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Date : 20111215


Dossier : IMM-7645-10

Référence : 2011 CF 1483

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

QING QING WENG

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

          MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Madame Qing Qing Weng sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 10 décembre 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SPR) a conclu que la demanderesse n'avait pas qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

 

[2]               La SPR a conclu que la question déterminante était la crédibilité de la demanderesse compte tenu du témoignage et du récit dans le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) qu’elle a fournis concernant son appartenance à une maison‑église en Chine et son identité à titre de chrétienne pratiquante authentique au Canada. La SPR a conclu que la demanderesse n'était pas un témoin crédible.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

 

Contexte

 

[4]               La demanderesse Qing Qing Weng est une citoyenne de la République populaire de Chine (la Chine).

 

[5]               La demanderesse déclare qu'elle a adhéré à la maison‑église à laquelle appartenait son grand‑père en Chine en août 2006, peu après le décès de sa grand‑mère. La demanderesse était alors âgée de 17 ans.

 

[6]               En Chine, une maison‑église est une église clandestine, non enregistrée, habituellement établie dans une résidence privée. Ces églises sont illégales en Chine.

 

[7]               En novembre 2007, la demanderesse est venue étudier au Canada munie d'un visa d’étudiant. La date d'expiration du visa était le 28 février 2009.

 

[8]               Depuis décembre 2007, la demanderesse fréquente régulièrement les services religieux de la Living Water Assembly, à Toronto. Selon son témoignage, elle se rend à l'église trois fois par semaine.

 

[9]               Le 28 décembre 2008, les parents de la demanderesse ont informé celle-ci que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) chinois avait fait une descente dans la maison‑église qu'elle fréquentait avec son grand‑père. Le 31 décembre 2008, la demanderesse a été informée que le BSP s'était présenté chez elle et qu'elle était recherchée par le BSP.

 

[10]           La demanderesse a présenté une demande d'asile au Canada en janvier 2009.

 

La décision faisant l'objet du contrôle

 

[11]           La SPR a conclu que la question déterminante était la crédibilité qui s’était dégagée du témoignage de la demanderesse et de son récit dans le FRP concernant son appartenance à une maison‑église en Chine et son identité à titre de chrétienne pratiquante authentique au Canada.

 

En Chine

 

[12]           La SPR a examiné le témoignage de la demanderesse portant sur les circonstances de son initiation au christianisme par son grand‑père et sa décision d’adhérer à la maison‑église que son grand-père fréquentait. La SPR a également examiné la réaction et les gestes des parents de la demanderesse concernant son choix d’adhérer à la maison‑église. La SPR a fait état de la descente qui aurait eu lieu à la maison‑église de la demanderesse alors qu'elle fréquentait l'école au Canada et la raison possible pour laquelle le BSP l'a identifiée comme membre de l'église malgré que la demanderesse n’était plus en Chine depuis plus d'un an au moment de la descente.

 

[13]           La SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse sur ces questions n'était ni vraisemblable ni crédible. Elle a affirmé que le témoignage de la demanderesse concernant les gestes posés par son grand-père, ceux de ses parents et ceux d'un soi-disant ami chrétien « sonnait faux. »

 

[14]           La SPR a également signalé le fait que le BSP n'avait laissé aucune assignation. Elle a conclu qu'il était raisonnable de supposer que le BSP aurait laissé une assignation si l’on se fie au témoignage indiquant que le BSP s'était présenté à la résidence de la demanderesse en Chine à environ huit reprises. La SPR a tiré une inférence négative de l'absence d’assignation.

 

[15]           La SPR a ensuite examiné la preuve documentaire sur la situation du pays concernant la réponse de la Chine aux activités des églises clandestines. La SPR a fait remarquer que malgré l’existence de preuves de descentes dans les maisons‑églises et d'arrestations de leurs membres en Chine, aucun signalement de descentes ou d'arrestations n’avait été effectué dans la province du Fujian où avait vécu la demanderesse. La SPR a conclu que même si l'information se trouvant dans les documents portant sur la Chine donnait généralement des messages contradictoires en ce qui concernait la suppression des activités des églises clandestines, l'absence d'information au sujet d’arrestations ou d'autres formes de persécution dans la province du Fujian dans les documents dont disposait le tribunal était significative et convaincante.

 

[16]           Pour la SPR, la question n'était pas de savoir si la demanderesse était forcée d'être une chrétienne discrète et de pratiquer sa religion en secret. La SPR se demandait plutôt si la demanderesse avait effectivement appartenu à une église clandestine où le BSP avait fait une descente et si elle avait effectivement été une chrétienne pratiquante en Chine.

 

[17]           Compte tenu de la preuve documentaire, des conclusions et des inférences défavorables mentionnées ci-dessus, la SPR a conclu que la maison‑église de la demanderesse n'aurait suscité aucun intérêt pour le BSP dans la province du Fujian. La SPR a de plus conclu que la demanderesse n'était pas membre d'une église clandestine en Chine, qu'aucune descente n'avait eu lieu, qu'elle n'était pas une chrétienne pratiquante en Chine et que le BSP ne la recherchait pas. La SPR a statué que la demande de protection de la demanderesse était frauduleuse et que ces conclusions soulevaient un doute sérieux concernant la crédibilité de la demanderesse en général.

 

Au Canada

 

[18]           La SPR a constaté que la preuve ‑ notamment une lettre d'un pasteur de Toronto indiquant que la demanderesse appartenait à son église pentecôtiste ‑ confirmait l'appartenance de la demanderesse à l'église, mais qu'elle ne confirmait pas sa motivation au moment où elle a adhéré à l'église. Après avoir conclu que la demanderesse n'était pas une chrétienne pratiquante lorsqu'elle est arrivée au Canada et que sa demande de protection était frauduleuse, la SPR a conclu que la demanderesse était devenue membre de l'église de Toronto uniquement pour appuyer une demande de protection frauduleuse et a conclu que la demanderesse n'était pas maintenant une chrétienne pratiquante authentique.

 

Dispositions législatives pertinentes

 

[19]           La Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7, prévoit ce qui suit :

 

18.1 (4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue

que l’office fédéral, selon le cas :

 

[…]

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

18.1 (4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

 

[20]           La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (LIPR), prévoit ce qui suit :

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country…

 

Les questions en litige

 

[21]           Les questions en litige soulevées en l'espèce sont les suivantes :

 

1.      La décision de la SPR selon laquelle la demanderesse n'était pas et n'est pas une pratiquante chrétienne authentique était-elle déraisonnable?

 

2.      La SPR a-t-elle tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents pour prendre sa décision?

 

La norme de contrôle

 

[22]           Les conclusions de fait et les conclusions sur des questions mixtes de fait et de droit de la SPR doivent être évaluées selon la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190). Les conclusions de la SPR quant à la crédibilité commandent un degré élevé de retenue (Aguebor c Canada (Ministre de l'Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315).

 

Analyse

 

[23]           Après avoir examiné les motifs de la SPR, la transcription des audiences et les observations des conseils des parties, je conclus que les motifs de la SPR ne sont pas raisonnables et que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

 

1.      La décision de la SPR selon laquelle la demanderesse n'était pas et n'est pas une pratiquante chrétienne authentique était-elle déraisonnable?

 

[24]           La demanderesse soutient que la SPR a tiré plusieurs conclusions concernant la vraisemblance et la crédibilité de son témoignage sans fournir d'analyse et, par conséquent, ces conclusions étaient déraisonnables.

 

[25]           La Cour a déjà statué que l'énonciation des faits suivie d'une conclusion qui n'est pas fondée sur une analyse ne constitue pas une décision raisonnée (Espino c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1255, 301 FTR 155, au paragraphe 11).

 

[26]           Dans sa décision, la SPR a tiré plusieurs conclusions défavorables quant à la crédibilité. Après avoir examiné la décision de la SPR, la Cour constate que certaines conclusions de la SPR sont tirées après une énonciation des faits sans analyse. Par exemple, la SPR a déclaré ce qui suit :

 

La demandeure d’asile s’est vu demander ce que son grand‑père lui a appris sur son église. Elle a répondu qu’il lui avait dit qu’il s’agissait d’une église clandestine, que c’était illégal et que les membres risquaient d’être arrêtés et emprisonnés par le BSP. Tenue d’indiquer si elle avait avisé ses parents de son intention de se joindre à une église clandestine, elle a répondu qu’elle l’avait fait et qu’ils lui ont fait part de leur désaccord. Elle s’est vu demander s’ils ont cherché à l’empêcher de se joindre à cette église, et elle a répondu qu’ils lui ont ensuite dit qu’elle était en âge de prendre toute seule ses décisions. Elle a déclaré que son grand‑père l’a encouragée à se joindre à une église illégale et qu’ils croyaient tous les deux qu’il existait un risque qu’ils soient arrêtés et emprisonnés. La demandeure d’asile n’avait alors que 17 ans. Elle a aussi précisé que même si ses parents étaient préoccupés par le risque qu’elle encourait et s’opposaient à ce qu’elle se joigne à cette église, ils ont finalement donné leur accord et n’ont pas cherché à la faire changer d’idée. J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, le témoignage de la demandeure d’asile à cet égard n’est ni vraisemblable ni crédible.

 

 

[27]           La SPR fournit simplement un résumé des faits et du témoignage de la demanderesse. Sans effectuer d'analyse ou fournir de motifs, la SPR conclut que le témoignage de la demanderesse à cet égard n'était ni vraisemblable ni crédible. La SPR n'a mentionné aucune incohérence interne dans le témoignage de la demanderesse, pas plus qu'elle n'a déclaré que ce témoignage était incompatible avec le récit du FRP de la demanderesse. Je conclus que les conclusions de la SPR à cet égard sont déraisonnables.

 

[28]           La demanderesse fait valoir que la SPR s'est appuyée sur des conjectures pour aussi conclure que son témoignage n'était ni vraisemblable ni crédible. La demanderesse soutient que la SPR l'a invitée à émettre des hypothèses sur la façon dont le BSP a été en mesure de l'identifier comme membre alors qu'elle avait quitté la Chine depuis plus d'un an, et que la SPR a retenu ces hypothèses contre elle.

 

[29]           Le défendeur soutient qu'à l'audience, la demanderesse a adhéré à la conclusion initiale de la SPR sur cette question selon laquelle c'était probablement un autre membre de l'église qui l’avait dénoncée. Le défendeur prétend qu'il était raisonnable que la SPR conclue qu'un autre membre de l’église avait probablement dénoncé la demanderesse.

 

[30]           La Cour a établi depuis longtemps que les conclusions de fait fondées sur des conjectures sont intrinsèquement déraisonnables (Ukleina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1292, au paragraphe 8). Le juge Harrington a d'ailleurs lancé l'avertissement suivant : « Il est dangereux de poser une question du genre de celle-ci : pourquoi croyez-vous que telle ou telle personne savait telle chose? C'est un appel à des suppositions » (ibid, au paragraphe 12).

 

[31]           En l'espèce, la SPR a non seulement invité les conjectures en demandant à la demanderesse comment le BSP a été en mesure de l'identifier comme membre alors qu'elle n'était pas en Chine depuis plus d'un an, mais la SPR a également suggéré la réponse même qu'elle a plus tard jugée ni vraisemblable ni crédible. Cela est démontré dans l'échange suivant repris dans la transcription :

 

[traduction]

Tribunal : Pourquoi la police vous aurait‑elle identifiée comme membre?

 

Demandeure d'asile : J'ai toujours été membre.

 

Tribunal : Pourquoi la police vous aurait-elle identifié comme membre de cette église clandestine alors que vous n'y étiez pas allée depuis plus d'un an?

 

Demandeure d'asile : Je ne comprends pas – je ne sais pas. Je ne sais pas.

 

Tribunal : Il est difficile de comprendre comment ils y arriveraient. Il est difficile de croire qu'un membre de cette congrégation […] identifierait une jeune personne comme vous, qui n’y est pas allée pendant plus d'un an. Êtes-vous d'accord?

 

Demandeure d'asile : Mais j'ai gardé contact pendant tout ce temps avec mon grand‑père. Et j’ai continué – je continuais à lui demander – je continuais à poser à mon grand-père des questions à propos des choses qui se passaient à l'église clandestine.

 

Tribunal : Je ne comprends pas. Comment la police aurait-elle pu savoir que vous aviez été membre, le savez-vous? À votre avis, comment auraient-ils pu savoir que vous aviez été membre de cette église?

 

Demandeure d'asile : Je crois qu'un membre l’a probablement admis à la police.

 

Tribunal : J'ai de la difficulté à comprendre que, quiconque aurait identifié une jeune personne comme vous, vous aviez 17 ans, alors que vous n’y étiez plus allée depuis un an et qu'il n'était pas nécessaire de le faire.

 

Demandeure d'asile : Je ne sais pas.

 

                        [Non souligné dans l'original.]

                       

Au départ, en réponse à la question sur la façon dont le BSP l'avait identifiée, la demanderesse a déclaré qu'elle ne le savait pas. Ce n'est qu'après que la SPR a suggéré la possibilité qu'un autre membre de l'église pouvait l'avoir dénoncée que la demanderesse a répondu que c'était probablement ce qui s'était produit. La SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse concernant les actes d'un ami chrétien « sonnait faux. » Le témoignage était fondé sur des conjectures que la SPR avait à la fois invitées et suggérées.

 

[32]           Il était déraisonnable pour la SPR de s'appuyer sur les conjectures de la demanderesse pour conclure que le témoignage de celle-ci n'était ni vraisemblable ni crédible. Voilà exactement les conclusions déraisonnables à l'égard desquelles le juge Harrington faisait la mise en garde dans Ukleina.

 

[33]           Les conclusions défavorables de la SPR quant à la crédibilité ont mené celle-ci à déterminer que la demande de protection de la demanderesse avait été présentée frauduleusement. La SPR a conclu qu'il s'agissait d'un élément qui avait permis de déterminer si la demanderesse était une chrétienne pratiquante authentique au Canada.

 

[34]           La SPR a conclu que la demanderesse n'était pas une chrétienne pratiquante authentique au Canada, malgré que cette dernière ait présenté une lettre d'un pasteur à Toronto indiquant qu'elle appartenait à son église pentecôtiste et malgré son propre témoignage et la preuve documentaire à l'appui. La conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse n'était pas une chrétienne pratiquante était fondée entièrement sur ses conclusions antérieures qui, selon ce que j'ai conclu, étaient déraisonnables. Je conclus que la décision de la SPR selon laquelle la demanderesse n'est pas maintenant au Canada une chrétienne pratiquante est également déraisonnable.

 

2.      La SPR a-t-elle tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents pour prendre sa décision?

 

[35]           L'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit que la Cour peut accorder une mesure de réparation si elle est convaincue qu'un office fédéral a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée ou sans tenir compte des éléments dont il dispose. Bien qu'il soit bien établi que la SPR n'est pas tenue de mentionner chaque élément de preuve dans ses motifs, la Cour a statué comme suit :

 

La Cour peut inférer que l'organisme administratif en cause a tiré la conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » du fait qu'il n'a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve dont il était saisi et qui étaient pertinents à la conclusion (sic), et en arriver à une conclusion différente de celle de l'organisme. (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, au paragraphe 15)

 

 

[36]           En l'espèce, la SPR a commis une erreur en ne prenant pas en compte les éléments de preuve pertinents concernant les arrestations et autres formes de persécution des membres de maisons‑églises dans la province natale du Fujian de la demanderesse. Après avoir examiné la preuve documentaire portant sur la Chine, la SPR a déclaré ce qui suit :

 

Même si l’information se trouvant dans les documents portant sur la Chine donne généralement des messages contradictoires en ce qui concerne la suppression des activités des églises clandestines, l’absence d’information sur des arrestations ou d’autres formes de persécution dans la province du Fujian dans les documents dont disposait le tribunal est significative et convaincante. Cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune possibilité que les membres d’une église clandestine soient persécutés par le BSP. Cependant, il existe des renseignements concernant la suppression des activités des églises dans un certain nombre de petites provinces, mais aucun concernant cette province importante.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[37]           Un examen de la preuve documentaire portant sur la Chine indique que la SPR a commis une erreur en tirant cette conclusion. Plusieurs articles versés au dossier du tribunal font état de la répression de la police à l'égard des catholiques et autres chrétiens clandestins dans la province du Fujian. Le dossier dont disposait la SPR inclut également deux lettres de Bob Fu, président de la China Aid Association, un organisme non gouvernemental qui surveille les questions touchant aux droits de l'homme et à la primauté du droit en Chine. Dans ces lettres, M. Fu a écrit que des cas de répression religieuse continuaient de se produire dans toutes les provinces de la Chine, y compris la province du Fujian.

 

[38]           L'affirmation de la SPR selon laquelle il n'y a pas d'information concernant la répression ou la persécution au Fujian est erronée. La SPR s'est appuyée sur cette conclusion erronée dans ses motifs, la jugeant significative et convaincante. Je conclus que la SPR a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait et sa décision est par conséquent déraisonnable.

 

Conclusion

 

[39]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

 

[40]           Les parties n'ont proposé aucune question de portée générale et je n'en certifie aucune.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

 

2.      Aucune question de portée générale n'est certifiée.

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7645-10

 

 

INTITULÉ :                                        QING QING WENG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 31 août 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 15 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jayson Thomas

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Gotkin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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