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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120106

Dossier : IMM-2214-11

Référence : 2012 CF 4

Ottawa (Ontario), ce 6e jour de janvier 2012

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Gustavo Adolfo RODRIGUEZ

 

Demandeur

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de M. Carlos Martinez de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal), présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, par Gustavo Adolfo Rodriguez (le demandeur). Le tribunal a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger et a donc rejeté sa demande d’asile.

[2]          Le demandeur est un citoyen de la Colombie. Le 4 février 2008, avec des étudiants universitaires, il aurait participé activement à une manifestation de 2 à 3 millions de personnes contre la violence à laquelle les Forces armées révolutionnaires de Colombie (« FARC », « Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia ») soumettent la population. Le demandeur allègue qu’au lendemain de la manifestation, le véhicule dans lequel il voyageait a été intercepté par les FARC, qui l’auraient par la suite arrêté et détenu. Le demandeur prétend avoir réussi à s’évader. Toutefois, il n’a pas porté plainte.

 

[3]          Suite à cet incident, le 24 mai 2008, il quitte la Colombie pour aller aux États-Unis, ayant réussi à obtenir un visa expirant en août 2008. Le demandeur serait demeuré aux États-Unis jusqu’au 8 septembre 2008, alors qu’il aurait quitté pour le Canada où il formule sa demande d’asile dès son arrivée. Le demandeur prétend craindre pour sa vie, disant que les FARC seraient toujours à sa recherche.

 

[4]          Dans sa décision datée du 7 mars 2011, le tribunal a rejeté la demande d’asile du demandeur, concluant que ce dernier n’était pas crédible.

 

[5]          Après audition des procureurs des parties et révision de la preuve pertinente, je suis d’avis que les incohérences et contradictions brièvement notées par le tribunal n’en sont pas véritablement, et que les inférences tirées par ce dernier ne sont pas raisonnables (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[6]          D’abord, le tribunal a eu tort d’écarter la copie de la plainte déposée par le père du demandeur à la police de la Colombie. Non seulement le tribunal se trompe-t-il en disant que ce document date de 2010, alors qu’il date de 2011, mais il aurait dû considérer que cette plainte avait pour but d’établir que les FARC étaient toujours à la recherche du demandeur.

 

[7]          De plus, le tribunal a erré en tirant une conclusion négative en raison de l’attente du demandeur à formuler sa demande d’asile. Le tribunal a ignoré les explications du demandeur à cet égard, à savoir que la demande d’asile de son oncle avait été acceptée au Canada et qu’il ne voulait pas mettre en cause les agents de voyage et la compagnie qui l’ont aidé à quitter la Colombie. Non seulement le tribunal a erré en ignorant ces explications pourtant raisonnables, mais il a eu tort d’imposer au demandeur une obligation de demander le statut de réfugié à la première occasion, dans un pays tiers (voir Gavryushenko c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1209 (1re inst.) (QL)).

 

[8]          Enfin, le tribunal a erré en demeurant silencieux sur plusieurs éléments de preuve pertinents fournis par le demandeur au soutien de sa demande d’asile, notamment sa carte d’étudiant, les explications offertes lors de son témoignage et les documents démontrant la présence des FARC dans les universités.

 

[9]          Pour toutes ces raisons, la décision du tribunal ne m’apparaissant pas justifiée et transparente, elle ne satisfait pas à la norme de la décision raisonnable telle que définie dans Dunsmuir, ci-dessus.

[10]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accordée. L’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié différemment constituée, pour nouvelle considération et détermination.

 

[11]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire est accordée et l’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié différemment constituée, pour nouvelle considération et détermination.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2214-11

 

INTITULÉ :                                       Gustavo Adolfo RODRIGUEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 janvier 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michel Le Brun                              POUR LE DEMANDEUR

 

Me Margarita Tzavelakos                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michel Le Brun                                                             POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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