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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date: 20111020


Dossier : T-1344-11

Référence : 2011 CF 1207

Montréal (Québec), le 20 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

 

 

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le Syndicat) me demande d’ordonner à l’honorable Coulter A. Osborne, l’arbitre désigné par la Ministre du travail (la Ministre) pour rédiger la nouvelle convention collective entre la Société canadienne des postes (Postes Canada) et le Syndicat, de surseoir à l’arbitrage de différend et de ne poser aucun acte ni prendre quelque décision à titre d’arbitre des offres finales, jusqu’à ce qu’une décision finale de la Cour intervienne sur la présente demande de contrôle judiciaire.

 

  • [2] L’arbitrage en matière de relations de travail dans le secteur des entreprises fédérales en tant que mécanisme de règlement des différends repose traditionnellement et fonctionnellement sur le consentement, l’arbitre étant normalement choisi par les parties à la convention collective ou étant acceptable par chacune d’elles. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Ici, l’arbitre Osborne, un ancien juge maintenant à la retraite, dont le nom n’a été proposé par aucune des deux parties à la convention collective, a été désigné le 22 juillet 2011 par la Ministre en application de l’article 8 de la Loi sur le rétablissement de la livraison du courrier aux Canadiens, LC 2011, ch 17 (la Loi spéciale). Son mandat consiste, aux termes de la Loi spéciale, à rendre une décision incorporant l’offre finale de Postes Canada ou du Syndicat qu’il aura choisie, et qui prendra immédiatement effet à titre de nouvelle convention collective entre les parties, et ce jusqu’au 31 janvier 2015, les majorations salariales ayant été déjà fixées dans la Loi spéciale.

 

  • [3] Les arbitrages d’offres finales existent déjà dans d’autres domaines, celui du transport ferroviaire notamment, mais il semble moins utilisé pour résoudre des différends en matière de relations de travail. Le principe général est toutefois le même. L’arbitrage d’offres finales écarte la possibilité pour l’arbitre de choisir une position de compromis entre les deux offres, ce qui peut arriver dans le cas d’un arbitrage de différend traditionnel en relations du travail. Ainsi, puisque l’offre finale ne peut plus être modifiée par la suite, l’arbitrage d’offres finales est conçu de façon à inciter les parties de régler le différend au moyen de leurs propres négociations, ou bien, comme ici, de faire simultanément une offre finale, dans l’ignorance de l’offre finale de l’autre partie. Ceci comporte bien entendu des risques très élevés de part et d’autre.

 

  • [4] En l’espèce, les procédures devant l’arbitre Osborne sont déjà entamées depuis la fin du mois d’août 2011, mais elles ne sont pas encore rendues à un stade avancé. Le Syndicat s’est d’abord adressé à l’arbitre Osborne pour obtenir un sursis, mais ce dernier a décidé de continuer l’affaire, vu qu’il y avait urgence et que son mandat, en principe, expirait le 20 octobre 2011. L’arbitre Osborne qui est au fait de l’existence de la demande de contrôle judiciaire ne s’est pas prononcé sur la prétention du Syndicat relative à son unilinguisme en tant qu’arbitre nommé en vertu de la Loi spéciale (ni sur ses qualifications).

 

  • [5] Il convient de préciser qu’en application de l’article 11(1) de la Loi spéciale, à moins qu’un délai supplémentaire soit accordé par la Ministre,les parties devaient, en principe, soumettre leurs offres finales à l’arbitre Osborne au plus tard le 20 octobre 2011, soit aujourd’hui. Le Syndicat soumet que, compte tenu du déroulement des audiences devant l’arbitre, l’arbitre rendra sa décision à la mi-janvier ou à la fin de janvier 2012. Il est clair que Postes Canada fait d’énormes pressions en ce sens devant l’arbitre Osborne.

 

  • [6] Je note que les offres finales ne doivent contenir que les clauses ou parties de clauses sur lesquelles les parties ne se sont pas déjà entendues. Le 5 octobre 2011, l’arbitre Osborne a déjà ordonné aux parties de lui soumettre une liste des matières réglées et non réglées selon elles au plus tard le 11 octobre 2011; date à laquelle Postes Canada a soumis la liste des matières non réglées selon la position patronale, liste que conteste le Syndicat. L’arbitre a commencé à entendre à ce sujet les parties le 18 octobre 2011. À cette occasion, d’autres dates d’audition ont été fixées par l’arbitre Osborne au mois de novembre, et seront possiblement fixées en décembre 2011, et en janvier 2012.

 

  • [7] Les trois volets du test pour obtenir une injonction interlocutoire ou un sursis sont bien connus (RJR-MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 au para 179 (RJR-MacDonald)) et sont cumulatifs. Après avoir entendu les représentations respectives des parties, et ce, sans me prononcer sur le mérite de la présente demande de contrôle judiciaire, je suis satisfait qu’il y a des questions sérieuses à débattre dans cette cause, que le Syndicat a établi l’existence d’un préjudice irréparable et que la balance des inconvénients favorise la délivrance plutôt que la non-délivrance d’une ordonnance de sursis ou d’injonction interlocutoire, compte tenu des intérêts des parties et de l’intérêt public.

 

  • [8] En bref, le Syndicat entend soutenir au mérite que la Ministre a déraisonnablement exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui a été délégué par le législateur en faisant abstraction des qualités requises d’une personne susceptible d’être nommée arbitre en application de l’article 8 de la Loi spéciale, et ce, eu égard au mandat très particulier et extraordinaire qui lui est confié. Le Syndicat conteste l’expertise de l’arbitre Osborne en matière des relations du travail, son acceptabilité aux yeux des parties, de même que son bilinguisme.

 

  • [9] Au passage, la demande de contrôle judiciaire inclut également une demande d’ordonnance déclarant inopérante et inapplicable constitutionnellement la clause d’exclusion de recours que l’on retrouve dans la Loi spéciale. À ce stade, le représentant du Procureur général du Canada, qui est partie également à l’instance, n’a pas indiqué à la Cour si la Ministre entend effectivement soutenir que l’article 12 d’icelle empêche la Cour d’examiner la légalité de sa décision de nommer l’arbitre Osborne. Quant à lui, le procureur de Postes Canada a déjà indiqué que ce n’est pas le cas en l’espèce et que la décision ministérielle est révisable par la Cour.

 

  • [10] Premièrement, le Syndicat entend plaider que la décision ministérielle de nommer un juge unilingue anglophone, comme arbitre des offres finales, est incorrecte ou déraisonnable en ce qu’elle fait complètement fi de l’exigence quasi-constitutionnelle de bilinguisme de tout tribunal fédéral, sauf la Cour Suprême du Canada, en vertu de la Loi sur les langues officielles, LRC 1985, ch 31 (4e suppl) (LLO). En effet, le Syndicat entend soutenir que l’arbitre nommé en application de l’article 8 de la Loi spéciale est une institution fédérale” et un “tribunal fédéral” au sens du paragraphe 3(2) de la LLO. Or, l’article 16(1) de la LLO exige que tout tribunal fédéral veille à ce qu’il entende l’affaire dans les deux langues officielles, sans l’aide d’un interprète, lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu dans les deux langues, ce qui est ici le vœu du Syndicat, qui veut notamment faire entendre certains témoins s'exprimant en langue française et être représenté par un avocat s’exprimant également en français.

 

  • [11] De plus, le Syndicat entend soutenir que le mandat confié à l’arbitre en vertu de la Loi spéciale étant de nature adjudicative, mais aussi de nature quasi-législative, celui-ci doit maîtriser adéquatement l’anglais et le français, de manière à être en mesure de rendre sa décision dans les deux langues officielles. Rappelons que Postes Canada est une société d’État assujettie aux obligations de la LLO et la langue de travail de ses employés est le français et l’anglais qui ont valeur égale en vertu de la LLO. Selon le Syndicat, une simple traduction de la convention collective décidée par l’arbitre ne satisfait pas les exigences de l’équivalence juridique fonctionnelle et aura pour conséquence de créer un doute permanent sur la validité de la version française de diverses clauses de la nouvelle convention collective, lorsque viendra le temps d’interpréter l’intention réelle du rédacteur. Le Syndicat constate que l’arbitre Osborne n’est pas actuellement en mesure de trancher des différends entre les parties sur la fidélité et l’équivalence des textes de la nouvelle convention collective qui devront être soumis du même coup avec les offres finales. À ce titre, le Syndicat invoque également l’article 36.04 d) i) de la convention collective actuellement en vigueur entre les parties, qui prévoit que les textes anglais et français ont valeur officielle.

 

  • [12] La deuxième question sérieuse soulevée par le Syndicat a trait à l’expertise en relations de travail de l’arbitre Osborne et aux fins spéciales pour lesquelles il a été désigné. Faut-il le rappeler, la Loi spéciale prévoit que le choix d’offres finales doit être fait par l’arbitre en fonction notamment de la nécessité de conditions de travail compatibles avec celles de secteurs postaux comparables pour assurer la viabilité économique et la compétitivité de Postes Canada, ainsi que le maintien de la santé et sécurité des travailleurs et la viabilité du régime des pensions. Ainsi, le Syndicat entend soutenir devant cette Cour que le pouvoir de désignation qui est délégué à la Ministre doit être exercé conformément aux fins recherchées et aux objectifs de la Loi spéciale et que son exercice ne peut être immunisé contre la révision judiciaire. En ce sens, le Syndicat s’appuie sur l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, dans lequel la Cour suprême a décidé qu’un tel pouvoir discrétionnaire est limité par l’objet et l’économie générale de la Loi spéciale, en ce que des critères tels que l’expertise pertinente de l’arbitre en matière de relations de travail, ainsi que son indépendance, son impartialité et son acceptation générale dans le milieu des relations de travail doivent être pris en considération; à défaut de quoi la décision du ministre est annulable.

 

  • [13] Ayant considéré l’ensemble des représentations écrites et orales du Syndicat et de Postes Canada, il n’est pas nécessaire à ce stade-ci de décider du bien-fondé des arguments soulevés de part et d’autre. Compte tenu des exigences minimales requises par la jurisprudence pour satisfaire au critère de la question sérieuse, il suffit de conclure ici que les questions soulevées par le Syndicat sont sérieuses et qu’elles ne sont pas futiles ou vexatoires, ce qu’a d’ailleurs admis devant la Cour le représentant du Procureur général du Canada.

 

  • [14] En ce qui concerne le second volet du test, il s’agit de déterminer si le Syndicat et ses membres subiront un préjudice irréparable si la présente ordonnance de suspension n’est pas accordée. Selon la jurisprudence de la Cour suprême, le préjudice irréparable est celui “qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre”. Il est également bien établi que le terme irréparable a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue (RJR-MacDonald, précitée, au para 59) et que les difficultés à calculer précisément les dommages ne constituent pas un préjudice irréparable, pourvu qu’il existe une manière raisonnablement exacte de mesurer ces dommages (Merck & Co c Nu-Pharm Inc, [2000] FCJ 116 au para 32).

 

  • [15] Ayant attentivement lu les affidavits circonstanciés et les documents déposés par le Syndicat et Postes Canada et considéré les représentations des parties, je suis satisfait que le Syndicat a établi, de façon prépondérante, l’existence d’un préjudice irréparable. La preuve de préjudice est claire et les préjudices allégués par le Syndicat ne sont pas hypothétiques ou conjecturaux comme le prétend Postes Canada. Je rejette également l’argument que la présente requête en sursis ait été déposée tardivement ou que celle-ci soit prématurée.

 

  • [16] Le Syndicat allègue essentiellement trois préjudices de nature irréparable.

 

  • [17] Tout d’abord, le Syndicat allègue qu’il subit un préjudice irréparable du fait de devoir faire entendre les témoins et de plaider sa cause dans une langue qui n’est pas la leur. Ce préjudice qui est né et actuel, ne fera que s’aggraver si l’ordonnance de suspension n’est pas accordée. Postes Canada répond qu’il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable, mais plutôt d’un simple inconvénient procédural : une partie peut d’ailleurs renoncer à son droit fondamental d’être entendu par un adjudicateur bilingue si jamais l’article 16 de la LLO s’applique. Or, le Syndicat a participé aux premières audiences tenues en anglais et un premier témoin francophone a accepté de témoigner en anglais (pour être certain d’être bien compris par l’arbitre Osborne). Le Syndicatrétorqueque son objection à l’unilinguisme de l’arbitre Osborne a été soulevée dès la première occasion devant l’arbitre et que ce n’est pas par choix, mais par obligation, qu’il participe actuellement au processus d’arbitrage en anglais, l’arbitre ayant refusé d’accorder la demande de sursis du Syndicat.

 

  • [18] D’un point de vue des droits de nature linguistique, il y a bien ici un préjudice irréparable. Le Syndicat est effectivement désavantagé du fait de devoir procéder à l’arbitrage, devant l’arbitre Osborne qui est apparemment un unilingue anglophone, dans une langue pour laquelle il n’a manifestement pas opté, d’autant plus qu’il n’y aura aucune façon pratique pour les parties et la Cour de vérifier ultérieurement si la traduction fournie à l’audition par l’interprète aura été en tout temps fidèle. Ainsi, lorsque le Syndicat fera entendre des témoins francophones, l’arbitre devra entendre les témoignages à l’aide d’une traduction simultanée, tandis que des notes sténographiques seront rédigées en français. De plus, le procureur principal du Syndicat a soumis que même s’il maîtrise l’anglais, le Syndicat est désavantagé du fait qu’il doit plaider devant l’arbitre dans une langue qui n’est pas la sienne. Dans l’hypothèse où la Cour devait accueillir la demande de contrôle judiciaire, je suis donc d’avis qu’il s’agit là d’un préjudice non-monnayable. On parlerait alors de la violation de droits linguistiques, donc de droits fondamentaux, pour lesquels il n’existe aucun accommodement si l’article 16 de la LLO s’applique comme le prétend le Syndicat.

 

  • [19] Deuxièmement, le Syndicat allègue que dans l’hypothèse où la nomination de l’arbitre est annulée par la Cour à l’issue de la demande de contrôle judiciaire, le dévoilement de ses offres finales dans le cadre du présent arbitrage, lui causera un préjudice irréparable, car il aura ainsi révélé sa position et toute sa stratégie, un fait qui ne peut plus être corrigé rétroactivement et est contraire à l’objet même de la Loi spéciale. Postes Canada soutient que ce préjudice sera également partagé par la partie patronale. N’empêche, je note qu’à cette deuxième étape du test, il s’agit uniquement de déterminer le préjudice du demandeur. Je suis ici d’avis que si le Syndicat soumet une offre finale, il dévoile de fait toute sa stratégie à Postes Canada, qui pourra ensuite utiliser l’offre finale du Syndicat pour préparer sa nouvelle offre finale si jamais l’arbitrage doit recommencer devant un autre arbitre. Encore une fois, ce préjudice n’est pas compensable en argent. En l’espèce, il est tout à fait probable que Postes Canada dépose son offre finale auprès de l’arbitre Osborne avant que la présente demande de contrôle judiciaire n’ait été jugée au fond par la Cour. Si le Syndicat attend de connaître l’issue de sa demande de contrôle judiciaire et refuse de faire une offre finale, le paragraphe 11(3) de la Loi spéciale prévoit que l’arbitre choisira alors celle de l’autre partie, qui deviendra la nouvelle convention collective. Le préjudice du Syndicat est donc certain.

 

  • [20] Troisièmement, toutes les parties devant la Cour conviennent que si la décision ministérielle est annulée, la décision de l’arbitre Osborne, et partant la nouvelle convention collective, n’auront aucun effet juridique. Le syndicat allègue que l’annulation rétroactive de l’offre finale choisie par l’arbitre à titre de nouvelle convention collective créera un état de fait impossible à corriger, en plus de créer le chaos pendant des années à venir. Postes Canada soutient pour sa part que tout préjudice causé au Syndicat suite à l’annulation d’une décision de l’arbitre Osborne imposant des mesures relatives à la sécurité d’emploi, le régime de retraite, les couvertures d’assurance pour les retraités, les mouvements de personnel et de mutation ou la prise de congé annuel, sera clairement compensable monétairement et que la question est prématurée, ce que conteste vivement le Syndicat. Ayant tenu compte de la preuve patronale à cet égard (l’affidavit de M. Mark MacDonell et des documents à l’appui), je suis d’accord néanmoins avec le Syndicat, en particulier le témoignage de Sylvain Lapointe. Les faits mentionnés dans les affidavits de M. Sylvain Lapointe et le contenu de son interrogatoire sont concluants. De par la nature même de certaines conditions de travail, tout n’est pas compensable monétairement. Je suis d’avis que la restauration du statu quo sera pratiquement impossible dans les circonstances et que cela, en soi, constitue un préjudice irréparable (Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives c Cairn, [2000] ACF 112, 252 NR 160 (CAF).

 

  • [21] Ceci m’amène à examiner maintenant le troisième volet du test, la prépondérance des inconvénients. La situation est très urgente, et il importe de régler le plus tôt possible la question de la légalité de la désignation ministérielle de l’arbitre Osborne. D’ailleurs, par ordonnance de la Cour rendue du 22 septembre 2011, la demande de contrôle judiciaire du Syndicat sera entendue au mérite les 24 et 25 janvier 2012 à Montréal.On parle donc ici aujourd’hui d’une suspension des procédures d’arbitrage d’offres finales de l’ordre trois mois. Dans les circonstances, ce délai additionnel n’impose pas un fardeau excessif aux deux parties à la convention collective.

 

  • [22] Je suis d’avis que la balance des inconvénients penche nettement en faveur du Syndicat et du maintien de statu quo, le temps que la Cour puisse entendre l’affaire au fond. Postes Canada dit subir des pertes importantes (ses profits seraient seulement de l’ordre de 400 $ millions cette année). C’est pourquoi elle recherche des concessions importantes du Syndicat pour pouvoir faire face aux défis de la concurrence. À mon avis, les inconvénients économiques allégués se rapprochent plutôt d’un manque à gagner que de véritables pertes. La situation financière générale de Postes Canada demeurera la même pendant les trois prochains mois, puisqu’en vertu de la Loi spéciale, ce sont les conditions de travail de la convention collective actuelle qui s’appliquent pendant l’arbitrage d’offres finales. Il faut également souligner qu’aucun préjudice n’est fait au public si l’arbitrage est suspendu, puisque la Loi spéciale assure déjà à la population canadienne la prestation des services postaux et qu’il ne peut pas y avoir de grève ou de lock-out.

  • [23] En terminant, en accordant la suspension demandée, la Cour ne fait que respecter ici le souhait du législateur qu’une seule offre finale soit soumise par chacune des parties. Il est également dans l’intérêt des parties qu’une situation de grande incertitude et d’instabilité soit évitée, d’autant plus que les questions soulevées par le Syndicat sont sérieuses et qu’il en va des conditions de travail futures de quelques 44 000 employés de la Société. Il faut également rappeler que la Loi spéciale permet aux parties de conclure une nouvelle convention collective en dehors de la procédure d’arbitrage d’offres finales, de sorte que celles-ci ont toujours le loisir, d’ici l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, de se rencontrer et de tenter de régler un certain nombre de points en suspend pour faire avancer les choses, sans renoncer à leurs droits de part et d’autre.

 

  • [24] Pour ces motifs, la requête en suspension et en injonction interlocutoire est accueillie.

 


 

ORDONNANCE

 

  LA COUR ORDONNE à l’honorable Coulter A. Osborne de surseoir à l’arbitrage de différend et de ne poser aucun acte ni prendre quelque décision à titre d’arbitre des offres finales, jusqu’à ce qu’une décision finale de la Cour intervienne sur la demande de contrôle judiciaire du Syndicat dans le présent dossier de la Cour.

 

 

 

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :  T-1344-11

 

INTITULÉ :  SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES ET SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  le 19 octobre 2011

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :  le 20 octobre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gilles Grenier

Me Claude Leblanc

Me Bernard Philion

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Lukasz Granosik

Me Mary Gleason

 

POUR LA DÉFENDERESSE

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

Me Nadine Perron

Me Paul Deschenes

 

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Philion Leblanc Beaudry, Avocats s.a.

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Norton Rose OR S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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