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 Date : 20111123


Dossier : IMM-2168-11

Référence : 2011 CF 1349

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Martineau

 

 

ENTRE :

 

MARIA ESTHER VILLAVICENCIO LOPEZ, MAURICIO AGUILAR VILLAVICENCIO, MARY JOSE AGUILAR VILLAVICENCIO

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse principale, Mme Villavicencio Lopez, et ses deux enfants mineurs, Mary Jose et Maurice, sont citoyens du Mexique. Ils contestent la légalité d’une décision datée du 17 mars 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés, de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger aux termes des articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27.

CONTEXTE

[2]               Mme Villavicencio Lopez prétend avoir été victime de violence conjugale de la part de son ex‑époux. Elle allègue que le problème d’alcoolisme de son mari a commencé peu de temps après la naissance de leur fils en 1999 et l’a rendu violent à un point tel qu’elle a décidé de partir et de retourner vivre chez ses parents alors qu’elle était enceinte de son deuxième enfant. La demanderesse affirme que, même alors, son époux a continué à la harceler et à la menacer. Lorsque leur fille est née en 2001, la demanderesse est retournée vivre avec son mari, ayant décidé de lui donner une seconde chance.

 

[3]               La demanderesse déclare que, lorsque sa fille avait deux ou trois mois, son époux a menacé de disparaître avec l’enfant. Elle dit qu’elle craignait constamment que son époux enlève les enfants pour qu’elle ne puisse plus jamais les voir et qu’il la tue ensuite. Elle a même consulté le DIF (l’institut du développement de la famille de l’État du Mexique) pour obtenir de l’aide en septembre 2000. Elle a reçu un appui juridique et s’est fait conseiller de dénoncer le comportement violent de son mari.

 

[4]               En 2002, la demanderesse a décidé de quitter son mari pour de bon. N’ayant nulle part où aller, elle est retournée vivre chez ses parents. Elle allègue qu’après la séparation, elle a continué à répondre aux appels de son mari et le rencontrait régulièrement parce qu’elle craignait qu’il devienne plus violent ou qu’il décide d’enlever les enfants.

 

[5]               La demanderesse prétend qu’en mars 2008, elle a communiqué avec son mari pour lui demander de signer des demandes de passeport pour les enfants, parce que leur oncle souhaitait les emmener à Disneyland aux États‑Unis. Elle allègue que, accompagnée de son avocat, elle a rencontré son époux dans un endroit public et a réussi à le convaincre de signer les demandes de passeport. Le harcèlement aurait repris de plus belle lorsqu’elle lui a demandé par la suite de signer les demandes de visa et de renoncer à son autorité parentale sur les enfants, ce qu’il a refusé de faire.

[6]               Le 15 juin 2008, l’époux s’est présenté chez la demanderesse et il l’a agressée physiquement lorsqu’elle a refusé de le laisser voir les enfants. À la suite de cet incident, la demanderesse a porté plainte contre son époux le 13 juillet 2008, avant de s’enfuir au Canada avec ses enfants le 19 juillet 2008.

 

[7]               La Commission a conclu que le récit de Mme Villavicencio Lopez n’était pas crédible, principalement en raison des divergences entre ses premières déclarations durant l’entrevue avec les autorités de l’immigration et son Formulaire de renseignements personnels (FRP) original, d’une part, et son FRP modifié, d’autre part. La Commission a également jugé que, dans les circonstances, la demanderesse n’avait pas réussi à réfuter la présomption relative à la protection offerte par l’État.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[8]               À la lumière des observations présentées par les parties, les questions suivantes sont soulevées à l’égard de la décision contestée :

1.      La conclusion de la Commission concernant la crédibilité de la demanderesse principale était‑elle raisonnable?

2.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant de tenir compte et d’appliquer les Directives du président intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe et Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié?

3.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’établir si la demanderesse principale avait été victime de violence conjugale?

4.      La conclusion de la Commission concernant la protection de l’État était‑elle déraisonnable?

 

ANALYSE DE LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

La conclusion de la Commission concernant la crédibilité de la demanderesse principale était‑elle déraisonnable?

[9]               La demanderesse a remué ciel et terre. Elle conteste toutes les conclusions de la Commission à l’égard de la crédibilité.

 

[10]           Premièrement, la Commission n’était pas convaincue que les conflits entre la demanderesse et son ex‑époux s’étaient réellement perpétués depuis qu’elle l’avait quitté en 2002, comme elle l’a indiqué dans son FRP modifié daté du 28 janvier 2011 et durant son témoignage devant la Commission. En fait, la demanderesse n’a jamais mentionné les problèmes qu’elle avait vécus avec son mari durant ces années, que ce soit durant l’entrevue relative à la demande d’asile tenue le 5 novembre 2008 ou dans le FRP original daté du 1er décembre 2008. Elle a seulement signalé l’incident survenu le 15 juin 2008 comme élément déclencheur des difficultés qui l’ont amenée à quitter son pays.

 

[11]           Devant la Commission, la demanderesse a fait valoir qu’elle vivait continuellement des problèmes avec son mari, mais que le 15 juin 2008, la situation s’était aggravée par suite des incidents survenus au sujet des demandes de passeport et de visa. La Commission a rejeté cet argument, estimant que, si les difficultés entre la demanderesse et son mari avaient duré aussi longtemps qu’elle l’affirme, on en trouverait probablement mention dans les notes prises au point d’entrée (PDE) ou dans le FRP original.

 

[12]           La demanderesse conteste le fait que la Commission se fonde sur les notes prises au PDE et le FRP original. Elle allègue que son FRP modifié ne renferme aucune contradiction et apporte seulement des précisions supplémentaires à ses déclarations antérieures. Elle conteste en particulier l’interprétation des notes prises au PDE, lorsque la Commission a dit que son ex‑époux s’était « soudainement présenté chez elle après de nombreuses années d’absence le 15 juin 2008 » et qu’il avait demandé à voir les enfants. Elle affirme que son mari est revenu après une dispute, et non après de nombreuses années.

 

[13]           La demanderesse invoque la décision Zhong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 632, faisant valoir que des problèmes de traduction pourraient avoir faussé l’interprétation des déclarations qu’elle a faites durant l’entrevue. Bien que les circonstances propres à l’affaire ne soient pas relatées, la décision Zhong repose manifestement sur des faits très précis et ne peut donc s’appliquer en l’espèce. Comme la Cour l’a souligné, dans cette affaire, la Commission avait été avisée au préalable d’une « contradiction majeure entre les déclarations contenues dans le dossier d’interrogatoire et les déclarations du demandeur faites dans le FRP », et aucun moyen indépendant, tel un enregistrement, n’était disponible pour vérifier ce qui avait été dit par le demandeur ou l’interprète. Dans cette affaire faisant intervenir des faits particuliers, il était injuste que la Commission tire une conclusion défavorable à l’égard de la crédibilité à partir d’une version non vérifiable du récit.

 

[14]           Ayant examiné soigneusement les versions originale et modifiée du FRP ainsi que les notes prises au PDE, la Cour n’est pas convaincue que la conclusion défavorable tirée par la Commission à l’égard de la crédibilité était déraisonnable en l’espèce. Les questions relatives à la crédibilité, comme la question de savoir si un demandeur a réfuté la présomption de protection par l’État, sont clairement des questions mixtes de fait et de droit qui doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable. Lorsqu’elle applique cette norme de contrôle à la décision de la Commission, la Cour vérifie « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi que « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). En l’espèce, puisqu’il est établi que ni l’entrevue entre la demanderesse et les autorités d’immigration (qui a eu lieu plus de trois mois après l’arrivée de la demanderesse au Canada) ni le premier FRP (qui a été rempli un mois plus tard) ne font référence à des incidents antérieurs à celui du 15 juin 2008, il ne peut être affirmé que la Commission a tiré une conclusion déraisonnable en jugeant que la demanderesse n’était pas crédible. De plus, contrairement à l’allégation de la demanderesse, la lettre du DIF ne prouve pas que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que les problèmes conjugaux de la demanderesse n’avaient pas duré aussi longtemps qu’elle l’affirmait. La lettre du DIF date de septembre 2000, alors que la demanderesse vivait encore avec son époux.

 

[15]           La Commission a également respecté les limites du caractère raisonnable lorsqu’elle a rejeté l’argument de la demanderesse faisant porter le blâme à son ancien conseil et alléguant qu’elle n’avait pas compris le contenu du FRP original, étant donné que le document a été traduit à l’intention de la demanderesse et signé par elle. La Commission a conclu que la demanderesse avait planifié et préparé sa venue au Canada depuis au moins avril 2008 et que le père des enfants était au courant de ses plans; aux yeux de la Cour, il s’agit d’une conclusion raisonnable et étayée par la preuve produite en l’espèce.

 

[16]           La demanderesse soutient que la Commission a eu tort de conclure qu’elle avait eu le temps de réfléchir aux événements et de rassembler ses idées avant de remplir son premier FRP. Elle affirme que cette conclusion ne tient pas compte du statut de personne vulnérable qui lui a été attribué le 8 février 2010 ou de l’évaluation psychologique préparée le 13 janvier 2011 qui indique qu’elle présente un trouble de stress post‑traumatique et a de la difficulté à se rappeler certains événements. Il s’ensuit que les adaptations procédurales prévues au paragraphe 4.2 des Directives sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR ont été dûment appliquées. La Cour souligne que la décision contestée mentionne et explique le contenu des documents précités, et rien ne laisse croire que la Commission n’en a pas tenu compte au moment d’examiner les questions de crédibilité soulevées en l’espèce. En fait, selon mon interprétation des transcriptions de l’audience, la demanderesse n’a présenté aucun problème de mémoire durant son témoignage et elle n’a jamais dit qu’elle avait de la difficulté à se remémorer des événements.

 

[17]           Deuxièmement, la demanderesse conteste les conclusions d’invraisemblance tirées par la Commission, notamment qu’il « n’est pas crédible que, pendant plus de six ans, la demandeure d’asile principale ait continué à rencontrer son ex‑époux, jusqu’à 24 fois par année, dans le seul but de le calmer afin qu’il ne tente pas d’enlever ses enfants ».

 

[18]           Citant Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1131, aux paragraphes 6 et 7 [Valtchev], la demanderesse soutient que les conclusions de vraisemblance de la Commission ne peuvent constituer la seule norme de vraisemblance et affirme qu’il est plausible qu’une femme qui est victime de violence conjugale accède aux demandes de son ex‑époux pour protéger ses enfants et assurer sa propre sécurité. Il convient de rappeler que les conclusions de la Commission à l’égard de la vraisemblance commandent le même degré de déférence que les conclusions sur la crédibilité. Ainsi, la Commission n’est pas limitée dans les conclusions qu’elle tire au sujet de la vraisemblance, à condition qu’elle les justifie par des renvois explicites et clairs à la preuve et que ses conclusions ne sont pas « déraisonnables au point d'attirer notre intervention » (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1993] A.C.F. no 732, au paragraphe 4). En l’espèce, les motifs de la décision montrent que la Commission a tenu compte de la preuve de la demanderesse et des explications fournies pour justifier ses actions, et qu’elle a raisonnablement conclu qu’elles « débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre » (Valtchev, précitée, au paragraphe 7). Soulignons aussi que, en l’espèce, la décision n’est pas uniquement fondée sur un manque de vraisemblance, comme dans Valtchev, mais aussi sur la présence de plusieurs incohérences et contradictions dans la preuve (voir Valtchev, précitée, au paragraphe 15).

 

[19]           Troisièmement, la demanderesse soutient que la Commission a tiré une inférence défavorable déraisonnable de son hésitation à dénoncer son époux. Celle‑ci a déclaré que la demanderesse « s’est chargée de ces problèmes lorsque sa relation avec son ex‑époux se détériorait, mais que, au cours des années suivantes, elle n’a rien fait ». La demanderesse allègue que la preuve montre qu’elle a reçu des conseils juridiques, et non un « appui juridique » pour « intenter des poursuites judiciaires » contre son mari, comme la Commission l’a déclaré. Toutefois, selon mon interprétation de la décision de la Commission, la conclusion défavorable sur ce point découle plutôt de l’incapacité de la demanderesse, à l’audience, de fournir des précisions au sujet de son allégation selon laquelle elle hésitait à dénoncer le comportement violent de son mari parce que celui‑ci avait des relations au sein du système judiciaire et des forces policières. La Commission souligne que la demanderesse n’a pas été en mesure de dire quoi ce soit au sujet de ces relations. C’est donc l’incohérence relevée dans le témoignage qui a miné la crédibilité de la demanderesse, et la conclusion n’est pas déraisonnable.

 

[20]           Quatrièmement, la crédibilité de la demanderesse a également été affaiblie par le témoignage du fils de 11 ans, qui a déclaré à la Commission que des passeports avaient été obtenus pour lui et sa sœur parce qu’ils devaient aller au Canada, et qu’il ne se souvenait d’aucun plan de voyage à Disneyland. La demanderesse avait déclaré, cependant, que les enfants avaient appris qu’ils n’iraient pas à Disneyland quelques jours seulement avant leur départ pour le Canada. La Commission a conclu que, si l’enfant avait cru, d’avril (lorsque les enfants ont obtenu leurs passeports) à juillet 2008, qu’il irait à Disneyland, il s’en serait souvenu.

 

[21]           La demanderesse allègue que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la preuve en accordant du poids au témoignage de l’enfant alors qu’il contenait d’autres imprécisions, comme le fait qu’il avait vécu avec les grands‑parents, la mère et la sœur de la demanderesse lorsqu’ils étaient au Mexique. Il est vrai que l’enfant semblait quelque peu hésitant à répondre aux questions de la Commission au début de son témoignage. Toutefois, son témoignage semble spontané et véridique aux yeux de la Cour. Il se souvenait effectivement qu’ils étaient allés tous ensemble faire prendre des photos pour les passeports et qu’ils étaient allés au cirque plus tard cette journée‑là. On pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’il puisse aussi se rappeler qu’on lui avait parlé d’un projet d’aller à Disneyland durant cette même période.

 

La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant de considérer et d’appliquer les Directives du président intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe et Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié?

 

[22]            La demanderesse conteste la conclusion de la Commission selon laquelle ses allégations de harcèlement par son ex‑époux étaient incompatibles avec le fait qu’elle le rencontrait régulièrement. Elle affirme que la Commission, bien qu’ayant reconnu l’applicabilité des Directives, n’a pas fait preuve du degré « de connaissance, de compréhension et de sensibilité » commandé par les Directives intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe dans son analyse des déclarations et comportements de la demanderesse. Il est bien connu, aux dires de celle‑ci, que les victimes de violence conjugale peuvent rester avec leur conjoint violent malgré des années de sévices, en raison de leur fragilité sur le plan psychologique.

[23]           À mon avis, les conclusions sur la crédibilité tirées en l’espèce par la Commission ne dénotent pas un manque de sensibilité ou de mise en contexte comme l’exigent les Directives. La jurisprudence établit que si la Commission trouve, dans la preuve, des incohérences ou des contradictions qui jettent un doute sur la véracité des allégations du demandeur, le fait que celui n’a pas été jugé crédible ne prouve pas, en soi, que la Commission a été insensible à sa situation (Vargas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1347, au paragraphe 15; SI c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1662, aux paragraphes 3 et 4).

 

[24]           La demanderesse allègue que la Commission a également omis d’appliquer les Directives intitulées Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié lorsqu’elle a entendu le témoignage de son fils, car elle n’a pas vérifié « si l’enfant compren[ait] la nature du serment ou de l’affirmation solennelle ». Toutefois, rien dans le témoignage de l’enfant ne permet à la Cour de croire qu’il ne comprenait pas la nature des procédures à l’audience, et on ne peut raisonnablement soutenir que l’enfant n’a pas compris le sens et l’importance d’une affirmation solennelle simplement parce que son témoignage n’appuyait pas la demande d’asile.

 

La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’établir si la demanderesse principale avait été victime de violence conjugale?

 

[25]           La demanderesse affirme que même si la Commission n’a pas cru qu’elle avait des problèmes avec son ex‑époux depuis leur séparation, elle aurait dû préciser dans ses motifs si la demanderesse était une victime de violence conjugale aux fins d’établir si elle avait droit à l’asile.

 

[26]           Néanmoins, dans les motifs détaillés et clairs qu’elle a formulés au sujet de la crédibilité de l’allégation de violence conjugale (surtout celle vécue après la séparation du couple en 2002), la Commission a clairement tranché cette question, qui forme le fondement principal de la demande d’asile en l’espèce. Le tribunal s’est également arrêté à cette allégation lorsqu’il a examiné pourquoi elle n’avait intenté aucun recours légal contre son mari. À la fin, il est statué clairement que la demanderesse « n’a pas établi que, selon la prépondérance des probabilités, elle serait exposée à la possibilité sérieuse d’être persécutée par son ex-époux si elle devait retourner au Mexique ».

 

La conclusion de la Commission concernant la protection de l’État était‑elle déraisonnable?

[27]           La décision contestée cite, à juste titre, la jurisprudence sur la protection offerte par l’État, y compris la capacité présumée de l’État de protéger ses citoyens, soulignant qu’il revient au demandeur de réfuter cette présomption avec une preuve claire et convaincante et que le demandeur a l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour obtenir une protection à moins qu’il ne soit objectivement pas raisonnable de le faire. Dans son appréciation de la preuve, la Commission a notamment remarqué que la demanderesse n’avait pas pris des mesures suffisantes pour obtenir une protection de l’État de Puebla au Mexique. En fait, la demanderesse n’a jamais porté plainte contre son ex‑époux, bien que le DIF lui ait dit, en septembre 2000, qu’elle avait la possibilité de le faire. La Commission a déclaré qu’en déposant une plainte à la police seulement quelques jours avant de quitter le pays, la demanderesse n’a pas donné à l’État le temps d’examiner sa plainte. Elle a simplement conclu que l’État n’était pas en mesure de la protéger au Mexique.

 

[28]           La demanderesse soutient que la Commission a conclu qu’une protection de l’État était disponible sans tenir dûment compte de la preuve montrant qu’une protection pourrait ne pas lui être accessible dans un cas comme le sien. La demanderesse, cependant, ne cite aucun élément de preuve particulier dont la Commission n’aurait pas tenu compte. Elle soutient que, contrairement aux conclusions du tribunal sur ce point, la jurisprudence établit que les efforts déployés par un État pour assurer la protection de ses citoyens ne prouvent pas la disponibilité de la protection de l’État au niveau opérationnel (Gjoka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 426) et que l’existence d’autres institutions que la police ne constituent pas, en soi, des voies de recours (Zepeda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 491).

 

[29]           La Cour estime que la Commission a appliqué les principes juridiques pertinents et fait un examen exhaustif des éléments de preuve lui ayant été présentés, y compris le rapport Hellman qui a été déposé par la demanderesse. Contrairement à ce que prétend la demanderesse, la Commission n’a pas jugé que cette preuve manquait de valeur probante ou de crédibilité, seulement qu’elle n’avait pas un poids suffisant pour réfuter les autres éléments de preuve documentaire. Même si les efforts, les lois et d’autres institutions visant à aider les victimes de violence conjugale ne sont pas suffisantes, elles peuvent toujours appuyer la présomption de protection de l’État selon la prépondérance des probabilités. Soulignons que, dans ses motifs, la Commission a souligné quelques incohérences entre certaines sources, mais a conclu que, dans une situation de ce genre et au vu des lois en vigueur dans l’État de Puebla, où vivait la demanderesse, cette dernière n’avait pas prouvé qu’elle ne pourrait raisonnablement obtenir la protection de l’État. En disant que la Commission a commis une erreur en tranchant dans un sens plutôt que dans l’autre, la demanderesse souhaite que la Cour apprécie la preuve à nouveau. La Commission a tiré une conclusion raisonnable en l’espèce, étant donné qu’elle n’a pas omis de tenir compte d’éléments de preuve mais s’est principalement attachée au fait que la demanderesse n’a jamais fait de réelles démarches pour obtenir une protection de l’État au Mexique, si ce n’est quelques jours avant de quitter le pays.

 

[30]           La Cour ne peut donc faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire. L’avocate n’a proposé aucune question de portée générale pour certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2168-11

 

INTITULÉ :                                       MARIA ESTHER VILLAVICENCIO LOPEZ, MAURICIO AGUILAR VILLAVICENCIO, MARY JOSE AGUILAR VILLAVICENCIO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 16 NOVEMBRE 2011

 

MOTIFS DU  JUGEMENT :           LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 23 NOVEMBRE 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tatiana Gomez

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Lynne Lazaroff

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Tatiana Gomez

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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