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Date : 20111228


Dossier : T-1024-06

Référence : 2011 CF 1526

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 28 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

THE GAP, INC., GAP (ITM) INC. ET GAP (CANADA) INC.

 

 

demanderesses/

défenderesses reconventionnelles

et

 

 

 

G.A.P. ADVENTURES INC.

 

 

 

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               G.A.P Adventures Inc. interjette appel de l’ordonnance par laquelle le juge chargé de la gestion de l’instance a accordé aux demanderesses (The Gap) l’autorisation de modifier leur déclaration. Cette dernière a été modifiée auparavant à deux reprises et l’instruction de l’action doit commencer dans six mois.

 

[2]               The Gap a obtenu l’autorisation de déposer son projet de déclaration modifiée à trois reprises en vue de changer le sous‑alinéa 1(b)(ii), dont le texte est actuellement libellé ainsi :

            [traduction]

1.         Les demanderesses sollicitent :

            […]

b.         Une injonction provisoire, interlocutoire et permanente interdisant à la défenderesse et à ses dirigeants, administrateurs, mandataires, préposés, employés et représentants, ainsi qu’à toutes les personnes soumises à leur contrôle, de même qu’à quiconque est au courant de la présente ordonnance, de :

 

            […]

ii          employer ou exposer le mot GAP, ou toute marque similaire au point de créer de la confusion, en tant que partie d’une marque de commerce, d’un nom commercial, d’une dénomination sociale, d’un nom de domaine ou de toute autre manière, en liaison avec des activités de publicité, de distribution et/ou de vente de vêtements et des services de magasin de détail;

 

Le texte du paragraphe modifié serait le suivant :

[traduction]

1.         Les demanderesses sollicitent :

            […]

b.         Une injonction provisoire, interlocutoire et permanente interdisant à la défenderesse et à ses dirigeants, administrateurs, mandataires, préposés, employés et représentants, ainsi qu’à toutes les personnes soumises à leur contrôle, de même qu’à quiconque est au courant de la présente ordonnance, de :

            […]

ii          employer ou exposer le mot GAP, ou toute marque similaire au point de créer de la confusion, en tant que partie d’une marque de commerce, d’un nom commercial, d’une dénomination sociale, d’un nom de domaine ou de toute autre manière, en liaison avec des activités de publicité, de distribution et/ou de vente de vêtements et des services de magasin de détail, et/ou tout service de magasin de détail, y compris les services de magasin de détail en ligne;

 

[3]               « Le juge des requêtes ne doit modifier l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire que dans les cas suivants : a) l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits, ou b) le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond : Canada c Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), le juge MacGuigan, p. 462 et 463 » : Z.I. Pompey Industrie c ECU-Line N.V., 2003 CSC 27, au paragraphe 18, [2003] 1 RCS 450. Comme l’a fait remarquer récemment la Cour d’appel : « [e]n appel devant la Cour fédérale, il incombait à l’appelante de démontrer que l’ordonnance discrétionnaire de la protonotaire est entachée d’une “erreur flagrante” ».

 

[4]               L’appelante soutient qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance et de refuser à The Gap l’autorisation de modifier sa déclaration, car :

i.        la modification proposée ne concorde pas avec le texte de la demande;

ii.      la modification n’est pas étayée par les faits importants qui sont plaidés dans la demande;

iii.    la modification permet à The Gap de retirer un aveu important;

iv.    la modification proposée est de nature trop générale et excède les droits de The Gap.

 

[5]               Dans le présent appel, nous bénéficions d’une transcription de l’audience qui a eu lieu devant le juge chargé de la gestion de l’instance et qui inclut sa décision. Il ressort de cette transcription que le juge chargé de la gestion de l’instance a énoncé correctement le critère qui permet d’apporter une modification, lequel est énoncé dans la décision Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 CF 3 :

[…] la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer. Bien que l’on puisse demander une modification à n’importe quel stade d’un procès, plus une partie se rapproche de la fin du procès, plus il est ardu de prouver que la modification ne donnerait pas lieu à une injustice.

 

[6]               Il est allégué qu’il ressort de la modification l’exigence que la mention [traduction] « magasins de détail » qui figure dans le texte de la demande englobe les activités de vente de voyages en ligne de G.A.P. Adventures. Les appelantes disent que ce n’est pas ce qu’étayent les actes de procédure, et elles soulignent les paragraphes 22 à 24 de la déclaration où il est dit que trois magasins de détail en particulier sont mentionnés et que, de ce fait, la demande exclut expressément les activités réalisées en ligne.

 

[7]               L’appelante soutient que la modification demandée [traduction] « soulève une nouvelle demande et cause d’action qui n’est pas étayée par le texte de la déclaration et que, de ce fait, elle étend nettement la portée de l’action ». The Gap soutient que la modification proposée [traduction] « met à jour ou particularise certaines allégations » qui sont dans la version actuelle de la demande.

 

[8]               L’appelante est d’avis que le juge chargé de la gestion de l’instance a commis une erreur en souscrivant à l’observation des parties défenderesses selon lesquelles la modification proposée [traduction] « particularise simplement ce qui est déjà en litige dans la demande ». Après avoir lu les actes de procédure, ainsi que les observations des parties, je suis d’avis qu’il était loisible au juge chargé de la gestion de l’instance de conclure, comme il l’a fait qu’il : [traduction] « est on ne peut plus clair que toute la question de l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des services en ligne est en jeu depuis le début de la présente instance ». Je reconnais que la déclaration initiale n’emploie pas l’expression [traduction] « commerce électronique », mais il y est question d’un [traduction] « nom de domaine » et de [traduction] « dossiers électroniques », ainsi que d’une demande pour que le nom de domaine « www.gap.ca » soit transféré à la demanderesse.

 

[9]               De plus, je ne souscris pas à l’observation de l’appelante selon laquelle la modification n’est pas étayée par les faits plaidés ou qu’elle étend la portée de l’injonction contre l’emploi de l’expression [traduction] « magasin de détail » telle qu’elle est actuellement revendiquée. La déclaration ne vise pas à obtenir une injonction liée à l’emploi de la marque de commerce contestée à l’égard d’un [traduction] « magasin de détail », mais à l’égard des [traduction] « services de magasin de détail ». On peut raisonnablement dire que les mots « services de magasin de détail » désignent plus que le simple fait d’exploiter un magasin traditionnel, à partir duquel on vend des biens et des services. De nos jours, les services d’un magasin de détail peuvent fort bien inclure des services de publicité en ligne, l’envoi de « gazouillis », l’envoi de courriels à des clients et à d’éventuels clients, ainsi que le fait d’offrir des biens par l’entremise de l’Internet, ce qui offre à la clientèle la commodité de faire ses achats à partir de la maison. C’est l’équivalent, au XXIe siècle, des achats et des commandes postales que l’on faisait par catalogue au XXe siècle, et qui, pourrait‑on dire, sont aussi des services de magasin de détail. Pour ces raisons, je ne puis conclure que le juge chargé de la gestion de l’instance a commis une « erreur flagrante » dans sa décision.

 

[10]           Quoi qu’il en soit, même si je convenais avec l’appelante que la demande antérieure excluait expressément les services offerts au moyen de l’Internet, la question qu’il faudrait dans ce cas trancher est celle de savoir si la modification que le juge chargé de la gestion de l’instance a accordée cause à l’appelante une injustice qu’une ordonnance adjugeant les dépens ne réparerait pas. À cet égard, je souscris à ce que le juge chargé de la gestion de l’instance a déclaré : [traduction] « [j]e n’ai aucun exemple concret de mesures qui ont été prises et qui, à ce stade‑ci, vous causerait un préjudice en raison d’une modification ».

 

[11]           La seule injustice qui me paraît évidente serait que la modification ne soit pas accordée. Dans cette circonstance, il est possible que toutes les véritables questions qui suscitent la controverse ne soient pas toutes réglées dans le cadre d’un seul procès et, comme l’a relevé le juge chargé de la gestion de l’instance, cela pourrait se solder par une autre action et, partant, par un gaspillage des ressources judiciaires et des ressources des parties

 

[12]           Je rejette par ailleurs l’observation de l’appelante selon laquelle, en faisant droit à la demande de modification, le juge chargé de la gestion de l’instance a permis aux demanderesses de revenir sur un aveu selon lequel les services en ligne que l’appelante offrait avant 2005 étaient acceptés. L’observation selon laquelle un tel aveu a été fait repose sur la déclaration faite dans la demande, à savoir qu’en ouvrant des magasins de détail, l’appelante a [traduction] « élargi de façon importante » l’emploi qu’elle faisait de la marque de commerce qui aurait été contrefaite. L’appelante dit qu’en utilisant cette formulation The Gap a établi une distinction entre les activités de l’appelante qui étaient [traduction] « légitimes et celles qui portent censément atteinte aux droits de la demanderesse ». Je ne suis pas convaincu que l’on puisse considérer cette simple formulation comme un aveu selon lequel la conduite antérieure à l’expansion, que celle-ci soit importante ou non, a été admise. Je conclus que le juge chargé de la gestion de l’instance n’a pas commis d’erreur flagrante et, en fait, je partage son point de vue, c’est-à-dire qu’il n’était pas [traduction] « convaincu qu’il y avait en fait un aveu positif clair et net que la demanderesse retire de quelque façon que ce soit relativement à la poursuite de services de magasin de détail en ligne ».

 

[13]           Les parties ont convenu d’un moment où l’appelante pourra interroger un représentant de The Gap pendant quatre heures durant un interrogatoire préalable de plus en janvier. Si l’on compare cela à la tenue d’un autre procès et à toutes les procédures, tout le temps et tous les frais que celui-ci occasionne, on répond aux intérêts de la justice en faisant droit à la modification proposée. Une conclusion en sens contraire ne pourrait être tirée que si l’on était convaincu que l’appelante subissait une véritable injustice; cependant, celle-ci n’a produit aucune preuve qui aurait permis à la Cour de conclure, selon la prépondérance des probabilités, à l’existence d’une telle injustice.

 

[14]           L’appel sera rejeté. Les appelantes ont demandé l’autorisation de signifier et de déposer une défense modifiée à la déclaration modifiée à trois reprises. Cela leur est accordé. Il est à espérer que les parties puissent convenir de la période au cours de laquelle la défense modifiée sera signifiée et déposée; cependant, si elles n’y parviennent pas, elles pourront solliciter les directives du juge chargé de la gestion de l’instance.

 


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

1.         L’appel interjeté à l’encontre de la décision par laquelle le juge chargé de la gestion de l’instance a permis aux demanderesses de modifier leur déclaration est rejeté;

2.         La défenderesse est autorisée à déposer une défense modifiée dans le délai dont les parties conviendront ou, si elles ne parviennent pas à s’entendre, dans le délai que fixera le juge chargé de la gestion de l’instance;

3.         La demanderesse a droit à ses dépens de l’appel, suivant l’issue de la cause.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

L. Endale

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1024-06

 

INTITULÉ :                                      THE GAP, INC., GAP (ITM) INC. ET GAP (CANADA) INC. c G.A.P. ADVENTURES INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 décembre 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 28 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jonathan Colombo

John Simpson

 

POUR LES DEMANDERESSES/DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

 

Greg Piasetzki

William Regan

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bereskin & Parr LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Piasetzki & Nenniger LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES/DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

 

 

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