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 Date: 20111130


Dossier : IMM-7894-11

Référence : 2011 CF 1384

ENTRE :

 

DUMITRU CHRISTIAN SPARHAT
CARMEN LILIANA SPARHAT
ILINCA SPARHAT

 

 

 

Partie
demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS

DU CANADA

 

 

 

Partie
défenderesse

 

 

 

 

 

              MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

 

I.          Introduction

[1]               Pour les raisons suivantes, le 10 novembre 2011 j’ai accordé un sursis du renvoi vers la  Roumanie de la famille Sparhat, le père Dumitru, la mère Carmen et leur fille Ilinca âgée de 12 ans.

 

[2]               Cette demande de contrôle judiciaire est rattachée à une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (DACJ) à l’encontre d’une décision du 4 novembre 2011 rendue par un agent des renvois.

 

[3]               C’est la jeune Ilinca qui est au centre des arguments invoqués par les demandeurs qui ont demandé la protection du Canada le 4 décembre 2007 craignant la mafia Roumaine qui, semble-t-il, aurait enlevé Ilinca en septembre 2007 à la sortie de son école et séquestrée pendant plusieurs heures.

 

[4]               La Section de la Protection des Réfugiés le 22 mars 2010 a débouté les demandeurs au motif qu’ils n’étaient pas crédibles.  Ilinca n’a pas témoigné.  Leur DACJ fut refusée par un juge de cette Cour ainsi que leur demande d’évaluation de risques avant renvoi.

 

[5]               Leur demande de résidence permanente au Canada déposée le 6 décembre 2010 et fondée sur des considérations d’ordre humanitaires ne sera pas étudiée avant le 12 août 2012.

 

II.        La décision de l’agent

[6]               La demande de sursis de la famille Sparhat était appuyée par deux évaluations psychologiques; (1) la première par le Service de psychologie de la Commission Scolaire Marie-Victorin en date du 20 octobre 2011, et (2) l’autre par le Docteur Woodbury datée le 24 octobre 2011.

 

[7]               Les conclusions du Docteur Woodbury sont les suivantes :

I am in complete agreement with the findings of the School Psychologist, Mme Suzanne Comeau.  In addition, it is my professional judgement that, as Ilinca is in an extremely fragile psychological state, she is at extreme risk of irreparable psychological damage if she were forced to return to Romania.

 

...

 

If, however, she is forced against her will to go to Romania, a place she associates with the terror of her kidnapping, her symptoms will be exacerbated and her suffering increase.  The stress of deportation is always acute, and any child can be expected to dread such a wrenching transition.  But in Ilinca’s case, given her already severe reactions, and the present decrease in functioning, she is uniquely vulnerable to further deterioration.

 

...

 

This deterioration will be worsened by the lack of any social safety net in Romania.  The re-traumatization of deportation will, almost certainly, cause her irreparable psychological damage.  Any psychiatric or psychological interventions after the fact can only attempt to repair what has been broken: In this case, the mental health of a gifted young girl.

 

[Emphasis mine]

 

 

[8]               L’agent des renvois fonde sa décision sur plusieurs éléments dont celui relatif à l’état psychologique d’Ilinca qui est déterminant.  L’agent raisonne de la façon suivante :

4.  The problem that is perceived for the daughter is that of permanent psychological scaring therefore leaving one to believe that it is possibly untreatable.  After reading the documents submitted by the client’s representative, one is to perceive the problem as possibly permanent therefore the solution of deferring the removal is not questionable due to the fact that the problem will always exist and an indeterminate deferral cannot be the solution.

 

5.  Clients were given the negative PRRA decision on the 14Sep2011.  A deferral of removal has already been given indirectly seeing on how they have already benefited from two months to prepare for their departure.  According to CBSA policy, “The IRPA stipulates that if a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as reasonably practicable.”

 

6.  Deferring the removal until the H&C decision is rendered is only a temporary solution for the client’s daughter.  The problem will still exist if the H&C results are not in their favour and as mentioned previously deferring the removal indefinitely cannot be a future solution.

 

[Emphasis added]

 

 

III.       Analyse et conclusion

 

[9]               Il n’est pas contesté que pour obtenir un sursis de cette Cour la famille Sparhat doit démontrer à cette Cour les éléments suivants :

a.       Une ou plusieurs questions sérieuses a débattre évaluées sur « des arguments assez solides » (Voir : Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311 au paragraphe 67.);

b.      Qu’elle subira un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé; et

c.       Que la balance des inconvénients la favorise.

 

[10]           À mon avis les demandeurs ont démontré l’existence des questions sérieuses suivantes à débattre jugées sur un standard élevé :

                L’agent a-t-il outrepassé ses compétences en évaluant les rapports psychologiques en l’espèce sans avoir consulté le service médical du Ministère.

                L’agent a-t-il mal évalué le meilleur intérêt de l’enfant en refusant le sursis au motif que “one is to perceive the problem as possibly permanent therefore the solution of deferring the removal is not questionable due to the fact that the problem will always exist and an indeterminate deferral cannot be the solution.”

                L’agent a-t-il commis un erreur en spéculant qu’en Roumanie « we can safely expect that programs offered in the educational environment would all be adequate. »

 

[11]           La famille Sparhat a démontré d’existence d’un préjudice irréparable sur la base de l’évaluation du Docteur Woodbury qui a tranché « the re-traumatization of deportation will, almost certainly, cause her irreparable psychological damage. »

 

[12]           Dans les circonstances en l’espèce la balance des inconvénients favorise les demandeurs.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

Ottawa, Ontario

Le 30 novembre 2011


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7894-11

 

INTITULÉ :                                      DUMITRU CHRISTIAN SPARHAT, CARMEN LILIANA SPARHAT, ILINCA SPARHAT v LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 10 novembre 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 30 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Serban Mihai Tismanariu

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Thi My Dung Tran

 

POUR LA PARTI DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Serban Mihai Tismanariu

Montéal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTI DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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