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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20111123


Dossier : IMM-3005-11

Référence : 2011 CF 1351

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 23 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

VIVIAN IHUOMA OHAKAM

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), suivant laquelle la demanderesse n’a pas qualité de personne à protéger au sens de l’article 96 ou des alinéas 97(1)a) et b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La demanderesse soutient que la SPR a commis une erreur dans son évaluation du caractère raisonnable d’une possibilité de refuge intérieur viable (la PRI) envisagée par la SPR, soit la ville d’Abuja au Nigéria.

 

[2]               La SPR a accepté le témoignage de la demanderesse, selon lequel elle est une citoyenne du Nigéria. Pendant qu’elle vivait à Lagos en mai 2008 elle a été battue et violée par son petit copain, avec qui elle demeurait, ce qui lui a fait perdre un enfant. En raison de la violence dont elle était victime, elle s’est enfuie avec son cousin à Abuja. Son petit copain l’a trouvée dans cette ville et l’a convaincue de retourner à Lagos avec lui. La demanderesse a continué d’être victime de violence, elle s’est donc enfuie au Canada en septembre 2008 pour demander l’asile sur le fondement de persécution du fait de son sexe. À son arrivée au Canada, elle a vécu dans un refuge à Toronto, où un ami de son petit copain l’a retracée, par suite de quoi le petit ami a téléphoné au refuge pour la retrouver, et la demanderesse s’est donc enfuie à Winnipeg où elle vit actuellement et où sa demande d’asile a été entendue. On peut estimer que, en acceptant le témoignage de la demanderesse, la SPR a conclu que, si la demanderesse retournait au Nigéria, il y aurait plus qu’une simple possibilité qu’elle serait persécutée par l’homme qu’elle fuyait.

 

[3]               En ce qui concerne la PRI envisagée par la SPR, soit Abuja, la SPR a tiré trois conclusions importantes : une conclusion défavorable relative à la crédibilité, une conclusion d’embellissement et une conclusion quant au caractère raisonnable de la PRI. La conclusion défavorable relative à la crédibilité avait trait à la conduite de la demanderesse après avoir appris que son persécuteur l’avait trouvée dans le refuge où elle demeurait à Toronto. Selon la SPR, la preuve montrait que la demanderesse avait nié que les intervenants au refuge lui avaient dit de communiquer avec la police; cependant, au vu de la transcription du témoignage de la demanderesse devant la SPR (voir le dossier certifié du Tribunal, page 128), je conclus qu’il ne fait aucun doute que la SPR a mal interprété la preuve qui se trouve dans l’affidavit de la demanderesse à l’appui de la présente demande (voir le dossier de demande de la demanderesse, page 17). La SPR s’appuie sur sa conclusion défavorable erronée relative à la crédibilité pour tirer l’inférence suivante :

J’estime par conséquent que la demandeure d’asile n’est pas crédible dans ses déclarations relatives aux directives reçues au refuge et que, par conséquent, elle n’a pas su expliquer les raisons pour lesquelles elle n’avait pas communiqué avec la police de Toronto, si elle croyait vraiment que M. Obi l’avait retrouvée au Canada. J’estime par conséquent que la demandeure d’asile a embelli son témoignage au sujet de la capacité alléguée de M. Obi de la retrouver si elle devait s’installer ailleurs

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, paragraphe 17)

 

[4]               La conclusion quant au caractère raisonnable de la PRI tirée par la SPR est la suivante :

La demandeure d’asile a indiqué que M. Obi a démontré qu’il était capable de la retrouver. Elle a signalé que, la première fois qu’elle s’était réfugiée à Abuja chez sa cousine éloignée, M. Obi avait réussi à la retrouver. Cependant, à cette occasion, la demandeure d’asile a indiqué que M. Obi avait parlé à la personne qui l’avait conduite chez sa cousine et qui lui avait dit qu’elle y était. La demandeure d’asile a indiqué qu’elle s’était laissé convaincre de rentrer à Lagos et de reprendre la vie conjugale avec M. Obi. Elle a aussi déclaré que M. Obi possède une entreprise de construction et de nombreux contacts au Nigeria et, après l’audience, elle a présenté une copie de sa carte de visite, qui montre que M. Obi a des bureaux à Lagos, à Abuja, à Port Harcourt et à Kawo-Kano. Cependant, Abuja est une grande ville et, même si M. Obi y a des contacts professionnels, rien n’indique la façon dont il pourrait apprendre que la demandeure d’asile est rentrée au Nigeria, à Abuja, si celle-ci n’informe pas sa famille élargie de son arrivée.

 

(Décision, paragraphe 15)

 

[Non souligné dans l’original.]

 

À mon avis, les erreurs commises par la SPR dans sa conclusion défavorable relative à la crédibilité et dans sa conclusion quant à l’embellissement ont, en grande partie, injustement motivé le rejet du témoignage et de la preuve présentée par la demanderesse pour établir qu’Abuja ne constituait pas une PRI viable. La demanderesse soutient qu’il est déraisonnable que la SPR s’attende à ce que la demanderesse, pour se protéger, ne communique pas avec sa famille à Abuja. Je suis d’accord. La PRI envisagée à Abuja est déraisonnable parce qu’il n’est nullement tenu compte du soutien dont la demanderesse a besoin vu qu’elle est une femme et qu’elle a été agressée et violée par son persécuteur. Puisque la PRI envisagée à Abuja nécessite que la demanderesse retourne en secret au Nigéria et, pour ainsi dire, vive sa vie en cachette, séparée de son groupe de soutien normal, soit sa famille élargie, je conclus que la décision de la SPR est manifestement déraisonnable.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE : la décision soumise au contrôle est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

                                                                                                            « Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3005-11

 

INTITULÉ :                                       VIVIAN IHUOMA OHAKAM c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 22 NOVEMBRE 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 23 NOVEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Solomon Orjiwuru

 

POUR LA DEMANDERESSE

Nadine Silverman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Solomon Orjiwuru

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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