Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour fédérale

Federal Court

 

 Date : 20111205


Dossier : IMM-2131-11

Référence : 2011 CF 1408

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 5 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

KRISZTOFER BOSNYAK

(ALIAS KRISZTOFER GYOG BOSNYAK)

PATRIK BOSNYAK

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a conclu que les demandeurs n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger, est accueillie.

 

[2]               Les demandeurs, Krisztofer (âgé de 6 ans) et Patrik Bosnyak (âgé de 2 ans), sont des citoyens de la Hongrie. Leur demande d’asile était fondée sur la persécution dont les demandeurs et leur mère, Szabina Szabo, étaient victimes aux mains de l’ancien conjoint de fait de leur mère, Istvan Sandor. Mme Szabo a été nommée pour représenter les demandeurs, et a témoigné en leur nom à l’audience.

 

[3]               Il ne sert à rien d’exposer la preuve fournie à l’appui de la demande d’asile, si ce n’est pour mentionner que Mme Szabo a affirmé dans son témoignage avoir été maltraitée et agressée par M. Sandor pendant qu’elle était au Canada à un point tel que M. Sandor a été condamné à 18 mois de prison pour voies de fait.

 

[4]               Mme Szabo est retournée en Hongrie après que M. Sandor eut été emprisonné. M. Sandor est aussi retourné en Hongrie après avoir purgé sa peine. Mme Szabo a affirmé dans son témoignage que M. Sandor l’a en fin de compte retrouvée et a continué de l’agresser physiquement et sexuellement et qu’il l’a obligée à se prostituer.

 

[5]               Mme Szabo a affirmé qu’en 2004 elle a été capable de s’enfuir de son agresseur à l’aide de Gyorgy Bosnyak, qui est par la suite devenu son conjoint de fait. Leur premier enfant, Krisztofer, est né en 2005, et leur second enfant, Patrik, est né en 2008.

 

[6]               Mme Szabo allègue que son ancien conjoint de fait l’a retrouvée, et que ce dernier a essayé de heurter Mme Szabo et Krisztofer avec son automobile. Par la suite, Mme Szabo et Krisztofer ont été enlevés par trois hommes pour le compte de M. Sandor et ont été conduits à Budapest. Elle a été violée en présence de Krisztofer, puis ils ont été relâchés quelque temps plus tard. Elle affirme avoir signalé cet incident à la police, mais la police s’est demandée pourquoi elle devrait croire Mme Szabo puisqu’elle a couché avec un homme alors qu’elle était enceinte d’un autre homme.

 

[7]               M. Sandor a continué de menacer Mme Szabo, Krisztofer et l’autre enfant à naître de Mme Szabo. Peu de temps après la naissance de Patrik, Mme Szabo a convaincu son frère de l’aider à venir au Canada. Elle a envoyé Krisztofer au Canada avec son frère le 13 août 2009 et elle est venue au Canada avec Patrik le 27 octobre 2009.

 

[8]               Mme Szabo craint M. Sandor et affirme que, parce que son apparence et sa façon de parler permettent de savoir qu’elle est d’origine rom, il lui est impossible d’obtenir de la protection en tant que femme maltraitée en Hongrie.

 

[9]               Les demandeurs soutiennent que la Commission a tiré de nombreuses conclusions déraisonnables relativement à la crédibilité de Mme Szabo, que le commissaire n’a pas suivi les directives du président concernant la persécution fondée sur le sexe et que la Commission a mal interprété la définition de protection de l’État en concluant que le déploiement d’« efforts sérieux » pour fournir de la protection équivalait à l’existence de protection de l’État.

 

[10]           J’ai examiné la transcription et je ne suis pas convaincu que le commissaire a commis une erreur dans l’application des directives. L’audience a parfois donné lieu à des discussions quelque peu animées. J’estime que tant le représentant de Mme Szabo et que le commissaire sont en faute à cet égard. Cependant, le commissaire a le droit d’interroger de façon serrée un témoin, et ce, même si le témoin allègue avoir été maltraité comme en l’espèce, afin de découvrir la vérité. Le commissaire n’a rien fait d’inapproprié à mon avis.

 

[11]           Le commissaire a soulevé de sérieux doutes quant à la crédibilité de Mme Szabo. Dans de nombreux cas, les contradictions notées ont été soulevées à juste titre; cependant, le ministre admet que le commissaire a commis une erreur et qu’il s’est fondé sur cette erreur pour conclure, notamment, que Mme Szabo n’était pas crédible. Aux paragraphes 17 à 19 de sa décision, le commissaire a renvoyé à un rapport de police portant sur l’enlèvement et le viol allégués. Il a écrit ce qui suit :

[17]      La représentante désignée a été questionnée pour savoir si elle avait signalé cet incident à la police et elle a dit qu’elle était allée au service de police. Lorsqu’il lui a été demandé si elle avait une copie du rapport de police, elle a répondu qu’elle avait le rapport en Hongrie, mais que personne ne pouvait l’obtenir pour elle.

 

[18]      Je rejette cette explication. La représentante désignée avait une copie du rapport de l’hôpital concernant l’incident de mars 2009. Elle avait fait une demande d’asile en 2000 et elle connaissait l’importance de fournir de la documentation à la Commission. De plus, le conseil des demandeurs d’asile mineurs a eu le temps de fournir des observations écrites à la Commission après l’audience. Malgré le temps qui a été offert au conseil et à la représentante désignée, la Commission n’a pas reçu de rapport de police.

 

[19]      Le tribunal estime que la représentante désignée n’a pas fourni de documents pertinents à l’appui de son témoignage et qu’elle n’a pas corroboré les demandes d’asile des personnes mineures avec des éléments de preuve crédibles et dignes de foi.

 

 

[12]           Les demandeurs ont à juste titre noté que Mme Szabo a bien obtenu le rapport, comme on le lui avait demandé, et qu’elle l’a déposé auprès de la Commission avant que la décision soit rendue. Ce rapport se trouve à la page 242 du dossier certifié du Tribunal. Je ne peux pas affirmer avec quelque degré de certitude que ce soit que la même conclusion défavorable relative à la crédibilité aurait été tirée si le commissaire n’avait pas commis cette erreur.

 

[13]           Le défendeur soutient que, quoi qu’il en soit, c’est la protection de l’État qui constituait la question déterminante et il allègue que, si les demandeurs pouvaient bénéficier de la protection de l’État, la décision, malgré cette erreur, ne devrait pas être annulée.

 

[14]           À mon avis, l’omission de la Commission de tenir compte du résultat obtenu par Mme Szabo lorsqu’elle a essayé d’obtenir la protection de la police après l’enlèvement et le viol porte un coup fatal à la position du défendeur. Je ne suis pas certain que, si la Commission en avait eu connaissance, elle aurait tiré la même conclusion relativement à la protection de l’État.

 

[15]           Pour ces motifs, la présente affaire – malgré les contradictions et les questions sans réponse dans la preuve présentée à l’appui de la demande – doit faire l’objet d’un nouvel examen par un autre membre. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie, que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen et qu’aucune question n’est certifiée.

                                                                                                           

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2131-11

 

INTITULÉ :                                       KRISZTOFER BOSNYAK

(alias) KRISZTOFER GYOG BOSNYAK) ET AL.

c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Ivanyi  

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Teresa Ramnarine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rochon Genova LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.