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 Date: 20111123


Dossier : IMM-1601-11

Référence : 2011 CF 1344

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

 

FRANÇOIS LELIO RENÉ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur conteste la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) concluant qu’il n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni celle de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

 

[2]               Le demandeur, un citoyen haïtien de 84 ans, a quitté son pays en juillet 2007 pour rendre visite à sa fille au Canada. Il craint aujourd’hui de retourner dans son pays en raison de la recrudescence des kidnappings. À son âge, il ne sera pas capable de se protéger contre d’éventuels ravisseurs qui verront en lui une cible idéale. D’ailleurs, il a déjà été approché en 2005 par des bandits qui croyaient qu’il avait de l’argent parce qu’il est un commerçant de charbon et qu’il revenait du Canada.

 

[3]               Le tribunal a conclu qu’aucun des motifs de la Convention n’étaient en cause et que le demandeur n’avait pas établi qu’il était personnellement exposé à un risque de torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements cruels et inusités advenant son retour en Haïti. Essentiellement, les risques que court le demandeur face à des criminels sont les mêmes pour l’ensemble de la population haïtienne.

 

[4]               L’intervention de la Cour n’est pas requise en l’espèce.

 

[5]               Selon la preuve documentaire, les auteurs d’enlèvement de personnes en Haïti agissent généralement par opportunisme plutôt que choisir leurs victimes en fonction de leur nationalité, leur race, leur sexe ou encore leur âge, et toute personne qui semble riche risque d’être victime d’un enlèvement contre rançon. La preuve documentaire suggère également que toute aggravation du risque, le cas échéant, est également liée aux activités politiques ou autres activités passées du demandeur d’asile. Or, la jurisprudence est claire et constante : une crainte généralisée causée par une situation qui prévaut dans tout le pays, ici Haïti, et qui touche toute la population n’est pas en soit suffisante pour justifier le statut de « personne à protéger » : Prophète c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 331 [Prophète] confirmé par 2009 CAF 31; Charles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 233; Soimin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 218 au para 16.

 

[6]               Le demandeur prétend que le tribunal a erré en concluant que le ciblage dont il a été victime en Haïti par le passé, notamment après son retour du Canada en 2005, ne personnalisait pas son risque. À l’appui de cet argument, il mentionne que dans la décision Pineda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 365 au para 17 [Pineda], la Cour a décidé que le fait pour un jeune homme d’origine salvadorienne, d’avoir été approché à plusieurs reprises par un gang de rue (associé aux MARAS) qui cherchait à recruter des membres, personnalisait son risque d’être de nouveau approché par ce gang (voir également Aguilar Zacaria c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 62, pour une jurisprudence similaire dans le cas d’un citoyen du Guatemala).

 

[7]               À mon avis, le cas actuel est différent de l’affaire Pineda, susmentionnée. Même si le demandeur a été ciblé en 2005 par des bandits, rien ne démontre qu’il est exposé aujourd’hui en 2011, compte tenu de sa situation actuelle, à un risque plus élevé que celui auquel fait face le sous-groupe mieux nanti de la population dont il dit faire partie, soit les membres de la diaspora. Rappelons que dans Prophète, susmentionné, au para 18, la Cour souligne le cas « d'un demandeur auquel on s’en est pris dans le passé, et auquel on pourra s’en prendre à l’avenir, mais dont la situation qui comporte un risque est similaire à celle d’une partie d’une population plus large » et mentionne qu’il ne s’agit pas d’un risque personnalisé, mais d’un risque partagé avec de nombreux autres individus (voir également Desgrandes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 549 aux paras 16‑17).

[8]               La Cour estime que la conclusion de fait du tribunal n’est pas déraisonnable et qu’elle est appuyée par la preuve au dossier. Ceci dit, la Cour ne peut s’empêcher de noter que compte tenu de l’âge très avancé du demandeur et des conditions extrêmement difficiles prévalant en Haïti, celui-ci a sans doute des motifs très sérieux à faire valoir au Ministre dans le cadre d’une demande reposant sur les motifs d’ordre humanitaire.

 

[9]               La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question d’importance générale ne se soulève en l’espèce.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1601-11

 

INTITULÉ :                                       FRANÇOIS LELIO RENÉ c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 16 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claude Whalen

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Anne-Renée Touchette

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Claude Whalen

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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