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Date : 20111130


Dossier : IMM-2397-11

Référence : 2011 CF 1394

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 30 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

DAVID BURJANADZE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Le demandeur, M. David Burjanadze, est âgé de 37 ans et est un citoyen de la Géorgie, originaire de la ville de Tbilisi.

 

[2]               À l’appui de sa demande, M. Burjanadze allègue être ciblé par des criminels liés à la police géorgienne qui cherchent à le tuer, parce que le demandeur serait un témoin important d’un meurtre qu’ils auraient commis en janvier 2005.

[3]               M. Burjanadze aurait quitté la Géorgie en janvier 2006 pour se rendre en Espagne.

 

[4]               Le 4 juillet 2008, M. Burjanadze a utilisé un « faux » passeport israélien (mais, selon l’analyse de l’Agence des services frontaliers, pièce M‑1, il est [traduction] « probablement authentique »; cependant, il a été modifié [traduction] « de manière significative »; le passeport porte le nom de Vyacheslav Lvov, né en URSS le 2 octobre 1977; date de délivrance : 27 juillet 2006; date d’expiration : 26 juillet 2011; numéro de passeport : 11719795).

 

[5]               M. Burjanadze s’est ensuite envolé pour le Canada, où il a présenté une demande d’asile.

 

[6]               La Commission a estimé qu’il était peu vraisemblable que M. Burjanadze n’ait pu fournir aucun document officiel établissant sa résidence en Géorgie après 1995 (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315 (CAF); Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 62, au paragraphe 21).

 

II. La procédure judiciaire

[7]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 9 mai 2011, dans laquelle on a conclu que le demandeur n’était ni un « réfugié au sens de la Convention » ni « une personne à protéger », au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

 

III. La décision faisant l’objet du présent contrôle

[8]               M. Burjanadze n’a pas démontré qu’il résidait en Géorgie lorsqu’il avait, selon ce qu’il allègue, surpris les propos des criminels admettant avoir tué son ami.

 

[9]               M. Burjanadze n’a pas démontré qu’il était ciblé par ces criminels, ni qu’il le serait, six ans plus tard, s’il devait retourner dans son pays.

 

[10]           La Commission a conclu que les allégations de M. Burjanadze concernant l’incident en Géorgie étaient inventées et a donc conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il existait une possibilité sérieuse de persécution pour l’un des motifs prévus dans la Convention.

 

IV. La question en litige

[11]           La décision de la Commission est‑elle raisonnable?

 

[12]           La décision de la Commission est raisonnable. La Cour, par conséquent, accepte la position du défendeur.

 

V. La norme de contrôle

[13]           Les conclusions quant à la crédibilité sont de nature factuelle et relèvent clairement de la Commission; la norme de contrôle applicable est donc la raisonnabilité, et, en l’espèce, la décision de la Commission justifie un haut degré de retenue (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 47, 51 et 53).

 

VI. Analyse

[14]           Il ressort du dossier dont dispose la Cour que M. Burjanadze a passé un certain temps en prison, puisqu’il est allégué qu’il aurait été impliqué, involontairement, en tant que passeur, dans une opération criminelle.

 

[15]           La Commission a conclu que M. Burjanadze n’était pas crédible et a fait remarquer ce qui suit :

a)      le demandeur a été vague lorsqu’il fut questionné au sujet de son voyage de la Géorgie à l’Espagne ou de l’Espagne au Canada;

b)      il s’est montré équivoque lorsqu’il fut questionné sur ce qui s’était passé en Géorgie en 2005 et en 2006;

c)      il n’a pas pu expliquer ce qu’il avait fait en Espagne pendant deux ans;

d)      il n’a pas pu répondre à la question de savoir s’il avait quitté l’Espagne en 2005 ou en 2006;

e)      il a hésité au moment de fournir des dates concernant les faits qui étaient survenus après le meurtre allégué d’un ami prétendu;

f)        il s’est contredit au sujet du métier qu’il avait exercé; il a déclaré avoir été mécanicien avant ses problèmes allégués, pour ensuite changer sa déclaration initiale et affirmer avoir été sans emploi et avoir bénéficié du soutien de sa mère.

 

[16]           La Commission avait le droit de tirer des inférences défavorables quant à la qualité du témoignage de M. Burjanadze (Jarada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, au paragraphe 18).

 

[17]           La Commission avait le droit de demander des documents indépendants, tels que des relevés de compte bancaire ou des factures de téléphone cellulaire, de 2005 ou 2006, pour corroborer l’allégation de la présence de M. Burjanadze en Géorgie au cours de ces années‑là; cela est significatif, puisque les documents d’abord présentés par M. Burjanadze concernaient les années 1994 et 1995 (Sinnathamby c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 473, au paragraphe 24; Encinas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 61, au paragraphe 28).

 

[18]           La Commission a estimé qu’il était peu vraisemblable que M. Burjanadze n’ait pu fournir aucun document officiel établissant sa résidence en Géorgie après 1995 (Aguebor, précité; Singh, précitée).

 

[19]           Selon l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, un demandeur doit déployer les efforts nécessaires afin de fournir à la Commission tout élément de preuve disponible à l’appui de ses déclarations et donner des explications satisfaisantes quant à la preuve manquante à laquelle on aurait pu raisonnablement s’attendre.

 

[20]           La Commission a le pouvoir discrétionnaire d’apprécier la preuve dont elle dispose selon ce qu’elle juge approprié (Bunema c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 774, au paragraphe 16; Singh, précitée, au paragraphe 10).

 

[21]           La Commission avait le droit de n’accorder aucun poids aux documents présentés :

a)      les affidavits originaux provenaient de connaissances;

b)      la facture d’eau ne confirmait que le fait que la mère du demandeur résidait à Tbilisi, en Géorgie;

c)      l’ordonnance municipale ne confirmait que le fait que la famille du demandeur possédait un appartement.

 

[22]           Contrairement à ses observations, le demandeur ne conteste que l’appréciation que la Commission a faite de la preuve, et cela ne constitue pas un fondement juridique permettant à la Cour de contrôler la décision de la Commission (Brar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] ACF no 348 (CA) (QL/Lexis)).

 

[23]           En ce qui concerne la raison pour laquelle aucun poids n’était accordé à la preuve présentée après l’audience, le raisonnement de la Commission était solide, comme cela a déjà été expliqué.

 

[24]           La Commission a fait remarquer que les criminels prétendus étaient liés aux autorités, de sorte qu’ils bénéficiaient de l’impunité, et que, en outre, la police avait clos son enquête sur le meurtre en 2005, avant le départ de M. Burjanadze de la Géorgie.

 

[25]           M. Burjanadze n’a pas démontré que les criminels s’intéressaient à lui en 2006. Le fardeau lui incombait d’établir un fondement objectif à la crainte de persécution future (Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99, au paragraphe 15).

 

[26]           M. Burjanadze n’a pas établi de lien entre la situation générale en Géorgie et le risque auquel il serait personnellement exposé.

 

[27]           La preuve documentaire présentée par M. Burjanadze ne démontre pas de quelle façon il serait exposé à un risque au regard de la [traduction] « corruption et [de la] violence à motivation politique de la part de l’État géorgien » ou des [traduction] « mauvaises conditions relatives aux droits de la personne qui prévalent en Géorgie ».

 

[28]           La Cour doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve.

 

VII. Conclusion

[29]           Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire du demandeur sera rejetée.


JUGEMENT

            LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2397-11

 

INTITULÉ :                                       DAVID BURJANADZE c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 30 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ethan A. Friedman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margarita Tzavelakos

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ethan A. Friedman

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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