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Date : 20111109


Dossier : IMM-889-11

Référence : 2011 CF 1283

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

RAIEK SALIM

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET
DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Lorsqu’il était enfant, Raiek Salim rêvait de devenir pilote de ligne. Il détient un brevet de pilote, mais affirme ne pas pouvoir trouver du travail. Personne n’est disposé à l’embaucher en Israël, son pays de naissance, parce qu’il est Arabe et musulman, et personne ne l’engagerait en Jordanie, où il a suivi sa formation, ou dans d’autres pays arabes parce qu’il a un passeport israélien. Même s’il aimerait travailler comme pilote de ligne à Montréal, il n’a jamais demandé la résidence permanente. Il s’est renseigné auprès du consulat du Canada à Tel-Aviv : la personne à qui il s’est adressé doutait qu’il soit admissible comme travailleur qualifié immigrant au Québec, parce qu’il n’avait pas assez d’heures de vol à son actif et qu’il ne parlait pas français.

 

[2]               Depuis, le demandeur a passé du temps à Montréal, il a obtenu son brevet de pilote canadien et a accumulé des heures de vol. Il s’est également inscrit à un cours de français, qu’il n’a pas terminé. Le demandeur a décidé plutôt de demander l’asile.

 

[3]               Le demandeur a convaincu la commissaire de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui a instruit sa demande qu’il était un citoyen de seconde classe en Israël, que les occasions offertes aux autres lui étaient refusées, qu’une partie importante de la population juive se méfiait des citoyens israéliens d’origine arabe comme lui, et qu’il était victime de harcèlement et de discrimination. La commissaire a conclu néanmoins qu’il n’était pas persécuté au sens de la Convention relative au statut des réfugiés, et qu’il n’avait pas besoin de la protection du Canada. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

LE CONTEXTE JURIDIQUE

 

[4]               La demande d’asile de M. Salim se présente sous deux aspects. Il craint d’être persécuté par les services du renseignement israéliens. Par ailleurs, pris individuellement, l’abus, la discrimination et le harcèlement qu’il a subis sa vie durant n’équivalent peut-être pas à de la persécution, mais ce serait le cas s’ils étaient examinés cumulativement.

 

[5]               D’après l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), qui entérine la Convention sur les réfugiés, la crainte subjective doit avoir un fondement objectif (Rajudeen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 55 N.R. 129, [1984] A.C.F. no 601 (QL) (C.A.F.)). On n’a pas argué que M. Salim avait besoin d’être protégé en vertu de l’article 97 de la LIPR parce qu’il serait personnellement soumis à un risque de torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture, ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Nous devons également garder à l’esprit que « le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non-citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer au pays ou d’y demeurer. En common law, les étrangers ne jouissent pas du droit d’entrer au pays ou d’y demeurer » (Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, à la page 733, 135 N.R. 161, le juge Sopinka).

 

[6]               En règle générale, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, l’évaluation de la preuve obéit à la norme de raisonnabilité, comme l’a énoncé la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190. Même s’il est difficile de distinguer la persécution de la discrimination cumulative, il s’agit d’une question de fait et de droit, relevant également de la norme de raisonnabilité (Sagharichi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 182 N.R. 398, [1993] A.C.F. no 796 (QL)). En cas d’erreur de droit pure et simple, c’est toutefois la décision correcte qui s’applique comme norme de contrôle.

 

[7]               La Cour suprême a rappelé que la retenue judiciaire était de mise lorsque l’examen s’effectue suivant la norme de raisonnabilité. La question n’est pas de savoir si l’instance révisionnelle serait parvenue à la même conclusion. Comme le déclarait le juge Iacobucci dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc, [1997] 1 R.C.S. 748, [1996] A.C.S. no 116 (QL), au paragraphe 80 :

En guise de conclusion de mon analyse de cette question, je tiens à faire observer que le décideur chargé du contrôle de la décision, et même un décideur appliquant la norme de la décision raisonnable simpliciter, sera souvent tenté de trouver un moyen d’intervenir dans les cas où il aurait lui-même tiré la conclusion contraire. Les cours d’appel doivent résister à cette tentation. Mon affirmation selon laquelle je ne serais peut-être pas arrivé à la même conclusion que le Tribunal ne devrait pas être considérée comme une invitation aux cours d’appel à intervenir dans les cas comme celui qui nous intéresse, mais plutôt comme une mise en garde contre pareille intervention et comme un appel à la retenue. La retenue judiciaire s’impose si l’on veut façonner un système de contrôle judiciaire cohérent, rationnel et, à mon sens, judicieux.

 

LES FAITS

 

[8]               M. Salim a aujourd’hui 32 ans. En 2003, après avoir travaillé pendant quelques années et mis de l’argent de côté, il a décidé de réaliser son rêve et de devenir pilote. Apparemment, aucune école en Israël n’était prête à l’accepter. Cependant, il a réussi à s’inscrire à une école de pilotage en Jordanie et à obtenir un brevet. Il a d’ailleurs été interviewé sous un jour favorable par un journal israélien de langue arabe en 2005.

 

[9]               Le demandeur est arrivé au Canada en 2005 pour poursuivre ses études d’aviation, obtenir un brevet de pilote canadien, ce qu’il a fait, et accumuler des heures de vol. Il est revenu au pays plus tard cette année-là et deux autres fois en 2007, avant de demander finalement le statut de réfugié.

 

[10]           Comme nous l’avons déjà mentionné, sa demande d’asile a deux fondements. Le premier concerne sa crainte des services du renseignement israéliens; le second est que les incidents de discrimination et de harcèlement dont il a été victime équivalent à de la persécution si on les envisage cumulativement.

 

[11]           Sa crainte des services du renseignement israélien découle de son statut de pilote, car il serait considéré comme étant une menace à la sécurité nationale d’Israël. Son seul différend avec les autorités remonte à octobre 2007 à l’aéroport de Tel-Aviv avant de s’embarquer pour un vol à destination du Canada. Le demandeur a été soumis à un interrogatoire intense en rapport avec ses qualifications de pilote et son passé. Cependant, il a été autorisé à monter dans l’avion. Quelques mois plus tôt, son frère avait été interviewé par des agents du gouvernement au sujet de ses activités et sa formation de pilote. Le demandeur croit qu’un dossier est en train d’être monté contre lui, et soupçonne aussi d’avoir été surveillé au Canada par les autorités israéliennes, bien qu’il n’en ait aucune preuve.

 

[12]           Quant aux incidents de discrimination équivalant à de la persécution, outre le fait que ses efforts pour devenir pilote en Israël aient été contrariés, le demandeur s’est appuyé sur de la documentation concernant le pays qui montre que de nombreux employeurs, organismes d’État comme entreprises privées, exigent des futurs employés qu’ils aient servi dans l’armée. Les Juifs sont soumis à la conscription, alors que les Arabes peuvent se porter volontaires, ce que n’a pas fait M. Salim. En fait, il semblerait que peu d’Arabes le fassent.

 

[13]           Les Arabes sont victimes de profilage racial et de discrimination dans de nombreux domaines, notamment l’éducation, l’emploi et le logement, et sont méprisés durant les manifestations sportives ou autres.

 

LA DÉCISION

 

[14]           La commissaire de la SPR a séparé ses motifs en deux. Elle s’est d’abord demandé si la crainte de persécution de M. Salim à l’égard des services du renseignement israéliens était fondée, puis a analysé la question des rapports entre la discrimination et la persécution. La commissaire a envisagé cette partie de la demande d’asile sous deux aspects : le premier consistait à établir si la discrimination invoquée par le demandeur d’asile au motif qu’il n’avait pas été autorisé à faire des études de pilote ni à exercer ce métier en Israël équivalait à de la persécution; le second se rapportait à la question de savoir si l’impact cumulatif de la discrimination subie tout au long de sa vie parce qu’il était Arabe et musulman, « doublé d’une situation qui se détériore au pays », suscitait une crainte raisonnable ou une possibilité sérieuse de persécution « dans l’avenir ».

 

[15]           S’appuyant sur l’ouvrage The Law of Refugee Status du professeur James C. Hathaway, la commissaire a établi une distinction entre les droits de premier niveau, tels que le droit de ne pas être réduit en esclavage, la liberté de pensée, de conscience et de religion, et les droits de deuxième et de troisième niveaux, notamment la liberté de quitter et de regagner son pays, celle de ne pas risquer d’être détenu arbitrairement, le droit d’accéder à un emploi dans le secteur public sans subir de discrimination, et le droit à une protection égale pour tous.

 

[16]           La commissaire de la SPR a rejeté le premier aspect de la demande d’asile de M. Salim. Elle a noté qu’il n’avait été interviewé qu’une seule fois par les forces de sécurité, le 1er octobre 2007, moins d’une semaine après son retour en Israël à la suite d’un séjour de huit mois au Canada. Il lui a paru tout à fait raisonnable que les forces de sécurité israéliennes puissent s’intéresser à lui pour cette seule raison. La commissaire a d’ailleurs fait remarquer que les vérifications de sécurité effectuées par les Israéliens sont extrêmement rigoureuses et nécessaires pour la sécurité de tous les passagers. Cet incident n’équivalait pas à de la persécution et ne violait pas la liberté de mouvement du demandeur. Les notes informatiques du système SSOBL se rapportant à une entrevue effectuée à son arrivée au Canada lors d’une visite antérieure en janvier 2007, après la publication de l’article le concernant, sont plus révélatrices. Durant l’entrevue, il a nié à maintes reprises qu’il avait des problèmes en Israël, et a déclaré qu’il était venu rendre visite à un ami. Or, cet ami a informé l’agent qui l’a contacté qu’ils avaient envisagé la possibilité que le demandeur demande l’asile au Canada et consulte un avocat d’immigration. La commissaire a conclu que sa crédibilité était entachée puisqu’il avait été question de présenter une demande d’asile avant les incidents vexatoires allégués, à savoir l’entrevue de son frère en février 2007 et son interrogatoire à l’aéroport de Tel-Aviv en octobre 2007.

 

[17]           La commissaire a conclu que les citoyens arabes d’Israël étaient couramment victimes de discrimination dans tous les aéroports du pays, et qu’un grand nombre d’entre eux étaient soumis à ce qui revient à du profilage racial. Cependant, elle a estimé que ses droits n’avaient pas été violés d’une manière qui équivaut à de la persécution.

 

[18]           La commissaire s’est ensuite penchée sur la question de la discrimination : elle a étudié plusieurs des articles présentés et s’est dite convaincue que le demandeur avait été victime de discrimination parce qu’il n’avait pas été autorisé à faire des études de pilote ni à pratiquer ce métier en Israël. Cependant, la commissaire a tenu compte du fait que les Arabes, contrairement aux Juifs, n’étaient pas astreints au service militaire. La plupart ne le font pas, ce qui sert souvent de motif de discrimination. La position du gouvernement israélien est qu’il n’existe aucune discrimination officielle à l’endroit des Arabes, et qu’ils ne sont traités différemment qu’en raison de préoccupations touchant la sécurité.

 

[19]           Suivant la classification hiérarchique des droits fondamentaux de Hathaway, les droits socio-économiques, ou dits de troisième niveau, incluent le droit de travailler, le droit à un niveau de vie adéquat et le droit de faire des études. La commissaire s’est ensuite référée au Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, qui précise qu’il existe des différences de traitement entre les divers groupes composant les nombreuses sociétés humaines. Les personnes qui, de ce fait, jouissent d’un traitement moins favorable ne sont néanmoins pas nécessairement victimes de persécutions.

 

[20]           Tout en étant convaincue que le déni continuel ou systémique du droit de chacun à gagner sa vie représente une forme de persécution, la commissaire a noté que M. Salim avait terminé l’école secondaire avec d’excellentes notes et qu’il s’était spécialisé en informatique et dans les systèmes de communication. Il avait travaillé ensuite dans une entreprise de télécommunication comme chef technicien. Il était l’un des deux seuls employés arabes de l’entreprise. Il a soutenu qu’il avait été victime de discrimination parce qu’on ne l’avait pas promu à un poste de cadre.

 

[21]           La commissaire a estimé que le droit du demandeur de gagner sa vie ne s’était buté à aucune restriction grave et qu’il serait erroné de qualifier de persécution n’importe quelle forme de discrimination.

 

[22]           Elle a ensuite abordé l’effet cumulatif des incidents de discrimination. Le demandeur avait pu étudier et travailler, il avait joui d’une prospérité économique relative qui lui avait offert une liberté de mouvement, il avait vécu dans une démocratie; malgré certains problèmes, le gouvernement israélien respectait généralement les droits fondamentaux de ses citoyens. La commissaire a conclu que les incidents de discrimination, pris cumulativement, ne constituaient pas de la persécution.

 

LES ARGUMENTS DE M. SALIM

 

[23]           L’avocat fait valoir que la SPR a écarté en bloc la preuve documentaire qui aurait justifié une autre conclusion, et que la commissaire a erré en droit en ce qui a trait à la doctrine des motifs cumulés de persécution et à la nécessité d’évaluer prospectivement le risque de persécution.

 

[24]           Il a cité des documents selon lesquels l’accès à certaines terres était réservé aux citoyens juifs, que celui à divers services publics extrêmement avantageux n’était octroyé que sur la base du service militaire, ce qui est discriminatoire à l’endroit des citoyens israéliens arabes, et que l’État n’avait pas enquêté sur des incidents de discours haineux ni intenté de poursuites à cet égard.

 

[25]           Il a vigoureusement fait valoir qu’une référence à un rapport du Département d’État des États-Unis de 2009 avait été complètement sortie de son contexte. La commissaire s’était servie de ce rapport pour affirmer que le gouvernement d’Israël respectait en règle générale les droits fondamentaux de ses citoyens. L’intégralité de ce paragraphe se lit comme suit :

[traduction]

 

Le gouvernement respectait en règle générale les droits fondamentaux de ses citoyens, bien que des problèmes se posent dans certains domaines [...]. Une discrimination institutionnelle, légale et sociétale à l’endroit des citoyens arabes, des Arabes palestiniens, des Juifs non orthodoxes et d’autres groupes religieux s’est poursuivie [...]. Le gouvernement a maintenu des systèmes éducatifs inégaux pour les étudiants arabes et juifs.

 

[26]           La commissaire a également été critiquée pour ne pas avoir cité tout le paragraphe du Guide de l’UNHCR sur la discrimination cumulée. Le paragraphe 55 de ce guide se lit ainsi :

Lorsque les mesures discriminatoires ne sont pas graves en elles-mêmes, elles peuvent néanmoins amener l’intéressé à craindre avec raison d’être persécuté si elles provoquent chez lui un sentiment d’appréhension et d’insécurité quant à son propre sort. La question de savoir si ces mesures discriminatoires par elles-mêmes équivalent à des persécutions ne peut être tranchée qu’à la lumière de toutes les circonstances de la situation. Cependant, il est certain que la requête de celui qui invoque la crainte des persécutions sera plus justifiée s’il a déjà été victime d’un certain nombre de mesures discriminatoires telles que celles qui ont été mentionnées ci-dessus et que, par conséquent, un effet cumulatif intervient.

 

LA RÉPONSE DU MINISTRE

 

[27]           Le ministre soutient que la conclusion de la SPR selon laquelle M. Salim n’avait pas prouvé le bien-fondé de sa crainte d’être persécuté par les services du renseignement israéliens était raisonnable. Son manque de crédibilité a d’ailleurs permis d’établir qu’il n’avait aucune crainte subjective de retourner en Israël.

 

[28]           De même, l’analyse et les conclusions de la Commission concernant les allégations de discrimination et les motifs cumulés de persécution étaient raisonnables, et les allégations se rapportant aux incidents discriminatoires ont été énumérées et soupesées. Plus particulièrement, la Commission n’a pas conclu que les Arabes israéliens n’étaient pas victimes de discrimination, mais plutôt, dans le cas de M. Salim, que cette discrimination n’équivalait pas cumulativement à de la persécution.

 

ANALYSE

 

[29]           La décision de la commissaire concernant la crainte du demandeur d’être persécuté par les forces du renseignement israélien relève raisonnablement des issues possibles et doit être maintenue (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[30]           Quant aux actes cumulatifs de discrimination qui deviendraient de la persécution, la commissaire connaissait bien le droit pertinent et l’a appliqué à mon avis de manière raisonnable. La doctrine des motifs cumulés de persécution a été résumée par le juge Nadon, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Munderere, 2008 CAF 84, 377 N.R. 259. Dans les cas où la preuve établit l’existence d’une série d’actions qui sont considérées comme étant de la discrimination plutôt que de la persécution, il faut tenir compte de la nature cumulative de ces actions. La SPR commettrait une erreur de droit en ne tenant pas compte de la nature cumulative des actions commises contre le demandeur. Elle a l’obligation de tenir compte de tous les faits qui peuvent avoir une incidence sur l’affirmation du demandeur d’asile suivant laquelle il craint avec raison d’être persécuté.

 

[31]           C’est exactement ce que la commissaire a fait, et son analyse avait un caractère prospectif. À mon avis, elle n’a pas sorti de leur contexte les conditions régnant dans le pays.

 

[32]           Le rapport du Département d’État des États-Unis de 2009 soulignait que [traduction] « des roquettes palestiniennes et des attaques terroristes ont tué quatre civils et en ont blessé 34 en Israël durant l’année [...] », et que certaines lois, ordonnances et règlements fondamentaux dépendaient de l’existence d’un [traduction] « état d’urgence » en vigueur depuis 1948.

 

[33]           Le rapport ajoute que :

[Traduction]

 

La loi dispense les citoyens arabes du service militaire obligatoire. Les citoyens qui n’effectuent pas ce service jouissent de moins d’avantages sociaux et économiques. En règle générale, les citoyens arabes d’Israël ne peuvent pas postuler un emploi dans des entreprises ayant des contrats de défense ou dans les domaines liés à la sécurité.

 

[34]           M. Salim ne s’est pas porté volontaire pour le service militaire. Il suppose qu’il n’aurait pas été accepté. Dans un sens, la loi est discriminatoire à l’égard des Juifs qui, dans l’ensemble, n’ont pas le choix. Cependant, comme un grand nombre des voisins arabes d’Israël déplorent jusqu’à son existence, il est aisé de comprendre pourquoi les citoyens arabes ne sont pas appelés sous les drapeaux.

 

[35]           La discrimination exercée par les compagnies aériennes israéliennes à l’endroit de citoyens arabes en Israël était bien documentée. La situation dans ce pays révèle dans l’ensemble une méfiance généralisée des citoyens juifs à l’égard des citoyens arabes et vice versa. De graves préoccupations liées à la sécurité subsistent, mais celles-ci ne se limitent en aucun cas à Israël. M. Salim a d’ailleurs déclaré qu’il serait un employé utile dans une école de pilotage au Canada car les candidats arabes ne sont pas particulièrement bienvenus aux États-Unis depuis le 11 Septembre.

 

[36]           L’un des rapports soumis par M. Salim, intitulé Discrimination in the Israeli Law, provient de l’Arab Association for Human Rights. Ce rapport prétend qu’Israël ne peut être un État démocratique puisqu’il se définit comme étant un État juif et qu’il repose sur trois conditions fondamentales : les Juifs doivent former la majorité, ils ont droit à un traitement spécial et à des lois préférentielles, et il existe une relation de réciprocité entre Israël et les Juifs de la diaspora. La minorité arabe palestinienne est donc exclue et victime de discrimination.

 

[37]           Ce rapport défend un programme particulier. Un grand nombre d’États favorisent un peuple ou une religion au détriment d’autres. L’ironie vient de ce que cette association est en fait basée en Israël, ce qui donne à penser que les droits de premier niveau de libertés de pensée et d’expression définis par le professeur Hathaway, sont respectés.

 

[38]           Un autre rapport sur le pays visé ayant supposément été écarté est le Report of the Association for Civil Rights in Israel de 2009, qui déplore le fait que [traduction] « certains aimeraient que les droits des citoyens arabes soient conditionnels au respect de certains devoirs et obligations, comme le service militaire ou national obligatoire [...] ». Paradoxalement, un tel changement dans la loi mettrait tous les citoyens sur un pied d’égalité.

 

[39]           Les rapports sur le pays en cause montrent que la compagnie aérienne israélienne El Al a été forcée d’indemniser des passagers arabes israéliens ayant été humiliés durant une vérification de sécurité à New York, et qu’elle a été accusée de discrimination raciale à l’endroit de membres du personnel possiblement arabes.

 

[40]           Compte tenu de toute la preuve dont elle disposait, il était raisonnablement loisible à la commissaire de rendre les décisions qu’elle a rendues. Il n’y a aucune raison de revenir dessus. M. Salim s’est fait dans l’idée qu’il ne réussirait pas à immigrer au Canada. Or, il n’a pas même essayé. Comme dit le poète : [traduction] « L’homme doit tendre vers l’immédiatement impossible, sans quoi, pourquoi y aurait-il un paradis? »


ORDONNANCE

            POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT;

LA COUR STATUE comme suit :

1.      la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      aucune question grave de portée générale n’est à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-889-11

 

INTITULÉ :                                       SALIM c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 25 OCTOBRE 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 NOVEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jared Will

 

POUR LE DEMANDEUR

Charles Jr. Jean

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jared Will

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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