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Date: 20111208

Dossier : IMM-3023-11

Référence : 2011 CF 1438

Montréal. (Québec), le 8 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Boivin

 

ENTRE :

 

CARLOS ALBERTO VAQUERA GARZA

ROCHEL ESMERALDA ORTEGA DAVILA

ANGEL ALAN VAQUERA ORTEGA

FERNANDO VAQUERA ORTEGA

JUAN CARLOS VAQUERA ORTEGA

 

 

partie demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

partie défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision rendue le 11 avril 2011 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié (le Tribunal) a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugiés ou de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

I.                   Le contexte

 

A.    Le contexte factuel

 

[2]               Monsieur Carlos Alberto Vaquera Garza (le demandeur principal), son épouse Rochel Esmeralda Ortega Davila, et leurs trois fils mineurs Angel Alan Vaquera Ortega, Fernando Vaquera Ortega et Juan Carlos Vaquera Ortega, sont des citoyens du Mexique qui demandent l’asile en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[3]               Le demandeur principal allègue qu’en mars 2008, un commandant de la police municipale de Escobedo (Nuevo León) a tenté de le recruter pour participer à une « opération d’intimidation ». Le demandeur principal a refusé cette demande et en conséquence, a été agressé, battu et menacé par des policiers.

 

[4]               Le demandeur principal avance qu’il a déménagé sa famille chez sa belle-mère pour se cacher des policiers en question.

 

[5]               Par la suite, les demandeurs ont quitté le Mexique et sont venus au Canada le 1er octobre 2008. Les membres de la famille ont demandé l’asile dès leur arrivée à l’aéroport de Montréal.

 

[6]               Les membres de la famille fondent leur demande d’asile sur le récit du demandeur principal. La Cour fera donc référence au demandeur dans ses motifs. 

 

[7]               L’audience devant le Tribunal s’est tenue le 7 avril 2011.

 

B.    La décision contestée

 

[8]               Dans sa décision rendue le 11 avril 2011, le Tribunal a considéré le témoignage du demandeur comme non crédible.  Le Tribunal n’a pas reconnu les demandeurs comme des « réfugiés au sens de la Convention » en vertu de l’article 96 de la Loi, ni comme des « personnes à protéger » en vertu de l’article 97 de la Loi.

 

[9]               En ce qui concerne la question de la protection de l’État, le Tribunal a observé que le demandeur n’avait pas déposé une plainte au niveau de l’État de Nuevo León ni au niveau fédéral. Le Tribunal a donc conclu que le demandeur avait manqué à son devoir de chercher la protection de son État de nationalité avant de rechercher la protection ailleurs. Le Tribunal a également affirmé que le demandeur n’a pas fourni de preuve claire et convaincante pour réfuter la présomption de la capacité de protection de l’État (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACS no 74).

 

[10]           Finalement, en absence de la preuve réelle, concrète et probante à l’effet contraire, le Tribunal a conclu que la famille avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) en l’espèce, soit à Mérida (Yucatan) ou soit à La Paz (Baja California Sur).

 

 

II.                         La question en litige

 

[11]           La question en litige est la suivante :

Le Tribunal a-t-il erré dans son évaluation de la crédibilité du demandeur principal et du bien-fondé de sa crainte de persécution?

 

III.              Les dispositions législatives applicables

 

[12]           Les articles 96 et 97 de la Loi se lisent comme suit :

Notions d’asile, de réfugié et de personne à protéger

 

Définition de « réfugié »

 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Refugee Protection, Convention Refugees and Persons in Need of Protection

Convention refugee

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Personne à protéger

 

 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Person in need of protection

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

IV.              La norme de contrôle applicable

 

[13]           Les conclusions du Tribunal relatives à la crédibilité, la protection de l’État, et à la possibilité d’un refuge interne sont révisables selon la norme de la décision raisonnable (voir Barajas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 21, [2010] ACF no 8, et Khokhar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 449, [2008] ACF no 571). En vertu de l’affaire Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, la Cour interviendra seulement s’il appert que le Tribunal a tiré ses conclusions de façon arbitraire, déraisonnable ou d’une manière qui n’est pas appuyée par la preuve au dossier.

 

V.                L’analyse

 

[14]           Le demandeur soutient que les motifs de la décision du Tribunal sont non fondés, arbitraires et découlaient d’une appréciation erronée de la preuve au dossier. Le demandeur allègue que les contradictions notées par le Tribunal tirent leur source de l’état de nervosité du demandeur durant l’audience devant le Tribunal.

 

[15]           De plus, le demandeur affirme que les contradictions dans son témoignage soulevées par le Tribunal ne sont que des détails superficiels et secondaires et ne mettent aucunement en doute le bien-fondé de ses propos. Essentiellement, le demandeur avance que le Tribunal a omis de traiter de l’élément principal au soutien de sa revendication : la crainte de persécution alléguée par le demandeur. Par conséquent, le demandeur plaide que la décision du Tribunal est déraisonnable en vertu des principes énoncés dans les affaires Attakora c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 NR 168 (CAF) [Attakora], Djama c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 531 (CAF) [Djama], et Gracielome c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 9 Imm LR (2d) 237 (CAF) [Gracielome].

 

[16]           Pour sa part, le défendeur affirme le bien-fondé de la décision du Tribunal en l’espèce. Le défendeur soulève notamment les contradictions et omissions mentionnées dans le témoignage du demandeur et soutient que le demandeur n’a pas satisfait à son fardeau de preuve d'établir qu’ils  ne pouvaient pas s’installer ailleurs dans d’autres régions au Mexique (Thabet c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 4 CF 21, [1998] ACF no 629, Pena c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 616, [2009] ACF no 739, et Lopez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 990, [2010] ACF no 1352).

 

[17]           L’argument principal du demandeur dans le présent contrôle judiciaire se résume au fait que le Tribunal n’a pas développé sur ses conclusions concernant la question de la crédibilité.  En fait, la Cour observe que le demandeur a ainsi concentré ses arguments sur la question de la crédibilité du demandeur et sa crainte de persécution au Mexique.  Toutefois, les conclusions du Tribunal quant à la protection de l’État et à la PRI au Mexique n’ont pas été contestées devant cette Cour.

 

[18]           Après avoir pris connaissance de la preuve au dossier et après avoir entendu les parties, la Cour est d’avis que le Tribunal n’a pas erré dans son évaluation de la crédibilité du demandeur et du bien-fondé de sa crainte de persécution.

 

[19]           Même si la décision sur la question de la crédibilité est loquace et aurait sans doute eu avantage à être développée, elle a été abordée par le Tribunal et ses conclusions sont appuyées par la preuve au dossier.

 

[20]           En l’espèce, la Cour souligne que les contradictions et les omissions notées par le Tribunal sont bien fondées en l’espèce.  En effet, le demandeur a témoigné qu’il a été battu deux fois alors que son FRP indique seulement un incident (dossier du Tribunal, pp. 23 et 175); le demandeur a été interpellé et menacé par des policiers, mais son récit ne fait pas état de cet épisode (dossier du Tribunal pp. 23 et 183-190); le demandeur a déménagé chez sa belle-mère vers le mois de mai 2008, mais son FRP indique le mois d’août 2007 (dossier du Tribunal, pp.19 et 195-196). La Cour observe aussi que ces contradictions existent dans le témoignage du demandeur malgré le fait que le Tribunal ait donné au demandeur l’occasion de relire les documents et soumissions et d’apporter des corrections avant l’audience (dossier du Tribunal, pp.165, 166).

 

[21]           De façon plus importante, la décision porte également sur les questions de la capacité de la protection de l’État et de la PRI au Mexique. La Cour note que le demandeur n’a pas apporté d’éléments de preuve clairs et convaincants qui réfutent la protection de l’État ou la PRI en l’espèce et comme l’a correctement souligné le défendeur, une conclusion sur le PRI est déterminante en soi et suffit à faire rejeter une demande d’asile (Pena et Lopez).

 

[22]           En vertu de la norme de contrôle applicable en l’espèce – celle de la raisonnabilité – la Cour est d’avis que le raisonnement de la décision de la Commission appartient aux issues raisonnables et, par conséquent, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.  Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[23]           Aucune question n’a été soulevée par les parties aux fins de certification.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.      La présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

2.      Aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3023-11

 

INTITULÉ :                                       CARLOS ALBERTO VAQUERA GARZA ET AL.

et   MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 5 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      le 8 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Claude Brodeur

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Thi My Dung Tran

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claude Brodeur

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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