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Date : 20111020


Dossier : IMM-288-11

Référence : 2011 CF 1198

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

 

RAUL ORLANDE QUEZADA BUSTAMANTE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 10 janvier 2011, par laquelle une agente d’immigration a refusé la demande de résidence permanente au motif que le demandeur n’appartient pas à la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

LES FAITS

Le contexte

[2]               Le demandeur, Raul Orlando Quezada Bustamante, est citoyen de l’Équateur. Il lui a été ordonné de quitter le Canada au plus tard le 7 octobre 2011.

 

[3]               La répondante du demandeur, Ilda Do Couto, est citoyenne canadienne.

 

[4]               Le demandeur a fait la connaissance de la répondante à Toronto en juillet 2004. Il a emménagé chez elle en septembre 2004. Le 13 octobre 2006, ils se sont mariés à l’hôtel de ville de Toronto.

 

[5]               Deux enfants sont nés de l’union entre le demandeur et la répondante : Alisha Selen Costa Quezada, née le 20 décembre 2007, et Heyden Shania Costa Quezada, née le 4 mai 2010. Une autre grossesse s’est terminée par une fausse couche.

 

[6]               Le demandeur a également quatre enfants nés de relations antérieures, et aucun d’eux ne vit avec lui.

 

[7]               Le 5 mars 2007, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Il a été interviewé et, le 16 décembre 2008, a été avisé que sa demande de résidence permanente à ce titre était recevable.

 

[8]               Le 16 mars 2010, le demandeur et la répondante ont été convoqués à une deuxième entrevue à Etobicoke, en Ontario. Un employé de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a expliqué que le ministère avait reçu un renseignement selon lequel le demandeur entretenait une relation avec une autre femme et qu’il avait eu un enfant avec cette dernière. Des photographies où l’on pouvait voir le demandeur avec la femme, la famille de celle‑ci et l’enfant ont été montrées au demandeur.

 

[9]               Le demandeur a reconnu qu’il avait eu une liaison avec cette femme et a déclaré qu’il n’était pas certain d’être le père de l’enfant, mais que c’était probable. Il a reconnu avoir passé du temps avec la femme et l’enfant, mais a nié avoir cohabité avec elle. Il a dit qu’il avait informé sa répondante de la liaison et de l’enfant, et qu’elle avait fini par lui pardonner. La répondante et le demandeur ont déclaré que leur mariage était authentique malgré les difficultés causées par l’infidélité du demandeur.

 

[10]           Après l’entrevue, la répondante a déposé un affidavit dans lequel elle réitérait qu’elle était au courant de la liaison du demandeur, mais qu’elle lui avait pardonné et que leur relation était plus solide que jamais.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[11]           Dans une lettre datée du 10 janvier 2011, CIC a avisé le demandeur que sa demande de résidence permanente était refusée. La lettre précisait qu’aux termes de l’alinéa 124a) du Règlement, le demandeur doit démontrer qu’il « est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et [qu’il] vit avec ce répondant au Canada ». La lettre mentionnait que l’étranger n’est pas considéré comme un époux ou un conjoint de fait si le mariage ou la relation n’est pas authentique ou visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi.

 

[12]           La lettre comportait aussi le passage suivant :

[traduction]

 

Je suis portée à croire que votre mariage avec la répondante n’est pas authentique et a été conclu principalement à des fins d’immigration. Par conséquent, vous ne répondez pas aux critères de la catégorie et votre demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada est refusée.

 

 

[13]           Le demandeur a également reçu un document [traduction] « Décision et motifs » qui résume la deuxième entrevue tenue le 16 mars 2010 avec le demandeur et la répondante ainsi que l’affidavit de la répondante. On peut y lire ce qui suit :

[traduction]

 

Après avoir examiné tous les renseignements figurant au dossier et ceux fournis par le demandeur et la répondante à l’entrevue, j’estime que le mariage du couple n’est pas authentique et a été contracté à des fins d’immigration. Je reconnais que la répondante et le demandeur vivent présentement ensemble, d’après l’information fournie à l’entrevue pour établir l’authenticité. Cependant, si je tiens compte des photos intimes qui montrent le demandeur avec une femme qui n’est pas la répondante, de la durée de sa liaison, de l’enfant qu’il a eu avec cette autre femme, du temps qu’il a continué de consacrer à son enfant et à la mère de son enfant durant le processus de parrainage par son épouse, et du manque d’explications concernant l’enchaînement des événements, je ne suis pas convaincu que la relation entre le demandeur et la répondante est authentique. Les raisons fournies par le demandeur peuvent expliquer la survenue de tels événements, mais elles me paraissent improbables.

 

 

[14]           Le document exposant la décision et les motifs conclut que le demandeur ne satisfait pas aux exigences prescrites à l’alinéa 124a) du Règlement et que la demande est refusée en conséquence.

 

LA LÉGISLATION

[15]           L’article 123 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002‑227) (le Règlement) définit la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada :

123. Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

123. For the purposes of subsection 12(1) of the Act, the spouse or common-law partner in Canada class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of the requirements of this Division.

 

[16]           Les exigences liées à la catégorie des époux et conjoints de fait au Canada sont précisées à l’article 124 du Règlement :

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :


a
) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

(…)

124. A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they:

 


(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in
Canada;

(…)

 

[17]           Il est prévu à l’article 4 du Règlement que l’étranger ne sera pas considéré comme étant un époux si le mariage n’est pas authentique ou visait principalement l’acquisition d’un statut d’immigration :

4. (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas : 

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

b) n’est pas authentique.

(…)

4. (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership 

 

 

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or   

 

(b) is not genuine.

(…)  

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[18]           La question à trancher en l’espèce consiste à déterminer si la décision de l’agente d’immigration de refuser la demande de résidence permanente était déraisonnable.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[19]           Dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a précisé, au paragraphe 62, que la première étape du processus de contrôle judiciaire consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » : voir aussi Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, les motifs du juge Binnie, au paragraphe 53.

 

[20]           La norme de contrôle qui s’applique à la question de savoir si un mariage est authentique ou s’il a été conclu à des fins d’immigration, une question de fait, est la raisonnabilité : voir, par exemple, les décisions Akinmayowa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 171, au paragraphe 18; Yadav c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 140, au paragraphe 50, et les autres décisions qui y sont citées.

 

[21]           Dans le contrôle de la décision de la Commission selon la norme de raisonnabilité, la Cour s’attachera « à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59.

 

ANALYSE

[22]           Le demandeur fait valoir que sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada a été jugée recevable en 2008, et que le changement subséquent a été provoqué par la découverte de l’infidélité conjugale. L’infidélité est donc le facteur déterminant ayant amené l’agente d’immigration à refuser la demande.

 

[23]           Le demandeur soutient qu’il n’est pas logique de conclure que le mariage pourrait avoir été conclu à des fins d’immigration en 2006, alors que l’infidélité s’est produite en 2008 : la lettre de refus, cependant, mentionne que l’agente d’immigration est [traduction] « portée à croire que votre mariage avec la répondante n’est pas authentique et a été conclu principalement à des fins d’immigration ».

 

[24]           Le demandeur affirme aussi que les motifs fournis pour justifier le refus de la demande étaient sans rapport avec la décision. Le demandeur conteste la conclusion de l’agente selon laquelle il s’agissait d’une liaison de longue durée, et il soutient que la naissance d’un enfant par suite de la liaison est sans pertinence.

 

[25]           Le demandeur affirme que la décision est fondée sur le jugement moral de l’agente plutôt que sur une évaluation de l’authenticité du mariage entre le demandeur et la répondante.

 

[26]           Enfin, le demandeur affirme que la décision n’accorde pas un poids suffisant au fait que le demandeur et la répondante ont eu deux enfants ensemble. Le demandeur invoque la décision Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 122, dans laquelle il est précisé, au paragraphe 8, qu’il faut accorder un poids considérable à la naissance d’un enfant : « Lorsqu’il n’y a pas de doute sur la paternité, il serait raisonnable d’adopter une présomption favorable à l’authenticité du mariage en cause. » L’agente a donc commis une erreur susceptible de révision en ne tenant pas compte de ce facteur.

 

[27]           Le défendeur maintient pour sa part que la conclusion de l’agente d’immigration appartient aux issues possibles acceptables. Il affirme qu’il lui était loisible d’utiliser son raisonnement et son bon sens dans l’évaluation de la crédibilité, et la conclusion de l’agente selon laquelle le mariage n’était pas authentique était raisonnable.

 

[28]           La Cour souscrit à l’argument du demandeur selon lequel l’infidélité conjugale en 2008 ne peut, en toute logique, étayer la conclusion que le mariage conclu en 2006 visait principalement des fins d’immigration. Néanmoins, la Cour attribue cet illogisme à une mauvaise formulation dans la lettre de refus et souligne que le document [traduction] « Décision et motifs » affirme que le mariage entre le demandeur et la répondante [traduction] « n’est pas authentique et a été contracté à des fins d’immigration ». Selon l’interprétation de la Cour, l’agente a conclu que le mariage était peut‑être authentique lorsqu’il a été contracté, mais au moment de rendre sa décision, l’agente était d’avis que le mariage n’était plus authentique et existait dans le but de permettre au demandeur d’acquérir un statut sous le régime de la Loi.

 

[29]           La Cour estime que la découverte de l’infidélité conjugale est pertinente pour ce qui est d’établir l’authenticité du mariage entre le demandeur et la répondante. Tel qu’il est précisé dans le guide opérationnel de CIC, chapitre OP 2 : Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial (le guide), l’agent doit déterminer s’il existe une relation conjugale entre les époux. Les facteurs qui permettent d’en décider incluent la monogamie et un engagement à l’exclusivité.

 

[30]           Cependant, il ne s’agit pas des seuls facteurs pertinents. Le guide décrit la relation conjugale comme suit :

5.25. Caractéristiques des relations conjugales

 

Le mot « conjugal » n’est pas défini dans la loi; toutefois, les facteurs utilisés pour déterminer si un couple vit une relation conjugale sont exposés dans les décisions des tribunaux.

 

Le mariage est une relation fondée sur le statut qui existe à partir du jour où le mariage est légalement valide jusqu’au jour où il est rompu par un décès ou un divorce. Une union de fait (et dans le contexte de l’immigration, une relation entre partenaires conjugaux) est une relation fondée sur les faits qui existe à partir du jour où les deux personnes peuvent démontrer de façon raisonnable que la relation correspond à la définition établie dans le Règlement. Même si la différence est importante, il existe de nombreuses similitudes entre les deux types de relation, en raison de l’histoire de la reconnaissance en droit des unions de fait et de leur définition qui comprend le mot « conjugal ».

 

Le terme « conjugal » était à l’origine utilisé pour décrire le mariage, puis, au cours des années, différentes décisions des tribunaux ont permis d’élargir sa définition pour inclure les relations « semblables à un mariage », c'est-à-dire des unions de fait entre conjoints hétérosexuels. Dans sa décision M. c. H. de 1999, la Cour suprême du Canada a élargi la définition pour y inclure les unions de fait entre conjoints de même sexe.

 

Le terme « conjugal » n’a pas seulement trait aux « relations sexuelles ». Il suppose un degré d’attachement important entre deux partenaires. Le mot « conjugal » vient de deux mots latins dont l’un signifie « joindre » et l’autre signifie « attelage », donc le terme signifie littéralement « joints ensemble » ou « attelés ensemble ».

 

Dans la décision M. c. H., la Cour suprême adopte une liste de facteurs qui doivent être pris en compte pour déterminer si deux personnes vivent réellement une relation conjugale, qu’elle a tirée de la décision Moldowich c. Penttinen de la Cour d’appel de l’Ontario. Ces facteurs comprennent :

• logement commun (p. ex. ententes relatives au couchage);

• comportement sexuel et personnel (p. ex. fidélité, engagement, sentiments l’un envers l’autre);

• services (p. ex. comportement et habitudes concernant la répartition des tâches ménagères);

• activités sociales (p. ex. attitude et comportement en tant que couple au sein de la collectivité et avec leurs familles);

• soutien économique (p. ex. ententes financières, propriété de biens);

• enfants (p. ex. attitude et comportement vis‑à‑vis les enfants);

• perception sociale des partenaires en tant que couple.

 

Si l’on considère les termes employés par la Cour suprême au cours de l’affaire M. c. H., il est clair qu’une relation conjugale suppose une certaine permanence, une interdépendance financière, sociale, émotive et physique, un partage des responsabilités ménagères et connexes, ainsi qu’un engagement mutuel sérieux.

 

En se fondant sur ces facteurs, les caractéristiques suivantes devraient être présentes, à un certain degré, dans toutes les relations conjugales, que les conjoints soient mariés ou non :

• engagement mutuel à une vie commune;

• exclusivité – on ne peut vivre plus d’une relation conjugale en même temps;

• intimité – engagement envers une exclusivité sexuelle;

• interdépendance – physique, émotive, financière et sociale;

• permanence – relations authentiques constantes à long terme;

• les conjoints se présentent comme un couple;

• les partenaires sont considérés comme un couple;

• le couple prend soin des enfants ensemble (le cas échéant).

 

 

[31]           Le guide donne ensuite une liste détaillée des facteurs qui doivent être pris en considération pour établir l’existence d’une relation conjugale :

5.26. Évaluation des relations conjugales

 

Voici les principaux éléments qui pourraient permettre aux agents d’établir si un couple vit une relation conjugale. Ils s’appliquent aux époux, aux conjoints de fait et aux partenaires conjugaux.

 

a) Engagement mutuel à une vie commune à l’exclusion de toute autre relation conjugale

 

Une relation conjugale se caractérise par un engagement mutuel, une exclusivité et une interdépendance, et ne peut donc unir plus de deux personnes simultanément. Le terme « conjugal » comporte l’exigence de la monogamie et, de ce fait, un individu ne peut pas avoir plus d’une relation conjugale à la fois. Par exemple, une personne ne peut vivre une relation conjugale avec l’époux auquel il est marié et avec une autre personne en même temps. Une personne ne peut non plus vivre une relation conjugale avec deux partenaires non mariés en même temps. Il s’agirait de relations polygames, qu’on ne peut assimiler à une relation conjugale.

 

On n’exige cependant pas qu’une personne qui vit une relation conjugale sans être mariée à son conjoint qu’elle divorce de la personne à laquelle elle était mariée. Voir Que se passe-t-il si le conjoint de fait (demandeur principal) est marié à une autre personne, section 5.38 ci-dessous.

 

L’exigence de l’exclusivité ou de la monogamie s’applique de façon égale au mariage, à l’union de fait et à la relation entre partenaires conjugaux. Les catégories de l’union de fait et de l’union conjugale ne peuvent donc pas être utilisées pour contourner les restrictions relatives à la bigamie et à la polygamie (pour de plus amples informations, voir la section 13.2 Mariages polygames ci-dessous). En outre, l’union de fait et la relation entre partenaires conjugaux n’ont pas à être plus exclusives que les mariages ordinaires. On n’exige généralement pas plus de preuves d’exclusivité dans l’évaluation de ces relations qu’on ne le ferait pour évaluer un mariage.

 

b) Interdépendance – physique, émotive, financière et sociale

 

Les deux personnes qui vivent une relation conjugale sont interdépendantes – elles ont combiné leurs activités économiques et sociales. Pour évaluer si deux personnes vivent une relation conjugale, il faut chercher une preuve d’interdépendance.

 

La liste ci-dessous établit un ensemble d’éléments qui, pris ensemble ou selon des combinaisons diverses, peuvent constituer des preuves d’interdépendance. Il ne faut pas oublier que ces éléments peuvent être présents à divers degrés et ne sont pas tous nécessaires pour qu’une relation soit considérée comme une relation conjugale.

 

Facteur

Détails

Aspects financiers de la relation

• Contrats de prêt conjoint pour des biens immobiliers, des

voitures ou d’importants électroménagers;

• Propriété conjointe de biens immeubles ou autres biens durables;

• Comptes de banque conjoints; cartes de crédit conjointes; preuve que ces comptes existent depuis un bon moment;

• Étendue de la mise en commun des ressources financières, surtout en ce qui a trait à des engagements financiers importants;

• Un des conjoints a-t-il des obligations juridiques envers l’autre?

Aspect social de la relation

• Preuve que la relation a été déclarée aux organismes gouvernementaux et aux institutions ou autorités commerciales ou publiques et acceptation de ces déclarations par ces organismes;

• Appartenance conjointe à des organisations ou à des groupes, participation conjointe à des activités sportives, culturelles, sociales ou autres;

• Voyage commun;

• Valeurs communes en ce qui a trait à la gestion du ménage;

• Partage des responsabilités envers les enfants; valeurs communes en ce qui a trait à l’éducation des enfants; volonté de prendre soin des enfants de l’autre;

• Témoignages de parents, de membres de la famille, de membres de la parenté ou d’amis et autres parties intéressées sur la nature de leur relation et sur le fait que le couple se présente aux autres comme des partenaires. Les témoignages sous forme d’affirmation solennelle sont privilégiés.

Aspects physiques et émotifs de la relation - le degré d'engagement que représentent :

• La connaissance de la situation personnelle, du passé et de la situation familiale de l’autre;

• Les valeurs et intérêts communs;

• L’intention exprimée que la relation durera;

• La mesure dans laquelle les parties ont combiné leurs affaires, par exemple, se sont-ils mutuellement désignés comme bénéficiaires des régimes d’assurances ou de retraite?

• La prise de décision conjointe lorsque les conséquences pour un des partenaires touchent l’autre;

• S’offrent-ils mutuellement du soutien lorsqu’ils sont malades ou à des occasions spéciales – lettres, cartes, cadeaux, congé pour prendre soin de l’autre;

• Les dispositions testamentaires des parties établies en faveur de l’autre fournissant la preuve que les partenaires ont l’intention d’avoir une relation durable et permanente;

• le temps passé ensemble;

• le temps passé avec leurs familles respectives;

• une communication régulière et continue lorsqu’ils sont séparés.

 

 

[32]           Le guide souligne que ces éléments peuvent être présents à divers degrés et ne sont pas tous nécessaires pour qu’une relation soit considérée comme étant une relation conjugale.

 

[33]           Comme le demandeur avait eu une relation avec une autre femme, l’agente a conclu que le mariage n’était pas authentique. L’unique facteur compensatoire mentionné dans la conclusion de l’agente est le fait que le demandeur cohabite avec sa répondante. La Cour estime que la relation entre le demandeur et une autre femme constitue un facteur pertinent. Toutefois, de nombreux autres facteurs corroborent l’authenticité du mariage, outre la cohabitation du demandeur et de la répondante.

 

[34]           En particulier, l’agente devait tenir compte du fait que le demandeur et la répondante ont eu deux enfants ensemble, dont un qui a été conçu et est né après l’infidélité du demandeur. La Cour est d’accord avec le demandeur que ce facteur mérite un poids considérable, et le fait que l’agente n’a pas justifié pourquoi elle a donné priorité à d’autres facteurs incite la Cour à penser qu’elle n’a pas tenu compte de ce facteur dans sa décision.

 

[35]           La Cour estime aussi que la décision de l’agente n’explicite pas suffisamment le fondement de sa conclusion. La preuve sur laquelle elle s’est fondée est constituée de photos montrant le demandeur avec une autre femme, ainsi que du témoignage du demandeur et de la répondante. Cependant, ces derniers ont aussi longuement témoigné au sujet de l’authenticité de leur mariage malgré l’infidélité du demandeur. L’agente n’a pas tiré de conclusions défavorables quant à la crédibilité et n’a pas expliqué pourquoi elle a accepté les déclarations du demandeur concernant la liaison, mais pas celles ayant trait à l’authenticité du mariage.

 

[36]           La conclusion qu’un mariage n’est pas authentique est lourde de conséquences et ne doit pas être tirée de façon arbitraire. Cela est d’autant plus vrai lorsque les membres du couple en question cohabitent depuis plus de six ans, sont mariés depuis plus de quatre ans et ont eu deux enfants ensemble. En l’espèce, la Cour estime que la décision de l’agente ne présente pas le degré requis de transparence, d’intelligibilité et de justification pour être jugée raisonnable.

 

[37]           La Cour remarque qu’une version antérieure du Règlement était en vigueur lorsque la demande a été présentée et que l’article 4 imposait alors un critère conjonctif plutôt que disjonctif. Le demandeur n’a pas fait valoir à la Cour que la version précédente de l’article 4 du Règlement devrait s’appliquer en l’espèce. La question de savoir si la nouvelle version de l’article 4 s’applique rétrospectivement est importante; la Cour réserve toutefois cette question pour le cas où elle serait pertinente pour l’examen de la demande en cause, ayant déterminé que la décision doit être annulée indépendamment de l’applicabilité de la nouvelle version de l’article 4.

 

CONCLUSION

[38]           La Cour conclut que la décision de l’agente d’immigration de refuser la demande de résidence permanente était déraisonnable. Par conséquent, il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire et l’affaire sera renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvelle entrevue et nouvel examen.

 

[39]           Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvelle entrevue et nouvel examen. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-288-11

 

INTITULÉ :                                       RAUL ORLANDE QUEZADA BUSTAMANTE c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 28 SEPTEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 20 OCTOBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John M. Guoba

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John Loncar

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John M. Guoba

Avocat

Mississauga (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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