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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20111028

Dossier : T-699-10

Référence : 2011 CF 1230

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2011

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

JEFFREY EUGENE RIACH, CD

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

          MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur a comparu sans l’assistance d’un avocat dans la présente instance. Il s’est joint aux Forces canadiennes (FC) en 1990 à titre de réserviste. En juin 2005, il a été transféré à la force régulière et, en janvier 2007, il a été affecté au 8e Escadron de maintenance (Air) (8 EMA), à Trenton, en Ontario.

 

[2]               Le demandeur a été aux prises avec la dépression et l’alcoolisme. Entre avril 2007 et janvier 2009, il s’est vu imposer plusieurs mesures administratives en raison de ses problèmes de comportement et de rendement, des problèmes rattachés à l’abus d’alcool. Il a aussi été soumis à des mesures de mise en garde et de surveillance pour abus d’alcool et pour absence sans permission. Le 4 février 2009, l’officier d’administration d’escadron (l’OAE) de l’unité du demandeur, la capitaine Flatman, a émis un avis d’intention de recommander la libération du demandeur (l’avis d’intention). Le 19 mai 2009, le demandeur a déposé un grief à l’encontre de l’avis d’intention en alléguant qu’il avait des raisons de craindre la partialité de la capitaine Flatman, compte tenu des liens d’amitié de celle-ci avec l’ex-compagne du demandeur. La procédure de règlement du grief a suivi son cours et, le 22 mars 2010, le chef d’état-major de la défense (CEMD), autorité de dernière instance de la procédure de règlement des griefs, a rejeté le grief. C’est à cette décision que se rapporte la demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

I. Le contexte

[4]               La libération des militaires est régie par le chapitre 15 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (version révisée de 1999) (les ORFC), et un militaire ne peut être libéré que pour les motifs énumérés dans l’article 15.01. Le numéro 5d) du tableau de l’article 15.01 parle de la libération d’un militaire qui ne peut plus « être employé avantageusement » selon la politique applicable au service.

 

[5]               La remise de l’avis d’intention au demandeur était la première étape d’une procédure administrative qui s’est achevée lorsque le directeur, Administration des carrières militaires (DACM), a pris la décision définitive de libérer le demandeur des FC.

 

[6]               D’autres décisions ont suivi l’avis d’intention. Le demandeur n’a pas déposé de griefs contre ces décisions. Elles intéressent cependant la compréhension du contexte des allégations du demandeur.

 

[7]               L’avis d’intention contient notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

a.                   Nous vous informons par le présent avis que nous avons l'intention de recommander votre libération des Forces canadiennes en vertu du motifs 5D de l’article 15.01 des ORFC, « Ne peut être employé avantageusement », pour les raisons suivantes :

 

Vous avez contrevenu à votre programme de mise en garde et de surveillance mis en place pour cause d’alcoolisme, ainsi qu’à votre programme de mise en garde et de surveillance mis en place pour cause d’absence sans permission, mesures décrites dans la DOAD 5019-4. Ces manquements ont été confirmés par le fait que vous vous êtes absenté plus de deux jours de votre formation en secourisme sans donner avis que vous n’y seriez pas, et par le fait que votre surveillant s’est rendu chez vous, pour constater que vous reconnaissiez avoir bu et que vous sentiez l’alcool.

 

2.         Vous êtes tenu, par la présente, de faire connaître par écrit à votre commandant, par l’entremise de votre O Admin Esc, dans un délai de 14 jours, toute objection que vous pouvez avoir à votre libération, ou votre acquiescement à cette mesure.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[8]               Le 13 mars 2009, le commandant du demandeur, A.M. Agnew, a recommandé au DACM, motifs à l’appui, de libérer le demandeur des FC. Il écrivait que le demandeur avait contrevenu aux modalités de son programme de mise en garde et de surveillance pour cause d’alcoolisme et d’absence sans permission. Il évoquait aussi les diverses transgressions commises par le demandeur depuis janvier 2007, date à laquelle il avait été affecté au 8 EMA. Il concluait sa recommandation ainsi :

[TRADUCTION]

 

3.         Le caporal Riach a été dirigé vers le médecin à trois reprises (réf. A) depuis son arrivée au 8 EMA. Il est évident qu’il lui est impossible de se conformer aux conditions de son programme de mise en garde et de surveillance, ni aux directives applicables à sa remise en liberté. Ces deux derniers incidents, survenus en janvier et mars, sont des transgressions manifestes de son programmes de mise en garde et de surveillance, qu’il s’agisse de l’abus d’alcool ou de l’absence sans permission. Malgré sa mauvaise attitude, le caporal Riach a généralement coopéré à chaque étape de cette procédure, puisqu’il a reconnu son alcoolisme et qu’il a accepté de se soumettre à des séances d’aide psychologique et à un traitement. Nous croyons donc qu’une libération selon le motif 5D convient mieux qu’une libération selon le motif 5F, parce qu’il ne semble pas en mesure de maîtriser son alcoolisme.

 

4.         J’ai perdu foi et confiance dans le caporal Riach. Après examen des arguments et observations qui m’ont été communiqués en réponse à l’avis d’intention de recommander sa libération, je ne suis pas influencé par ses nombreuses déclarations où il affirme souhaiter sincèrement rester dans les Forces canadiennes. À mon avis, il a eu maintes occasions de venir à bout de ses défauts, en particulier de son alcoolisme, et, même s’il a demandé à l’hôpital de lui prescrire des médicaments pour guérir de l’alcoolisme (réf. N), il a clairement montré son échec au cours de l’incident le plus récent (réf. R). Je recommande très fortement que le caporal Riach soit libéré immédiatement des FC en vertu du motif 5D.

 

 

 

[9]               Le demandeur a eu l’occasion de présenter des conclusions au DACM avant qu’une décision définitive ne soit rendue, et c’est ce qu’il a fait le 1er juin 2009. Le 13 juillet 2009, le DACM a pris la décision définitive de libérer le demandeur en vertu du numéro 5d) de l’article 15.01 des ORFC. Comme je le disais plus haut, le demandeur n’a pas déposé de grief à l’encontre de la décision du DACM de le libérer des FC.

 

[10]           Pendant que la procédure qui a conduit à la libération du demandeur suivait son cours, la procédure de règlement du grief se rapportant à l’avis initial d’intention s’est elle aussi poursuivie.

 

[11]           Le demandeur a déposé son grief le 19 mai 2009. Le grief comporte notamment ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

a.       Je sollicite réparation concernant l’avis d’intention de recommander ma libération, qui m’a été remis, selon laquelle mon commandant recommande ma libération obligatoire des FC.

 

b.      Je crois qu’une circonstance se rapportant à un signataire de cet avis (réf. A) de même qu’une bonne partie de la correspondance se rapportant à cette affaire pourraient constituer un conflit d’intérêts, et donc entacher la validité de l’avis.

 

c.       J’affirme que la capitaine Rhonda Flatman, officier d’administration du 8 EMA, agit sans doute avec partialité en raison de sa relation personnelle avec mon ex-conjointe de fait, qui m’a gardé rancune, la lieutenante Lisa Prosser.

 

d.      Il y a eu rupture de mon union de fait avec la lieutenante Prosser parce que je suis devenu lié à mon épouse actuelle, et la lieutenante Prosser en a été très affectée.

 

e.       Les références B, C et D montrent que l’officier d’administration du 8 EMA a des liens d’amitié avec la lieutenante Prosser, et c’est sans doute pourquoi elle a des préventions contre moi.

 

f.        Vu la gravité de la mesure administrative dont je suis l’objet, il semblerait indiqué que toute partie agissant contre moi soit à l’abri de quelque influence extérieure que ce soit.

 

g.       À titre de réparation, je demande que l’avis d’intention soit retiré. Par ailleurs, comme il semble y avoir un élément de partialité dans la présente affaire, et puisqu’il s’agit là d’une libération pendante des FC, je demande que le présent grief soit examiné par le Comité des griefs des FC conformément à l’article 7.12 des ORFC (Renvoi devant le Comité des griefs des FC).

 

[12]            Le demandeur a annexé à son grief un document de deux pages établissant que l’OAE figurait à titre d’amie dans la page Facebook de la lieutenante Prosser.

 

[13]            Le droit de déposer un grief à certaines conditions est conféré par l’article 29 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5 (la Loi). La procédure de règlement des griefs, exposée au chapitre 7 des ORFC, comprend les étapes suivantes. D’abord, le militaire doit présenter un grief à son commandant, qui doit décider, selon la nature du grief, s’il peut ou non agir en tant qu’autorité initiale. S’il agit en tant qu’autorité initiale, le commandant examine et tranche le grief. Sur réception de la décision de l’autorité initiale, le plaignant peut choisir de soumettre alors son grief au CEMD, qui agit en tant qu’autorité de dernière instance dans la procédure de règlement des griefs des FC. Cependant, il y a quelquefois une étape préliminaire avant que le CEMD rende sa décision.

 

[14]            Lorsqu’un grief se rapporte à certains types de mesures, parmi lesquelles les mesures administratives conduisant à une libération des FC, le grief est d’abord soumis au Comité des griefs des Forces canadiennes (le Comité), un organisme indépendant. Le rôle du Comité consiste à examiner le grief et à présenter des conclusions et recommandations au CEMD (article 29.12 de la Loi).

 

[15]            L’article 29.13 de la Loi prévoit que le CEMD « n’est pas lié par les conclusions et recommandations du Comité des griefs ». Il précise cependant que, si le CEMD choisit de s’en écarter, il doit motiver son choix dans sa décision.

 

[16]            Le commandant du demandeur a agi en qualité d’autorité initiale dans la procédure de règlement du grief. Il a rejeté le grief du demandeur le 3 juin 2009. Il a écrit que le demandeur n’avait pas fait la preuve d’un parti pris et que les faits qui avaient conduit à l’avis d’intention étaient antérieurs à l’arrivée de la capitaine Flatman au sein de l’unité.

 

[17]            Le 10 juin 2009, le demandeur a présenté une demande de réparation de grief et demandé que son grief soit soumis au CEMD. Le grief a été soumis au Comité, en vue de conclusions et d’une recommandation, laquelle a été faite le 13 novembre 2009.

 

[18]            Le Comité a formulé la question ainsi : [TRADUCTION] « Le point à décider est de savoir si l’avis d’intention de recommander la libération du plaignant devrait être retiré ou annulé en raison de la partialité prétendue de la capitaine Flatman, l’officier qui a signé l’avis. » À titre de question préliminaire, le Comité a affirmé que, dans le cas du demandeur, il n’aurait pas même été nécessaire d’engager la procédure de libération au moyen d’un avis d’intention, étant donné que le demandeur ne remplissait pas les conditions prévues dans l’article 15.36 des ORFC. Le Comité a ajouté que, même si les FC n’étaient pas tenues de donner un avis d’intention au demandeur, le fait qu’il en avait reçu un était à son avantage car il bénéficiait ainsi d’une occasion additionnelle de présenter des observations sur les raisons pour lesquelles il ne devrait pas être libéré. Le Comité a affirmé ensuite que la cause immédiate de la libération du demandeur était [TRADUCTION] « qu’il avait contrevenu aux modalités de son programme de mise en garde et de surveillance parce qu’il s’était absenté sans permission et parce qu’il avait consommé de l’alcool ».

 

[19]            Le Comité a examiné ensuite l’allégation du demandeur selon laquelle il avait des raisons de craindre la partialité de la capitaine Flatman. Il a formulé ainsi l’allégation du demandeur :

[TRADUCTION]

 

Le plaignant a affirmé que la capitaine Flatman avait des préventions contre lui parce qu’elle était une amie de son ex-compagne, elle aussi membre des Forces canadiennes. Pour le prouver, il a dit que la capitaine Flatman, qui avait signé l’avis d’intention, figurait sur la liste des amis « Facebook » de son ex-compagne. Il n’y a pas de précisions concernant la nature de la relation entre les deux officiers susmentionnés, et le demandeur ne dit pas si les deux femmes ont parlé du plaignant et évoqué ses difficultés avant que soit signé l’avis d’intention.

 

[20]            Le Comité a défini la partialité selon les principes du droit administratif : une personne raisonnable croirait-elle qu’un décideur serait incapable de rendre une décision impartiale? Le Comité a exposé le critère comme il suit : « Un observateur informé, au courant des faits et des circonstances, arriverait-il à la conclusion que le décideur était partial? »

 

[21]            Le Comité s’est dit non convaincu, selon la prépondérance de la preuve, que la partialité, réelle ou appréhendée, avait été établie. Selon le Comité, le simple fait que la capitaine Flatman et l’ex-compagne du demandeur se connaissaient ne permettait nullement d’affirmer que la capitaine Flatman avait été partiale lorsqu’elle avait signé l’avis d’intention. Le Comité ajoutait que le rôle de la capitaine Flatman s’était limité tout simplement à signer l’avis d’intention. La recommandation effective de libération a été présentée par le commandant du demandeur au Quartier général de la Défense nationale, où a été prise la décision effective de libérer le demandeur.

 

[22]            Le Comité a communiqué ses conclusions et recommandations au CEMD et au demandeur. Le 13 décembre 2009, le demandeur a présenté ses observations en réponse aux conclusions et recommandations du Comité. Le 22 mars 2010, le CEMD a rejeté le grief du demandeur.

 

II. La décision contestée

[23]            Le CEMD a écrit dans sa décision qu’il avait examiné le grief, les observations du demandeur, les observations des supérieurs du demandeur et les conclusions et recommandations du Comité.

 

[24]            Selon lui, le résumé des faits et des positions des parties présenté dans les conclusions et recommandations du Comité était complet et exact. Le CEMD ajoutait que le Comité avait analysé chacune des prétentions du demandeur et que lui-même souscrivait aux conclusions et recommandations du Comité. Malgré cela, le CEMD a décidé d’expliciter les raisons pour lesquelles il partageait l’avis du Comité, pour qui l’allégation du demandeur selon laquelle la capitaine Flatman était partiale n’avait aucun fondement.

 

[25]            L’essentiel du raisonnement du CEMD apparaît dans l’extrait suivant de sa décision :

[TRADUCTION]

 

[...] Pour appuyer vos allégations de partialité, vous avez produit un imprimé du réseau social « Facebook » montrant que la capitaine Flatman et la lieutenante Prosser communiquent entre elles sur ce réseau social.

 

Vous avez écrit : [traduction]« Vu la gravité de la mesure administrative prise contre moi, il semblerait indiqué que toute partie agissant contre moi soit à l’abri de toute influence extérieure ».

 

Vous avez affirmé que la capitaine Flatman et la lieutenante Prosser se connaissent, mais vous n’avez pas prouvé que cette relation a entraîné de la partialité chez la capitaine Flatman, et vous n’avez pas non plus précisé quelles décisions de la capitaine Flatman sont selon vous entachées de partialité.

 

Pour qu’il y ait partialité dans un cas donné, le décideur doit être incapable de rendre une décision impartiale. L’idée selon laquelle la capitaine Flatman a pu être partiale ou impartiale a peu d’importance compte tenu que ce n’est pas elle qui a pris la décision concernant l’avis d’intention de recommander votre libération. C’est en sa qualité d’officier d’administration (O Adm Esc) du 8e Escadron de maintenance (Air), à Trenton, que la capitaine Flatman a signé l’avis d’intention et vous l’a présenté. L’unique décideur concernant votre libération des FC était le directeur, Administration des carrières militaires (DACM). La décision du DACM était fondée sur des faits, des preuves et des politiques, et non sur l’influence de la capitaine Flatman.

 

. . .

 

La capitaine Flatman était tenue par les règlements de prendre des mesures concernant votre cas parce que vous êtes retombé dans l’alcoolisme le 19 janvier 2009. L’unique erreur que la capitaine Flatman a commise est survenue lorsqu’elle vous a présenté l’avis d’intention de recommander votre libération. L’article 15.36 des ORFC (Avis d’intention de recommander la libération – Militaires du rang) dispose qu’un avis d’intention de recommander la libération n’est requis que pour un militaire du rang détenant un grade égal ou supérieur à celui de sergent ou, si le grade est inférieur à celui de sergent, pour le militaire du rang qui a servi au moins dix ans dans la force régulière. Aucun de ces critères ne s’applique à vous. Le fait que vous ayez reçu l’avis d’intention de recommander votre libération était en réalité à votre avantage parce que cela vous a permis de répondre directement à votre commandant en lui signifiant les raisons pour lesquelles selon vous la chaîne de commandement ne devrait pas recommander votre libération des FC. L’examen des observations que vous avez soumises à votre commandant a porté sur la situation personnelle entre vous-même et votre épouse, situation qui a conduit à votre dépression et aux incidents ultérieurs, à savoir votre absence sans permission et votre abus d’alcool. Dans vos observations, vous ne faites nulle part état que vous craignez la partialité de la capitaine Flatman.

 

Je suis d’avis que vous n’avez pas, dans votre grief, prouvé la partialité de la capitaine Flatman concernant votre libération des FC.

 

III. Les points litigieux

[26]            Dans son exposé des faits et du droit, le demandeur soulève des points qui intéressent l’avis d’intention et qui étaient l’objet du grief en cause. Il soulève aussi des points et avance des arguments intéressant des décisions qui ont été prises après que la capitaine Flatman eut émis l’avis d’intention, notamment celle de le libérer des FC.

 

[27]            Comme je l’écrivais plus haut, ces décisions n’ont pas été l’objet de griefs, et la Cour ne peut examiner les arguments avancés contre ces décisions.

 

[28]            Le demandeur reconnaît qu’il n’a pas déposé de grief contre la décision de le libérer des FC. Cependant, il affirme que, étant donné que l’avis d’intention, qui amorçait la procédure ayant conduit à sa libération, était vicié, la procédure tout entière était viciée, y compris la décision définitive de le libérer, et il ajoute que la présente instance devrait donc porter sur l’intégralité de la procédure.

 

[29]            Cet argument n’est pas recevable. D’abord, bien que l’avis d’intention et la décision de libérer le demandeur procédaient du même ensemble de faits et faisaient tous deux partie de la même procédure administrative, il y a eu deux décisions distinctes, prises à des dates différentes, qui ont entraîné des conséquences différentes sur le statut du demandeur au sein des FC. La procédure qui a conduit à sa libération renfermait trois étapes : la délivrance de l’avis d’intention par la capitaine Flatman, en sa qualité d’OAE de l’unité, la décision du commandant de recommander au DACM la libération du demandeur, et la décision du DACM de libérer le demandeur. Chacune de ces décisions devait être l’objet d’un grief si le demandeur souhaitait les contester. Or, le demandeur n’a déposé un grief qu’à l’encontre de l’avis d’intention.

 

[30]            Deuxièmement, la preuve ne permet pas d’affirmer que la procédure a été contaminée par la décision de la capitaine Flatman de délivrer l’avis d’intention. Il est vrai que la capitaine Flatman a amorcé la procédure qui a conduit à la libération du demandeur, mais c’est en sa qualité d’OAE qu’elle a délivré l’avis d’intention, et la décision effective de recommander au DACM la libération du demandeur a été prise par le commandant. Par ailleurs, la preuve ne montre pas que la décision du commandant a été de quelque façon influencée par la capitaine Flatman ou par la partialité qu’elle aurait pu avoir contre le demandeur. Il est évident, à la lecture de la recommandation du commandant, que la décision de recommander la libération était fondée sur la propre appréciation du commandant à propos du comportement et des antécédents du demandeur.

 

[31]            La preuve montre aussi que la décision définitive de libérer le demandeur a été prise par le DACM, et que cette décision n’a été d’aucune façon influencée par le fait que c’est la capitaine Flatman qui avait délivré l’avis d’intention, ou par le fait qu’elle était intervenue dans le processus. Le DACM a pris sa décision à la lumière du dossier et de la situation du demandeur. Il convient aussi de noter que le demandeur a présenté au DACM des conclusions qui visaient à le convaincre de ne pas le libérer des FC. À cette date, le demandeur n’a pas dit qu’il avait des raisons de craindre la partialité de la capitaine Flatman. Cet élément était totalement absent du processus décisionnel du DACM.

 

[32]            Je suis donc d’avis que, au vu de la preuve, la capitaine Flatman n’a pu, en raison sa partialité (réelle ou apparente), influer sur la décision prise par le commandant et par le DACM. Par conséquent, le grief, et la présente procédure de contrôle judiciaire, ne devraient pas porter sur l’intégralité de la procédure qui a conduit à la libération du demandeur.

 

[33]            Le demandeur affirme aussi que, puisque la décision du CEMD de rejeter son grief portait aussi en réalité sur sa libération , [TRADUCTION] « l’exposé que le CEMD a fait de tous les motifs censés justifier, dans sa décision, ma libération des FC ouvre la voie à l’examen de ces motifs par la Cour lors du contrôle judiciaire de la décision » (paragraphe 9 de la réponse du demandeur). Malheureusement, c’est là une proposition qui n’est pas non plus recevable.

 

[34]            Le CEMD n’a pas été saisi d’un grief contestant la libération du demandeur, et il ne s’est pas prononcé sur le bien-fondé de la libération. La mention par le CEMD de la libération du demandeur se rapporte à l’évaluation qu’il a faite de l’incidence d’un possible parti pris de la capitaine Flatman entourant l’ultime décision du DACM de libérer le demandeur. Dans ce contexte, la référence du CEMD à la situation factuelle et aux circonstances entourant la libération du demandeur ne saurait ouvrir la porte à une contestation indirecte de cette libération.

 

[35]            En bref, l’avis d’intention qui est en cause dans la présente instance est distinct de la décision de libérer le demandeur. La décision de libérer le demandeur n’a pas été l’objet d’un grief et elle n’est pas contestée devant la Cour. Le pouvoir de la Cour se limite à revoir la décision rendue par le CEMD rejetant le grief déposé par le demandeur contre l’avis d’intention. Ce grief ne soulevait qu’une seule allégation : le demandeur disait craindre la partialité de la capitaine Flatman. La présente demande de contrôle judiciaire ne peut englober l’intégralité de la procédure qui a conduit à la libération du demandeur des FC. Par conséquent, la Cour ne tiendra pas compte des points et arguments soulevés dans l’exposé des faits et du droit du demandeur qui ne concernent pas la décision qui faisait l’objet du grief dont il s’agit ici.

 

[36]            Dans son exposé des faits et du droit, le demandeur faisait valoir que le CEMD avait eu tort de conclure qu’il n’y avait pas lieu de craindre la partialité de la capitaine Flatman. Au cours de l’audience, il a ajouté un nouvel argument sur ce point : le demandeur a prétendu que le CEMD avait appliqué le mauvais critère pour savoir s’il y avait lieu de craindre la partialité de la capitaine Flatman. Le défendeur ne s’est pas opposé à ce que cette question soit soulevée et il y a répondu oralement. Puisque cette question est d’une certaine manière rattachée à la question initialement soulevée par le demandeur, et vu l’absence de préjudice pour le défendeur, ou d’opposition de la part du défendeur, j’examinerai les deux questions. Par conséquent, cette procédure de contrôle judiciaire soulève les deux points suivants :

A. Le CEMD a-t-il appliqué le mauvais critère pour juger de la prétendue crainte de partialité?

B. Le CEMD s’est-il fourvoyé quant à savoir s’il y avait lieu de craindre la partialité de la capitaine Flatman?

 

IV. La norme de contrôle

[37]            La question de savoir si le bon critère de détermination de la partialité a été appliqué est une question de droit, et les deux parties s’accordent pour dire que c’est la décision correcte qui s’applique comme norme de contrôle à cette question (Cheney c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1590, au paragraphe 14, 144 A.C.W.S. (3d) 193) (Cheney). Cependant, la question de savoir si le CEMD a validement évalué l’existence d’une possible crainte de partialité est une question mixte de droit et de fait qui doit être revue d’après la norme de raisonnabilité (décision Cheney, aux paragraphes 14 et 15).

 

V. Analyse

A. Le CEMD a-t-il appliqué le mauvais critère pour juger de la prétendue crainte de partialité?

 

[38]            Le critère de détermination de la partialité a été exposé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet [...] [Le] critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

[39]            La partialité n’a pas à être prouvée comme telle (décision Cheney, au paragraphe 18), mais le critère est un critère objectif et, comme l’écrivait la Cour dans la décision Armstrong c. Canada (Procureur général), 2006 CF 505, au paragraphe 75, 291 F.T.R. 49, « les exigences préliminaires lorsqu’il s’agit d’établir une allégation de crainte raisonnable de partialité sont rigoureuses et il faut des motifs sérieux à l’appui d’une telle allégation ».

 

[40]            Le demandeur affirme que le CEMD n’a pas appliqué le bon critère et qu’il lui a imposé un fardeau plus rigoureux, qui l’obligeait à prouver effectivement que la capitaine Flatman avait des préventions contre lui.

 

[41]            Le défendeur reconnaît que le CEMD n’a pas formulé clairement le critère, mais il soutient que, si le CEMD a exposé erronément le critère, cela n’a eu aucune incidence sur sa décision puisqu’il a entériné les conclusions de la Commission, lesquelles formulaient le bon critère. Le défendeur soutient aussi que, si la Cour conclut que le CEMD n’a pas bien énoncé le critère, elle devrait néanmoins dire que, au vu de la preuve, l’issue serait demeurée la même si le CEMD avait appliqué le bon critère.

 

[42]            Je reconnais que la décision du CEMD jette quelque peu la confusion quant au critère qu’il a appliqué, en particulier lorsqu’il écrit [TRADUCTION] « vous n’avez pas prouvé que cette relation a entraîné de la partialité chez la capitaine Flatman, et vous n’avez pas non plus précisé quelles décisions de la capitaine Flatman sont selon vous entachées de partialité », et [TRADUCTION] « vous n’avez pas, dans votre grief, prouvé la partialité de la capitaine Flatman concernant votre libération des FC ». Cependant, je suis d’avis que ces observations n’ont aucune incidence sur la décision du CEMD.

 

[43]            D’abord, il ressort clairement de la décision du CEMD qu’il s’est rangé à la conclusion et au raisonnement du Comité. Le CEMD a écrit [TRADUCTION] « Je souscris aux conclusions et recommandations du CGFC ». Il n’est pas contesté que le Comité a formulé et appliqué le bon critère pour savoir s’il existait une crainte raisonnable de partialité.

 

[44]            Le CEMD aurait pu se limiter à dire qu’il était en accord avec les conclusions et recommandations du Comité, sans aller plus loin. L’article 7.14 des ORFC dispose que, après avoir reçu les conclusions et les recommandations du Comité des griefs, le CEMD doit examiner et trancher le grief, et informer par écrit le plaignant « de la décision et des motifs à l’appui ». Cependant, l’article 29.13 de la Loi dispose que le CEMD n’est pas lié par les conclusions et recommandations du Comité, mais que, s’il choisit de s’en écarter, il doit motiver son choix dans sa décision. Selon mon interprétation de ces dispositions, lorsque le CEMD souscrit aux conclusions et recommandations du Comité, il peut approuver le raisonnement du Comité sans devoir s’étendre plus longuement.

 

[45]            En l’espèce, le CEMD a décidé de s’étendre plus longuement et d’ajouter aux conclusions et recommandations du Comité, et je crois que ses motifs additionnels doivent être considérés dans leur contexte. En approuvant les conclusions du Comité, le CEMD approuvait le critère appliqué par le Comité, et le raisonnement qu’il avait suivi. Dans ses motifs additionnels, le CEMD répondait à l’allégation du demandeur, qui affirmait que la capitaine Flatman avait montré de la partialité contre lui et que cette partialité découlait selon lui du fait qu’elle était une « amie » de son ex-conjointe de fait dans le réseau social Facebook. Au vu des allégations faites par le demandeur dans son grief, je ne crois pas que le CEMD ait mal appliqué le critère de la crainte raisonnable de partialité. Je ne crois pas non plus qu’il se soit écarté de l’analyse faite par le Comité.

 

B. Le CEMD s’est-il fourvoyé quant à savoir s’il y avait lieu de craindre la partialité de la capitaine Flatman?

 

[46]            Le demandeur affirme qu’il était déraisonnable pour le CEMD de conclure qu’il n’y avait pas lieu de craindre la partialité de la capitaine Flatman. Dans son grief, il fondait sa crainte de partialité sur les supposées relations entre la capitaine Flatman et son ex-conjointe de fait, en invoquant un imprimé montrant que son ex-conjointe de fait et la capitaine Flatman communiquaient dans le réseau Facebook.

 

[47]            Le demandeur a eu plusieurs occasions, durant la procédure de règlement du grief, de produire des preuves et arguments complémentaires. Il a été invité à s’exprimer à chaque étape de la procédure : devant l’autorité initiale, devant le Comité, et devant le CEMD. Il a présenté des observations et des observations à chaque étape. La seule fois où il a ajouté d’autres éléments censés prouver la partialité de la capitaine Flatman concernait les commentaires qu’il a présentés au CEMD avant qu’il rende sa décision.

 

[48]            Dans un courriel daté du 14 décembre 2009, l’adjudant-chef J.S.B. Bergeron posait au demandeur les trois questions suivantes :

[TRADUCTION]

 

QUESTION 1.            Vous avez déposé un grief parce que l’état-major de Trenton vous a informé de son intention de recommander votre libération au motif que vous êtes alcoolique, que vous vous êtes absenté sans permission et que vous n’avez pas respecté votre programme de mise en garde et de surveillance. Dans votre grief, vous alléguez la partialité de la capitaine Flatman. Vous affirmez que la capitaine Flatman a pu être partiale quand elle a recommandé votre libération des FC, parce qu’elle avait des liens d’amitié avec votre ex-conjointe de fait, la lieutenante Prosser. Est-ce exact?

 

QUESTION 2.            Vous avez présenté des preuves et des faits au soutien de votre allégation de partialité. Selon les preuves que vous avez produites, la capitaine Flatman et la lieutenante Prosser se sont accordé réciproquement la permission d’être amies dans le réseau Facebook. Vous avez aussi renvoyé à un document du 5 mars 2008, selon lequel la capitaine Flatman aurait communiqué avec votre ex-conjointe de fait. Est-ce exact?

 

QUESTION 3. Comme réparation, vous avez demandé le retrait de l’avis d’intention de recommander votre libération. Plus précisément, affirmez-vous que vous devriez être autorisé à demeurer au sein des FC parce que l’avis d’intention de recommander votre libération, un avis signé par la capitaine Flatman, est entaché de partialité?

 

 

 

[49]            Le demandeur a répondu notamment ce qui suit aux questions :

[TRADUCTION]

 

Question 1. Oui. Je crois qu’il y a eu partialité délibérée. Durant toute la période où j’ai été affecté à Trenton, on m’a imposé, ou l’on a tenté de m’imposer, plusieurs mesures administratives et juridiques, et, dans presque tous les cas, de nombreuses irrégularités sont apparues, sur le plan du droit ou sur le plan de l’éthique. Il faut noter aussi qu’un fait est demeuré constant durant toute la période, à savoir ma demande d’une affectation commune avec mon épouse. En dépit des considérables efforts administratifs déployés de mon propre chef, pratiquement rien n’a été fait pour me donner satisfaction, les énergies étant plutôt consacrées à des projets qui nous ont certainement empêchés d’être réunis. On a prétendu récemment que la partialité de la capitaine Flatman n’avait pas pu influencer la décision de me libérer parce qu’elle n’avait fait que signer l’avis et que la décision était celle du commandant. Si cela a été vraiment le cas, alors mon commandant a fait une erreur en agissant comme autorité initiale dans ce grief (ainsi que je l’écris dans mes observations), car il ne peut pas agir en tant qu’autorité sur une mesure qui fait l’objet d’un grief et qui résulte d’une décision qu’il a prise.

 

Question 2. Je crois que ma preuve atteste véritablement un contexte entaché de partialité, et la capitaine Flatman avait amplement l’occasion de révéler ce contexte et/ou de se récuser. Non seulement agissait-elle en tant qu’officier d’administration, mais elle exerçait aussi un rôle juridique (en tant qu’officier réviseur durant ma détention), qui l’obligeait légalement à divulguer TOUTE partialité possible. Elle n’a fait que renforcer mon impression de partialité lorsque ma remise en liberté a été reportée et que je n’ai pas été autorisé à me faire représenter par un avocat, malgré mon plaidoyer d’habeas corpus, et elle a insisté pour exercer le rôle d’officier réviseur alors qu’elle était en congé à l’époque (je ne puis imaginer qu’il y avait une pénurie d’officiers disponibles pour remplir ce rôle en son absence). Elle a aussi fait allusion à des renseignements personnels me concernant qu’elle n’aurait pas pu obtenir à partir de données officielles.

 

. . .

 

[50]            Dans son exposé des faits et du droit et dans sa réponse, le demandeur affirme que la capitaine Flatman s’est montrée hostile envers lui et que c’est là un autre élément qui justifie une crainte de partialité. Au cours de l’audience, le demandeur a ajouté que la capitaine Flatman aurait pu adopter une mesure autre que celle consistant à proposer sa libération. Il a fait valoir qu’elle a opté pour la mesure la plus rigoureuse, et que c’est là un autre élément qui justifie une crainte raisonnable de partialité. Il a aussi prétendu que la capitaine Flatman n’a pas pris en compte les circonstances atténuantes dans sa décision de recommander sa libération.

 

[51]            Les arguments du demandeur ne sont pas recevables. La preuve produite par lui au soutien de sa crainte de partialité est pure conjecture et loin de satisfaire au critère. Les suppositions touchant l’hostilité de la capitaine Flatman envers le demandeur ne sont pas étayées. La preuve ne montre pas non plus que la capitaine Flatman a émis l’avis d’intention et décidé de recommander la libération du demandeur parce qu’elle avait des préventions contre lui. Les allégations du demandeur ne sont que des conjectures. On peut en dire autant de l’allégation touchant l’amitié entre la capitaine Flatman et l’ex-conjointe de fait du demandeur. D’abord, la page Facebook ne permet pas de conclure que la capitaine Flatman et l’ex-conjointe de fait du demandeur sont amies, ni de déterminer la nature de la prétendue « amitié ». La preuve présentée par le demandeur ne permet pas de conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. Par conséquent, la décision du CEMD était raisonnable et ne justifie pas l’intervention de la Cour.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur, selon la somme demandée, à savoir 2 500 $.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-699-10

 

INTITULÉ :                                       JEFFREY EUGENE RIACH, CD c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS:

 

Jefferey Eugene Riach

LE DEMANDEUR

(EN SON PROPRE NOM)

 

M. Kathleen McManus

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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