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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120106

Dossier : IMM-2336-11

Référence : 2012 CF 6

Ottawa (Ontario), ce 6e jour de janvier 2012

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Leopoldo Francico CORONEL ARCHUNDIA

Guillermo CORONEL VERDIN

Sandra Maria VERDIN Y SOLIS

 

Demandeurs

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’Aimable Ndejuru de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal), présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi). Le tribunal a rejeté les demandes d’asile de Leopoldo Francico Coronel Archundia (le demandeur principal), de son épouse Sandra Maria Verdin Y Solis et leur fils Guillermo Coronel Verdin (les demandeurs), concluant qu’ils n’avaient pas la qualité de « réfugiés au sens de la Convention » ni celle de « personnes à protéger » en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]          Les demandeurs sont des citoyens du Mexique. Le demandeur principal travaillait comme gardien de prison à La Palma, une prison à très haute sécurité. Il a été renvoyé pendant la grève des gardiens en 2005, alors que ces derniers manifestaient contre l’insécurité de leur environnement de travail.

 

[3]          Le demandeur principal, alors qu’il travaillait à la prison, le 20 octobre 2004, aurait entendu le directeur de la prison, M. Montoya, accepter d’assassiner un homme (Arturo Guzman Loera, « El Pollo ») en contrepartie d’une somme d’argent, suite à la demande d’un détenu, M. Benjamin Arrellano Félix. Le directeur aurait alors menacé de tuer le demandeur principal s’il répétait ce qu’il avait entendu.

 

[4]          Le 31 décembre 2004, El Pollo, frère d’un narcotrafiquant, aurait été assassiné par un détenu nommé Jose Ramirez Villanueva. Le 2 janvier 2005, le directeur du pénitencier aurait envoyé le demandeur principal surveiller cet assassin dans le but de vérifier s’il divulguerait l’assassinat. Éventuellement, l’assassin aurait avoué qu’il avait tué El Pollo suite à la demande du directeur, M. Montoya.

 

[5]          Le 6 janvier 2005, le directeur aurait demandé de rencontrer le demandeur principal à son bureau, où il l’aurait frappé et lui aurait offert 3 000 000 de pesos en échange de son silence. Le demandeur principal aurait refusé cette offre. Suite à ce refus, le directeur aurait dit : « si tu parles, tu meurs ».

 

[6]          Par la suite, il y a eu la grève des gardiens, grève qui a mené au congédiement du demandeur principal, parmi d’autres.

 

[7]          D’août 2005 à novembre 2006, le demandeur principal aurait travaillé comme chauffeur de taxi. Pendant cette période, il n’y a aucune preuve que les demandeurs auraient reçu des menaces quelconques. Le 3 mars 2006, le demandeur principal aurait par hasard été abordé par un ancien collègue de travail du pénitencier, Gaspar Allegria. Lors de leur conversation, le demandeur principal aurait répété ce qu’il avait entendu en 2004 au sujet de l’assassinat d’El Pollo. Lors d’une seconde rencontre, le 30 août 2006, le demandeur principal aurait avoué à Allegria que c’était le directeur qui payait les meurtriers. Par la suite, le 20 novembre 2006, Allegria et un autre ancien collègue de travail, Jorge Bravo, auraient demandé au demandeur principal d’assassiner le directeur, M. Montoya, moyennant 5 000 000 de pesos, dans le but de venger la mort d’El Pollo; ces hommes faisaient supposément partie d’un cartel de la drogue. Ils auraient dit au demandeur principal que s’il ne tuait pas le directeur, ils le tueraient.

 

[8]          Le demandeur principal et son fils Guillermo prétendent que, le 21 novembre 2006, deux hommes et une femme auraient fait sortir Guillermo de l’école, lui aurait appuyé un pistolet à la tête et menacé de tuer sa famille en raison de l’implication du demandeur principal dans toute cette histoire d’assassinat.

 

[9]          Le demandeur principal et sa famille disent craindre pour leur vie, croyant que les membres du cartel sont présents partout. En décembre 2006, le demandeur principal et son fils Guillermo ont quitté le Mexique pour formuler une demande d’asile au Canada. Suite à leur départ, l’épouse du demandeur principal aurait quitté leur résidence pour aller vivre chez une amie et ensuite chez sa sœur. Des étrangers lui auraient demandé où se trouvait son mari. Refusant de répondre, ils l’auraient battu.

 

[10]      En avril 2007, l’épouse du demandeur principal vint à Montréal pour deux semaines, puis retourna au Mexique. En juillet 2007, elle a fait une deuxième visite à Montréal, pour retourner au Mexique au mois d’août suivant. Le 22 octobre 2007, après avoir appris le meurtre d’un musicien que l’on aurait pris pour Guillermo, elle a quitté le Mexique avec son autre fils, sa bru et ses deux petits-enfants, qui tous demandèrent l’asile au Canada le même jour. Toutefois, son fils, sa bru et ses petits-enfants ont subséquemment retiré leur demande d’asile pour retourner au Mexique.

 

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[11]      Le tribunal a jugé les allégations des demandeurs non crédibles. Dans sa décision, le tribunal a précisé les incohérences et contradictions qui l’ont amené à conclure que l’histoire des demandeurs en était une inventée.

 

[12]      La seule véritable question que soulève cette affaire est celle de savoir si le tribunal a erré en concluant que les demandeurs n’étaient pas crédibles. S’agissant là d’une pure question d’appréciation de la preuve, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Chen c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 767 au para 18; Zavalat c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 1279 au para 18; Afonso c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 51 au para 22; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 au para 47 [Dunsmuir]).

 

[13]      Après révision de la preuve pertinente et audition des procureurs des parties, les demandeurs ne m’ont pas satisfait que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de faits erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments mis en preuve devant lui (voir l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7). Au contraire, la décision du tribunal s’appuie sur les importants éléments de preuve que constituent les déclarations des demandeurs et la preuve documentaire.

 

[14]      Qu’il suffise, ici, de noter le caractère raisonnable de l’inférence négative tirée par le tribunal de l’incapacité du demandeur principal d’expliquer la raison de la contradiction reliée à la date de sa rencontre alléguée avec M. Montoya, compte tenu de la preuve documentaire précisant que le 4 janvier 2005, Montoya avait été remplacé. Cette inférence va au cœur même de la décision et est déterminante, puisque si la rencontre entre le demandeur principal et le directeur Montoya n’a jamais eu lieu, alors les menaces alléguées au soutien de la crainte des demandeurs sont purement fictives.

 

[15]      Faut-il rappeler qu’en semblable matière, cette Cour doit exercer une grande retenue et ne peut intervenir que si les conclusions du tribunal ne s’appuient pas sur la preuve au dossier. En l’espèce, les inférences tirées par le tribunal sont raisonnables à la lumière de la preuve devant lui (voir Aguebor c. Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 160 N.R. 315).

 

[16]      De plus, la conclusion d’absence de crédibilité d’un demandeur d’asile peut s’étendre à tous les éléments de preuve rattachés à son témoignage (voir Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1990] 3 C.F. 238).

 

[17]      Dans les circonstances, il n’appartient donc pas à cette Cour de substituer son appréciation des faits à celle faite par le tribunal dont la décision m’apparaît justifiée et transparente, satisfaisant la norme de la décision raisonnable, telle que définie dans Dunsmuir.

 

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[18]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[19]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rendue le 18 mars 2011 est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2336-11

 

INTITULÉ :                                       Leopoldo Francico CORONEL ARCHUNDIA, Guillermo CORONEL VERDIN, Sandra Maria VERDIN Y SOLIS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 janvier 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alain Joffe                                     POUR LES DEMANDEURS

 

Me Marilyne Trudeau                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alain Joffe                                                                    POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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