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Date : 20120125

Dossier : IMM‑3613‑11

Référence : 2012 CF 97

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

DAHIR SHIRE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), visant la décision, en date du 18 avril 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de reconnaître au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la Loi et celle de personne à protéger aux termes du paragraphe 97(1) de la Loi. Cette décision reposait sur la conclusion de la Commission suivant laquelle le demandeur était exclu de la protection accordée aux réfugiés par application de l’article 98 de la Loi en raison de ses déclarations de culpabilité antérieures pour consommation de stupéfiants aux États‑Unis.

 

[2]               Le demandeur sollicite l’annulation de la décision de la Commission et le renvoi de l’affaire à un tribunal différemment constitué pour que celui‑ci rende une nouvelle décision.

 

Contexte

 

[3]               Le demandeur, Dahir Shire, alias Mohamud Abdulla Farah, est un citoyen de la Somalie. Il fait partie du clan minoritaire Hamar Weyne. Sa grand‑mère et quelques cousins éloignés sont les seuls membres de sa famille qui lui restent en Somalie.

 

[4]               À la fin des années quatre‑vingt‑dix, alors qu’il était encore enfant, le demandeur et sa famille (y compris ses six frères et sœurs) ont quitté la Somalie et se sont rendus au  Kenya pour fuir la guerre civile qui s’intensifiait dans leur pays. Après avoir vécu dans un quartier réservé aux réfugiés pendant environ deux ans, le demandeur et sa famille se sont vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention par le Haut‑commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). En 2001, ils se sont réinstallés aux États‑Unis, dans l’État du Minnesota.

 

[5]               Au Minnesota, la famille a vécu dans un quartier marginalisé où il existait un taux de criminalité élevé et du trafic et de la consommation de drogues. Pour tenter de faire face à sa nouvelle vie, le demandeur a commencé à consommer des drogues et a par la suite été accusé et condamné à de nombreuses reprises, dont les suivantes :

 

            5 décembre 2006 : Le demandeur a plaidé coupable à des accusations de possession d’une substance contrôlée et a été accusé d’un crime de troisième degré en lien avec le crack (cocaïne);

            5 février 2007 : Le demandeur a été condamné pour un crime de deuxième et de troisième degrés lié à une substance contrôlée. La peine relative au crime de deuxième degré a été suspendue et le demandeur a fait l’objet d’une période de probation assortie de conditions strictes comprenant le dépôt d’un cautionnement de 100 000 $;

            14 mai 2008 : Le demandeur a été de nouveau condamné respectivement à des peines de 21 mois et de 27 mois pour la violation de son ordonnance de probation de février 2007;

            19 février 2010 : Le demandeur a été accusé d’un crime de troisième degré de vente de cocaïne le 29 mai 2009 et d’un crime de cinquième degré de possession de cocaïne le 17 février 2010;

            8 juillet 2010 : Le demandeur a été accusé d’un crime de premier degré en lien avec une substance contrôlée. Il devait se présenter devant le tribunal le 6 août 2011 pour une audience générale.

 

[6]               En raison de ces déclarations de culpabilité au criminel, le gouvernement américain a entrepris des démarches en vue de retirer au demandeur son statut de résident permanent. Craignant d’être expulsé en Somalie, le demandeur s’est enfui au Canada le 6 août 2010.

 

[7]               Le 9 août 2010, un tribunal du Minnesota a lancé un mandat contre le demandeur par suite de son défaut de comparaître. Un mandat d’arrestation a par la suite été lancé le 15 novembre 2010 en raison du défaut du demandeur de respecter les conditions assortissant sa mise en liberté.

 

[8]               Les crimes pour lesquels le demandeur a été accusé et reconnu coupable aux États‑Unis équivalent aux crimes de possession et de trafic prévus aux paragraphes 4(1) et 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances du Canada, LC 1996, c 19 (la LRDS). Les peines maximales prévues par la Loi pour possession et trafic de cocaïne sont respectivement sept ans d’emprisonnement et emprisonnement à perpétuité (annexe 1 de la LRDS).

 

[9]               Au Canada, le demandeur a présenté une demande d’asile le 9 août 2010 ou vers cette date. Sa demande d’asile était fondée sur sa crainte d’al‑Shabaab, un groupe d’insurgés du jihad et d’autres groupes rivaux qui se livrent à des luttes de pouvoir pour prendre le contrôle de la Somalie. Le demandeur est en particulier préoccupé par le fait qu’al‑Shabaab viserait les étrangers et les rapatriés. Dans sa demande d’asile, le demandeur a déclaré que son père et deux de ses frères avaient été tués par al‑Shabaab.

 

[10]           Le 3 septembre 2010, le demandeur a fait l’objet du rapport d’interdiction de territoire pour cause de criminalité visé à l’article 44 et il a été détenu au motif qu’il constituait un danger pour le public et qu’il risquait de s’enfuir. Un autre rapport établi en novembre 2010 en vertu de l’article 44 alléguait que le demandeur devait être interdit de territoire pour cause de grande criminalité.

 

[11]           En janvier 2011, la Commission a reçu du défendeur un avis de son intention d’intervenir à l’audience relative à la demande d’asile du demandeur. L’avis précisait que le défendeur avait des raisons de croire que le demandeur pouvait être exclu de la protection de réfugié par application de l’article 98 de la loi et de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] RT Can no 6 (la Convention des Nations Unies).

 

[12]           L’audience relative à la demande d’asile du demandeur a eu lieu le 2 mars 2011.

 

Décision de la Commission

 

[13]           La Commission a rendu sa décision le 18 avril 2011.

 

[14]           La Commission a tout d’abord reconnu que le demandeur était bien la personne qu’il affirmait être et qu’il était un citoyen somalien.

 

[15]           Après avoir fait état des antécédents judiciaires du demandeur aux États‑Unis mentionnés par le défendeur, la Commission a relaté les réponses que le demandeur avait données aux questions qui lui avaient été posées au sujet de ses antécédents judiciaires.

 

[16]           Le demandeur a admis que des accusations étaient toujours pendantes contre lui et qu’il avait été arrêté le 7 juillet 2006. Il a également admis la véracité des allégations contenues dans le rapport d’incident établi par le service de police de Rochester, à savoir qu’alors qu’il était passager à bord d’une voiture, il avait remis à une personne qui était entrée dans la voiture une substance orange qui ne lui appartenait pas en échange de 100 $. Il a nié être un trafiquant de crack mais a admis qu’il participait comme « mule » à des opérations pour obtenir des drogues pour satisfaire sa dépendance.

 

[17]           En ce qui concerne les faits plus récents, le demandeur a expliqué qu’il était en liberté conditionnelle lorsqu’il a été arrêté le 19 février 2010. À l’époque, des stupéfiants avaient été découverts dans la chambre de motel où il se trouvait. Il n’avait pas les drogues en question sur lui. Le demandeur a nié avoir participé à la vente qui aurait eu lieu le 28 mai 2009.

 

[18]           Après avoir exposé la thèse respective des parties, la Commission a énoncé le fardeau et la norme de preuve applicables. La Commission a reconnu qu’il incombait au défendeur de démontrer qu’il existait des raisons sérieuses de considérer que le demandeur avait commis un crime justifiant son exclusion. La norme de preuve exigeait plus qu’une suspicion ou une conjecture, mais moins qu’une preuve selon la prépondérance des probabilités.

 

[19]           La Commission a fait observer que le demandeur :

            1.         avait admis avoir été reconnu coupable de crimes en lien avec des substances contrôlées;

            2.         n’avait pas nié avoir remis du crack (cocaïne) en échange d’argent;

            3.         n’avait pas allégué qu’il avait été contraint de plaider coupable.

 

[20]           Bien que le demandeur affirme que les accusations pendantes sont sans fondement, la Commission a estimé qu’elles s’inscrivaient dans le cadre d’une conduite compatible avec la dépendance du demandeur aux drogues. La Commission a par conséquent conclu qu’il existait des raisons sérieuses de considérer que le demandeur avait été en possession de crack (cocaïne) et en avait fait le trafic à plus d’une reprise.

 

[21]           Concernant la gravité des crimes commis, la Commission a cité le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié de l’UNHCR, qui définit le crime grave comme le meurtre ou toute autre infraction que la loi punit d’une peine très grave. Des infractions mineures pour lesquelles sont prévues des peines modérées ne sont pas considérées comme des causes d’exclusion. La Commission a également cité des décisions dans lesquelles cette question a été examinée et a reconnu que, pour être considéré comme sérieux, un crime doit être passible d’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement ou plus. La Commission a toutefois reconnu que pour procéder à cette analyse, il fallait examiner toutes les circonstances pertinentes. Pour obtenir des éléments d’orientation additionnels, la Commission a également consulté des ouvrages de doctrine dans lesquels les auteurs expliquaient que par « crime grave », il faut entendre les actes véritablement odieux, les crimes portant atteinte à l’intégrité physique, à la vie ou à la liberté, les crimes appartenant à la catégorie d’infractions les plus graves et les crimes moins graves perpétrés de telle manière ou dans de telles circonstances que la méchanceté extrême avec laquelle ils ont été commis rend leur auteur passible d’une peine plus sévère que celle habituellement prévue pour de tels crimes.

 

[22]           Enfin, la Commission a cité l’arrêt récent de la Cour d’appel fédérale Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, [2008] ACF no 1740, dans lequel la Cour a jugé que l’alinéa 1Fb) s’appliquait même dans le cas où le demandeur avait, avant d’arriver au Canada, déjà purgé sa peine pour le crime grave dont il avait été reconnu coupable à l’étranger. La Commission a également rappelé la jurisprudence établie relative à l’objet de l’alinéa Fb) et a ensuite expliqué qu’elle ne considérait pas que le demandeur avait fini de purger sa peine, puisqu’il existait des raisons suffisantes de croire qu’il n’avait pas respecté certaines conditions de sa probation.

 

[23]           La Commission a estimé qu’il existait des éléments de preuve crédibles permettant de penser que le demandeur était venu au Canada pour se soustraire à des poursuites aux États‑Unis. Malgré le fait que le demandeur affirmait s’être enfui pour éviter d’être refoulé en Somalie, sa crainte était directement liée aux poursuites en cours, ce qui correspond exactement au type de situations que vise l’alinéa 1Fb).

 

[24]           La Commission a reconnu les difficultés auxquelles le demandeur et les membres de sa famille étaient confrontés en tant que réfugiés en Somalie et de nouveaux arrivants aux États‑Unis. Toutefois, la Commission a souligné le fait que le demandeur avait non seulement consommé du crack (cocaïne) mais en avait également fait le trafic et qu’il avait continué à le faire après avoir été reconnu coupable. La Commission a conclu que l’implication persistante du demandeur dans le trafic de cocaïne constituait un crime grave.

 

[25]           Pour ces motifs, la Commission a conclu que le demandeur était exclu du bénéfice de la protection des réfugiés par application de l’article 98 de la Loi et que la qualité de réfugié au sens de la Convention ne pouvait donc lui être reconnue.

 

[26]           Bien que la Commission ait fait observer qu’il n’était pas nécessaire d’examiner davantage la demande d’asile du demandeur, elle a tenu à formuler certaines observations pour mémoire. La Commission a reconnu qu’il n’y avait aucun gouvernement efficace en Somalie depuis 1991 et que la situation était extrêmement instable dans ce pays. De plus, comme le demandeur venait de passer les dix dernières années en Amérique du Nord, la Commission a estimé qu’il serait de toute évidence ciblé par al‑Shabaab s’il retournait en Somalie. La Commission a par conséquent fait observer que, si le demandeur devait solliciter d’autres formes de protection au Canada, il faudrait tenir compte de ces éléments.

 

Questions en litige

 

[27]           Le demandeur soumet la question suivante :

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en ne fournissant pas une analyse suffisante à l’appui de sa conclusion que le demandeur était exclu par application de l’alinéa 1Fb)?

 

[28]           Je reformulerais comme suit les questions en litige :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation de la question de l’exclusion prévue à l’alinéa 1Fb)?

            3.         La décision de la Commission était‑elle suffisamment motivée?

 

Observations écrites du demandeur

 

[29]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur tant dans son analyse de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies qu’au regard des motifs insuffisants à l’appui de sa décision.

 

[30]           Le demandeur soutient que la norme de contrôle qui s’applique aux décisions prises en application de l’article 98 de la LIPR est celle de la décision raisonnable.

 

[31]           Le demandeur fait valoir que, lorsqu’elle procède à une analyse fondée sur l’alinéa 1Fb), la Commission doit tenir compte de tous les facteurs suivants dans son analyse : les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue et, enfin, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes entourant la déclaration de culpabilité.

 

[32]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de tous ces facteurs.

 

[33]           Le choix du mode de poursuite constitue une question pertinente pour l’évaluation de la gravité du crime lorsque la peine prévue pour une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité et celle prévue pour un acte criminel sont très différentes. La Commission aurait par conséquent dû tenir compte de la quantité de stupéfiants en cause.

 

[34]           De plus, la Commission n’a pas expliqué la méthode qu’elle a suivie pour évaluer les facteurs peu nombreux dont elle a effectivement tenu compte. On ne sait donc pas avec certitude pourquoi la Commission a jugé certains facteurs plus convaincants que d’autres.

 

[35]           Pour ces motifs, le demandeur soutient que l’analyse à laquelle la Commission a procédé en vertu de l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies est manifestement déficiente.

 

[36]           Le demandeur estime par ailleurs qu’il y a, dans le raisonnement qu’a suivi la Commission, une rupture cruciale entre l’analyse de l’alinéa 1Fb) de la Commission et la conclusion qu’elle a tirée. La Commission est demeurée déraisonnablement vague en se contentant de conclure que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun sans analyser davantage les allégations formulées par les parties sur la question. La décision de la Commission ne permet pas non plus de savoir avec certitude quelle allégation précise elle a considérée suffisamment grave pour justifier l’application de la clause d’exclusion ou encore la raison pour laquelle la présomption de gravité n’a pas été réfutée compte tenu des facteurs susmentionnés ou du témoignage du demandeur.

 

Observations écrites du défendeur

 

[37]           Le défendeur affirme que la Commission est un tribunal spécialisé et qu’elle est une experte dans son domaine. La Cour ne devrait donc pas substituer son opinion à celle de la Commission en ce qui concerne les questions de fait étant donné les connaissances spécialisées que possède la Commission et de la preuve dont elle disposait.

 

[38]           Le défendeur soutient que l’expression « crime grave de droit commun » que l’on trouve à l’alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies a le même sens que l’expression « grande criminalité » figurant à l’article 36 de la Loi.

 

[39]           Le défendeur fait valoir qu’il lui incombe de démontrer qu’il existe des raisons sérieuses de considérer que le demandeur a commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada avant d’être admis comme réfugié. Toutefois, dès lors qu’il est démontré que le demandeur a été condamné pour possession et trafic de cocaïne, la charge de la preuve est déplacée sur le demandeur, qui doit alors réfuter la présomption que ces infractions sont graves. Le défendeur affirme que le demandeur n’a pas réfuté cette présomption parce que :

            1.         il a admis qu’on ne l’avait pas contraint à plaider coupable aux crimes qui lui étaient reprochés;

            2.         il a admis que son surnom était « KC », un trafiquant de drogues connu;

            3.         il a admis qu’il était en liberté conditionnelle lorsqu’il a été impliqué dans au moins quelques‑uns des événements à l’origine des accusations de février 2010;

            4.         il a admis qu’il n’avait pas comparu pour répondre aux accusations pendantes contre lui;

            5.         il n’a pas réfuté la présomption que les infractions en question étaient graves ou qu’il les avait commises.

 

[40]           Le défendeur affirme que la Commission a tenu compte de façon adéquate de tous les faits pertinents pour tirer sa conclusion au regard de l’alinéa 1Fb). Les infractions dont le demandeur était accusé et pour lesquelles il a été déclaré coupable visaient toutes des actes criminels comme le démontre la durée des peines maximales prévues pour ces infractions en droit canadien :

            Possession de cocaïne : sept ans d’emprisonnement

            Possession de cocaïne en vue de faire le trafic : emprisonnement à perpétuité

            Trafic de cocaïne : emprisonnement à perpétuité

 

[41]           Le défendeur fait également valoir que la Commission a tenu compte de façon adéquate des éléments constitutifs des infractions en question pour examiner leur équivalent au Canada. La Commission a tenu compte de l’argument du demandeur suivant lequel les accusations dont il faisait présentement l’objet étaient sans fondement. Toutefois, vu l’ensemble de la preuve, y compris l’aveu du demandeur qu’il travaillait comme « mule » pour des trafiquants de drogues pour satisfaire sa dépendance, la conclusion à laquelle la Commission est arrivée était raisonnable. De plus, le fait que la peine qui a été infligée au demandeur en 2007 était clémente n’a rien à voir avec la gravité des crimes commis. Une peine clémente ne peut être examinée de façon isolée lorsqu’on examine la gravité du crime.

 

[42]           En réponse aux arguments du demandeur suivant lesquels l’objectif du paragraphe 3(2) de la Loi commande une interprétation restrictive de l’alinéa 1Fb) et oblige à tenir compte des obligations internationales contractées par le Canada envers les réfugiés et en matière de protection des droits de la personne, le défendeur affirme que ce même objectif exige également que l’on favorise la sécurité internationale et intérieure. Comme les crimes pour lesquels le demandeur a été déclaré coupable ou accusé sont considérés comme des crimes très graves qui risquent de porter atteinte au public et que les circonstances atténuantes présentées n’étaient pas suffisantes, le défendeur soutient que l’exclusion du demandeur n’était pas déraisonnable. Le risque auquel le demandeur serait exposé en Somalie ne constitue pas un facteur qui doit être mis en balance en tant que circonstance atténuante. Le défendeur affirme que le demandeur n’a pas mentionné de circonstances atténuantes dont la Commission n’aurait pas tenu compte. Les circonstances atténuantes que le demandeur a effectivement soulevées n’étaient pas suffisantes étant donné la gravité de ses infractions, le fait qu’il n’a pas respecté sa probation et son omission comparaître devant le tribunal.

 

[43]           La Commission a également correctement examiné les crimes commis dans le contexte de la législation criminelle canadienne. Le défendeur fait valoir que l’analyse fondée sur l’alinéa 1Fb) exige seulement l’existence de raisons sérieuses de penser qu’il a commis un crime grave de droit commun, ajoutant qu’il n’est nulle part prévu qu’il doit avoir été poursuivi dans le pays où les crimes ont été commis. De plus, même si les infractions à l’égard desquelles le demandeur a d’abord été déclaré coupable et pour lesquelles une peine lui a été infligée portaient sur de petites quantités de cocaïne, les infractions pour lesquelles des accusations sont encore pendantes portent sur une quantité minimale de 25 grammes; or, il s’agit d’infractions qui sont traitées plus sévèrement aux États‑Unis en raison de l’importance des quantités en cause. Suivant la jurisprudence, la Commission peut raisonnablement tenir compte de la quantité de drogues en cause.

 

[44]           Enfin, le défendeur affirme qu’il faut lire les motifs de la Commission comme un tout. Lorsqu’on applique cette méthode, il ressort à l’évidence des motifs que la Commission a bien saisi les faits relatifs à la demande d’asile du demandeur ainsi que les questions portant sur l’exclusion et qu’elle a également procédé à une analyse adéquate de la preuve. Qui plus est, les motifs de la Commission satisfont à la norme judiciaire en ce qui concerne la suffisance des motifs. Il n’était pas nécessaire de la part de la Commission de mentionner expressément tous les facteurs pertinents, dès lors que ses motifs démontrent clairement qu’elle en a effectivement tenu compte.

 

Réponse écrite du demandeur

 

[45]           En réponse, le demandeur soutient que tant les tribunaux que les auteurs de doctrine ont affirmé que la clause d’exclusion prévue à l’article 98 de la Loi commande une interprétation restrictive. Le demandeur cite l’arrêt Pushpanatan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 RCS 982, dans lequel la Cour suprême du Canada a jugé que toute interprétation de dispositions individuelles doit tenir compte du fait que la Convention des Nations Unies est un instrument de défense des droits de la personne, comme le confirme l’article 3 de la Loi. Vu cet objectif de défense des droits de la personne, il convient d’appliquer de façon restrictive l’article 98, ce qui exige que l’on procède à une véritable analyse au lieu de se contenter d’appliquer tous les facteurs énoncés dans l’arrêt Jayasekera.

 

Analyse et décision

 

[46]           Question 1

            Quelle est la norme de contrôle appropriée?

            Lorsque la jurisprudence a déjà arrêté la norme de contrôle applicable à une question particulière soumise au tribunal, la cour de révision peut adopter cette norme (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57)).

 

[47]           Il est bien établi dans la jurisprudence que la question de savoir s’il y a lieu de prononcer l’exclusion par application de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies est une question mixte de fait et de droit qui suppose l’exercice d’un certain pouvoir d’appréciation. La norme de contrôle appropriée est donc celle de la décision raisonnable (Médina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 62, [2006] ACF no 86, au paragraphe 9).

 

[48]           Lorsqu’elle procède au contrôle de la décision de la Commission en appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour ne devrait intervenir que si la Commission a tiré une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et que cette conclusion n’appartient pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard de la preuve dont elle disposait (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59) et, ainsi que la Cour suprême du Canada l’a dit dans l’arrêt Khosa, précité, « la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » et il ne rentre pas « dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve » (au paragraphe 59).

 

[49]           En revanche, la question de savoir si la décision de la Commission est suffisamment motivée est une question d’équité procédurale et de justice naturelle et la norme applicable est celle de la décision correcte (Guerrero c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 384, [2010] ACF no 448, au paragraphe 19). Il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers les conclusions tirées par la Commission sur ces questions (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 50).

 

[50]           Question 2

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation de la question de l’exclusion prévue à l’alinéa 1Fb)?

            Trois conditions doivent être réunies pour qu’on puisse prononcer l’exclusion en application de l’alinéa 1Fb) (Zrig c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, [2003] ACF no 565, au paragraphe 134) :

 

1.                  il faut qu’il s’agisse d’un crime;

2.                  il faut que ce crime en soit un de droit commun (« non‑political »);

3.                  il faut que ce crime soit grave.

 

[51]           Dans le cas qui nous occupe, il existe des éléments de preuve tendant à démontrer que le demandeur a commis des crimes aux États‑Unis. Le fait qu’il a déjà purgé sa peine pour certains de ses crimes ne rend pas l’alinéa 1Fb) inapplicable (arrêt Jayasekara, précité, au paragraphe 57). Les crimes dont le demandeur a été reconnu coupable concernaient des infractions de droit commun liées à des stupéfiants.

 

[52]           La principale question à laquelle nous devons répondre est donc celle de savoir si les crimes commis par le demandeur étaient des crimes graves. Dans l’arrêt Jayasekara, précité, la Cour d’appel fédérale a passé en revue diverses normes internationales permettant de déterminer la gravité d’un crime pour ensuite faire observer que « [b]ien qu’il faille tenir compte des normes internationales, on ne doit pas ignorer le point de vue de l’État ou du pays d’accueil lorsqu’il s’agit de déterminer la gravité du crime » (au paragraphe 43).

 

[53]           Les tribunaux canadiens considèrent le trafic de stupéfiants comme un crime grave tombant sous le coup de l’alinéa 1Fb) (arrêt Pushpanatan, précité, au paragraphe 73; Delisle c Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 737, [2002] ACF no 977, au paragraphe 13). Dans l’arrêt Jayasekara, précité, la Cour d’appel fédérale a reconnu qu’« [i]l n’y a aucun doute que le législateur considère le trafic d’opium comme un crime grave » (au paragraphe 53). La cocaïne figure dans la même liste que l’opium dans la LRDS et il est donc raisonnable d’élargir la portée de la conclusion de la Cour d’appel fédérale sur la gravité du trafic d’opium au trafic de cocaïne. Les crimes de trafic de stupéfiants commis par le demandeur font donc l’objet d’une forte présomption de gravité. Cette présomption peut toutefois être réfutée en appliquant les facteurs suivants (arrêt Jayasekara, précité, au paragraphe 44) :

            les éléments constitutifs du crime;

            le mode de poursuite;

            la peine prévue;

            les faits ;

            les circonstances atténuantes et aggravantes sous‑jacentes à la déclaration de culpabilité.

 

[54]           Dans le cas qui nous occupe, le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur dans son analyse en n’évaluant pas tous les facteurs énumérés dans l’arrêt Jayasekara. Toutefois, il convient de lire comme un tout les motifs de la décision des tribunaux administratifs. Ainsi que la juge Anne MacTavish l’a expliqué dans Farkhondehfall c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 471, [2010] ACF no 974, au paragraphe 28 :

Pour décider si une décision est raisonnable ou pas, le tribunal de contrôle doit porter attention aux motifs que présente le décideur, ou à ceux qui auraient pu être présentés à l’appui d’une décision. Dans la mesure où un tribunal administratif ne peut pas expliquer en détail certains aspects de sa décision, le tribunal de contrôle peut consulter les preuves auxquelles a fait référence le tribunal administratif en vue d’étoffer ses motifs [...]

 

 

[55]           Pour ce qui est de la décision elle‑même, la Commission a d’abord résumé les faits survenus après le départ du demandeur de la Somalie, y compris le fait qu’il avait commencé à consommer des drogues aux États‑Unis et qu’il s’était ensuite rendu au Canada pour éviter d’être expulsé en Somalie, où il craignait al‑Shabaab. En ce qui concerne les antécédents judiciaires du demandeur aux États‑Unis, la Commission a énuméré les éléments de preuve présentés par le défendeur à ce sujet pour ensuite faire ressortir les aveux du demandeur, à savoir :

            Il n’était pas un trafiquant de crack;

            Il était dépendant au crack et servait de « mule » pour un narcotrafiquant bien connu en échange des drogues que ce dernier lui remettait pour sa consommation personnelle;

            Il a été arrêté en 2006 pour avoir remis à une personne une substance orange qui ne lui appartenait pas en échange de la somme de 100 $ alors qu’il était passager dans une voiture;

            Il n’a jamais allégué qu’il avait été contraint de plaider coupable;

            Il fait toujours l’objet d’accusations aux États‑Unis relativement à des infractions en lien avec des stupéfiants;

            Il a nié avoir été impliqué dans la vente qui aurait eu lieu en mai 2009;

            En février 2010, alors qu’il était en liberté conditionnelle, des drogues ont été trouvées dans la chambre de motel dans laquelle il se trouvait (mais pas sur sa personne) et il a été arrêté.

 

[56]           En réponse aux allégations du demandeur que les accusations pendantes étaient sans fondement, la Commission a conclu que « ces accusations s’inscrivent dans une routine liée à son problème de toxicomanie » (décision, au paragraphe 18).

 

[57]           La Commission a ensuite évalué la gravité des crimes du demandeur. Elle a tout d’abord fait observer que le juge Robertson avait, dans Chan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (CA), [2000] 4 CF 390, [2000] ACF no 1180, (au paragraphe 9), fait allusion à la peine d’emprisonnement maximale égale ou supérieure à dix ans. La Commission a reconnu que les arguments formulés par le défendeur au sujet des peines maximales d’emprisonnement correspondant en droit canadien aux peines prévues pour les crimes du demandeur, à savoir sept ans d’emprisonnement et l’emprisonnement à perpétuité. La Commission a toutefois fait observer qu’elle devait poursuivre son analyse et elle a par conséquent consulté des ouvrages de doctrine pour y trouver d’autres éléments d’orientation. Elle a également pris acte de la décision prise par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Jayasekara, précité, au sujet des conséquences du fait pour l’intéressé d’avoir déjà purgé une peine.

 

[58]           En ce qui concerne la preuve, la Commission a conclu que le demandeur n’avait pas fini de purger sa peine, puisqu’il existait des raisons valables de conclure qu’il n’avait pas respecté certaines conditions assortissant sa probation, notamment en consommant des drogues et en étant en contact avec des personnes qui consommaient et/ou vendaient des drogues illégales. Il existait également des éléments de preuve crédibles permettant de conclure que le demandeur était entré au Canada pour éviter d’être poursuivi aux États‑Unis, ce qui, comme la Commission l’a reconnu, faisait partie des situations que l’alinéa 1Fb) de la Convention vise de façon expresse (arrêt Zrig, précité, aux paragraphes 118 et 119). La Commission aurait pu pousser un peu plus loin son analyse de la question, étant donné qu’en s’enfuyant au Canada, le demandeur ne cherchait pas uniquement à éviter des poursuites, mais également à se soustraire de façon plus générale à des poursuites qui se solderaient par son refoulement en Somalie. J’estime toutefois qu’à elle seule, cette omission ne rend pas la décision de la Commission déraisonnable. Comme je l’ai déjà mentionné, il convient d’examiner et d’évaluer la décision comme un tout.

 

[59]           Enfin, la Commission a reconnu les problèmes d’adaptation – qui constituaient essentiellement des circonstances aggravantes – auxquels le demandeur serait confronté en tant que membre d’une grande famille de réfugiés nouvellement arrivée aux États‑Unis, ajouté au fait qu’il vivrait dans un quartier où existait un taux élevé de criminalité. La Commission a toutefois cité de nouveau les éléments de preuve suivant lesquels le demandeur avait non seulement consommé des drogues, mais avait également participé sciemment et à plusieurs reprises au trafic d’une substance dangereuse. La Commission a conclu que cette implication répétée dans le trafic de drogues constituait un crime grave.

 

[60]           Pour ce qui est des facteurs énumérés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Jayasekara, précité, il est évident que la Commission a tenu compte des éléments constitutifs des crimes du demandeur, y compris tant les éléments de preuve émanant des autorités américaines que le défendeur avait présentés au sujet des infractions que le demandeur avait commises que les propres allégations du demandeur. Le mode de poursuite et la peine prévue faisaient également partie des facteurs dont la Commission a tenu compte pour déterminer si le demandeur avait fini de purger sa peine, notamment sa peine d’emprisonnement ainsi que la période subséquente de probation qui était assortie de certaines conditions. La Commission a également exposé clairement dans sa décision les faits et notamment les circonstances aggravantes. Parmi les faits en question, mentionnons l’adolescence troublée du demandeur qui était liée à son statut de réfugié et au fait qu’il vivait dans un quartier marginalisé. Tout en prenant acte de ces difficultés, la Commission a conclu que la participation répétée du demandeur à des infractions en lien avec des stupéfiants avait pour effet de réduire le poids correspondant de ces circonstances.

 

[61]           En résumé, j’estime que lorsqu’on la considère dans son ensemble, il ressort de la décision que la Commission a bel et bien évalué et soupesé les cinq facteurs énoncés dans l’arrêt Jayasekara pour déterminer la gravité des crimes commis par le demandeur aux États‑Unis. La Commission a dûment traité du fond de l’affaire dans ses motifs (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2002] ACF no 1687, au paragraphe 3). La Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de l’appréciation de la preuve faite par la Commission (arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59). J’estime que la décision de la Commission était raisonnable et qu’elle était transparente, justifiable et intelligible et appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard de la preuve dont la Commission disposait (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[62]           Question 3

            La décision de la Commission était‑elle suffisamment motivée?

            Les motifs écrits du tribunal administratif ont pour fonction de faire connaître à ceux que sa décision touche les raisons sous‑jacentes de sa décision. Par conséquent, les motifs doivent être appropriés, adéquats et intelligibles et ils doivent prendre en considération les arguments importants soulevés par les parties (Syed c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 83 FTR 283, [1994] ACF no 1331, au paragraphe 8; Via Rail Canada Inc c Lemonde, [2001] 2 CF 25, [2000] ACF no 1685, au paragraphe 22). Ainsi que le juge Donald Rennie l’a expliqué dans Ganem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1147, [2011] ACF no 1404, au paragraphe 45 :

[...] Les décideurs ne peuvent se contenter de reprendre les observations et la preuve présentée par les parties puis d’énoncer une conclusion. Ils doivent exposer leurs conclusions de fait et la preuve sur laquelle elles se fondent, aborder les questions importantes et expliquer le raisonnement adopté.

 

 

[63]           Il n’est pas nécessaire que les motifs soient parfaits; le décideur doit examiner la preuve et la situation du demandeur d’asile dans le contexte du risque auquel il est exposé (décision Guerrero, précitée, au paragraphe 30). Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur chacun des facteurs. Il importe surtout que les motifs remplissent leur objet et leur fonction (décision Ganem, précitée, au paragraphe 47).

 

[64]           J’estime que les motifs exposés par la Commission en l’espèce étaient suffisants. Conformément aux exigences prévues par la jurisprudence, la Commission a clairement énoncé ses conclusions de fait, a énuméré les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait et a abordé les questions importantes, notamment la gravité des crimes du demandeur. La Commission a ensuite cité la jurisprudence et d’autres sources qui l’avaient aidée à tirer sa conclusion sur cette question. Le raisonnement suivi par la Commission était intelligible et permettait aux intéressés de connaître les raisons sous‑jacentes de sa décision.

 

[65]           Pour tous ces motifs, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

[66]           Je tiens à formuler un dernier commentaire au sujet du risque auquel le demandeur serait exposé s’il devait retourner en Somalie. Ainsi que la Commission l’a déclaré, la Somalie ne dispose à toutes fins utiles d’aucun gouvernement efficace depuis une vingtaine d’années. La violence est généralisée et les clans qui comptent le plus de membres s’en prennent à ceux qui en comptent moins, comme celui auquel le demandeur appartenait. Le demandeur n’a presque plus de famille en Somalie et son père et deux de ses frères ont été tués par al‑Shabaab. Après avoir vécu à l’étranger pendant plus de dix ans, le demandeur serait probablement confronté à de graves difficultés s’il devait retourner en Somalie. En pratique toutefois, l’article 98 de la Loi a pour effet de priver le demandeur de la protection offerte aux réfugiés (arrêt Jayasekara, précité, au paragraphe 2). Il ne peut pas non plus obtenir le statut de résident permanent (arrêt Jayasekara, précité, au paragraphe 3). La Cour recommande donc que, lors de l’examen de toute demande future que le demandeur pourrait présenter en matière d’immigration, l’on tienne dûment compte des difficultés auxquelles le demandeur serait exposé s’il retournait en Somalie ainsi que du fait qu’il ne peut compter sur aucune autre forme de protection.

 

[67]           Aucune des parties n’a souhaité me soumettre de question grave de portée générale en vue de sa certification.

 

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

 

 

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

 

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

 

 

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

 

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;

 

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

 

d) commettre, à son entrée au Canada, une infraction qui constitue une infraction à une loi fédérale précisée par règlement.

 

(3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

 

a) l’infraction punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire est assimilée à l’infraction punissable par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu;

 

b) la déclaration de culpabilité n’emporte pas interdiction de territoire en cas de verdict d’acquittement rendu en dernier ressort ou de réhabilitation — sauf cas de révocation ou de nullité — au titre de la Loi sur le casier judiciaire;

 

 

 

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

 

 

d) la preuve du fait visé à l’alinéa (1)c) est, s’agissant du résident permanent, fondée sur la prépondérance des probabilités;

 

 

e) l’interdiction de territoire ne peut être fondée sur une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions ni sur une infraction dont le résident permanent ou l’étranger est déclaré coupable sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y‑1 des Lois révisées du Canada (1985), ou de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

 

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

 

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

 

 

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by way of indictment, or of two offences under any Act of Parliament not arising out of a single occurrence;

 

(b) having been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament, or of two offences not arising out of a single occurrence that, if committed in Canada, would constitute offences under an Act of Parliament;

 

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament; or

 

(d) committing, on entering Canada, an offence under an Act of Parliament prescribed by regulations.

 

(3) The following provisions govern subsections (1) and (2):

 

(a) an offence that may be prosecuted either summarily or by way of indictment is deemed to be an indictable offence, even if it has been prosecuted summarily;

 

 

(b) inadmissibility under subsections (1) and (2) may not be based on a conviction in respect of which a pardon has been granted and has not ceased to have effect or been revoked under the Criminal Records Act, or in respect of which there has been a final determination of an acquittal;

 

(c) the matters referred to in paragraphs (1)(b) and (c) and (2)(b) and (c) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or foreign national who, after the prescribed period, satisfies the Minister that they have been rehabilitated or who is a member of a prescribed class that is deemed to have been rehabilitated;

 

(d) a determination of whether a permanent resident has committed an act described in paragraph (1)(c) must be based on a balance of probabilities; and

 

(e) inadmissibility under subsections (1) and (2) may not be based on an offence designated as a contravention under the Contraventions Act or an offence for which the permanent resident or foreign national is found guilty under the Young Offenders Act, chapter Y‑1 of the Revised Statutes of Canada, 1985 or the Youth Criminal Justice Act.

 

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

 

Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, ch. 19

 

4. (1) Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la possession de toute substance inscrite aux annexes I, II ou III est interdite.

 

5. (1) Il est interdit de faire le trafic de toute substance inscrite aux annexes I, II, III ou IV ou de toute substance présentée ou tenue pour telle par le trafiquant.

 

2. Coca (érythroxylone), ainsi que ses préparations, dérivés, alcaloïdes et sels, notamment :

 

(1) feuilles de coca

 

(2) cocaïne (ester méthylique de la benzoylecgonine)

 

(3) ecgonine (acide hydroxy–3 tropane–2 carboxylique)

 

4. (1) Except as authorized under the regulations, no person shall possess a substance included in Schedule I, II or III.

 

 

5. (1) No person shall traffic in a substance included in Schedule I, II, III or IV or in any substance represented or held out by that person to be such a substance.

 

2.  Coca (Erythroxylon), its preparations, derivatives, alkaloids and salts, including:

 

 

(1) Coca leaves

 

(2) Cocaïne (benzoylmethylecgonine)

 

 

(3) Ecgonine (3–hydroxy–2–tropane carboxylic acid)

 

 

Convention des Nations Unies relative au statut de réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] RT Can no 6

 

Article 1. . . .

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

 

. . .

 

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

 

Article 1. . . .

 

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for

considering that:

 

. . .

 

(b) He has committed a serious non‑political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3613‑11

 

INTITULÉ :                                                  DAHIR SHIRE

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 25 janvier 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Prasanna Balasundaram

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexis Singer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Prasanna Balasundaram

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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