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Date : 20111103

Dossier : IMM‑177‑11

Référence : 2011 CF 1260

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE

 

SHAID UDDIN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Uddin, un citoyen du Bangladesh, est arrivé en 2000 au Canada en provenance des États‑Unis. Il a fait valoir qu’était un réfugié au sens de la Convention des Nations Unies, mais sa demande d’asile a été rejetée, tout comme sa demande subséquente d’examen des risques avant renvoi. Il a été « expulsé » aux États‑Unis en juillet 2003.

 

[2]               Il existe trois types de mesures de renvoi : l’interdiction de séjour, l’exclusion et l’expulsion. Si un étranger est renvoyé dans le délai prescrit, il n’a pas besoin d’obtenir une autorisation pour revenir au Canada. Par contre, s’il quitte le pays tardivement, comme l’a fait M. Uddin, la mesure d’interdiction de séjour devient une mesure d’expulsion, ce qui l’oblige à obtenir une autorisation écrite d’un agent pour pouvoir revenir au Canada : voir le paragraphe 52(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR] et les articles 223 et suivants du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[3]               Non seulement M. Uddin est‑il revenu au Canada en 2007, mais encore il ne s’est pas donné la peine de se présenter au port d’entrée pour demander l’autorisation d’entrer au Canada. Il est entré illégalement au Québec par le nord de l’État de New York. Il voulait revenir au Canada parce qu’il souhaitait être réuni avec sa femme, une résidente permanente du Canada, qu’il avait épousée par téléphone alors qu’il se trouvait à New York et elle, au Bangladesh. Voici son récit :

[traduction] Avec l’aide de mon ami, j’ai rencontré un passeur de clandestins pakistanais dans un restaurant à New York. Il a promis de m’amener au Canada pour une somme de 4 000 $. Au cours de la nuit du 9 novembre 2007, il m’a fait monter dans sa voiture et a roulé pendant environ 1 heure et demie; puis m’a transféré à deux hommes parlant espagnol : je suis monté dans leur voiture et ils sont partis en direction du Canada. […] Ils ont roulé pendant environ cinq à six heures, puis ils sont arrivés dans une zone achalandée. L’un d’eux est sorti du véhicule et m’a demandé de le suivre. Nous avons marché dans un endroit où il y avait beaucoup d’arbustes pendant environ 20 minutes après avoir traversé un petit marécage (vaseux et peu profond). L’homme m’a dit en espagnol « Nous sommes maintenant au Canada ». Il a également parlé à une autre personne avec son téléphone cellulaire. Un autre véhicule est arrivé dans lequel nous sommes montés. Ils ont roulé pendant environ une heure et nous sommes arrivés dans le quartier Plamondon à Montréal. Conformément à notre entente, j’ai remis à l’homme d’origine espagnole la somme promise, soit 4 000 $, et le conducteur m’a déposé devant le métro Plamondon, le 9 novembre 2007. Je me suis rendu sur la rue Vézina et j’ai rencontré mon épouse, Fatema Begun. Depuis, nous sommes heureux de vivre ensemble sur la rue Vézina à Montréal.

 

 

[4]               Un an et demi plus tard, il a déposé une « Demande de résidence permanente présentée au Canada ». Il a fait mention de son premier séjour au Canada, de son renvoi et de son retour au Canada.

 

[5]               La demande a été rejetée parce qu’il est revenu au Canada sans l’autorisation d’un agent, contrairement au paragraphe 52(1) de la LIPR. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[6]               M. Uddin allègue que l’agente a commis diverses erreurs susceptibles de contrôle en ne lui faisant pas part de ses préoccupations concernant l’autorisation d’entrer au Canada après une expulsion. Il s’ensuit qu’il n’a pas eu l’occasion d’y répondre. En outre, elle n’a pas pris en compte les considérations d’ordre humanitaire afin de l’exempter de l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour revenir au Canada après en avoir été expulsé. Elle aurait pu lui accorder une exemption.

 

ANALYSE

[7]               Les questions d’équité procédurale ne sont pas soumises à une norme de contrôle judiciaire. La Cour n’est aucunement obligée de preuve de retenue envers le décideur : voir Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 RCS 539. Ou encore, on pourrait dire que la norme de contrôle est celle de la décision correcte : voir Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 RCF 392.

 

[8]               On pourrait s’interroger sur l’obligation qu’on a envers une personne qui fait délibérément fi de nos lois et entre au Canada en traversant un marécage. Quoi qu’il en soit, l’agente d’immigration n’avait à honorer aucune obligation d’équité.

 

[9]               Aucune demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’a été présentée à l’agente. Au mieux, on trouvait une ligne, dans les notes qu’elle a elle‑même prises à l’entrevue avec M. Uddin et son épouse, où il était fait mention du fait qu’ils avaient dit qu’ils suivaient des traitements de fertilité parce que, pendant plus de deux ans, ils avaient été incapables de concevoir. L’agente était préoccupée par la solennité du mariage qui, ainsi qu’il est mentionné précédemment, a eu lieu par procuration et par téléphone. Peut‑être n’aurait‑elle pas été préoccupée par cette question si elle avait été convaincue de l’authenticité de la relation. En tout état de cause, ils ont dissipé ses préoccupations à cet égard en procédant à une cérémonie de mariage dans une mosquée de Montréal.

 

[10]           L’agente a été critiquée pour ne pas avoir expressément soulevé plus tôt ou à un moment quelconque ses préoccupations au sujet du statut de M. Uddin au Canada. Dans ses notes en date du 28 septembre 2010, l’agente a exprimé sa satisfaction en ce qui a trait à la relation, mais a déclaré qu’elle était obligée de rejeter la demande aux termes du paragraphe 52(1) de la LIPR. La lettre envoyée à M. Uddin pour l’aviser du rejet de la demande n’est toutefois datée que du 20 décembre 2010.

 

[11]           L’ordonnance accordant l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire reprenait une formule type. Elle prévoyait que chaque partie avait le droit de signifier et de déposer des affidavits supplémentaires et d’effectuer des contre‑interrogatoires sur ces affidavits. Le ministre a déposé un affidavit de l’agente d’immigration dans lequel cette dernière mentionnait qu’elle a informé, après sa rencontre avec les Uddin le 21 septembre 2010, leur consultant en immigration qu’elle devrait rejeter la demande en raison du paragraphe 52(1) de la LIPR. Le consultant lui a demandé d’attendre pour qu’il puisse examiner la situation. Ils ont discuté de l’affaire ultérieurement, au moins à deux autres reprises au cours des mois d’octobre et de novembre 2010. Ce n’est qu’après un silence prolongé que la décision a été rendue.

 

[12]           L’agente n’a pas été contre‑interrogée au sujet de son affidavit. Il n’y a pas eu non plus de demande en vue d’autoriser M. Uddin, son épouse ou le consultant en immigration à déposer des affidavits en réponse.

 

[13]           L’avocat de M. Uddin a affirmé qu’il serait inapproprié de procéder à un contre‑interrogatoire parce que l’affidavit servait les intérêts de la personne qui l’avait souscrit et il n’y avait aucune mention de ces discussions dans les notes de l’agente. Par ailleurs, les dates et les souvenirs de l’agente concordent. L’article 66 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit qu’une demande faite par un étranger en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR relativement aux motifs d’ordre humanitaire doit être faite par écrit. M. Uddin a eu suffisamment de temps pour présenter une telle demande, mais il ne l’a pas fait.

 

[14]           Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce et, par ailleurs, la décision était raisonnable. La demande est rejetée.


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS,

LA COUR ORDONNE :

1.                  la demande d’un contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑177‑11

 

INTITULÉ :                                                   UDDIN c M.C.I.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 26 octobre 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 3 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark J. Gruszczynski

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ian Demers

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gruszczynski, Romoff

Avocats

Westmount (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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