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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111221

Dossier : T-871-11

Référence : 2011 CF 1509

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2011

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

MARGARITA BALTA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une citoyenne de la Russie, mais elle a passé la plus grande partie de sa vie en Allemagne. Elle est entrée au Canada le 22 octobre 2003, et, le 4 avril 2007, elle a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Pendant les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté, la demanderesse a été physiquement présente au Canada durant 897 jours. La plupart de ses absences du Canada ont été attribuables à des visites en Allemagne pour prendre soin de sa mère qui était malade; ses autres absences ont été liées à des voyages d’affaires et à des vacances (44 jours).

 

[2]               Le 28 mars 2011, la juge de la citoyenneté Renée Giroux a refusé d’accorder la citoyenneté à la demanderesse. La juge de la citoyenneté a choisi d’évaluer si la demanderesse avait satisfait aux conditions de résidence au Canada en utilisant un critère communément appelé « critère de présence physique » et, à ce titre, a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait aux conditions de résidence prévues à l’alinéa 5(1) c) de la Loi sur la citoyenneté, RCS 1985, c C‑29 [la Loi sur la citoyenneté]. Il s’agit d’un appel de la décision de cette dernière. La demanderesse se représente elle-même dans les présentes procédures.

 

I.  La décision faisant l’objet du contrôle

[3]               La juge de la citoyenneté a décidé que la demanderesse n’avait pas satisfait aux conditions de résidence prévues à l’alinéa 5(1)c de la Loi sur la citoyenneté, parce qu’il manquait à la demanderesse 200 jours pour satisfaire à l’exigence de 1095 jours de présence physique au Canada au cours des quatre années précédant sa demande de citoyenneté. La juge de la citoyenneté a reconnu que la demanderesse avait passé 319 jours à l’extérieur du Canada, au cours de la période de référence, pour prendre soin de sa mère malade. Cependant, la juge de la citoyenneté a expliqué qu’elle avait adopté le critère de la présence physique, et en conséquence, la demanderesse n’a pas satisfait aux conditions de résidence. Dans sa décision, la juge de la citoyenneté a clairement fait référence  au critère de résidence établi dans l’affaire Pourghasemi (Re) (1993), 62 FTR 122, 39 ACWS (3d) 251 (1re inst.) [Pourghasemi].

II.  Questions en litige

[4]               Le présent appel soulève les deux questions suivantes :

                    i. La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en appliquant le critère de la présence physique plutôt que tout autre critère de résidence?

                  ii.La conduite de la juge de la citoyenneté a-t-elle suscité à une crainte raisonnable de partialité?

 

III. Norme de contrôle

[5]               Il est bien établi que la conclusion d’un juge de la citoyenneté quant à savoir si une personne satisfait aux conditions de résidence prévues dans la Loi sur la citoyenneté est une question mixte de fait et de droit qui susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir par exemple les jugements : El-Khader c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 328, aux paragraphes 8 à 10 (disponible sur CanLII) [El-Khader]; Raad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 256, aux paragraphes 20 à 22, 97 Imm LR (3d) 115; Chaudhry c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 179, aux paragraphes 18 à 20, 384 FTR 117; Hao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 46, aux paragraphes 11 à 12, 383 FTR 125 [Hao]; Cardin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 29, au paragraphe 6, 382 FTR 164 [Cardin]; Deshwal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1248, aux paragraphes 10 à 11 (disponible sur CanLII); Chowdhury c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 FC 709, au paragraphe 30, 347 FTR 76; Pourzand c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395, au paragraphe 19, 166 ACWS (3d) 222; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Takla, 2009 CF 1120, au paragraphe 23, 359 FTR 248 [Takla]).

 

[6]               Il est également bien établi que les questions d’équité procédurale, en l’espèce la partialité, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 60, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] RCS 339).

 

IV        Analyse

[7]               La présente affaire est le résultat malheureux de l’état actuel du droit de la citoyenneté. La demanderesse est bien établie au Canada. Elle n’a pas satisfait aux conditions de résidence au cours de la période de référence, car elle a passé un certain temps en Allemagne pour des raisons humanitaires impérieuses qui étaient hors de son contrôle; sa mère était malade et avait besoin de l’aide et du soutien de la demanderesse. Par ailleurs, elle a fait preuve d’une grande détermination à devenir canadienne.  

 

A. La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en appliquant le critère de la présence physique plutôt que tout autre critère de résidence?

[8]               La demanderesse a fait valoir qu’il est déraisonnable et injuste que les juges de la citoyenneté soient autorisés à choisir parmi différents critères pour déterminer si une personne satisfait aux conditions de résidence énoncées dans la Loi sur la citoyenneté. Elle a estimé injuste que le résultat d’une demande puisse dépendre du juge affecté au dossier. La demanderesse a aussi fait valoir que, dans son cas, il était injuste que la juge de la citoyenneté ait fait fi des circonstances humanitaires et personnelles qui l’ont amenée à passer du temps à l’étranger et de choisir, en dépit de ces circonstances impérieuses, d’appliquer le critère strict de la présence physique. Elle a ajouté que les renseignements figurant dans le site Web de Citoyenneté et Immigration Canada ne permettaient pas de savoir avec précision si, afin d’obtenir la citoyenneté, la présence physique au Canada était obligatoire pour l’ensemble des 1095 jours.

 

[9]               Bien que j’éprouve une grande sympathie envers la demanderesse et que je comprenne sa frustration et son incrédulité, je suis d’avis que l’état actuel de la loi permet aux juges de la citoyenneté de choisir parmi les trois critères reconnus pour évaluer si les conditions de résidence prévues dans la Loi sur la citoyenneté ont été respectées. La notion de résidence qui figure à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, n’est pas définie et les juges de la citoyenneté n’appliquent pas une interprétation uniforme la concernant. Certains juges appliquent le critère strict de la présence physique qui a été reconnu dans la décision Pourghasemi, susmentionnée, au paragraphe 6, comme étant une interprétation valable de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, alors que d’autres juges peuvent appliquer une analyse qualitative plus souple comme celles approuvées dans la décision Papadogiorgakis (Re) (1978), [1978] 2 CF 208, aux paragraphes 15 à 16, 88 DLR (3d) 243 (1re inst.) et dans Koo (Re) (1992), [1993] 1 CF 286, au paragraphe 10, 59 FTR 27 (1re inst.) [Koo].

 

[10]           Il est important de souligner que le rôle de la Cour fédérale n’est pas de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle faite par le juge de la citoyenneté. La Cour ne peut intervenir que lorsque la décision d’un juge est déraisonnable, c’est-à-dire lorsque la décision n’appartient pas aux issus possibles, acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, susmentionné, paragraphe 47). Dans Dunsmuir, au paragraphe 47, la Cour a déclaré que les tribunaux devraient « opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles et acceptables ». Au fil des ans, la Cour fédérale a approuvé les différentes approches adoptées par les juges de la citoyenneté et a reconnu que chacune d’elles était une interprétation raisonnable de la Loi sur la citoyenneté. La jurisprudence de la Cour a également reconnu que les juges de la citoyenneté sont autorisés à choisir parmi les critères acceptés. Tant qu’ils appliquent le critère choisi d’une manière raisonnable, la Cour ne devrait pas intervenir (Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)(1999), 164 FTR 177, au paragraphe 14, 87 ACWS (3d) 432 (1re inst.).

 

[11]           Malgré une tentative par le juge Mainville, dans l’affaire Takla, susmentionnée, d’unifier les approches en reconnaissant le critère énoncé dans l’affaire Koo, susmentionnée, comme le seul critère acceptable, un certain nombre de juges de la Cour (Hao, susmentionnée, aux paragraphes 46 à 47; El-Khader, susmentionnée, au paragraphe 18; Alinaghizadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 332, aux paragraphes 28, 30 (disponible sur CanLII); Abbas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 145, au paragraphe 7 (disponible sur CanLII); Cardin, susmentionnée, au paragraphe 12; Murphy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 482, au paragraphe 6, 98 Imm LR (3d) 243); Martinez-Caro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 640, aux paragraphes 20 et 21, 98 Imm LR (3d) 288), y compris moi-même, sont d’avis que sans une intervention de la part du législateur, les trois critères constituent toujours des interprétations raisonnables des conditions relatives à la résidence prévues dans la Loi sur la citoyenneté. À mon humble avis, à la simple lecture de la loi, le critère de la présence physique est une interprétation raisonnable des conditions de résidence. Selon moi, le raisonnement de la juge Snider dans le jugement El-Khader, susmentionné, est particulièrement convaincant :

[17]      Nombre de juges de la Cour fédérale ont souscrit à l’adoption par le juge Mainville, dans Takla, du critère de Koo (Re) en tant que seul outil devant servir à analyser l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (se reporter, par exemple à Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Salim, 2010 CF 975, 92 Imm. L.R. (3d) 196; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Alonso Cobos, 2010 CF 903, 92 Imm. L.R. (3d) 61; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Abou-Zahra, 2010 CF 1073, [2010] A.C.F. no 1326 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Elzubair, 2010 CF 298, [2010] A.C.F. no 330 (QL); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1178).

 

[18]      Depuis qu’a été rendue la décision Takla, toutefois, un second courant jurisprudentiel s’est dégagé, tout aussi ferme que le précédent (se reporter, par exemple, à Abbas, précitée; Sarvarian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1117, [2010] A.C.F. no 1433 (QL)). Les juges dans ces cas ont continué de juger raisonnable le recours tant à l’interprétation qualitative qu’à l’interprétation quantitative de l’alinéa 5(1)c).

 

[19]      La Cour suprême du Canada a fait ressortir le fondement de ce second courant dans les remarques qu’elle a formulées dans les arrêts Celgene et Alliance Pipeline, précités. Elle y a aussi affermi le principe selon lequel, même avant Dunsmuir, la norme de raisonnabilité s’appuyait toujours « sur l’idée qu’une disposition législative peut donner lieu à plus d’une interprétation valable, et un litige, à plus d’une solution », de telle sorte « que la cour de révision doit se garder d’intervenir lorsque la décision administrative a un fondement rationnel » (Dunsmuir, au paragraphe 41; Alliance Pipeline, aux paragraphes 38 et 39).

 

[20]      Le fondement de l’argumentation du demandeur c’est que le juge de la citoyenneté aurait commis une erreur de droit en ne suivant pas le critère énoncé dans la décision Takla, précitée. L’argumentation ne tient toutefois que si cette dernière décision a infirmé la décision Lam. Or, selon moi, la conclusion d’un juge de la Cour fédérale dans Takla n’a pas écarté, ni ne pouvait écarter, la conclusion d’un autre juge de la Cour dans Lam. Le droit demeure ainsi inchangé de sorte que, dans la mesure où un juge de la citoyenneté adopte et applique correctement l’un ou l’autre critère, sa décision doit être maintenue.

 

[21]      Cette conclusion est étayée par le juge Mainville lui-même dans la décision Takla, qui y reconnaît (au paragraphe 47) que « le critère de la présence physique pendant trois ans [...]  est conforme au texte de la loi ».  On donne avec le critère de la présence physique une interprétation raisonnable aux expressions « résident » et « résidence » à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Autrement dit, la décision d’un juge de la citoyenneté de dégager de cette disposition l’obligation d’être physiquement présent constitue une interprétation raisonnable étayée par le libellé de la loi et par une longue suite de décisions de la Cour. Contrairement à ce qu’a allégué le demandeur, le juge de la citoyenneté n’a pas commis d’erreur sur cette question.

 

[12]           Je souscris également aux commentaires formulés par le juge Mosley dans Hao, susmentionnée aux paragraphes 49 et 50 :

[49]      Au nom de la courtoisie judiciaire, j’ai examiné la question de savoir si je devais suivre l’analyse de mes collègues qui sont en faveur du critère établi dans Koo. Selon le principe de la courtoisie judiciaire, les décisions de la Cour doivent concorder les unes avec les autres, de manière à assurer aux parties en litige une certaine prévisibilité : Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF 120, infirmée en appel pour d’autres motifs : 2007 CAF 73, 361 N.R. 90. Je note que, dans la décision Ghaedi, précitée, le juge Barnes a refusé d’appliquer le principe au contexte de l’espèce, quoiqu’en référence au courant jurisprudentiel établi dans Lam.

 

[50]      Je conviens qu’une uniformité du critère à appliquer pour déterminer la résidence serait préférable, mais plusieurs juges de notre Cour, y compris moi‑même, ont conclu que, si l’on se fie au texte de la loi, l’interprétation de la résidence physique est appropriée. En outre, la Cour a pendant plus de onze ans traité avec déférence les décisions des juges de la citoyenneté de privilégier cette interprétation plutôt qu’une autre comme étant un exercice raisonnable de leur pouvoir discrétionnaire. Bien que l’application non uniforme de la loi soit malheureuse, on ne peut pas dire que tous les exemples de ce manque d’uniformité dans le présent contexte sont déraisonnables. Si la situation est « scandaleuse », comme l’a laissé entendre le juge Muldoon il y a de cela bon nombre d’années dans Harry, c’est au législateur que revient le rôle de corriger le problème.

 

[13]           Je conclus donc que la juge de la citoyenneté n’a pas commis d’erreur en choisissant d’appliquer le critère de la présence physique et qu’elle n’a pas non plus commis d’erreur dans la façon dont elle l’a appliqué. 

 

[14]           Dans son mémoire, la demanderesse a prétendu que la juge de la citoyenneté aurait dû compter ses jours de présence au Canada entre la date de présentation de sa demande de citoyenneté et la date à laquelle elle a été jugée. Les conditions de résidence exigées doivent être satisfaites à la date où la demande de citoyenneté est présentée. Cela ressort clairement du libellé de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

[…]

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

[…]

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

 

(c) is a permanent resident  within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within

the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful

admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have

accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

 

                        [Non souligné dans l’original.]

 

B. La conduite de la juge de la citoyenneté a-t-elle suscité une crainte raisonnable de partialité?

[15]           La demanderesse a prétendu que la juge de la citoyenneté a été méprisante et agressive à son endroit au cours de l’audience, et qu’en ne tenant pas compte de sa situation personnelle, en décidant d’appliquer le critère de la présence physique, elle a fait preuve de partialité contre elle.

 

[16]            Le critère de la crainte raisonnable de partialité a été énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369, à la page 394 (disponible sur CanLII) :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet [...] [Le] critère consiste à se demander «à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

 

 

[17] Dans l’affaire R c S (RD), [1997] 3 RCS 484, 151 DLR (4th) 193, la Cour a réitéré le critère et a déclaré ce qui suit, au paragraphe 36, en ce qui concerne l’aspect objectif du critère :

[36]      L'existence d'une crainte raisonnable de partialité ou son absence est déterminée par référence à une personne raisonnable, bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique (Committee for Justice and Liberty, précité). Cette personne n'est pas «de nature scrupuleuse ou tatillonne», c'est plutôt une personne sensée qui connaît les circonstances de la cause.

 

[18] La charge de démontrer l’existence d’une crainte raisonnable de partialité incombe à la personne qui soulève la question (Fletcher c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 909, au paragraphe 8, 74 Imm LR (3d) 778). Bien qu’il ne soit pas nécessaire de prouver l’existence de partialité réelle, le critère est objectif, et, comme l’a mentionné la Cour dans l’affaire Armstrong c. Canada (Procureur général), 2006 CF 505, au paragraphe 74, 291 FTR 49, « [l]es exigences préliminaires lorsqu’il s’agit d’établir une allégation de crainte raisonnable de partialité sont rigoureuses et il faut des motifs sérieux à l’appui d’une telle allégation ».

 

[19] en l’espèce, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que la juge de la citoyenneté n’a pas abordé la question avec un « esprit ouvert » ou que, déjà, avant l’audience relative à la demande de citoyenneté, elle s’était déjà formé une opinion qu’elle n’envisagerait pas de changer après avoir laissé à la demanderesse la possibilité de répondre. En ce qui concerne la demanderesse, la perception, sans aucune preuve à l’appui, d’un comportement méprisant ou agressif ne répond pas à la norme servant à déterminer la crainte raisonnable de partialité. Comme je l’ai déjà mentionné, la juge de la citoyenneté n’a pas commis d’erreur en adoptant le critère de la présence physique dans son interprétation des conditions de résidence. En outre, rien ne me permet de conclure qu’elle a choisi cette interprétation dans le but précis de rejeter la demande de la demanderesse. Selon moi, la juge n’a pas violé un principe de justice naturelle ou l’équité procédurale.

 

[20]      La juge a conclu, et je souscris à sa conclusion, que la demanderesse possédait toutes les qualités souhaitables chez les nouveaux citoyens canadiens et que sa demande serait accueillie dès qu’elle aurait satisfait aux conditions de résidence. J’encourage la demanderesse à le faire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-871-11

 

INTITULÉ :                                      MARGARITA BALTA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 décembre 2011

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                   La juge Bédard

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 21 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Magararita Balta (se représentant elle-même)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Catherine Brisebois

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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