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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111118


Dossier : IMM-1510-11

Référence : 2011 CF 1325

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

BALASINGAM NADESAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’une agente d’immigration (l’agente) datée du 22 février 2011. L’agente a refusé d’accorder la résidence permanente au demandeur par suite du dépôt de déclarations solennelles à la place de pièces d’identité.

 

[2]               La demande sera accueillie pour les motifs énoncés ci‑dessous.

 

I.          Contexte

 

[3]               Le demandeur, Balasingam Nadesan, a obtenu le statut de réfugié au Canada le 1er décembre 1997. Il a par la suite présenté une demande de résidence permanente. À trois occasions cependant, il a présenté des pièces d’identité frauduleuses à l’appui de sa demande.

 

[4]               Il a donc voulu soumettre des déclarations solennelles pour établir son identité. Dans sa déclaration, il affirme être citoyen du Sri Lanka et d’aucun autre pays. Il explique qu’il est arrivé au Canada muni de faux documents et qu’il n’avait aucune pièce d’identité en sa possession. Il prétend avoir été incapable d’obtenir les documents du Sri Lanka parce que ses parents sont décédés, il est enfant unique et les membres de sa famille ont fui le pays.

 

[5]               Deux déclarations solennelles ont également été fournies par des membres de la famille qui ont attesté qu’ils connaissaient personnellement le demandeur au Sri Lanka et qui sont maintenant des citoyens canadiens.

 

[6]               Le 26 novembre 2010, le demandeur a été avisé qu’il devait fournir des pièces d’identité authentiques. Le 22 février 2010, l’agente a refusé officiellement la demande de résidence permanente. Les notes du STIDI indiquent que l’agente n’était [traduction] « PAS DISPOSÉE À ACCEPTER LES DÉCLARATIONS SOLENNELLES PARCE QUE LE CLIENT A PRÉSENTÉ DES DOCUMENTS NON AUTHENTIQUES À DE MULTIPLES OCCASIONS; IL DOIT DONC SOUMETTRE DES PIÈCES D’IDENTITÉ ».

 

II.         Question en litige

 

[7]               Le demandeur soulève la question suivante :

 

(a)        L’agente a‑t‑elle commis une erreur de droit et manqué à l’obligation d’équité procédurale en refusant d’accepter les déclarations solennelles du demandeur en guise de preuve d’identité suffisante?

 

III.       Norme de contrôle

 

[8]               Les questions de droit et d’équité procédurale commandent la norme de la décision correcte (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, 2009 CarswellNat 434, aux paragraphes 43 et 44).

 

IV.       Analyse

 

[9]               L’article 50 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) énumère les documents qui doivent accompagner la demande de résidence permanente. L’article 178 autorise la présentation de documents de remplacement, y compris ceux délivrés à l’étranger avant l’admission au pays ou les déclarations solennelles. En voici le libellé :

Pièces d’identité

 

178. (1) Le demandeur qui ne détient pas l’un des documents mentionnés aux alinéas 50(1)a) à h) peut joindre à sa demande l’un ou l’autre des documents suivants :

 

a) toute pièce d’identité qui a été délivrée hors du Canada avant son entrée au Canada;

 

b) dans le cas où il existe une explication raisonnable et objectivement vérifiable, liée à la situation dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle, de son incapacité d’obtenir toute pièce d’identité, une affirmation solennelle dans laquelle il atteste de son identité et qui est accompagnée :

 

(i) soit d’une affirmation solennelle qui atteste l’identité du demandeur faite par une personne qui, avant l’entrée de celui-ci au Canada, a connu le demandeur, un membre de sa famille, son père, sa mère, son frère, sa sœur, son grand-père ou sa grand-mère,

 

 

(ii) soit d’une affirmation solennelle qui atteste l’identité du demandeur faite par le représentant d’une organisation qui représente les ressortissants du pays dont le demandeur a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle.

 

Documents de remplacement

 

(2) Les documents fournis au titre du paragraphe (1) en remplacement des documents mentionnés aux alinéas 50(1)a) à h) sont acceptés si :

 

a) dans le cas d’une pièce d’identité, la pièce, à la fois :

 

(i) est authentique,

 

(ii) identifie le demandeur,

 

(iii) constitue une preuve crédible de l’identité du demandeur;

 

b) dans le cas d’une affirmation solennelle, l’affirmation, à la fois :

 

(i) est compatible avec tout renseignement fourni précédemment par le demandeur au ministère ou à la Commission,

 

 

(ii) constitue une preuve crédible de l’identité du demandeur.

 

Identity documents

 

178. (1) An applicant who does not hold a document described in any of paragraphs 50(1)(a) to

 

(h) may submit with their application

 

(a) any identity document issued outside Canada before the person’s entry into Canada; or

 

(b) if there is a reasonable and objectively verifiable explanation related to circumstances in the applicant’s country of nationality or former habitual residence for the applicant’s inability to obtain any identity documents, a statutory declaration made by the applicant attesting to their identity, accompanied by

 

 

 

(i) a statutory declaration attesting to the applicant’s identity made by a person who, before the applicant’s entry into Canada, knew the applicant, a family member of the applicant or the applicant’s father, mother, brother, sister, grandfather or grandmother, or

 

(ii) a statutory declaration attesting to the applicant’s identity made by an official of an organization representing nationals of the applicant’s country of nationality or former habitual residence.

 

 

 

Alternative documents

 

(2) A document submitted under subsection (1) shall be accepted in lieu of a document described in any of paragraphs 50(1)(a) to (h) if

 

(a) in the case of an identity document, the identity document

 

(i) is genuine,

 

(ii) identifies the applicant, and

 

(iii) constitutes credible evidence of the applicant’s identity; and

 

(b) in the case of a statutory declaration, the declaration

 

 

(i) is consistent with any information previously provided by the applicant to the Department or the Board, and

 

(ii) constitutes credible evidence of the applicant’s identity.

 

 

 

 

 

[10]           Le demandeur soutient que l’agente a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du contenu des déclarations solennelles au motif que le demandeur avait présenté des documents frauduleux dans le passé.

 

[11]           Pour sa part, le défendeur se réfère à un affidavit de l’agente et maintient que les déclarations solennelles ont été examinées, mais que, vu les autres circonstances de l’affaire, notamment le dépôt de documents frauduleux à trois occasions, le demandeur n’a jamais fourni une explication raisonnable et objectivement vérifiable de son incapacité d’obtenir des documents acceptables. Par ailleurs, les déclarations solennelles n’ont pu être jugées crédibles. Le défendeur réitère à l’intention de la Cour le principe selon lequel « [a]ucun énoncé ou document ne prouve quoi que ce soit s’il n’est pas jugé crédible. On ne saurait accorder plus de crédibilité à une affirmation parce qu’elle est sous forme écrite. » (Iqbal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1793, 93 ACWS (3d) 737, au paragraphe 8.)

 

[12]           La Cour a toutefois établi clairement qu’il faut accorder peu de poids aux affidavits dans lesquels les agents des visas expliquent et précisent leurs motifs après le fait (voir Basra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 535, [2009] ACF no 654, au paragraphe 12; Hansra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 230, [2009] ACF no 297, aux paragraphes 14 et 15; Alem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 148, [2010] ACF no 176, au paragraphe 19). Ces observations s’appliquent assurément à l’affidavit présenté en l’espèce qui tente, au paragraphe 6, de justifier la décision de refuser les déclarations solennelles du demandeur.

 

[13]           Je dois donc centrer mon analyse sur la lettre de refus et les notes du STIDI de l’agente, qui constituent la décision visée en l’espèce, et me ranger du côté du demandeur. Rien dans les notes n’indique que l’agente a examiné les déclarations solennelles dans le but d’évaluer les raisons justifiant leur dépôt à la place des pièces d’identité ou de tirer une conclusion quant à la crédibilité. En effet, l’agente affirme qu’elle n’est [traduction] « PAS DISPOSÉE À ACCEPTER LES DÉCLARATIONS SOLENNELLES PARCE QUE LE CLIENT A PRÉSENTÉ DES DOCUMENTS NON AUTHENTIQUES À DE MULTIPLES OCCASIONS; IL DOIT DONC SOUMETTRE DES PIÈCES D’IDENTITÉ ». On peut en déduire un rejet catégorique des déclarations solennelles, et non un examen de leur pertinence ou crédibilité. Il n’est fait aucune mention des explications fournies dans la déclaration du demandeur.

 

[14]           L’article 178 du Règlement établit clairement que le demandeur peut présenter des déclarations solennelles dans le cas où il existe « une explication raisonnable et objectivement vérifiable, liée à la situation dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle », de son incapacité d’obtenir des pièces d’identité. Cela requiert une appréciation des raisons pour lesquelles une déclaration solennelle est présentée. En outre, l’agent est tenu d’accepter une déclaration solennelle pour autant qu’elle soit « compatible avec tout renseignement fourni précédemment par le demandeur » et qu’elle « constitue une preuve crédible de l’identité du demandeur ». Là encore, il faut se demander si les déclarations solennelles constituent une preuve crédible. On ne peut simplement les rejeter à la faveur de l’exigence concernant les pièces d’identité officielles. Le Règlement envisage clairement le dépôt de pièces d’identité ou de déclarations solennelles pour l’établissement de l’identité.

 

[15]           Même si l’agente entretenait des doutes face à la crédibilité du demandeur en général, vu les documents frauduleux qu’il avait fournis précédemment, la décision de rejeter les déclarations solennelles sans en examiner le contenu ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 178. Je ne sous‑entends pas que l’agente aurait dû fermer les yeux sur la présentation de documents frauduleux, mais elle était tenue d’examiner les déclarations solennelles conformément à la procédure prescrite par le Règlement. Le fait de ne pas justifier ce rejet catégorique pose également problème. La décision de l’agente constitue donc une erreur de droit et un manquement à l’équité procédurale.

 

V.        Conclusion

 

[16]           L’omission de l’agente d’examiner les déclarations solennelles, d’en faire mention dans ses motifs et de justifier sa décision de les rejeter constitue une erreur de droit et un manquement à l’équité procédurale.

 

[17]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1510-11

 

INTITULÉ :                                       BALASINGAM NADESAN c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Near

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 18 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul VanderVennen

 

POUR LE DEMANDEUR

Stephen H. Gold

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Paul VanderVennen

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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