse a produite ne pouvait pas, et je dis ceci avec égards, étayer la conclusion qu’elle avait été soumise à un traitement de déstructuration complet, voire considérable. Il ne ressort pas de la preuve que la demanderesse était une « personne déstructurée » au sens du décret. Deuxièmement, la décision du Comité d’examen indique très clairement qu’il ne ressortait pas de la preuve que les traitements avaient réduit l’esprit de la demanderesse à un état semblable à celui d’un enfant. Pour être reconnue comme « déstructurée », une personne doit montrer qu’elle a été soumise complètement ou, du moins, considérablement aux trois éléments de la déstructuration, au sens du décret. La troisième condition exige que le traitement (qu’il soit complet ou considérable) ait réduit l’état mental du patient à un état semblable à celui d’un enfant. Au paragraphe 47 de Kastner, le juge Beaudry a lui aussi reconnu cette condition impérative. La conclusion du Comité d’examen à cet égard était sans équivoque et, comme nous le verrons, tout à fait raisonnable au vu de la preuve. Cette conclusion a porté un coup fatal à l’admissibilité de la demanderesse. C’est donc dire que le résultat auquel est arrivé le Comité d’examen était raisonnable, compte tenu de la preuve soumise.

 

[50]           Je vais maintenant traiter des éléments de preuve produits par la demanderesse en vue de justifier les conclusions que j’ai formulées plus tôt. Contrairement à Mme Kastner, la demanderesse n’a pas produit de preuve d’expert à l’appui de son allégation selon laquelle on l’avait soumise à des traitements de déstructuration complets ou considérables. La preuve médicale qu’elle a produite consistait simplement en son dossier médical. Celui-ci indique bien qu’elle a été soumise à une thérapie électroconvulsive intensive lors de son séjour à l’IAM, mais cette thérapie n’était pas exclusive à la déstructuration, fût-elle complète ou considérable, comme l’indique Me Cooper dans son rapport. En fait, la note que le Comité a écrite fait état d’un [traduction] « [b]on exemple de différence entre une thérapie électroconvulsive intensive et une déstructuration ». On ne peut pas déduire de manière concluante de séances intensives de TEC qu’un patient a reçu un traitement de déstructuration complet ou considérable. Dans le décret, la définition du traitement de déstructuration est assortie de trois conditions cumulatives : 1) un sommeil prolongé, 2) suivi d’une sismothérapie intensive, 3) rendant l’état mental du patient semblable à celui d’un enfant. En l’espèce, deux de ces conditions ne sont pas remplies : il n’y a aucune preuve de sommeil prolongé, ni même de sommeil provoqué, avant les TEC, et il n’y a aucune preuve, contrairement au dossier de Mme Kastner, que les TEC que la demanderesse a reçues ont rendu son état mental semblable à celui d’un enfant.

 

[51]           Pour ce qui est de la première des trois conditions, il y a une preuve que l’on a administré à la demanderesse du sodium amytal et du lagactil, mais rien n’indique que la dose qu’elle a reçue a provoqué un sommeil, que les médicaments ont été administrés juste avant les TEC, ni qu’il y a un lien entre l’administration des médicaments, le sommeil provoqué et les TEC.

 

[52]           Mais l’élément le plus convaincant est l’absence de preuve que les TEC ont réduit l’état mental de la demanderesse à un état semblable à celui d’un enfant. Rien ne prouve que la demanderesse se comportait, jusqu’à un certain point, comme un enfant. La preuve montre toutefois qu’elle manifestait ce comportement quand elle a été admise à l’IAM et que ce comportement était lié à son état, et non au traitement qu’elle a reçu à l’IAM. La note d’admission contient les commentaires suivants :

[traduction]

 

[…] Elle a un air distrait et ne cesse de pincer ses vêtements et de ramasser des objets, sans raison apparente. Elle a de la difficulté à rester assise sans bouger, se contorsionne et adopte des poses particulières et inconvenantes. Son discours est cohérent, mais elle ne répond pas directement aux questions qu’on lui pose et ses réponses sont peu pertinentes. Quand on lui a demandé quel était son principal problème, elle a dit qu’elle transpirait abondamment aux aisselles et que, aussi loin qu’elle pouvait s’en souvenir, elle l’avait toujours fait. Son comportement était vague, son humeur insignifiante, son affect très plat et plutôt incongru, et un trouble de la pensée schizophrène était évident. Elle était désorientée jusqu’à un certain point dans le temps et dans l’espace, mais non sur le plan de la personne. L’intuition faisait tout à fait défaut. Elle a ri et s’est comportée sottement durant tout l’entretien.

 

[53]           Il y a une note datée du 21 juillet 1958 dans laquelle le Dr Peterfy fait état d’une certaine amélioration à cet égard :

[traduction]

 

EXAMEN MENTAL : La patiente est plus calme qu’au moment du premier examen. Elle s’exprime de manière cohérente et donne des réponses correctes. Au moment de l’examen, elle n’était pas désorientée (temps, espace ou personne), mais sa mémoire est quelque peu altérée. Cela se manifeste davantage dans le champ de mémoire pathologique. Elle s’inquiète pour son bébé et veut rentrer à la maison et prendre soin de lui. Son comportement est un peu enfantin et ridicule et, parfois, elle rit sottement, mais nettement moins qu’au premier examen. Pour le moment, elle n’a pas de délires ou d’hallucinations.

[Non souligné dans l’original.]

 

[54]           Le 15 août 1958, le Dr Ruper a signalé que [traduction] « le comportement [de la demanderesse] est parfois enfantin et nous ne sommes pas sûrs que c’était le cas avant sa maladie ». [Non souligné dans l’original.]

 

[55]           Les notes prises au chevet de la patiente indiquent que, à quelques reprises, soit les 22 et 23 juillet, il lui était arrivé de rire de manière incongrue.

 

[56]           Pour ce qui est de la perte de mémoire, le dossier médical indique que la demanderesse souffrait d’une perte de mémoire marquée à son arrivée à l’IAM, mais que son état s’était amélioré à la longue.

 

[57]           Le 22 août 1958, veille du congé de la demanderesse, le Dr Ruper a écrit ceci :

[traduction]

 

Nous avons en main un rapport de l’époux, rapport qui a été demandé pour la semaine dernière, et le Dr Peterfy indique que, selon l’époux, l’état de la patiente est exactement le même qu’avant sa maladie. Elle se sent bien et est heureuse à la maison, et il ne relève aucun signe de pensée ou de comportement inusités. Nous avons constaté que dans la salle commune elle est plutôt tranquille et isolée, mais elle participe aux activités qui y sont organisées, comme des groupes, etc. Nous allons lui donner son congé demain pour le suivi de schizophrénie. Elle continuera de prendre les médicaments actuels et sera soumise à la dose actuelle de TEC.

 

[58]           Le 30 août 1958, le Dr Cameron a envoyé une lettre au médecin de la demanderesse, et l’extrait qui suit est également instructif pour ce qui est du traitement que la demanderesse a reçu pendant son séjour à l’IAM :

[traduction]

 

La demanderesse a été admise à l’IAM le 3 juillet 1958. Le Dr Cameron signale ce qui suit :

Nous avons décidé de la soumettre à une thérapie électroconvulsive intensive et, en date du 10 juillet, elle avait eu 9 TEC, et était soumise à trois Offner par semaine. On lui administrait aussi 200 q.h.s. de sodium amytal. À cette date, son état était nettement meilleur. Elle n’avait aucun souvenir de sa maladie récente. Elle était orientée, assez cohérente, et son humeur était bonne. Elle a été vue par son époux, qui a trouvé qu’elle allait assez bien.

Au 5 août, elle avait subi 20 TEC, et elle était allée chez elle la fin de semaine précédente; le tout s’était assez bien déroulé, mais elle avait quand même été un peu surprise par la taille de son enfant. Elle n’avait fait montre d’aucune pensée délirante.

En examinant son cas, nous avons vu ce [illisible] première crise de la patiente, mais qu’il y avait beaucoup de [en blanc] de la famille. En date du 7 août, elle avait passé une autre fin de semaine à la maison. Elle s’était très bien débrouillée, et n’avait fait montre d’aucune pensée délirante.

Le 13 août, elle a été transférée à l’hôpital de jour. Dans la salle commune, elle était tranquille et passive, parlait très peu, mais semblait bien s’entendre avec les autres patients. Son époux a déclaré au Dr Peterfy qu’il avait trouvé qu’elle allait très bien. Elle était heureuse et satisfaite à la maison. Son comportement était assez enfantin, mais on ne savait pas clairement si cela n’avait pas été le cas avant sa crise. Au 22 août, la patiente avait subi 24 TEC. Elle continuait à bien se débrouiller, était tranquille, plutôt isolée dans la salle commune, mais nous avons découvert que c’était à cause de son époux, qui lui avait dit de ne pas trop se mêler aux autres patients.

[…]

 

[59]           Il est à noter que, bien que le Dr Cameron eût parachevé le traitement de déstructuration à l’époque où la demanderesse a été traitée, soit en 1958, la lettre qu’il a envoyée au médecin de cette dernière, et dans laquelle il résumait le traitement que celle-ci avait reçu, parle de [traduction] « thérapie électroconvulsive intensive », et non de déstructuration.

 

[60]           Il est possible de résumer la preuve médicale comme suit : la demanderesse était fort désorientée quand elle a été admise à l’IAM et elle présentait déjà un comportement qui incluait des manières enfantines et une perte de mémoire. Les manières enfantines de la demanderesse ont été relevées à quelques reprises lors de son séjour, mais elles se sont améliorées à la longue. On peut en dire autant de la perte de mémoire.

 

[61]           Il y a une différence de taille entre le fait de manifester un comportement enfantin à quelques occasions et celui d’être réduit à l’état mental d’un enfant par suite d’un traitement. La preuve présentée dans l’affaire Kastner au sujet de l’état mental enfantin de Mme Kastner était convaincante. Dans le cas présent, nous sommes loin de la description d’un état d’esprit enfantin ou infantile, caractéristique d’une déstructuration. De plus, il ressort clairement de la preuve que l’état de la demanderesse s’est amélioré au fur et à mesure du traitement, et il n’y a absolument aucune preuve que le comportement enfantin de la demanderesse était attribuable aux TEC qu’elle avait subies.

 

[62]           En résumé, la preuve ne montre pas que l’état mental de la demanderesse a été réduit à celui d’un enfant et il n’existe aucune preuve de lien de causalité entre le comportement enfantin de la demanderesse que l’on a relevé et les traitements qu’elle a reçus. De plus, la preuve semble révéler l’existence d’un lien entre son comportement et sa maladie. Il est donc impossible d’étayer la conclusion selon laquelle les TEC et les médicaments que la demanderesse a reçus correspondaient à un traitement de déstructuration complet ou considérable et que le traitement qu’on lui a fait subir a réduit son état mental à celui d’un enfant. Il s’agissait là de conditions essentielles pour avoir droit à l’indemnité prévue par le décret. Par conséquent, compte tenu des éléments de preuve, le résultat auquel est arrivé le Comité d’examen est raisonnable, et il n’y a pas lieu de le changer.

 

[63]           Dans son mémoire des faits et du droit, la demanderesse a également soulevé une question de discrimination au sens de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. À l’audience, l’avocat de la demanderesse ne s’est pas étendu sur la question de la discrimination et a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de traiter de cet argument pour résoudre l’affaire. Je ferai néanmoins les commentaires suivants.

 

[64]           Aux paragraphes 87 et 88 de son mémoire, la demanderesse a formulé les allégations suivantes :

[traduction]

 

87.       En l’espèce, on crée, sans autorisation législative, une distinction illogique entre les personnes traitées avant 1965 et celles qui l’ont été après cette date;

88.       De plus, Me Alan Stein a déposé un certain nombre de demandes auprès du Régime d’aide aux personnes déstructurées à l’Institut Allan Memorial pour les anciens patients du Dr Cameron entre les années 1950 et 1965, et un grand nombre de ces derniers que le comité du ministère de la Justice a indemnisés avaient été exposés à moins de médicaments et de TEC que Gail Kastner; malgré cela, ils avaient tout de même été indemnisés par le ministère de la Justice, ce qui crée une discrimination pour cause de décisions arbitraires de la part du Comité d’examen du ministère de la Justice;

 

[65]           Avec égards, j’estime que l’allégation formulée au paragraphe 87 n’est pas pertinente en l’espèce. La demanderesse a été soignée au cours de la période visée par le décret et elle n’a donc pas pu être victime de discrimination pour des motifs qui pourraient être liés à la période postérieure à 1965.

 

[66]           Le paragraphe 88, quant à lui, fait référence à Mme Kastner, et non à la demanderesse, mais il s’agit d’une erreur typographique. J’ai deux commentaires à faire. Premièrement, aucune preuve n’étaye cette allégation. Deuxièmement, il est clair que chaque personne devait être évaluée au cas par cas et il est impossible de faire des comparaisons génériques. Par ailleurs, le nombre de TEC et le dosage des médicaments reçus par les patients n’étaient pas les seuls facteurs pertinents dont il fallait tenir compte pour apprécier si une personne était admissible à l’indemnité prévue par le décret.

 

[67]           À mon avis, les allégations de discrimination de la demanderesse ne peuvent pas être retenues.

 

[68]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les dépens sont adjugés au défendeur.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-236-11

 

INTITULÉ :                                       OLGA PLESZKEWYCZ c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 DÉCEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 27 JANVIER 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alan M. Stein

Julius Grey

Isabelle Turgeon

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jacques Savary

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alan M. Stein

Grey Casgrain

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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