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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120104


Dossier : IMM-3177-11

Référence : 2012 CF 9

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 janvier 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

WENJING QIN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (Loi), à l’égard de la décision datée du 13 avril 2011 (décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de protection que la demanderesse avait présentée en application des articles 96 et 97 de la Loi.

LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE

[2]               La demanderesse est une citoyenne de la République populaire de Chine (RPC) et est originaire de Tianjin. Elle est chrétienne et a fréquenté une maison-église clandestine en RPC. Elle fréquente une église baptiste au Canada. Elle était munie d’un visa de séjour lorsqu’elle est venue pour la première fois au Canada en juin 2008 pour travailler; elle est restée jusqu’en octobre 2008 et est alors retournée en RPC. La demanderesse a demandé un deuxième visa de séjour, qui a été délivré le 14 novembre 2008 et était valable jusqu’au 16 mai 2009. Elle est venue une deuxième fois au Canada pour travailler le 22 novembre 2008 et avait alors l’intention d’y rester jusqu’au 4 décembre 2008.

[3]               Alors qu’elle vivait en RPC, la demanderesse a été initiée au christianisme en avril 2008 et a commencé à fréquenter une maison-église chrétienne clandestine en mai 2008. Elle fréquentait l’église toutes les semaines et participait aux services religieux. Elle soutient que, alors qu’elle se trouvait encore au Canada, le Bureau de la sécurité publique (BSP) a découvert l’église clandestine qu’elle fréquentait en Chine et a effectué une descente à cet endroit le 11 janvier 2009. L’époux de la demanderesse, qui vivait encore en RPC, lui a raconté ce qui s’était passé. Il lui a dit que, le 14 janvier 2009, le BSP était venu à leur domicile et lui avait demandé où elle se trouvait. Il lui a également dit que, le 18 janvier 2009, trois membres de l’église qu’elle fréquentait avaient été arrêtés, détenus et condamnés à des peines d’emprisonnement.

[4]               La demanderesse a cru que le BSP la recherchait en raison de ce que son époux lui avait dit. Elle a demandé la protection au Canada le 20 février 2009. Elle fait valoir que son époux lui a dit que le BSP était revenu chez elle le 23 février 2009. Deux jours plus tard, l’employeur de la demanderesse en RPC a renvoyé celle-ci, soulignant dans une lettre que [traduction] « cette employée a participé aux activités de l’église illégale en RPC et le BSP est venu faire enquête chez nous, ce qui a terni la réputation de notre entreprise ». La demanderesse croit que le BSP s’intéresse toujours aux activités religieuses auxquelles elle participe, notamment parce que des agents du BSP sont allés aux domiciles d’autres membres de la maison-église.

[5]               Au soutien de son allégation, la demanderesse a fourni quelques documents à la SPR, y compris un formulaire de renseignements personnels (FRP) le 9 mars 2009. Elle a également fourni une carte d’identité nationale de la RPC le 20 juillet 2010, une copie de la lettre de congédiement de son employeur datée le 24 mars 2011 et un FRP modifié le 28 mars 2011.

[6]               La SPR a entendu la demande de protection de la demanderesse le 7 avril 2011. La demanderesse, son avocat, un agent de protection des réfugiés, un interprète et le commissaire de la SPR étaient tous présents à l’audience. Le commissaire de la SPR a dit qu’il était convaincu que la demanderesse était une chrétienne pratiquante en RPC et au Canada. La SPR a rendu sa décision le 13 avril 2011 et en a donné avis à la demanderesse le 26 avril de la même année.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]               La SPR a décidé que la demanderesse n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Elle a conclu que les allégations de la demanderesse selon lesquelles une descente avait été effectuée à la maison-église qu’elle fréquentait en RPC et selon lesquelles le BSP la poursuivait n’étaient pas crédibles, de même que les raisons qu’elle a invoquées pour rester au Canada après le 4 décembre 2008. De plus, la SPR a décidé que la demanderesse serait en mesure de participer au culte de la congrégation chrétienne de son choix à Tianjin et qu’il n’existait pas de possibilité sérieuse qu’elle soit persécutée si elle faisait cela.

Identité

[8]               La demanderesse a établi son identité personnelle à l’aide des documents qu’elle avait fournis, y compris sa carte d’identité de résident. En se fondant sur la connaissance que la demanderesse avait du christianisme et sur une lettre du révérend Daniel Clark, le pasteur de l’église qu’elle fréquente au Canada, la SPR a également conclu que la demanderesse avait établi son identité comme chrétienne.

Crédibilité

[9]               La SPR a souligné que la demanderesse comptait 17 années de scolarité et que les demandeurs peuvent être exposés à des difficultés en raison de certaines différences culturelles, de l’atmosphère de l’audience et du stress causé par l’obligation de répondre aux questions. Elle a dit qu’elle avait tenu compte de ces facteurs ainsi que de l’âge et des antécédents de la demanderesse pour évaluer la crédibilité de celle-ci.

Retard à quitter le Canada

[10]           La SPR a souligné que la demanderesse était munie d’un visa de travail lorsqu’elle est arrivée au Canada en novembre 2008. Elle devait retourner en RPC le 4 décembre 2008, mais ne l’avait pas fait. Au cours de l’audience, la SPR a demandé à la demanderesse pourquoi elle n’était pas partie à la date prévue; la demanderesse a expliqué que le projet pour lequel elle était venue travailler au Canada n’était pas terminé le 4 décembre 2008 et que, par conséquent, elle était restée après la date à laquelle elle devait partir. Ayant tiré diverses conclusions défavorables quant à la crédibilité de la demanderesse, la SPR a décidé que l’explication que celle-ci avait donnée au sujet des raisons pour lesquelles elle n’avait pas quitté le Canada le 4 décembre 2008 n’était pas crédible.

[11]           D’abord, la SPR a tiré une conclusion défavorable du fait que la demanderesse n’a pu fournir de documents démontrant les raisons pour lesquelles le projet n’a pu être terminé à temps. Lorsque la SPR lui a demandé à l’audience si elle pouvait démontrer que le projet n’avait pu être mené à terme, la demanderesse a dit qu’elle ne pouvait demander de documents de son entreprise, parce qu’elle avait été renvoyée. Elle a déclaré à l’audience que son entreprise avait un bureau à Markham (Ontario); la SPR lui a donc demandé pourquoi elle ne s’était pas adressée au bureau local pour obtenir les documents. La demanderesse a répondu qu’elle avait essayé de le faire, mais sans succès. La SPR a également demandé à l’audience à la demanderesse pourquoi celle-ci n’avait pas mentionné les efforts vains qu’elle avait déployés pour obtenir des documents du bureau de Markham lorsqu’elle s’est fait demander si elle pouvait fournir des documents démontrant que le projet n’avait pu être mené à terme. Étant donné que la demanderesse compte 17 années de scolarité et qu’elle se présente comme une personne posée et sûre d’elle, la SPR a conclu que la demanderesse aurait dû être capable d’expliquer la raison pour laquelle elle n’a pas demandé de documents qui démontreraient que son projet avait effectivement demandé plus de temps que ce qui avait été prévu. La demanderesse n’ayant pu fournir une explication raisonnable, la SPR a tiré une conclusion défavorable au sujet de sa crédibilité.

[12]           En deuxième lieu, la SPR a tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de la demanderesse en raison des efforts insuffisants que celle-ci avait déployés pour obtenir des documents du bureau local de son employeur à Markham. À l’audience, la demanderesse a déclaré qu’elle avait téléphoné à l’entreprise et qu’elle lui avait envoyé des courriels, mais qu’elle n’avait pas reçu de réponse. La demanderesse a ajouté qu’elle s’était rendue à l’endroit où le bureau de son entreprise se trouvait, mais que celui-ci avait déménagé. Lorsqu’elle a demandé aux personnes qui se trouvaient à cet endroit si elles savaient où le bureau de son employeur avait déménagé, personne n’a pu l’aider. La SPR a conclu que la demanderesse avait les moyens de prendre d’autres mesures pour retrouver la société mère de son employeur, mais qu’elle ne l’avait pas fait; elle a donc tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de la demanderesse.

[13]           En troisième lieu, la SPR a souligné que la demanderesse n’avait pas demandé aux entreprises locales pour lesquelles son employeur avait travaillé des documents confirmant que le projet n’avait pu être mené à terme. Selon la SPR, lorsque la demanderesse a été interrogée à ce sujet, elle a répondu de manière vague et alambiquée et n’a pas fourni d’explication raisonnable; la SPR a donc tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de la demanderesse.

[14]           Ayant tiré ces trois conclusions défavorables concernant la crédibilité de la demanderesse, la SPR a estimé que son témoignage au sujet des raisons pour lesquelles elle n’est pas retournée en RPC le 4 décembre 2008 n’était pas crédible.

Poursuite par le BSP

[15]           La SPR a également conclu que l’allégation de la demanderesse selon laquelle le BSP avait effectué une descente à la maison-église qu’elle fréquentait n’était pas crédible. De l’avis de la SPR, il n’y avait aucun élément de preuve établissant de façon convaincante que des membres de la maison-église que la demanderesse fréquentait en RPC avaient été arrêtés, ce qui l’a amenée à conclure qu’elle n’était pas poursuivie par le BSP.

[16]           La SPR a conclu que la déclaration de la demanderesse selon laquelle les agents du BSP avaient montré un mandat à son époux lorsqu’ils se sont rendus à son domicile en RPC le 23 février 2009 n’était pas crédible. Au cours de l’audience, le commissaire de la SPR a demandé à la demanderesse si les agents du BSP avaient montré quoi que ce soit à son époux pour affirmer qu’ils la recherchaient. Elle a répondu qu’ils avaient montré leurs insignes. La SPR a ensuite demandé à la demanderesse si les agents avaient montré à son époux un mandat ou une assignation. Elle a confirmé qu’ils l’avaient fait. Lorsque la SPR lui a demandé pourquoi elle n’avait pas mentionné le mandat en réponse à la première question du tribunal et pourquoi elle avait omis ce détail dans son FRP, la demanderesse a répondu qu’elle était nerveuse. Dans sa décision, la SPR a rejeté l’explication de la demanderesse, soulignant que celle-ci n’avait montré aucun signe de nervosité à l’audience, que la question était claire et sans équivoque et que sa réponse n’expliquait pas l’omission du renseignement dans le FRP. En se fondant sur ces raisons, la SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse au sujet du mandat n’était pas crédible.

[17]           La SPR a également décidé que le témoignage de la demanderesse au sujet de ce que les agents du BSP avaient fait lorsqu’ils ont fouillé son domicile n’était pas crédible. À l’audience, les propos suivants ont été échangés :

[traduction]

SPR :                           Alors, la première fois qu’ils sont allés chez vous, qu’ont fait les agents du BSP?

Demanderesse :            Ils sont venus simplement pour me voir et ont demandé à mon époux où je me trouvais; mon époux a répondu que j’étais partie à l’étranger. Ils lui ont alors demandé la date de mon retour et mon époux a répondu qu’il l’ignorait. Ils lui ont ensuite demandé à quel genre d’activités sociales je participais et ils ont dit à mon époux que, dès mon retour, je devais me présenter au poste du BSP afin de répondre à leurs questions dans le cadre de l’enquête.

SPR :                           Alors, ont-ils fait autre chose en plus de parler à votre époux?

Demanderesse :            Non.

SPR :                           Ils n’ont pas fouillé votre maison?

Demanderesse :            Non, ils ne l’ont pas fait.

[…]

SPR :                           Ont-ils déjà fouillé votre maison?

Demanderesse :            D’après ce que mon époux m’a dit, lorsqu’ils sont entrés dans la maison, ils ont simplement jeté un coup d’oeil.

SPR :                           Sont-ils allés dans toutes les chambres et ont-ils... ouvert les armoires et regardé sous le lit?

Demanderesse :            Ils ont ouvert des portes et regardé.

RPD :                           N’est-ce pas là une forme de fouille?

Demanderesse :            Je croyais que la fouille était une perquisition officielle portant sur absolument tout.

 

[18]           La SPR a conclu qu’il y avait une divergence entre la déclaration de la demanderesse selon laquelle le BSP n’avait pas fouillé son domicile et son affirmation selon laquelle les agents avaient ouvert les portes et regardé dans les chambres. La SPR a rejeté l’explication de la demanderesse, qui avait dit croire que le mot perquisition signifiait une procédure officielle. Elle a également souligné que le témoignage de la demanderesse sur cette question était incompatible avec d’autres commentaires qu’elle avait formulés et que la demanderesse avait modifié ses propos par la suite pour expliquer une incohérence évidente. La SPR a donc conclu que le témoignage de la demanderesse n’était pas crédible.

[19]           En plus du témoignage de la demanderesse, la SPR a examiné la preuve documentaire visant à confirmer l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle était poursuivie par le BSP. La SPR a souligné que la demanderesse n’avait fourni aucun élément de preuve corroborant son allégation selon laquelle des membres de la maison-église qu’elle fréquentait avaient été arrêtés, détenus et condamnés à des peines d’emprisonnement.

[20]           La SPR a examiné la lettre que la demanderesse avait fournie au soutien de sa demande. Dans cette lettre, qui provenait apparemment du bureau de l’employeur de la demanderesse en RPC, il était mentionné que celle-ci était renvoyée en raison de sa participation à des activités dans une église clandestine. La SPR a souligné que la demanderesse n’avait pas fourni cette lettre en même temps que les autres documents qu’elle avait déposés et elle a rejeté l’explication qu’elle a donnée selon laquelle son conseiller avait oublié de l’envoyer. De l’avis de la SPR, la lettre était primordiale pour la demande de la demanderesse et son importance serait évidente au vu du document. La SPR a ajouté que la demanderesse n’avait pas mentionné la lettre, que ce soit dans son FRP initial ou dans le FRP modifié qu’elle a produit le 28 mars 2011, après avoir déposé la lettre. La SPR a tiré une déduction défavorable de cette omission et a accordé peu d’importance à cette lettre.

[21]           En se fondant sur ses constatations, sur les déductions défavorables qu’elle a tirées et sur l’absence d’éléments de preuve démontrant que d’autres membres de la maison-église qu’elle fréquentait avaient été arrêtés, la SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse au sujet du fait que le BSP la poursuivait n’était pas crédible. Elle a décidé que le BSP ne recherchait pas la demanderesse en raison de ses activités dans la maison-église clandestine.

Risque de persécution

[22]           Après avoir évalué la crédibilité de l’exposé narratif de la demanderesse, la SPR a examiné le risque de persécution auquel celle-ci serait exposée dans l’avenir. Pour mener cette analyse, la SPR a consulté les documents sur la situation au pays qui avaient été mis à sa disposition.

[23]           La SPR a souligné que le secrétaire de direction du conseil chrétien de Hong Kong a expliqué en 2010 que les autorités chinoises avaient démontré un degré élevé de tolérance envers les activités chrétiennes, particulièrement à l’égard des groupes de chrétiens non agréés.

[24]           La SPR a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve convaincant de persécution à l’endroit des chrétiens de Tianjin - la ville dont la demanderesse est originaire - dans l’un ou l’autre des documents qu’elle avait en main au sujet de la persécution religieuse en RPC. Elle a ajouté que, même si des incidents de persécution à l’encontre de chrétiens vivant dans d’autres parties de la RPC avaient été signalés, aucun élément de preuve ne démontrait qu’il y avait de la persécution à Tianjin. La SPR a souligné que, d’après un rapport de 2009 du Département d’État des États-Unis, l’International Religious Freedom Report (IRFR), des arrestations et des incidents de persécution de chrétiens avaient eu lieu à Beijing, à Shanghai, dans la région autonome de Xinjiang Uyghur, dans les provinces de Jilin, de Hebei, de Henan, de Zhegiang, de Zhegiang, de Guangdong, de l’Anhui, de Hubei, de Sichuan, de Heilongjiang et de Shandong, de même qu’en Mongolie intérieure. Bien que les chrétiens aient été victimes de persécution dans ces régions, l’IRFR ne faisait état d’aucun incident de persécution survenu à Tianjin. La SPR a souligné que, lors d’un incident signalé, les autorités auraient tenté de démolir un immeuble où les chrétiens se réunissaient, mais elle a dit qu’il était possible que les autorités aient exproprié la propriété à des fins d’aménagement du territoire. La SPR a conclu que, s’il y avait eu de récentes arrestations ou de récents incidents de persécution visant des chrétiens à Tianjin, il en aurait été fait mention dans des documents provenant de sources fiables.

[25]           La SPR a ajouté que, selon l’IRFR, la liberté religieuse en RPC varie d’une région à l’autre du pays. Il appert du rapport que le nombre de groupes non agréés continue de croître et que la plupart des groupes ne sont pas agréés. De plus, ces groupes ne vivent plus dans le secret le plus strict. La SPR a conclu que, dans certaines régions, les fonctionnaires n’entravaient pas vraiment les activités, religieuses ou autres, des églises non agréées. La SPR a également souligné l’existence d’un article de 2006 de la Christian Century Foundation - Church and State in China [l’Église et l’État en chine] - selon lequel seuls les rassemblements d’au moins quarante personnes doivent obtenir l’agrément du gouvernement. De plus, elle a cité un rapport du Home Office du Royaume-Uni - Country of Origin Information Report : China - où il est mentionné que l’agrément des rassemblements religieux d’amis et de membres de la famille n’est pas obligatoire. La demanderesse avait affirmé que les disciples de son église étaient peu nombreux.

[26]           La SPR a examiné la description que la demanderesse avait donnée de sa maison‑église et l’emplacement de celle-ci à Tianjin ainsi que la preuve documentaire soumise. En se fondant sur ces éléments, la SPR a conclu que le BSP n’avait jamais effectué de descente à l’église que la demanderesse fréquentait et que le BSP ne recherchait pas celle-ci non plus. La SPR a souligné que, pour évaluer la preuve documentaire, elle s’est fondée sur les décisions de la Cour fédérale Yu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 310, et Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 205.

[27]           Par ailleurs, la SPR s’est demandé s’il y avait un risque que la demanderesse subisse un préjudice si elle retournait en RPC. Par suite de l’arrêt Chan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593, les facteurs pertinents à prendre en compte aux fins de cette analyse comprennent à la fois les lois en vigueur dans le pays de référence du demandeur et la façon dont ces lois sont appliquées. La SPR a conclu que, étant donné que les lois n’étaient pas appliquées de la même façon à Tianjin que dans d’autres parties de la RPC, la demanderesse serait en mesure de pratiquer la religion chrétienne dans la congrégation de son choix à Tianjin. Elle a également conclu qu’il n’existait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée à Tianjin en raison de sa pratique du christianisme.

[28]           La SPR a souligné qu’à l’audience la demanderesse avait fait mention d’un graphique de 2008 de la China Aid Association (China Aid). Selon ce graphique, Beijing est l’une des pires régions de la RPC pour ce qui est de la persécution des chrétiens; la demanderesse avait soutenu que le risque de persécution à Tianjin serait similaire à celui qui existe à Beijing, parce que celle‑ci se trouve à seulement une heure de route en voiture de Tianjin. La SPR a rejeté cet argument, soulignant que les documents sur lesquels elle s’était fondée étaient plus récents et provenaient de diverses sources indépendantes qui étaient vraisemblablement bien renseignées sur la situation des chrétiens à Tianjin.

[29]           Vu l’ensemble de ses conclusions précédentes, la SPR a décidé que la demanderesse n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention en vertu de l’article 96 de la Loi ou de personne à protéger en vertu de l’article 97 de la Loi.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[30]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente demande :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa  nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au  sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou  occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

[…]

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning ­ of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or  incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

 

[…]

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[31]           La demanderesse soulève les questions suivantes dans la présente demande :

a.                   Les conclusions de la SPR au sujet de la crédibilité étaient-elles raisonnables?

b.                  La conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse pourrait pratiquer le christianisme à Tianjin était-elle raisonnable?

c.                   La SPR a-t-elle interprété le mot « persécution » de façon raisonnable?

LA NORME DE CONTRÔLE

[32]           Dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a décidé qu’il n’était pas nécessaire de faire une analyse de la norme de contrôle dans chaque cas. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question donnée est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision entreprend l’analyse des quatre éléments permettant d’arrêter la norme de contrôle.

[33]           Dans Elmi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 773, au paragraphe 21, le juge Max Teitelbaum a décidé que l’analyse de la crédibilité est au coeur même de la conclusion de fait de la SPR et que les conclusions connexes devaient être contrôlées selon la norme de la décision raisonnable. De plus, dans Hou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1586, le juge John O’Keefe a conclu, au paragraphe 23, que la norme de contrôle applicable aux décisions sur la crédibilité était la décision manifestement déraisonnable. Par ailleurs, dans Aguebor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF), la Cour d’appel fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable aux conclusions de crédibilité est la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable à la première question est la décision raisonnable.

[34]           Dans Sarmis c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 110, au paragraphe 11, le juge Michel Beaudry a décidé que la norme de contrôle applicable pour l’appréciation de la persécution est la décision manifestement déraisonnable. Qui plus est, dans Cornejo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 261, le juge Michael Kelen a conclu, au paragraphe 17, que la norme de contrôle servant à déterminer si un demandeur a établi une crainte subjective de persécution est la norme du caractère raisonnable. Le juge O’Keefe a tiré une conclusion similaire au paragraphe 20 de la décision Brown c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 585. La norme de contrôle applicable à la deuxième question est la décision raisonnable.

[35]           Dans Rajudeen c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1984] ACF no 601, (1984) 55 NR 129 (cité dans NR), la Cour d’appel fédérale, se fondant sur le Living Webster Encyclopedic Dictionary, a défini la persécution comme suit, à la page 133 :

[traduction] Harceler ou tourmenter sans relâche par des traitements cruels ou vexatoires, tourmenter sans répit, tourmenter ou punir en raison d’opinions particulières ou de la pratique d’une croyance ou d’un culte particulier.

 

[36]           Madame la juge Eleanor Dawson a utilisé cette définition dans Tolu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 334, au paragraphe 16. De plus, dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hamdan, 2006 CF 290, Madame la juge Johanne Gauthier s’est exprimée ainsi, au paragraphe 17 :

S’agissant de la question mixte de droit et de fait de savoir si tel ou tel acte discriminatoire équivaut ou non à persécution, la norme qui s’applique est la décision raisonnable simpliciter [...]

 

[37]           Le juge Yvon Pinard a adopté une approche semblable dans Prato c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1088, au paragraphe 8. Dans la présente affaire, la SPR devait interpréter la persécution au sens de l’article 96. Compte tenu de ce qui précède, la norme de contrôle applicable à la troisième question est la décision raisonnable.

[38]           Lors du contrôle d’une décision suivant la norme de la décision raisonnable, l’analyse tiendra à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres mots, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

LES ARGUMENTS

La demanderesse

                        La conclusion de la SPR au sujet de la crédibilité n’était pas raisonnable

[39]           La demanderesse reproche à la SPR d’avoir tiré une conclusion défavorable à la lumière de ce qu’elle a décrit comme une contradiction dans le témoignage que la demanderesse a présenté au sujet de ce que les agents du BSP ont fait lorsqu’ils sont allés chez elle le 23 février 2009. La demanderesse a d’abord dit qu’ils n’avaient pas fouillé la maison, puis elle a dit qu’ils avaient ouvert les portes et regardé dans les chambres. La SPR a rejeté l’explication que la demanderesse avait donnée à l’audience, selon laquelle elle pensait que le mot « fouille » signifiait une perquisition officielle. La demanderesse soutient que la SPR n’a pas expliqué pourquoi elle aurait dû penser que le fait d’avoir regardé dans les chambres de la maison équivalait à une perquisition et à un examen de toute la maison par les agents. Étant donné que la SPR n’a pas expliqué son raisonnement, la conclusion qu’elle a tirée au sujet de la crédibilité en se fondant sur cette incohérence n’était pas raisonnable.

[40]           La demanderesse ajoute que la conclusion de la SPR était également déraisonnable en raison du poids qu’elle a accordé à la lettre de renvoi que la demanderesse avait déposée. La SPR a rejeté l’explication que la demanderesse a donnée au sujet de la raison pour laquelle elle n’avait pas soumis la lettre en même temps que ses autres documents, soit le fait que son conseiller avait oublié de l’envoyer. La demanderesse soutient qu’il n’y a aucun lien entre l’importance de la lettre pour sa demande, sur laquelle la SPR a porté son attention, et l’erreur que son conseiller a commise par inadvertance en omettant de faire parvenir ce document. La demanderesse ajoute qu’il n’était pas raisonnable de la part de la SPR d’accorder peu d’importance à la lettre parce qu’elle n’était pas mentionnée dans son FRP. Elle soutient que le renvoi était évident à la lumière de la lettre elle-même, laquelle a été remise à la SPR à peu près en même temps que le FRP modifié.

La conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse pouvait pratiquer le christianisme n’était pas raisonnable

[41]           La demanderesse fait valoir que la conclusion de la SPR selon laquelle elle pouvait pratiquer le christianisme dans l’église de son choix n’était pas raisonnable. Elle reproche à la SPR d’avoir analysé uniquement les preuves qui appuyaient sa conclusion sans tenir compte des preuves allant dans le sens contraire. De plus, la SPR n’a invoqué aucun élément de preuve donnant à penser que la liberté religieuse existait à Tianjin, de sorte que sa conclusion sur cette question n’est pas raisonnable.

[42]           Lorsqu’elle a conclu que la demanderesse serait en mesure de pratiquer le christianisme à Tianjin, la SPR s’est fondée sur un rapport du conseil chrétien de Hong Kong. La demanderesse souligne que Hong Kong fait partie de la RPC et que la SPR n’aurait pas dû se fonder sur un rapport émanant d’une organisation qui se trouve en RPC.

[43]           La SPR s’est fondée sur l’IRFR pour conclure que les groupes chrétiens non agréés dans la RPC ne vivent plus dans le secret le plus strict. La demanderesse affirme que ce rapport montre également que des incidents de persécution religieuse se produisent encore fréquemment en RPC. Bien que l’application des lois restreignant la liberté de religion varie selon les régions en RPC, l’IRFR ne donne pas à penser que ces lois ne sont nullement appliquées ou que certaines régions échappent totalement à la persécution. La demanderesse ajoute que, selon ce même rapport, le gouvernement chinois ne reconnaît pas que des arrestations sont effectuées relativement à des activités religieuses, de sorte que les incidents de persécution religieuse ne sont pas tous consignés. Qui plus est, les arrestations relatives aux activités religieuses sont souvent classées dans les arrestations pour des activités qui « troublent l’ordre social », de manière à dissimuler le fait que les autorités se livrent effectivement à des formes de persécution religieuse. La description que la SPR fait de l’IRFR ne correspond pas aux données qui y figurent, de sorte que la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse serait en mesure de pratiquer le christianisme à Tianjin n’était pas raisonnable.

[44]           La demanderesse souligne en outre que la SPR s’est fondée sur des renseignements émanant de l’administration d’État des affaires religieuses - qui constitue une branche du gouvernement chinois - et montrant que les petits groupes de chrétiens composés uniquement de membres d’une même famille et d’amis proches ne sont pas tenus d’obtenir l’agrément du gouvernement. Contrairement à la conclusion de la SPR selon laquelle ces renseignements indiquaient que le BSP ne s’intéresserait pas à son groupe, la demanderesse fait valoir que l’IRFR montrait que les petits groupes sont parfois la cible de descentes de la part du BSP, même s’ils ne sont pas officiellement tenus d’obtenir l’agrément des autorités.

[45]           La SPR n’a invoqué aucun élément de preuve lui permettant de conclure que la demanderesse n’était exposée à aucun risque à Tianjin. Elle soutient qu’il était inapproprié de la part de la SPR de se fonder sur les décisions Yu et Li, ci-dessus, parce que ces décisions portent, non pas sur des appels, mais sur des demandes de contrôle judiciaire; même si les conclusions sont peut-être similaires, le dossier était probablement très différent. La conclusion selon laquelle le risque de persécution à Tianjin était faible n’était pas raisonnable

Le défendeur

[46]           Le défendeur affirme que les conclusions de la SPR au sujet de la crédibilité et du risque de persécution auquel la demanderesse était exposée à Tianjin étaient raisonnables, de sorte qu’il convient de confirmer la décision.

Les conclusions de la SPR au sujet de la crédibilité étaient raisonnables

[47]           Le défendeur affirme que les conclusions de fait, y compris celles qui concernent l’appréciation de la crédibilité, relèvent de la compétence spécialisée de la SPR, de sorte que la Cour devrait faire preuve de retenue à leur égard. Dans la présente affaire, la SPR a fondé sa conclusion relative à la crédibilité sur l’absence d’éléments de preuve corroborants, sur les divergences et omissions caractérisant tant le témoignage que le FRP de la demanderesse et sur les réponses imprécises et incohérentes que celle-ci a données à l’audience.

                                    Absence de corroboration

[48]           Bien que la demanderesse ait affirmé au cours de son témoignage que les agents du BSP avaient montré un mandat à son époux lorsqu’ils se sont rendus à son domicile le 23 février 2009, elle n’a présenté aucun élément de preuve corroborant à ce sujet. De plus, elle n’a pas fourni le moindre élément de preuve corroborant son allégation selon laquelle trois membres de la maison-église qu’elle fréquentait à Tianjin avaient été arrêtés et condamnés à de longues peines d’emprisonnement. La demanderesse n’a pas corroboré non plus l’explication qu’elle a donnée au sujet des raisons pour lesquelles elle n’a pas quitté le Canada le 4 décembre 2008. Selon le défendeur, dans Adu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] ACF no 114, au paragraphe 1, la Cour fédérale a décidé qu’il peut être raisonnable de la part de la SPR de s’attendre à ce que les demandeurs fournissent des éléments de preuve corroborant leurs versions. L’absence de documents qui n’est pas compensée par une explication raisonnable peut toucher la crédibilité. Dans la présente affaire, l’absence de documents corroborants permettait raisonnablement à la SPR de conclure que la demanderesse n’était pas crédible.

                                    Divergences et omissions

[49]           La SPR a décidé que la demanderesse avait présenté un témoignage incohérent au sujet de ce que les agents du BSP avaient montré à son époux lorsqu’ils sont allés chez elle le 23 février 2009. D’abord, elle a dit qu’ils avaient montré leurs insignes; par la suite, lorsqu’elle s’est fait demander s’ils avaient montré un mandat ou une assignation, elle a confirmé qu’ils l’avaient fait. En réponse à la question de savoir pourquoi elle n’avait pas mentionné le mandat lorsque la question lui a été posée la première fois, la demanderesse a dit qu’elle était nerveuse. De plus, la demanderesse a modifié sa réponse au sujet de ce que les agents du BSP avaient fait chez elle : elle avait d’abord dit qu’ils n’avaient rien fait, si ce n’est de parler à son époux; cependant, plus tard, elle a dit qu’ils avaient ouvert les portes et fouillé la maison.

[50]           Le défendeur soutient que la SPR a accordé peu de poids, avec raison, à la lettre de renvoi que la demanderesse a déposée, parce que celle-ci n’avait pas mentionné le renvoi en question sur son FRP, qu’elle n’a pas envoyé la lettre en même temps que les autres documents qu’elle a déposés et que la lettre en cause n’était pas signée.

[51]           Le défendeur invoque les décisions Kaleja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 668, Nyayieka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 690, et Zupko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1319. Il appert de ces décisions que l’omission du demandeur de mentionner dans son FRP des faits importants qui sont plus tard décrits à l’audience permet légitimement à la SPR de tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du demandeur en question. La demanderesse a omis de mentionner dans son FRP son renvoi et les détails relatifs à la fouille menée à son domicile. Elle a soulevé plus tard ces allégations à l’audience; en conséquence, il était raisonnable de la part de la SPR de considérer ces omissions d’un mauvais oeil (voir Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 536, aux paragraphes 8 et 9).

Réponses imprécises et évasives

[52]           Le défendeur souligne que la demanderesse n’a pas été un témoin coopératif. Elle a donné des réponses imprécises et elle a modifié son témoignage afin de tenter d’expliquer des incohérences évidentes. Selon la jurisprudence de la Cour fédérale, les réponses évasives et l’omission de répondre peuvent raisonnablement donner lieu à une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité, de sorte que la décision de la SPR était raisonnable à cet égard (voir Juarez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 890, au paragraphe 26, et Higbogun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 445, au paragraphe 29).

[53]           La SPR a agi de façon raisonnable lorsqu’elle a formulé une conclusion générale défavorable au sujet de la crédibilité en se fondant sur les déductions négatives qu’elle avait tirées. Il était raisonnable de sa part de rejeter l’explication que la demanderesse avait donnée au sujet de l’omission de dévoiler la lettre de renvoi et de tirer une déduction défavorable des incohérences du témoignage qu’elle a présenté relativement à la fouille menée à son domicile. La demanderesse désapprouve les conclusions de la SPR au sujet de la crédibilité et de l’importance que celle-ci a accordée à la preuve. Or, la simple désapprobation n’est pas une raison valable d’annuler une décision.

La conclusion tirée au sujet du risque était raisonnable

[54]           La SPR a examiné l’ensemble de la preuve favorable et défavorable à la demande de protection de la demanderesse et a expliqué pourquoi elle retenait certains éléments de preuve plutôt que d’autres. La SPR a également présenté une analyse claire et approfondie de la preuve et a tiré des conclusions de fait à la lumière de celle-ci, notamment les conclusions suivantes :

a.                   Le secrétaire de direction du conseil chrétien de Hong Kong a affirmé que les autorités avaient démontré un degré élevé de tolérance à l’égard des groupes non agréés;

b.                  Aucune arrestation de chrétiens n’a été signalée àTianjin;

c.                   Selon l’IRFR, le nombre de groupes religieux non agréés continue de croître et la plupart ne vivent plus dans le secret;

d.                  Selon l’IRFR, les groupes non agréés agissent organisent des activités publiques;

e.                   De 50 millions à 70 millions de Chinois célèbrent le culte dans des églises non agréées;

f.                    Selon le rapport du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni, les groupes qui organisent des réunions de prières et d’étude ne sont pas tenus d’obtenir l’agrément du gouvernement;

g.                   La situation à Tianjin ne correspond pas à la situation qui règne dans d’autres régions.

[55]           Le défendeur souligne que la demanderesse n’a pu fournir de sources étayant son allégation au sujet du risque auquel elle était exposée à Tianjin, de sorte que la SPR s’est fondée avec raison sur d’autres documents. Le défendeur souligne que, dans la décision Li, susmentionnée, au paragraphe 55, j’ai formulé les remarques suivantes :

Les points soulevés par la demanderesse visent l’importance et l’interprétation données à son témoignage et aux documents pertinents sur la situation du pays. En fin de compte, il s’agit de questions concernant le poids à accorder à la preuve par la Commission et non par la Cour.

[56]           Étant donné que la demanderesse conteste uniquement le poids que la SPR a accordé à la preuve, il ne convient pas que la Cour intervienne dans la présente affaire.

La réplique de la demanderesse

[57]           La demanderesse souligne que la SPR a conclu explicitement qu’elle était chrétienne et pratiquait sa religion tant en RPC qu’au Canada. La demanderesse a également invoqué le rapport de 2010 de China Aid intitulé Annual Report of Persecution by the Government on Christian House Churches within Mainland China : January 2009-December 2009 (rapport de China Aid de 2010), qui comportait un compte rendu détaillé d’un incident au cours duquel les autorités avaient démoli un immeuble où un groupe de chrétiens s’étaient réunis. La SPR a souligné qu’il était possible que les autorités aient simplement exproprié l’immeuble à des fins d’aménagement du territoire. La demanderesse reproche à la SPR de ne pas avoir expliqué pourquoi China Aid - organisation vouée au signalement d’incidents de persécution touchant les chrétiens en Chine - signalerait la démolition d’un immeuble à des fins d’expropriation, alors que l’expropriation visant l’aménagement du territoire n’avait rien à voir avec le mandat de China Aid. Elle souligne également que la SPR a mentionné que, bien que les autorités aient tenté de démolir l’immeuble, aucun chrétien n’avait été arrêté.

[58]           Dans Dong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 575, le juge Sean Harrington a formulé les remarques suivantes, au paragraphe 17 :

[traduction] Le commissaire semble croire que les fidèles ne risquent pas d’être persécutés si seul leur lieu de culte est détruit, mais qu’ils pourraient être arrêtés. La liberté de religion comprend le droit de s’exprimer ouvertement, de faire connaître l’évangile et de rendre témoignage.

 

 

[59]           La demanderesse fait valoir que la SPR a fixé déraisonnablement le seuil de la persécution à l’arrestation, de sorte que la décision devrait être annulée. Étant donné que la SPR a conclu que la demanderesse était chrétienne, elle devait soupeser les éléments de preuve tant positifs que négatifs concernant la demande de celle-ci, ce qu’elle n’a pas fait. La demanderesse invoque la décision Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 135, où le juge James O’Reilly s’est exprimé comme suit au paragraphe 13 :

Vu la nature équivoque de la preuve documentaire, il était important que la Commission mentionne et apprécie tant la preuve à l’appui de la demande de Mme Liu que la preuve contradictoire. Compte tenu de l’ensemble des conclusions tirées par la Commission, je dois conclure que sa décision était déraisonnable.

 

 

Le mémoire supplémentaire de la demanderesse

 

La SPR n’a pas interprété le mot « persécution » de façon raisonnable

 

 

[60]           La demanderesse a déclaré à l’audience que, pour vivre sa foi au quotidien, elle lisait la bible, priait et faisait connaître l’évangile. Elle affirme que, lorsque la SPR a examiné le risque de persécution, elle a implicitement porté son attention uniquement aux éléments de preuve relatifs aux arrestations et à la destruction de biens et n’a pas tenu compte du fait que la persécution englobait davantage que ces mesures.

 

[61]           Dans Fosu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 1813, le juge Pierre Denault a écrit ce qui suit au paragraphe 5 :

J’estime en effet que la Section du statut a restreint indûment la notion de pratique religieuse, la limitant au fait « de prier Dieu ou d’étudier la Bible ». Il va de soi que le droit à la liberté de religion comprend aussi la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. Comme corollaire de cet énoncé, il me semble que la persécution du fait de la religion peut prendre diverses formes telles que l’interdiction de célébrer le culte en public ou en privé, de donner ou de recevoir une instruction religieuse, ou la mise en oeuvre de mesures discriminatoires graves envers des personnes du fait qu’elles pratiquent leur religion.

 

[62]           De plus, dans Husseini c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 177, le juge François Lemieux a décidé que la SPR doit se demander si le fait d’être empêché de pratiquer publiquement sa religion équivaut à persécution. Dans Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1198, le juge Yves de Montigny a conclu, au paragraphe 19, que c’était une erreur de la part de la SPR de considérer le nombre d’arrestations de chrétiens comme un indicateur de la possibilité de persécution. De l’avis de la demanderesse, ces décisions montrent que la persécution couvre un éventail de risques plus vaste que le risque de se faire arrêter ou jeter en prison. Elle affirme que la persécution englobe les limites que l’État impose à la pratique publique de la religion.

 

[63]           Dans la présente affaire, la SPR a assimilé le risque de persécution au risque de se faire arrêter et jeter en prison, ce qui était déraisonnable de sa part. La demanderesse soutient que le fait que l’église qu’elle fréquentait devait prendre des précautions pour éviter de se faire remarquer par les autorités montre bien le risque de persécution auquel elle est exposée. Elle ajoute qu’une des façons de vivre sa foi, comme elle l’a expliqué à l’audience, consiste à faire connaître l’évangile. Or, le prosélytisme sur la place publique est interdit en RPC, ce qui limite la pratique de sa foi et constitue une forme de persécution. En portant son analyse du risque de persécution principalement sur les risques d’arrestation ou d’incarcération, la SPR a rendu une décision déraisonnable. Elle a mal évalué la question de savoir si la demanderesse ne serait pas exposée à davantage qu’une simple possibilité de persécution, parce qu’elle a fondé son analyse sur une interprétation indûment restrictive du mot « persécution ».

 

Le mémoire supplémentaire du défendeur

La SPR a correctement évalué le risque de persécution

[64]           Le défendeur affirme que la SPR a interprété le mot « persécution » de façon raisonnable. La SPR a examiné la situation générale qui régnait à Tianjin et a souligné les endroits où des arrestations avaient été effectuées et des mesures de coercition avaient été prises à l’endroit des chrétiens. Selon les commentaires formulés au paragraphe 44 de Lakhani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 65, il s’agit là d’une interprétation raisonnable. Contrairement à ce que la demanderesse a soutenu, la SPR n’a pas tenu compte uniquement des arrestations et de la destruction d’immeubles. Au paragraphe 24 de sa décision, la SPR s’est exprimée comme suit :

[L]e tribunal constate encore une fois qu’aucun des documents concernant la persécution religieuse en Chine ne contient d’éléments de preuve convaincants concernant les cas récents d’arrestation ou d’incident de persécution de chrétiens à Tianjin.

 

[65]           Le défendeur affirme que les mots « incident de persécution » du passage précité montrent que la SPR n’avait pas seulement les arrestations et la destruction d’immeubles en tête. La SPR s’est fondée sur l’IRFR et a conclu de façon raisonnable que la demanderesse pouvait pratiquer son christianisme dans la congrégation de son choix. Même si la demanderesse désapprouve la conclusion de la SPR, cette simple désapprobation ne constitue pas une raison valable d’accueillir la demande de contrôle judiciaire.

 

ANALYSE

[66]           En ce qui concerne la crédibilité, la demanderesse renvoie uniquement à deux aspects des motifs. À mon avis, l’objection de la demanderesse au sujet de la façon dont la SPR a traité la question de la fouille ne peut être examinée de façon isolée. Un examen de l’ensemble de la question de la crédibilité montre clairement que la SPR avait de bonnes raisons de ne pas croire la demanderesse lorsque celle-ci a affirmé que le BSP était à sa recherche. Il appert de la transcription du dossier certifié du tribunal que la demanderesse a modifié ses réponses en fonction des questions subséquentes, même en ce qui concerne la « fouille ». Cette analyse reposait sur une série d’incohérences, dont la plupart étaient beaucoup plus sérieuses que la question de savoir si la demanderesse a présenté des versions différentes ou si le BSP avait fouillé son domicile.

 

[67]           La plainte de la demanderesse au sujet de la façon dont la SPR a traité la lettre de renvoi de son employeur se limite en réalité à une tentative visant à convaincre la Cour de réexaminer et de réévaluer les faits dont la SPR s’est servie pour arriver à sa conclusion défavorable. La lettre n’était pas signée (facteur dont la SPR a tenu compte) et la demanderesse n’a pas vraiment donné de bonnes raisons pour justifier l’omission de sa part de mentionner dans son FRP l’importante question de son renvoi pour des motifs religieux. À mon avis, il n’y a aucun élément déraisonnable dans les conclusions de la SPR sur cet aspect.

 

[68]           Dans l’ensemble, je ne crois pas que la demanderesse a établi que la conclusion défavorable au sujet de la crédibilité était déraisonnable. Cependant, cette conclusion n’a pas pour effet de sceller l’issue du litige et la question importante concerne l’analyse que la SPR a menée au sujet du risque auquel la demanderesse serait exposée à son retour à Tianjin. La SPR a analysé de façon passablement traditionnelle la question de savoir si la demanderesse pourrait pratiquer sa religion comme elle le souhaite à Tianjin. Après avoir souligné que la persécution des chrétiens n’est pas uniforme en Chine, la SPR examine explicitement la situation qui règne à Tianjin. Comme elle l’a expliqué, « la preuve documentaire relative à la ville d’origine de la demandeure d’asile, Tianjin, indique que le risque de persécution des chrétiens pratiquants est très faible ». Comme elle n’a pas trouvé de rapports faisant état d’arrestations ou d’autres formes de persécution à Tianjin, alors que les signalements d’incidents de persécution ailleurs en Chine sont très nombreux, la SPR a conclu que Tianjin est une ville tolérante et que la demanderesse pourra participer au culte de la congrégation chrétienne de son choix là-bas sans être gênée par les autorités.

 

[69]           La demanderesse met en doute ces conclusions, mais la preuve qu’elle cite au sujet de la persécution des chrétiens en Chine ne concerne pas explicitement Tianjin et les efforts qu’elle a déployés pour discréditer les rapports invoqués ne sont pas convaincants. Il se pourrait que l’impartialité de quelques-unes des sources soit contestable, mais les conclusions de la SPR reposent sur un fondement clair et crédible. L’analyse que la SPR a menée en l’espèce ne va pas à l’encontre des décisions Yu et Li, ci-dessus, et de la décision rendue dans Yang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1274.

 

[70]           De plus, à mon avis, la SPR n’a pas commis l’erreur reprochée dans la décision Dong, susmentionnée, c’est-à-dire qu’elle n’a pas parlé uniquement des arrestations. La SPR mentionne les incidents de persécution de façon générale, bien que les arrestations représentent un aspect important de la situation.

 

[71]           En fin de compte, la demanderesse peut invoquer uniquement le rapport de 2010 de China Aid selon lequel des chrétiens coréens ont été expulsés de Tianjin et selon lequel, dans le comté de Jinghai, les autorités ont tenté de détruire l’immeuble de l’église Immanuel, qui servait aux réunions. Le contexte détaillé de ces événements n’est pas expliqué, de sorte que nous ne connaissons pas les raisons pour lesquelles les autorités auraient agi de cette façon ni l’importance de ces mesures pour la pratique générale du christianisme à Tianjin. Nous ne savons pas non plus si ces mesures constitueraient une forme de persécution selon la Convention et le droit canadien des réfugiés. Qui plus est, l’importance que ces événements revêtent pour la demanderesse n’est pas claire, puisque celle-ci n’a présenté aucun élément de preuve établissant de façon convaincante qu’elle a été empêchée dans le passé de pratiquer sa religion en RPC de la façon qu’elle souhaite, notamment en faisant connaître l’évangile.

 

[72]           D’autre part, la SPR devait tenir compte des éléments suivants :

1.                  La mention séparée de la ville de Tianjin dans le rapport de China Aid signifie qu’il est important de considérer la ville comme une région distincte aux fins d’examen de la liberté religieuse. Elle signifie également que la ville de Tianjin a été remarquée et que les seuls incidents signalés sont ceux qui ont été décrits et dont l’importance n’est pas claire au vu de la preuve.

2.                  D’après la preuve, la persécution religieuse à Tianjin est à peu près inexistante, alors que l’approche des autorités à l’égard des pratiques religieuses varie sensiblement selon les régions du pays; néanmoins, environ 50 millions à 70 millions de chrétiens fréquentent des maisons-églises en RPC.

3.                  La demanderesse avait pratiqué sa religion en Chine depuis le début de 2008, notamment en faisant connaître l’évangile (elle ne donne pas d’autres précisions), et n’a pu présenter aucun élément de preuve établissant de façon convaincante qu’elle avait été persécutée et empêchée de pratiquer sa foi comme elle l’entendait.

 

[73]           L’ensemble de la documentation que la SPR a examinée montre clairement que la tolérance religieuse en Chine varie sensiblement d’une région à l’autre. La demanderesse demande à la Cour, en se fondant sur l’ensemble de la preuve, de conclure que la SPR a agi de manière déraisonnable lorsqu’elle est arrivée aux conclusions suivantes :

a.                   le risque de persécution auquel les chrétiens pratiquants sont exposés à Tianjin est très faible;

b.                  il n’y avait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée si elle retournait à Tianjin pour pratiquer sa religion.

 

[74]           Compte tenu du critère énoncé dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour ne peut dire que la décision était déraisonnable à cet égard. Je répète les remarques que j’ai formulées dans la décision Yang, ci-dessus, lorsque j’ai examiné des questions similaires concernant une demanderesse originaire de Fujian :

33     En résumé, la demanderesse affirme qu’il était déraisonnable que la SPR conclût que, parce qu’aucune arrestation ou autre incident de persécution n’avait été rapporté, la demanderesse pouvait pratiquer sa religion comme elle le souhaitait au Guangdong. Cependant, dans la décision Nen Mei Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (4 février 2010), IMM-5425-08, page 3, la Cour semble avoir conclu qu’il s’agissait d’une conclusion raisonnable en ce qui avait trait à la province de Fujian : [traduction] « [I]l était raisonnable que la Commission conclût que, si de tels incidents de persécution avaient lieu au Fujian, ils auraient été rapportés ». Voir également Yu, précitée, paragraphe 32.

 

34     La demanderesse souligne également que la SPR semble ne pas avoir tenu compte de certaines mentions précises portant sur des incidents de persécution de chrétiens en Chine et qui n’excluaient pas le Guangdong.

 

[…]

 

37     La SPR a également mentionné l’incident ayant eu lieu à l’église Liangren, mais elle l’a écarté au motif que la preuve documentaire ne permettait pas de tirer une conclusion quant à savoir si cet incident révélait que les chrétiens étaient victimes de persécution au Guangdong. Dans la décision Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 222, le juge Lemieux a rejeté une demande de contrôle judiciaire présentée par un demandeur originaire de la province de Fujian et a accepté l’argument du défendeur selon lequel « la preuve documentaire indique qu’il y a peu de problèmes là où le demandeur vit et que, de façon générale, les gens y pratiquent leur foi librement et que les personnes susceptibles d’être indûment touchées ne correspondent pas [au] profil [du demandeur] ».

 

38     La preuve documentaire dans l’affaire Jiang comprenait des renseignements sur une personne qui avait été arrêtée, mais la SPR avait estimé qu’un seul exemple d’arrestation au Fujian ne justifiait qu’elle conclût que le demandeur serait exposé à de la persécution. Il en est de même en l’espèce en ce qui a trait à l’incident de l’église Liangren.

 

[…]

 

41     Deux décisions récentes de la Cour portent sur des questions semblables à celles soulevées en l’espèce. Tout d’abord, le juge Crampton, à la page 3 de la décision Nen Mei Lin, précitée, donne des précisions utiles qui, pour la plupart, s’appliquent à l’espèce en ce qui a trait à Guangdong :

 

[traduction]

La preuve documentaire examinée et expressément traitée par la Commission dans sa décision révèle que les arrestations de chrétiens ont continué dans certaines régions de la Chine dans les dernières années. Cependant, dans les documents dont disposait la Commission, il n’y avait aucune mention d’arrestation ou d’autre type d’incident de persécution qui, selon la demanderesse, aurait lieu dans sa province d’origine, Fujian. Vu les détails précis mentionnés dans ces documents, à savoir les dates et les endroits où ont eu lieu ces arrestations et où ont été prises d’autres mesures visant à dissuader les chrétiens de pratiquer des activités religieuses en Chine, il était raisonnable pour la Commission de conclure que, si de tels incidents de persécution avaient eu lieu au Fujian, ils auraient été rapportés.

 

Le fait qu’un très petit nombre de catholiques ont été arrêtés en 2002, en 2003 et en 2005 au Fujian ne rend pas la décision de la Commission déraisonnable, particulièrement (i) vu que le demandeur est un protestant, (ii) vu que l’augmentation de la tolérance envers les chrétiens en Chine dans les dernières années trouve écho dans la volumineuse preuve portée à la connaissance de la Commission; (iii) vu que les réunions de prières et d’études de la Bible entre amis et parents sont légales et qu’il n’est pas nécessaire de les enregistrer auprès des autorités de la Chine, (iv) vu qu’il y avait une preuve non contestée selon laquelle les « autorités locales [...] font habituellement preuve de tolérance envers les activités des groupes chrétiens non enregistrés » et (v) vu la nature des activités chrétiennes auxquelles a participé la demanderesse au Canada, lesquelles ont été précisément examinées par la Commission.

 

42     Dans la seconde décision, soit la décision Yu, précitée, le juge Zinn, aux paragraphes 31 et 32, fournit également des précisions quant aux faits dont je suis saisi, et ce, malgré que la présente affaire concerne la province de Guangdong et la province de Fujian :

 

31.  En l’espèce, la seule preuve qui a été présentée à la Commission au sujet de la descente à l’église clandestine du demandeur était le témoignage de celui-ci. Aucune preuve corroborant ce récit n’a été présentée. Bien que la Commission ait conclu que le demandeur était crédible, puisqu’elle a accepté qu’il était chrétien et qu’il fréquentait une église clandestine dans la province de Fujian, la Commission était saisie d’autres éléments de preuve qui mettaient en doute son récit au sujet de la descente.

 

32.  L’autre preuve était la preuve documentaire. Elle ne contredisait pas directement le témoignage du demandeur, puisqu’elle ne prétendait pas qu’aucune église clandestine n’avait jamais fait l’objet d’une descente dans la province du Fujian. Cela n’est pas surprenant, puisqu’il est peu probable qu’on puisse trouver un rapport au sujet de quelque chose qui n’est pas arrivé, puisque ce sont les événements, et non les non-événements, qui font l’objet de rapports. Néanmoins, la preuve documentaire permet de supposer qu’aucune descente n’a eu lieu. Elle permet cette conclusion, comme la Commission l’a noté, pour de nombreuses raisons, notamment :

 

1.  Il existe un énorme écart dans la façon dont les églises clandestines sont traitées en Chine. Dans certaines parties du pays, des églises clandestines qui ont une grande congrégation exercent leurs activités ouvertement, sans objection des autorités, alors que dans d’autres parties du pays, des églises clandestines qui ont de petites congrégations sont visées par les autorités.

 

2.  Les chrétiens protestants qui tentent de se réunir en larges groupes, qui se déplacent en Chine et à l’extérieur de la Chine pour des rencontres religieuses sont plus à risque d’être visés par les autorités.

 

3.  Il existe des preuves documentaires de persécution religieuse des églises clandestines et de leurs membres dans de nombreuses parties de la Chine, y compris dans des régions éloignées, mais il n’existe que très peu de preuve d’une telle persécution dans la province du Fujian.

 

4.  La preuve existante de persécution religieuse dans la province de Fujian porte sur l’église catholique.

 

43     Je pense que la SPR dit que les documents, interprétés dans leur ensemble, ne donnent pas à penser que la demanderesse, si elle retournait au Guangdong, ne pourrait pas pratiquer sa religion de façon aussi libre qu’elle semble le vouloir. Vu la preuve dont disposait la SPR, je ne peux pas affirmer que cette conclusion était déraisonnable au sens de l’arrêt Dunsmuir.

 

[75]           Je ne puis trouver aucune erreur susceptible de contrôle dans la façon dont la SPR a traité le risque auquel la demanderesse serait exposée si elle retournait en Chine.

 

[76]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à faire certifier et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à faire certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3177-11

 

INTITULÉ :                                       WENJING QIN

 

- et -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                            L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 décembre 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 janvier 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart A. Kaminker                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

 

Charles J. Jubenville                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart A. Kaminker                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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