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Date : 20111110 

Dossier : T‑1877‑10

Référence : 2011 CF 1295

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

TRANSPORT VARES INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

GUOJIE FENG

 

 

 

défendeur

 

 

et

 

 

 

 

Me MARC ABRAMOWITZ

 

 

 

arbitre nommé par le ministre du Travail

 

        MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.         APERÇU

 

[1]        Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision de Me Mark Abramowitz (l’arbitre), condamnant Transport Vares Inc. (la demanderesse) à verser à M. Guojie Feng (le défendeur) la somme de 9 296,54 $ avec intérêts ainsi que l’indemnité prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec [CcQ] en raison de la conclusion de l’arbitre selon laquelle le défendeur est un employé de la demanderesse.

 

[2]        Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie.

 

II.        CONTEXTE FACTUEL

 

A.        Faits

 

[3]        M. Guojie Feng (le défendeur) a répondu à une annonce dans le « Journal de Montréal » du 21 mars 2008 recherchant un « chauffeur, classe 1, Canada US, Camion Volvo 2005 » (voir l’annonce jointe à l’annexe B).

 

[4]        Le défendeur a téléphoné au président de la demanderesse, Peter Bogeljic, et lui a transmis son curriculum vitae par télécopieur. Le 13 avril 2008, M. Bogeljic a rencontré le défendeur au lieu d’affaires de la demanderesse pour un essai routier à la suite duquel le défendeur a été embauché au taux de 0,36 $ le mille. Sa première affectation a eu lieu le 16 avril 2008.

 

[5]        Le 21 avril 2008, M. Bogeljic a demandé au défendeur s’il était constitué en société. Le défendeur a répondu par l’affirmative, mais il a également indiqué qu’il préférait être inscrit dans le livre de paie en tant qu’employé de la demanderesse. En réponse, M. Bogeljic a indiqué que tous les chauffeurs de Transport Vares étaient payés en tant que société. Il a également précisé que la demanderesse n’avait pas de livre de paie et que le défendeur devait présenter un certificat de constitution en personne morale afin d’être payé.

 

[6]        Le défendeur s’est conformé à la demande de M. Bogeljic et a fourni le certificat de constitution en personne morale de Clermont F. Transport Inc. qui a été constituée le 15 mai 2007.

 

[7]        Clermont F. Transport Inc. a été constituée en personne morale lorsque le défendeur a voulu acheter son propre camion. Le défendeur n’a toutefois jamais donné suite à son projet.

 

[8]        Après le premier voyage, la demanderesse a convenu de payer le défendeur 0,37 $ le mille plutôt que 0,36 $.

 

[9]        La rémunération du défendeur était fonction des itinéraires de voyage et des comptes rendus d’itinéraires précisant les divers arrêts, le millage, les livraisons, les ramassages et les périodes d’attente qui étaient ensuite entrés dans « PC Miler », un programme informatique qui calculait la rémunération du défendeur. La compagnie du défendeur n’a pas présenté de factures officielles, pas plus que la TPS ou TVP n’a été réclamée ou payée à l’égard des 31 voyages du défendeur.

 

[10]      Le véhicule attribué au défendeur était la propriété de la demanderesse. Son logo était inscrit sur le véhicule. Les frais de permis, de carburant, d’assurances, de péages routiers, d’entretien et de lavage du véhicule étaient tous payés par la demanderesse.

 

[11]      Pendant qu’il fournissait ses services à la demanderesse, le défendeur n’a pas accepté de travail d’autres entreprises.

 

[12]      La demanderesse donnait des directives et des instructions au défendeur lui indiquant les endroits où il devait ramasser, charger et livrer la marchandise.

 

[13]      Si le véhicule avait besoin de réparations, le défendeur devait en informer la demanderesse et obtenir son autorisation pour effectuer les réparations.

 

[14]      Le défendeur avisait la demanderesse à son arrivée à destination afin de recevoir d’autres instructions.

 

[15]      Le défendeur n’avait pas investi de capitaux dans l’entreprise de la demanderesse. Il était payé au mille pour chaque voyage, de même que pour les arrêts et les temps d’attente.

 

[16]      Du 16 avril 2008 au 11 janvier 2009, les revenus du défendeur provenaient exclusivement de son travail pour la demanderesse.

 

[17]      Leur relation a pris fin le 11 janvier 2009, lorsque M. Bogeljic a fait descendre de force le défendeur d’un des camions de la demanderesse. Le défendeur a refusé de sortir du camion de la demanderesse parce qu’il voulait en retirer ses effets personnels. Après dix minutes, M. Bogeljic a demandé à sa femme d’appeler la police parce que le défendeur refusait de lui remettre les clés du camion.

 

[18]      La déclaration de revenus personnelle du défendeur pour l’année 2008 indique un revenu d’emploi de 27 464 $ avant les crédits d’impôt. Clermont F. Transport Inc. a déclaré des revenus de 37 371 $ et des dépenses totales de 37 983 $, dont des salaires et des traitements de 24 009 $, entraînant une perte de 612 $ dans sa déclaration de revenus pour l’exercice financier se terminant le 30 avril 2009.

 

[19]      Le défendeur soutient que la demanderesse a omis de lui payer cinq voyages et une paie de vacances de 4 % calculée en fonction d’une rémunération totale de 42 221,80 $. Le défendeur réclame également une rémunération pour certains congés fériés. Selon l’arbitre, la liste des voyages du défendeur n’incluait pas les 25e et 31e jours de décembre. Le défendeur a travaillé le 24 juin, le 1er juillet et le 1er septembre. En bout de ligne, le défendeur a réclamé deux semaines de salaire en guise et lieu de préavis en raison de son renvoi. Sa réclamation repose sur l’alinéa 230(1)b) du Code canadien du travail, LRC 1985, c L‑2 [CCT].

 

B.        Décision contestée

 

[20]      L’avocat de la demanderesse a soulevé une objection préliminaire fondée sur la litispendance parce que le défendeur a également intenté un recours contre la demanderesse devant la Division des petites créances de la Cour du Québec. L’arbitre a rejeté l’objection au motif que les deux forums étaient différents (l’un étant une cour de justice et l’autre un tribunal administratif). Il s’est appuyé sur Vigi Santé Ltée c (Montréal) Communauté urbaine, [2001] JQ no 6010, REJB 2001‑28718 [Vigi].

 

[21]      En ce qui concerne la question centrale, l’arbitre a fondé sa décision sur l’arrêt 67112 Ontario Ltd c Sagaz Industries Canada Inc, 2001 CSC 59, [2001] 2 RCS 983, au paragraphe 47 [Sagaz], dans lequel le juge Major a écrit ce qui suit :

[47] [...] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte.

 

[22]      L’arbitre a ensuite examiné les facteurs énoncés dans l’arrêt Sagaz :

1)                  le degré de contrôle que l’employeur exerçait sur les activités du travailleur;

2)                  la propriété des instruments de travail et de l’outillage;

3)                  la question de savoir si le travailleur a le droit d’embaucher des assistants ou d’autres personnes pour faire le travail qui lui est confié;

4)                  l’importance de l’investissement dans l’entreprise par le travailleur;

5)                  la question de savoir qui peut subir une perte ou réaliser un profit.

 

[23]      Dans sa décision, l’arbitre a relevé que la demanderesse était propriétaire du camion fourni au défendeur. Le défendeur ne faisait pas de publicité pour solliciter des clients et il n’avait pas d’adresse ni de numéro de téléphone distincts où un expéditeur éventuel pouvait communiquer avec lui.

 

[24]      La demanderesse fixait les tarifs et les frais. La demanderesse était désignée comme le propriétaire transporteur, tandis que le défendeur, M. Guojie Feng, était désigné comme étant la personne responsable du transport.

 

[25]      La demanderesse assumait la responsabilité des frais de carburant, d’assurances, de permis et d’entretien du camion. Les réparations nécessaires en raison de bris devaient être autorisées par la demanderesse.

 

[26]      L’arbitre a également indiqué que le défendeur n’avait par ailleurs aucune chance de réaliser des profits ni de subir une perte puisqu’il était payé au mille et qu’il n’avait pas investi de capitaux dans l’entreprise.

 

[27]      Selon l’arbitre, le fait que le défendeur était payé par l’entremise d’une personne morale existante, Clermont F. Transport Inc., importait peu. À cet égard, il s’est appuyé sur l’arrêt McKee c Reid’s Heritage Homes Ltd, 2009 ONCA 916 [McKee]. Le recours à une société constituait simplement un [traduction] « instrument pour faciliter la rémunération par la demanderesse des services rendus par le défendeur ».

 

[28]      Le nom par lequel on désigne une transaction ne détermine pas nécessairement la relation entre les parties (voir Shaw Communications Inc c Le ministre du Revenu national, 2003 DTC 1459).

 

[29]      L’arbitre a conclu que le défendeur était un employé de la demanderesse et non un entrepreneur indépendant.

 

[30]      En conséquence, la demanderesse était redevable envers le défendeur des montants suivants :

1.                  1 727,16 $ pour le voyage no 29;

2.                  352,13 $ pour le voyage no 30;

3.                  1 276,16 $ pour le voyage no 31;

4.                  1 688,87 $ à titre de paie de vacances de 4 % à l’égard de la rémunération totale de 42 221,80 $ selon le calcul du défendeur;

5.                  1 223,90 $ pour congés fériés impayés;

6.                  3 028,32 $ à titre d’indemnité de deux semaines en guise et lieu de préavis en vertu de l’alinéa 230(1)b) du CCT;

7.                  Le tout formant un montant total de 9 296,54 $, avec intérêts et l’indemnité prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, LQ 1991, c 64 [CcQ].

 

III.       DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[31]      Les dispositions législatives applicables sont présentées en annexe au présent jugement.

 

IV.       questions en litige et norme de contrôle applicable

 

A.        Questions litige

 

1.                  L’arbitre a‑t‑il commis une erreur en rejetant l’objection préliminaire de la demanderesse fondée sur la litispendance?

2.                  L’arbitre a‑t‑il commis une erreur en concluant que le défendeur est un employé et non un entrepreneur indépendant?

3.                  Si la Cour répond à la deuxième question par la négative, l’arbitre a‑t‑il commis une erreur dans le calcul des montants dus?

 

B.        Norme de contrôle

 

[32]      La norme de contrôle applicable aux deux premières questions est la norme de la décision correcte.

 

[33]      Dans l’arrêt Dynamex Canada Inc c Mamona, 2003 CAF 248, [2003] ACF no 907, au paragraphe 42 [Dynamex], la Cour d’appel fédérale a écrit que « les cours ont très souvent à décider, en utilisant les critères de common law, si une personne possède le statut d’employé ou celui d’entrepreneur indépendant dans le cadre de demande en dommages‑intérêts pour congédiement injuste ou dans le cadre de toute autre plainte qu’un employé peut soulever vis‑à‑vis son employeur. » De l’avis de la Cour, la détermination du statut du défendeur commande la norme de la décision correcte. Toutefois, l’application des principes aux faits de l’espèce est une question mixte de fait et de droit et devrait être examinée selon la norme de la décision raisonnable (voir Dynamex, au paragraphe 45).

 

[34]      Quant aux autres questions, la Cour suprême du Canada écrit ce qui suit dans l’arrêt Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l’Ontario, section locale 324 (S.E.E.F.P.O.), 2003 CSC 42, [2003] ACS no 42, au paragraphe 21 :

[21] [...] Comme la Cour l’a conclu dans Société Radio‑Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, par. 49, il peut arriver que la décision d’un tribunal puisse être considérée comme raisonnable s’il a tranché correctement une question de droit en rendant cette décision. Si la question critique que le tribunal doit trancher est une question de droit qui échappe à son domaine d’expertise et que le législateur n’entendait pas lui confier, le tribunal doit trancher cette question correctement.

 

[35]      La Cour est d’avis que l’arbitre était tenu de prendre une décision relative à l’objection fondée sur la litispendance avant d’examiner la question centrale. La litispendance est un principe de droit qui vise à éliminer la multiplicité des procédures ou les décisions contradictoires. La norme de contrôle applicable dans la présente affaire est la norme de la décision correcte. « [C]e type de question de droit [...] ne relève pas des connaissances spécialisée de l’arbitre » (voir Crouse c Commissionaires Nova Scotia, 2011 CF 125, [2011] ACF no 158, au paragraphe 23).

 

[36]      La troisième question que doit trancher la Cour est quant à elle assujettie à la norme de la raisonnabilité.

 

[37]      Sans restreindre la portée générale des pouvoirs accordés à l’arbitre par le paragraphe 251.12(4) du CCT, il peut également, en vertu de l’alinéa 251.12(4)a), « confirmer, annuler ou modifier — en totalité ou en partie — un ordre de paiement ou un avis de plainte non fondée ». Le législateur accorde à l’arbitre le pouvoir d’attribuer certains montants à une partie. Cette question étant au cœur de la compétence du tribunal, la Cour conclut qu’elle est assujettie à la norme de la raisonnabilité (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

[38]      « [C]ette Cour n’interviendra pas pour le seul motif qu’elle aurait pu en arriver à une solution différente de celle retenue par l’arbitre, ou se montrer plus ou moins généreuse que lui dans l’évaluation de la réparation que pouvait obtenir la demanderesse » (voir Gauthier c Banque nationale du Canada, 2008 CF 79, 327 FTR 204, au paragraphe 24).

 

V.        Arguments et analyse

 

1.         L’arbitre a‑t‑il commis une erreur en rejetant l’objection préliminaire de la demanderesse fondée sur  la litispendance?

 


Prétentions de la demanderesse

 

[39]      L’arbitre a rejeté l’objection préliminaire de la demanderesse fondée sur la litispendance en se fondant sur le principe selon lequel la litispendance ne peut pas exister entre une cour de justice et un organe de l’exécutif. Il a fondé sa décision sur la décision Vigi.

 

[40]      La demanderesse soutient qu’il faut faire une distinction entre la présente affaire et Vigi dans laquelle la cour a précisé qu’il n’y avait aucune possibilité de décision contradictoire ou de multiplicité des procédures parce que l’instance devant le « Tribunal administratif du Québec » avait été suspendue jusqu’à ce que la Cour supérieure rende un jugement.

 

[41]      La demanderesse s’appuie sur la décision Laurier c Révélation RL inc, 2008 QCCQ 10514, dans laquelle la cour n’a pas appliqué le principe énoncé dans Vigi. Dans cette affaire, la cour a déclaré que le tribunal administratif avait une compétence exclusive plutôt qu’une compétence concurrente avec une cour de justice.

 

[42]      La demanderesse prétend également qu’en l’espèce, la compétence du ministre du Travail et celle de la Cour du Québec s’excluent mutuellement. En concluant que le défendeur était un employé de la demanderesse, l’arbitre s’est accordé la compétence exclusive à l’égard de l’action en recouvrement de salaire du défendeur.

 

[43]      La demanderesse fait valoir que si la Cour du Québec accueille la prétention de la demanderesse, la Cour s’accordera également la compétence exclusive à l’égard de l’action du défendeur.

 

[44]      Selon la demanderesse, il existe une possibilité raisonnable que la Cour du Québec rende un jugement en contradiction avec la décision de l’arbitre ou un jugement différent de celui‑ci ou un jugement redondant.

 

[45]      La demanderesse fait aussi valoir qu’il n’existe aucun motif raisonnable pour la conclusion de l’arbitre concernant la réclamation du défendeur devant la Cour du Québec, portant que [traduction] « le total de ces montants s’élève à 9 196,81 $, mais a été réduit ou limité à 4 359,01 $, vraisemblablement en raison de la limite supérieure de la compétence de la Division des petites créances de cette cour où le maximum réclamé ne peut pas excéder 7 000 $ » (dossier de la demanderesse, onglet 5, pièce A‑3).

 

[46]      Devant la Cour du Québec, le défendeur a allégué qu’il n’a pas réclamé la totalité du montant [traduction] « parce que le paiement des vacances annuelles, le paiement de congés fériés et l’indemnisation pour congédiement injustifié sont liés à sa relation avec Vares Transport Inc., [de sorte qu’il] réclame uniquement les montants non liés à cette relation, soit 4 359,01 $, plus les intérêts ». La demanderesse soutient que cela constitue un aveu judiciaire de la part du défendeur selon lequel le tribunal d’arbitrage n’est pas compétent à l’égard de la réclamation du défendeur concernant les voyages impayés.  

 

Prétentions du défendeur

 

[47]      Le défendeur soutient que l’objection préliminaire de la demanderesse fondée sur la litispendance devrait être rejetée en raison de la décision de l’arbitre.

 

Analyse

 

[48]      Dans l’arrêt Weber c Ontario Hydro, [1995] 2 RCS 929, la Cour suprême du Canada a expliqué que le modèle du chevauchement de compétence peut être appliqué si une action « soulève des questions qui débordent de l’objet traditionnel du droit du travail ».

 

[49]      Dans l’arrêt Kim c University of Regina, [1990] SJ no 704, 74 DLR (4th) 120, au paragraphe 7, la Cour d’appel de la Saskatchewan écrit ce qui suit :

[traduction] [7] Compte tenu de cela, nous verrons que, bien qu’elles se chevauchent, particulièrement quant aux questions de faits qui touchent à la retraite anticipée du Dr Kim en application de la convention collective et à la façon dont cela s’est produit, les deux procédures ne se recoupent pas exactement. L’action soulève des questions qui excèdent nettement la capacité du conseil arbitral de les trancher. Cela est particulièrement vrai relativement à la cause d’action fondée sur la University of Regina Act.

 

[50]      La Cour conclut que le défendeur n’était pas tenu de recourir exclusivement à l’arbitrage. Le défendeur avait le droit de déposer une réclamation pour salaire impayé devant la Cour du Québec et de réduire le montant de sa réclamation à 4 359,01 $.

 

[51]      Puisque la Cour du Québec et l’arbitre ont tous deux une compétence qui se chevauche en l’espèce, l’arbitre a correctement appliqué le principe établi par la décision Vigi, au paragraphe 41, qui reconnaît ce qui suit :  

La litispendance ne saurait exister qu’entre différentes procédures relevant de l’ordre judiciaire. Or, [un tribunal administratif] n’est pas une cour de justice [...] et constitue de ce fait un prolongement du pouvoir exécutif [...] (Procureure générale du Québec c Barreau du Québec, [2001] JQ no 3882). [Cela] reviendrait à remettre en question le principe de la séparation des pouvoirs.

 

[52]      L’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a rejeté l’objection préliminaire de la demanderesse fondée sur la litispendance.

 

2.         L’arbitre a‑t‑il commis une erreur en concluant que le défendeur est un employé et non un entrepreneur indépendant?

 

Prétentions de la demanderesse

 

[53]      La demanderesse soutient que la façon dont l’arbitre a évalué les faits qui lui ont été présentés n’est pas conforme aux critères applicables en droit, tels qu’il les a résumés.

 

[54]      L’arbitre a accordé un poids important au fait que le défendeur aurait préféré être un employé plutôt qu’un entrepreneur. La demanderesse a clairement indiqué qu’elle embauchait un entrepreneur et non un employé. Le défendeur a accepté cette situation et la comprenait entièrement.

 

[55]      De plus, l’arbitre n’a pas tenu compte du fait que le défendeur a choisi de travailler pour Transport Vares Inc. même s’il était évident qu’il était embauché à titre d’entrepreneur par la demanderesse. Le défendeur connaissait très bien la distinction entre le statut d’employé et celui d’entrepreneur parce qu’il a déposé deux autres réclamations à l’encontre d’autres compagnies de transport pour des raisons semblables.

 

[56]      La demanderesse fait valoir que l’arbitre a commis une erreur en concluant que la caractérisation de la relation entre les parties n’avait pas d’importance en l’espèce. Il est aussi allégué que l’arbitre a mal interprété l’arrêt McKee de la Cour d’appel de l’Ontario. Selon la demanderesse, la conclusion de l’arbitre selon laquelle cela n’avait pas d’importance est très différente de la déclaration du juge MacPherson dans l’arrêt McKee lorsqu’il écrit que [traduction] « le fait que dès le départ Mme McKee exerçait ses activités par l’entremise d’une entreprise à l’égard de son travail pour RHH n’est pas un élément déterminant quant à son statut au travail ».

 

[57]      L’arbitre a déterminé que le défendeur dépendait financièrement de la demanderesse. L’arbitre n’aurait pas dû prendre en compte la question de savoir si le défendeur travaillait réellement pour d’autres, mais plutôt celle de savoir s’il aurait pu travailler pour d’autres. La demanderesse soutient qu’il n’a jamais été interdit au défendeur de travailler pour d’autres entreprises. L’arbitre a de plus omis de prendre en compte des recours antérieurs que le défendeur a intentés contre d’autres employeurs après qu’il eut convenu de travailler pour eux en qualité d’entrepreneur.

 

[58]      La demanderesse fait valoir que la conclusion de l’arbitre selon laquelle le défendeur était un employé selon la définition de l’article 3 du CCT est fondée sur plusieurs conclusions de fait erronées.

 

[59]      Le fait que le défendeur était payé pour ses services par l’entremise d’une personne morale existante était, comme il a été reconnu dans l’arrêt McKee, précité, sans importance. L’arbitre a ignoré que Clermont F. Transport Inc. réalisait des bénéfices avant la relation contractuelle avec la demanderesse, comme le démontre la déclaration de revenus de Clermont F. Transport Inc. (dossier de la demanderesse, onglet 5, pièce A‑5).

 

[60]      La demanderesse a aussi conclu des contrats par l’entremise de sa société avec deux autres transporteurs, soit Kowan Transport et Via Val, comme l’a reconnu le défendeur au cours de l’audience devant l’arbitre.

 

[61]      Le défendeur a négocié les tarifs de ses voyages à plusieurs reprises comme le démontre les fiches de voyage versées au dossier de la demanderesse (onglet 5, pièce A‑6).

 

[62]      Le défendeur nie avoir vu une note de service datée du 1er janvier 2005, rédigée en français, qui aurait été affichée dans la cabine de son camion, avec le permis et les certificats d’assurances et d’inspection annuelle. Il soutient que la demanderesse ne lui a jamais mentionné ni expliqué son contenu. Selon la demanderesse, le défendeur savait très bien qu’il serait payé par l’entremise de sa société constituée en personne morale, sans retenues à la source, et que la demanderesse n’était pas responsable de l’assurance ou de la remise des retenues à la source au gouvernement. De plus, le défendeur avait la responsabilité de remettre les fiches de voyage et pouvait en tout temps refuser les affectations.

 

[63]      L’arbitre a aussi refusé de prendre en compte les affidavits portant sur les conditions de travail applicables à tous les entrepreneurs de la demanderesse. De l’avis de la demanderesse, si l’arbitre avait tenu compte de ces affidavits, sa conclusion aurait été différente.

 

[64]      La relation entre les parties était telle que le défendeur ne bénéficiait d’aucune garantie de travail.

 

Prétentions du défendeur

 

[65]      Selon le défendeur, l’annonce de la demanderesse dans le « Journal de Montréal » était claire : la demanderesse recherchait un « chauffeur » et non une personne morale constituée en société.

 

[66]      Le défendeur prétend que M. Bogeljic lui a dit, à son retour du premier voyage, que la demanderesse n’avait pas de livre de paie et qu’elle payait les sociétés constituées par les chauffeurs. Il n’était pas au courant de la situation lorsqu’il a été embauché.

 

[67]      Le défendeur allègue également que même si la demanderesse le considérait comme un entrepreneur, il a reçu des instructions et des appels plus détaillés lorsqu’il a travaillé pour la demanderesse que de la part de toute autre entreprise où il était inscrit au livre de paie. Le défendeur écrit, au paragraphe 16 de son mémoire, qu’il recevait des instructions détaillées de la part de M. Bogeljic, même s’il était un entrepreneur.

 

[68]      Le défendeur prétend qu’il a travaillé à plein temps pour la demanderesse. De plus, il conduisait un camion appartenant à la demanderesse. La demanderesse payait tous les frais de permis, d’immatriculation, d’assurances et d’exploitation tels que le carburant, l’huile, les péages routiers et l’entretien. Advenant des problèmes mécaniques, le défendeur devait attendre les directives de M. Bogeljic.

 

[69]      Le défendeur souligne de plus qu’il n’avait investi aucun capitaux dans l’entreprise de la demanderesse et qu’il n’était pas susceptible de subir des pertes ou de réaliser des projets supplémentaires. En outre, le défendeur ne pouvait pas engager d’assistant ou d’employé.

 

[70]      Le défendeur reconnaît avoir refusé un total de trois voyages, mais allègue qu’il était justifié de le faire. Il a refusé un voyage au Texas parce qu’il était en vacances. Vers le 18 août 2009, il a refusé un voyage à New York, parce qu’il ne pouvait conduire dans cet État et parce que les remorques de 53 pieds sont interdites sur plusieurs des routes qui s’y trouvent. Finalement, il a refusé un dernier voyage avant son congédiement parce qu’il revenait tout juste d’un autre voyage. 

 


Analyse

 

[71]      L’arrêt Sagaz est très bien connu dans la jurisprudence canadienne et s’applique en l’espèce. La Cour suprême du Canada écrit, au paragraphe 46 qu’« aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, précité, qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction ». La Cour suprême ajoute également que la question centrale « est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte » (voir Sagaz, au paragraphe 47).

 

[72]      La Cour doit toutefois examiner d’autres facteurs, notamment, « si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches » (voir Sagaz, au paragraphe 47; Wiebe Door Services Ltd c Ministre du Revenu national, [1986] 2 CCI 200, au paragraphe 3 [Wiebe Door]).

 

[73]      Partant de la prémisse qu’aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, la Cour suprême souligne que « [c]es facteurs [...] ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer » (voir Sagaz, au paragraphe 48).

 

[74]      Si ces facteurs ne permettent pas de déterminer de façon concluante la nature de la relation juridique entre les parties, la Cour peut s’appuyer sur les principes énoncés dans Wolf c Canada, [2002] 4 CF 396, pour déterminer si le défendeur est un employé ou un entrepreneur.

 

a)                  La propriété des outils et du matériel

 

[75]      Il ressort clairement du dossier et de la décision de l’arbitre que la demanderesse est propriétaire du camion fourni et attribué au défendeur. Des téléphones cellulaires étaient habituellement fournis aux chauffeurs. Toutefois, puisqu’il y avait une pénurie de matériel, M. Bogeljic payait la moitié des factures de téléphone cellulaire du défendeur. Aucun autre outil ou matériel, y compris le camion, était fourni par le défendeur.

 

b)                  Les propres employés ou assistants du défendeur

 

[76]      Il est également clair, et incontesté par la demanderesse, que le défendeur n’avait pas le pouvoir d’embaucher des assistants ni d’autres personnes pour s’acquitter de ses fonctions comme chauffeur de camion.

 

c)                  L’étendue des risques financiers assumés par le travailleur et les chances de profits

 

[77]      En qualité de chauffeur de camion pour la demanderesse, le défendeur n’assumait aucun risque financier. Les frais et l’entretien du camion incombaient à la demanderesse.

 

[78]      Au paragraphe 28 de son dossier, la demanderesse fait valoir que [traduction] « le défendeur a négocié les taux de ses voyages à plusieurs reprises comme le démontre le témoignage du défendeur lui‑même devant l’arbitre, de même que les fiches de voyage produites par la demanderesse au cours de l’audience. » Le défendeur était payé au mille pour chaque voyage, de même que pour les arrêts et les temps d’attente. Il n’avait pas investi de capitaux dans l’entreprise de la demanderesse et M. Bogeljic lui assignait ses voyages. À l’instar de tout employé inscrit sur une liste de paie, le défendeur a au départ négocié un tarif avant de commencer à travailler pour la demanderesse et l’a renégocié à d’autres occasions. Les employés salariés et contractuels cherchent à obtenir régulièrement des augmentations de salaire selon les circonstances.

 

d)                  Le degré de contrôle et de responsabilité

 

[79]      La demanderesse travaillait sous l’entière autorité du défendeur qui lui donnait des instructions détaillées quant aux endroits et aux heures où les chargements devaient être livrés. Le défendeur était en tout temps assujetti au contrôle direct de la demanderesse. Il était tenu d’aviser la demanderesse s’il y avait des réclamations pour dommages ou des manquants dans les chargements avant de signer les connaissements. De même, en cas de panne de matériel, le défendeur était entièrement tributaire de la demanderesse.

 

[80]      Il est cependant reconnu que les chauffeurs pouvaient choisir leur itinéraire lorsqu’ils avaient une affectation.

 

e)                  L’intégration du défendeur dans l’entreprise de la demanderesse

 

[81]      Dans Stevenson Jordan and Harrison, Ltd c MacDonald and Evans, [1952] 1 TLR 101, à la page 111, lord Denning a écrit ce qui suit :

[traduction] Un élément semble se retrouver dans tous les cas : en vertu d’un contrat de louage de services, une personne est employée en tant que partie d’une entreprise et son travail fait partie intégrante de l’entreprise; alors qu’en vertu d’un contrat d’entreprise, son travail, bien qu’il soit fait pour l’entreprise, n’y est pas intégré mais seulement accessoire.

 

[82]      Le défendeur œuvre dans l’industrie du camionnage et tout le travail de la demanderesse est exécuté par ses chauffeurs de camions. Sans les chauffeurs de camions, la demanderesse « ne pourrait pas exploiter son entreprise » (voir Wiebe Door, au paragraphe 3). Les chauffeurs de camions de la demanderesse, incluant le défendeur, font ou faisaient tous partie intégrante de son entreprise.

 

f)                    La nature de la relation

 

[83]      La demanderesse déclare qu’elle a placé une note de service datée du 1er janvier 2005, dans la série de documents affichés dans la cabine du camion, soit avec le permis, les certificats d’assurances et d’inspection annuelle. Le défendeur nie avoir vu la note de service et allègue que la demanderesse ne lui en a jamais mentionné ou expliqué sa teneur.

 

[84]      L’arbitre écrit dans sa décision que la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve établissant que le défendeur était au courant de la note de service et de son contenu (paragraphe 37(5) de la décision de l’arbitre). Il n’existe malheureusement pas de transcription de l’audience d’arbitrage. Le rôle de la Cour ne consiste pas à soupeser à nouveau la preuve présentée, mais à s’assurer que la décision de l’arbitre n’est pas fondée sur des erreurs de droit ou une mauvaise interprétation des faits. L’arbitre a eu l’avantage d’entendre le témoignage des parties pendant trois jours. La Cour doit faire preuve de retenue en ce qui concerne l’évaluation de l’arbitre.

 

[85]      La demanderesse a fait valoir que l’arbitre avait commis plusieurs manquements à l’équité procédurale au cours de l’audience. Aucun élément de preuve n’a été présenté à la Cour à cet égard. Selon la demanderesse, l’arbitre n’a pas pris en compte les affidavits souscrits par d’autres entrepreneurs relativement à leurs conditions de travail. La Cour ne peut faire de conjectures sur la nature des éléments qui auraient été mis en preuve si les affidavits avaient été pris en compte. Par ailleurs, le président de la demanderesse a fourni des affidavits portant sur les conditions de travail applicables au défendeur et à sa façon de gérer Transport Vares Inc. Il est difficile d’imaginer quels éléments supplémentaires auraient été mis en preuve – si ce n’est peut‑être des éléments visant à établir la compréhension qu’avaient les chauffeurs en question de la nature de leurs relations avec la demanderesse – mais de toute façon cela ne change pas la relation entre la demanderesse et le défendeur. Par conséquent, le refus de l’arbitre de prendre en compte les affidavits ne constitue pas, de l’avis de la Cour, une erreur susceptible de contrôle. 

 

[86]      De plus, le défendeur était payé par l’intermédiaire de Clermont F. Transport Inc. comme entrepreneur. La demanderesse a également mentionné que tous ses chauffeurs étaient payés par l’intermédiaire de leur propre personne morale constituée en société. Cependant, « cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes » (voir Royal Winnipeg Ballet c Le ministre du Revenu national, 2006 CAF 87).

 

[87]      La demanderesse prétend également que l’arbitre a commis une erreur lorsqu’il a conclu que la nature de la relation entre les parties importait peu en l’espèce et qu’il contredisait la conclusion du juge MacPherson dans McKee. La Cour rejette cette prétention puisqu’il est évident, à la lecture de la décision, que l’arbitre a conclu que la caractérisation de la relation n’avait pas d’importance compte tenu des faits qui lui avaient été présentés. L’arbitre n’a pas donné une interprétation erronée de l’arrêt McKee, mais il aurait pu être plus précis et s’exprimer plus clairement.

 

[88]      Pour appliquer le critère énoncé dans l’arrêt Sagaz, la question centrale est « de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. » Après avoir examiné tous les critères, la Cour conclut que l’arbitre n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a tiré les conclusions suivantes :

a)                  la propriété des outils et du matériel – suppose une relation employeur‑employé;

b)                  les propres employés ou assistants du défendeur – suppose une relation employeur‑employé;

c)                  les risques financiers assumés par le travailleur et les chances de profits – suppose une relation employeur‑employé;

d)                  le degré de contrôle et de responsabilité – suppose une relation employeur‑employé;

e)                  l’intégration du défendeur dans l’entreprise de la demanderesse – suppose une relation employeur‑employé;

f)                    la nature de la relation – suppose une relation employeur‑employé.

 

3.         Après avoir conclu que l’arbitre n’a pas commis d’erreur en déterminant que le défendeur était un employé, il s’agit de savoir si l’arbitre a commis une erreur dans le calcul des montants dus

 

Prétentions de la demanderesse

 

[89]      Au paragraphe 53 de son exposé, la demanderesse écrit que [traduction] « la preuve indique clairement l’absence de toute attente raisonnable d’engagement permanent de la part du défendeur ». Aucune garantie n’a été offerte au défendeur quant au nombre de voyages qui lui seraient attribués.

 

[90]      En ce qui concerne les conclusions de l’arbitre selon lesquelles la demanderesse doit deux semaines d’indemnité de cessation d’emploi en guise et lieu de préavis, la demanderesse soutient que l’arbitre a commis une erreur dans l’appréciation des faits qui lui ont été présentés. L’arbitre n’a pas expressément conclu que le défendeur avait été congédié illégalement. Il aurait dû prendre en compte les allégations et les éléments de preuve à l’appui de la position de la demanderesse établissant la nature de la relation entre le défendeur et la demanderesse, et la façon dont celle‑ci a pris fin.

 

[91]      La demanderesse fait également valoir que l’arbitre a commis une erreur dans le calcul du montant dû au défendeur pour les congés fériés. Il ressort selon lui du paragraphe 37(20) de la décision de l’arbitre que le défendeur a été payé pour le travail exécuté lors de congés fériés. Subsidiairement, la demanderesse allègue que ce montant ne devrait en aucun cas dépasser 50 % du salaire quotidien moyen pour chaque voyage, soit un total de 407,97 $.

 

[92]      Enfin, la demanderesse soutient que l’arbitre a calculé le montant d’indemnité de fin d’emploi de façon arbitraire puisqu’il n’a jamais établi les heures de travail régulières du défendeur ni son taux horaire. 

 

Prétentions du défendeur

 

[93]      La demanderesse a fait de fausses affirmations. Le défendeur soutient n’avoir jamais [traduction] « disparu avec son camion pendant 48 heures ». Le défendeur prétend qu’il a été mis fin à son emploi parce qu’il a refusé un voyage aller‑retour, souhaitant avoir une journée de congé après avoir travaillé pendant sept journées consécutives.

 

[94]      Le défendeur a également fait valoir que l’arbitre a le pouvoir de fixer la mesure de réparation appropriée dans le cas de congédiements illégaux.

 

Analyse

 

[95]      La Cour conclut que l’arbitre a commis des erreurs susceptibles de contrôle lorsqu’il a déterminé que le défendeur avait le droit d’être indemnisé en application de l’article 198 et de l’alinéa 230(1)b) du CCT. Il aurait d’abord fallu qu’il conclue qu’il y avait eu congédiement injustifié pour accorder une mesure de réparation en découlant. La décision ne contient aucune conclusion en ce sens. Il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle.

 

[96]      Deuxièmement, pour déterminer le montant visant à couvrir les congés fériés impayés, l’arbitre a commis une erreur puisque le défendeur a effectivement été payé pour son travail lors de congés fériés, mais il n’a pas reçu la majoration de 50 % à laquelle il avait droit. Cette mauvaise interprétation des faits constitue une autre erreur susceptible de contrôle.

 

[97]      Compte tenu des conclusions susmentionnées, la paie de vacances de 4 % doit également être revue.

 

VI.       CONCLUSION

 

[98]      La demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie en partie et l’indemnité pour congédiement injustifié, les congés fériés et le montant représentant 4 % de la totalité du salaire gagné doit être calculée après qu’une décision soit rendue par un autre arbitre sur la question du congédiement injustifié.

 

[99]      La demanderesse a également soulevé la question des dépens afférents à la présente instance. Compte tenu de la conclusion ci‑dessus, la Cour rend la décision suivante concernant les dépens : chaque partie assume ses propres dépens.

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie.

2.                  La décision de l’arbitre concernant la litispendance et selon laquelle le défendeur était un employé de Transport Vares Inc. est confirmée.

3.                  Cependant, l’indemnité due pour congédiement injustifié et au titre de la rémunération des congés fériés et du montant représentant 4 % de la totalité des traitements gagnés doit être calculée après qu’une décision soit rendue par un autre arbitre sur la question du congédiement injustifié.

4.                  Chaque partie assume ses propres dépens.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 

 


Annexe

 

Code canadien du travail, LRC 1985, c. L‑2

Cas des employés occupés à un travail ininterrompu

 L’employé occupé à un travail ininterrompu et tenu de travailler un jour de congé payé a droit :

asoit à son salaire normal pour ce jour et, pour les heures de travail fournies, à une somme additionnelle correspondant à au moins une fois et demie son salaire normal;

bsoit à un congé payé conformément à l’article 196 qu’il peut ou bien ajouter à son congé annuel, ou bien prendre à une date convenable pour lui et son employeur;

csoit, lorsque la convention collective qui le régit le prévoit, à être payé conformément à l’article 196 pour le premier jour où il ne travaille pas par la suite.

 

Préavis ou indemnité

 (1) Sauf cas prévu au paragraphe (2) et sauf s’il s’agit d’un congédiement justifié l’employeur qui licencie un employé qui travaille pour lui sans interruption depuis au moins trois mois est tenu :

a) soit de donner à l’employé un préavis de licenciement écrit d’au moins deux semaines;

b) soit de verser, en guise et lieu de préavis, une indemnité égale à deux semaines de salaire au taux régulier pour le nombre d’heures de travail normales.

Nomination d’un arbitre

251.12 (1) Le ministre, saisi d’un appel, désigne en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’appel et lui transmet l’ordre de paiement ou l’avis de plainte non fondée ainsi que le document que l’appelant a fait parvenir au ministre en vertu du paragraphe 251.11(1).

Pouvoirs de l’arbitre 

(2) Dans le cadre des appels que lui transmet le ministre, l’arbitre peut :

a) convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer sous serment, oralement ou par écrit, ainsi qu’à produire les documents et les pièces qu’il estime nécessaires pour lui permettre de rendre sa décision;

b) faire prêter serment et recevoir des affirmations solennelles;

c) accepter sous serment, par voie d’affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu’à son appréciation il juge indiqués, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

dfixer lui‑même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

e) accorder le statut de partie à toute personne ou tout groupe qui, à son avis, a essentiellement les mêmes intérêts qu’une des parties et pourrait être concerné par la décision.

Délai

(3) Dans le cadre des appels que lui transmet le ministre, l’arbitre dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil pour procéder à l’examen du cas dont il est saisi ou rendre sa décision.

Décision de l’arbitre

(4) L’arbitre peut rendre toutes les ordonnances nécessaires à la mise en œuvre de sa décision et peut notamment, par ordonnance :

a) confirmer, annuler ou modifier – en totalité ou en partie – un ordre de paiement ou un avis de plainte non fondée;

b) ordonner le versement, à la personne qu’il désigne, de la somme consignée auprès du receveur général du Canada;

c) adjuger les dépens.

 

Remise de la décision

(5) L’arbitre transmet une copie de sa décision sur un appel, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.

Caractère définitif des décisions

(6) Les ordonnances de l’arbitre sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires. Interdiction de recours extraordinaires, etc.

Interdiction de recours extraordinaires

(7) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire – notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto – visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre du présent article.

 

Code civil du Québec, LQ 1991, c 64

 

1619. Il peut être ajouté aux dommages‑intérêts accordés à quelque titre que ce soit, une indemnité fixée en appliquant à leur montant, à compter de l’une ou l’autre des dates servant à calculer les intérêts qu’ils portent, un pourcentage égal à l’excédent du taux d’intérêt fixé pour les créances de l’État en application de l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale (chapitre A‑6.002) sur le taux d’intérêt convenu entre les parties ou, à défaut, sur le taux légal.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                   T‑1877‑10

 

INTITULÉ :                                                  TRANSPORT VARES INC.

                                                                       et

                                                                       GUOJIE FENG

                                                                       et

                                                                       Me MARC ABRAMOWITZ

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 17 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         Le juge SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 10 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Carol V. Kljajo

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Guojie Feng

POUR LE DÉFENDEUR

(Pour son propre compte)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Phillips Friedman Kotler

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Guojie Feng

Berthierville (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

(Pour son propre compte)

 

 

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