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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

 Date: 20110831

Dossier : 11-T-12

Référence : 2011 CF 1029

Montréal (Québec), le 31 août 2011

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

 

FRANCE PONTBRIAND

ET RAYMOND MALO

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

ADMINISTRATION DU RÉGIME DE

SOINS DE SANTÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE

ET

SUN LIFE DU CANADA, COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE

 

 

 

défenderesses

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               Pour qu’une cour agisse, elle doit posséder une juridiction pour le faire. Sans juridiction, aucune mesure ne peut être entreprise par cette cour qui ne peut pas agir. En droit comme dans la vie, savoir où se diriger donne la possibilité de suivre un chemin qui mène vers une destination finale.

 

II.  Introduction

[2]               La Cour fédérale est un tribunal d’origine législative dont la compétence ne peut être présumée, contrairement aux cours supérieures provinciales dont la compétence est générale et inhérente. Il doit exister un fondement législatif pour que ce soit la Cour fédérale qui ait compétence dans un cas donné (DRL Vacations Ltd. c Administration portuaire de Halifax, 2005 CF 860, [2006] 3 RCF 516 au para 6).

 

[3]               La Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), ch F-7, définit comme suit l’« office fédéral » :

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. [La Cour souligne].

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867 ;

 

[4]               L’énoncé des principes établis par la Cour fédérale dans l’affaire DRL Vacations, ci-dessus, fut d’ailleurs repris par la suite par la Cour fédérale à plusieurs reprises :

[48]      Les principes ci-après énoncés peuvent être tirés de l'examen de la jurisprudence :

 

1.         L'expression « pouvoirs prévus par une loi fédérale » figurant dans la définition de l'expression « office fédéral » , au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales, est « particulièrement englobante » et doit recevoir une interprétation libérale : Gestion Complexe Cousineau (1989);

 

2.         Les « pouvoirs » visés au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales ne sont pas limités aux pouvoirs qui doivent être exercés sur une base judiciaire ou quasi judiciaire. Toutefois, l'expression « une compétence ou des pouvoirs » se rapporte à une compétence ou à des pouvoirs d'une nature publique : Thomas W. Wilcox;

 

3.         Les pouvoirs visés au paragraphe 2(1) ne comprennent pas les pouvoirs susceptibles d'être exercés à titre privé par une société ordinaire créée en vertu d'une loi fédérale qui constituent de simples accessoires de sa personnalité juridique ou de son entreprise autorisée : Thomas W. Wilcox;

 

4.         La nature de l'institution est importante pour les besoins de l'analyse, mais c'est la nature des pouvoirs exercés qui permet de déterminer si le décideur est un office fédéral pour l'application de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales : Aeric;

 

5.         Le fait qu'une institution n'a aucun lien de dépendance avec le gouvernement, le pouvoir discrétionnaire conféré à l'institution aux fins de la gestion de son entreprise et le fait que le gouvernement n'exerce aucun contrôle sur les finances de l'institution sont tous des indicateurs montrant que l'institution n'est pas un « office fédéral » : Toronto Independent Dance Enterprise;

 

6.         Le fait que l'institution a été créée par le gouvernement n'est pas en soi déterminant : Toronto Independent Dance Enterprise;

 

7.         Le simple exercice de pouvoirs conférés par la loi ne suffit pas à lui seul pour que l'institution soit visée au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Il faut prendre en considération toutes les circonstances de l'affaire afin de décider si, en exerçant les pouvoirs en question, l'institution agissait à titre d' « office fédéral » : Cairns;

 

8.         Une organisation peut être un « office fédéral » à certaines fins, mais cela n'est pas nécessairement le cas à toutes les fins. En décidant si une organisation est un « office fédéral » dans un cas donné, il faut tenir compte de la nature des pouvoirs exercés : Jackson.

 

III.  Faits

[5]               La défenderesse, Administration du Régime de Soins de Santé de la Fonction publique fédérale [Administration] a été créée par lettres patentes délivrées par le président du Conseil du Trésor en vertu du paragraphe 7.2(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC (1985), ch F-11.

 

[6]               Le paragraphe 7.2(4) de la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que ces lettres patentes ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires, LRC (1985), c S-22; elles sont toutefois publiées dans la Gazette du Canada.

 

[7]               L’Administration est une personne morale sans capital action qui a pour mandat de veiller à l’administration du volet administratif du Régime de soins de santé de la fonction publique [RSSFP].

 

[8]               Le RSSFP est un régime de soins de santé offert aux employés et aux retraités de l’administration publique fédérale qui a été établi par le Conseil du Trésor en conformité avec le paragraphe 7.1(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques qui prévoit :

7.1      (1) Le Conseil du Trésor peut établir ou modifier des programmes d’assurances collectives ou des programmes accordant d’autres avantages pour les employés de l’administration publique fédérale et les autres personnes qu’il désigne comme cotisants, individuellement ou au titre de leur appartenance à telle catégorie de personnes, prendre toute mesure nécessaire à cette fin, notamment conclure des contrats pour la prestation de services, fixer les conditions et modalités qui sont applicables aux programmes, notamment en ce qui concerne les primes et cotisations à verser, les prestations et les dépenses à effectuer ainsi que la gestion, le contrôle et la vérification des programmes, et faire des paiements, notamment à l’égard des primes, cotisations, prestations et autres dépenses y afférentes.

7.1      (1) The Treasury Board may establish or modify any group insurance or other benefit programs for employees of the federal public administration and any other persons or classes of persons it may designate to be members of those programs, may take any measure necessary for that purpose, including contracting for services, may set any terms and conditions in respect of those programs, including those relating to premiums, contributions, benefits, management, control and expenditures and may audit and make payments in respect of those programs, including payments relating to premiums, contributions, benefits and other expenditures.

 

 

[9]               Le Conseil du trésor [l’employeur] ainsi que dix-sept agents négociateurs membres du Conseil national mixte [CNM] et l’Association nationale des retraités fédéraux ont adopté un Protocole d’entente, le 1er décembre 1999, précisant le cadre d’application et de financement à long terme du RSSFP (pièce D-2).

 

[10]           Ce Protocole d’entente a été modifié le 13 janvier 2006 (pièce D-3).

 

[11]           Le 1er avril 2006, le Secrétariat du Conseil du Trésor a adopté la Directive du Régime de soins de santé de la fonction publique ([Directive], pièce R-14) visant à mettre en application le Protocole d’entente.

 

[12]           Cette Directive est considérée comme faisant partie intégrante des conventions collectives conclues entre le Conseil du Trésor et les agents négociateurs du CNM (pièce R-14).

 

[13]           La Directive prévoyait que le RSSFP devait être géré par une fiducie dont les administrateurs étaient nommés par les trois parties au régime (pièce R-14).

 

[14]           Depuis le 1er mai 2007, cette fiducie a été remplacée par l’Administration (pièce D-1).

 

[15]           D’autre part, la Directive prévoit qu’un administrateur est chargé de statuer sur les demandes admissibles et de les régler conformément au Document du Régime, ainsi que d’assurer les services. L’organisation choisie pour ce faire est présentement Sun Life.

 

[16]           L’Administration est une entité sans lien de dépendance avec le gouvernement (pièce D-4).

 

[17]           Par ailleurs, elle n’est pas une société d’État ni un mandataire de Sa Majesté, tel que le prévoit le paragraphe 7.2(6) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

[18]           L’Administration se rapporte et doit rendre compte au Comité des partenaires constitué de représentants de l’employeur, des agents négociateurs du CNM et d’un représentant de l’Association nationale des retraités fédéraux.

 

[19]           L’Administration possède les pouvoirs d’une personne physique, mais elle ne peut pas, suivant l’article 3.5 des lettres patentes D-1 :

a.       Emprunter ou prêter de l’argent;

b.      Acquérir des biens immobiliers; elle peut cependant conclure des contrats de location dont la durée ne dépasse pas dix ans;

c.       Modifier le RSSFP.

 

[20]           Suivant l’article 4 des lettres patentes pièce D-1 et l’article 7.3 de la Loi sur la gestion sur les finances publiques, l’Administration est dirigée par un Conseil d’administration comprenant dix administrateurs :

a.       Quatre nommés par le président du Conseil du Trésor (employeur);

b.      Quatre nommés par les agents négociateurs du CNM;

c.       Un nommé par l’Association nationale des retraités fédéraux;

d.      Un président nommé par le Conseil du Trésor sur recommandation des Agents négociateurs.

 

[21]           Les administrateurs et dirigeants de l’Administration doivent respecter un Code de déontologie qui se trouve à l’annexe A de la pièce D-1 et ont un devoir d’intégrité et de bonne foi (« duty of care ») suivant l’article 4.14 des lettres patentes D-1.

 

[22]           L’Administration possède plusieurs responsabilités dont celle de procéder à la demande d’un souscripteur au RSSFP, à l’examen de sa requête pour interjeter l’appel d’une décision rendue par l’administrateur du régime à l’égard de l’admissibilité à une prestation particulière.

 

[23]           En effet, le Conseil du Trésor avec l’accord des agents négociateurs a écarté la procédure d’arbitrage de grief (Directive, pièce R-14) et a plutôt assujetti les demandes de remboursement à une procédure souple, informelle et rapide (Voir para 35 de la décision de la Cour d’appel, pièce R-6).

 

[24]           La procédure d’appel est définie comme suit dans la Directive (pièce R-14) :

Lorsque le souscripteur n'accepte pas une décision de l'administrateur et souhaite une révision de son dossier, il peut la demander aux fiduciaires, qui ont l'entière discrétion de prendre une décision tenant dûment compte des circonstances de l'affaire et des dispositions du Régime. Cela dit, les souscripteurs devraient s'efforcer d'épuiser tous les recours avec l'administrateur avant d'en appeler aux fiduciaires, car ceux-ci se réservent le droit de refuser de revenir sur leur décision en cas d'appel. La procédure d'appel est le dernier niveau de révision du RSSFP.

 

Les appels doivent être soumis dans un délai d'un an suivant l'envoi par l'administrateur d'une explication des prestations payables en règlement de la demande.

Where a member does not agree with a decision of the Administrator and wishes a review of their case, a submission may be made to the Trustees. The Trustees have the discretion to reach a decision that embodies due consideration for individual circumstances and Plan provisions. Members should endeavour to exhaust all avenues of review with the Administrator before submitting an appeal to the Trustees. The Trustees reserve the right to refuse to reconsider their decision on an appeal. The appeal process is the final review level under the PSHCP.

 

An appeal must be submitted within one year of the Administrator's mailing of an Explanation of Benefits regarding the claim.

 

 

[25]           L’Administration possède donc une discrétion lorsqu’elle rend une décision en appel.

 

[26]           Elle n’a aucune obligation de motiver ses décisions.

 

[27]           Tout appel est final et exécutoire (pièce R-14).

 

[28]           La procédure d’appel se déroule comme suit :

a.       Les demandes d’appel sont transmises par écrit à l’Administration;

b.      À la réception, les demandes sont étampées et un numéro d’appel leur est assigné;

c.       La demande est assignée à un analyste qui doit la réviser. Si des informations additionnelles sont requises, l’analyste contacte l’administrateur (Sun Life) ou l’appelant;

d.      À la réception des informations additionnelles, le cas échéant, l’analyste révise le dossier et s’assure qu’il est complet;

e.       L’analyste prépare un sommaire du dossier pour la rencontre du Comité des appels;

f.       Le Comité des appels est formé de cinq administrateurs dont deux représentant l’employeur, deux représentant l’agent négociateur et un représentant les salariés retraités. Le quorum est nécessaire pour que le Comité puisse être valablement formé;

g.      Chaque cas est étudié individuellement par le Comité des appels et un procès verbal est consigné;

h.      Si les administrateurs n’arrivent pas à rendre une décision unanime, alors le dossier est renvoyé au Conseil d’administration pour qu’il rende une décision;

i.        Le procès verbal est renvoyé au Conseil d’administration pour ratification;

j.        Suite à la décision du Comité des appels ou du Conseil d’administration, l’Administration contacte l’Administrateur si des ajustements ou remboursements doivent être faits;

k.      Le dossier est ensuite fermé.

 

[29]           Le 23 septembre 2007, le requérant, monsieur Raymond Malo, a soumis une demande d’appel à l’Administration suite à une décision défavorable de l’Administrateur Sun Life.

 

[30]           Le 28 mai 2008, après mûre considération, l’Administration a rejeté l’appel du requérant (pièce R-1).

 

[31]           Cette décision était finale et sans appel comme toute décision du Comité des appels.

 

[32]           Le 23 juin 2008, les requérants ont fait parvenir une lettre à l’administration (R-11), demandant l’obtention des documents sur lesquels s’est appuyé l’Administrateur du Régime pour rendre sa décision et demandant d’expliquer le poids accordé à l’expertise du Dr Jeanne Teitelbaum.

 

[33]           Le 5 août 2008, madame Adèle Gervais, analyste des prestations, a fait parvenir aux requérants la documentation demandée (pièce R-11).

 

[34]           Le 15 août 2008, madame Adèle Gervais a envoyé une seconde lettre expliquant le poids accordé à l’expertise du Dr Teitelbaum (pièce R-11).

 

[35]           Entre le 15 août 2008 et le 23 juin 2009 il n’y a eu aucune correspondance entre les requérants et l’Administration.

 

[36]           Le 23 juin 2009, les requérants ont introduit une requête introductive d’instance en dommages et intérêts devant la Cour supérieure du Québec à l’encontre des défenderesses (pièce R-2).

 

[37]           Cette requête visait non pas l’annulation de la décision prise par l’Administration en appel, mais plutôt une demande en dommages et intérêts basée sur une évaluation des obligations contractuelles des défenderesses par la Cour.

 

[38]           L’Administration s’est opposée à ce type de procédure en déposant une requête en exception déclinatoire le 17 août 2009 (pièce D-5).

 

[39]           En septembre 2009, les requérants ont déposé une requête introductive d’instance amendée, ajoutant des conclusions demandant l’annulation de la décision de l’Administration (R-3) en accord avec les articles 947 et suivants du Code de procédure civile, LRQ c C-25.

 

[40]           L’Administration a alors déposé une requête réamendée en exception déclinatoire et en irrecevabilité demandant le rejet de cet amendement au motif qu’il introduisait dans les faits une nouvelle requête qui était manifestement prescrite (pièce R-4).

 

[41]           La Cour supérieure a accueilli, le 2 décembre 2009, la requête en exception déclinatoire et en irrecevabilité de l’Administration et a notamment conclu que la requête en annulation était prescrite (pièce R-5).

 

[42]           Le 31 janvier 2011, la Cour d’appel a renversé la décision de la Cour supérieure mais n’a pas pris position quant à la prescription de la requête en annulation (pièce R-6).

 

[43]           La Cour d’appel a statué dans sa décision qu’un bénéficiaire du RSSFP ne pouvait pas prendre d’action devant une cour de justice à la suite du refus de rembourser une dépense médicale et que le seul recours judiciaire possible était un recours par contrôle judiciaire (pièce R-6).

 

IV.  Analyse

            1) Quant à la détermination de la compétence de la Cour fédérale

[44]           La Cour est entièrement d’accord avec la position des parties défenderesses. L’Administration n’est pas un office fédéral au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, et, par conséquent, la Cour fédérale n’a pas la compétence nécessaire pour entendre une requête pour prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire des décisions de l’Administration en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[45]           L’Administration n’agissait pas en tant qu’office fédéral lorsqu’elle a rendu sa décision rejetant l’appel du requérant monsieur Malo.

 

[46]           La Cour fédérale est un tribunal d’origine législative dont la compétence ne peut être présumée, contrairement aux cours supérieures provinciales dont la compétence est générale et inhérente. Il doit exister un fondement législatif pour que ce soit la Cour fédérale qui ait compétence dans un cas donné (DRL Vacations, ci-dessus).

 

[47]           La Loi sur les Cours fédérales définit comme suit l’« office fédéral » :

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. [La Cour souligne].

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867 ;

 

[48]           L’énoncé des principes établis par la Cour fédérale dans l’affaire DRL Vacations, ci-dessus, fut d’ailleurs repris par la suite par la Cour fédérale à plusieurs reprises :

[48]      Les principes ci-après énoncés peuvent être tirés de l'examen de la jurisprudence :

 

1.         L'expression « pouvoirs prévus par une loi fédérale » figurant dans la définition de l'expression « office fédéral » , au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales, est « particulièrement englobante » et doit recevoir une interprétation libérale : Gestion Complexe Cousineau (1989);

2.         Les « pouvoirs » visés au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales ne sont pas limités aux pouvoirs qui doivent être exercés sur une base judiciaire ou quasi judiciaire. Toutefois, l'expression « une compétence ou des pouvoirs » se rapporte à une compétence ou à des pouvoirs d'une nature publique : Thomas W. Wilcox;

 

3.         Les pouvoirs visés au paragraphe 2(1) ne comprennent pas les pouvoirs susceptibles d'être exercés à titre privé par une société ordinaire créée en vertu d'une loi fédérale qui constituent de simples accessoires de sa personnalité juridique ou de son entreprise autorisée : Thomas W. Wilcox;

 

4.         La nature de l'institution est importante pour les besoins de l'analyse, mais c'est la nature des pouvoirs exercés qui permet de déterminer si le décideur est un office fédéral pour l'application de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales : Aeric;

 

5.         Le fait qu'une institution n'a aucun lien de dépendance avec le gouvernement, le pouvoir discrétionnaire conféré à l'institution aux fins de la gestion de son entreprise et le fait que le gouvernement n'exerce aucun contrôle sur les finances de l'institution sont tous des indicateurs montrant que l'institution n'est pas un « office fédéral » : Toronto Independent Dance Enterprise;

 

6.         Le fait que l'institution a été créée par le gouvernement n'est pas en soi déterminant : Toronto Independent Dance Enterprise;

 

7.         Le simple exercice de pouvoirs conférés par la loi ne suffit pas à lui seul pour que l'institution soit visée au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Il faut prendre en considération toutes les circonstances de l'affaire afin de décider si, en exerçant les pouvoirs en question, l'institution agissait à titre d' « office fédéral » : Cairns;

 

8.         Une organisation peut être un « office fédéral » à certaines fins, mais cela n'est pas nécessairement le cas à toutes les fins. En décidant si une organisation est un « office fédéral » dans un cas donné, il faut tenir compte de la nature des pouvoirs exercés : Jackson.

 

[49]           En l’espèce, l’Administration a été créée par des lettres patentes, qui ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires (pièce D-1).

 

[50]           Ces lettres patentes ont été délivrées par le Conseil du Trésor sur recommandation du Conseil national mixte de la fonction publique, conformément au paragraphe 7.2(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

[51]           Ces lettres patentes précisent certains éléments dont les responsabilités qui doivent être assumées par l’Administration.

 

[52]           Parmi ces responsabilités, il est prévu que l’Administration doit examiner la requête pour interjeter l’appel d’une décision rendue par l’administrateur du régime (voir l’alinéa 3.2 c) des lettres patentes D-1.

 

[53]           L’exercice de cette responsabilité n’est toutefois pas encadré ni défini plus amplement.

 

[54]           A priori, à la simple adéquation de ces facteurs, on pourrait croire que l’Administration est un office fédéral donnant compétence à la Cour fédérale suivant les articles 2 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[55]           Il est nécessaire d’analyser la nature du pouvoir exercé par l’Administration et les circonstances entourant sa création afin de déterminer sa nature réelle.

 

[56]           Le fait que l’Administration ait été créée par le Conseil du Trésor n’est pas en soi déterminant, Toronto Independent Dance Enterprise c Conseil des arts du Canada, [1989] 3 CF 516.

[57]           Il n’y a aucun lien de dépendance entre l’Administration et le gouvernement.

 

[58]           Le seul pouvoir exercé par le Conseil du Trésor en lien avec l’Administration est la nomination d’administrateurs du Conseil d’administration, conformément à l’article 7.3 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

[59]           Lorsque le Conseil fait ces nominations toutefois, il le fait à titre d’employeur avec qui les agents négociateurs se sont entendus pour la mise sur pied du RSSFP.

 

[60]           D’ailleurs, les autres membres du Conseil d’administration sont nommés par les agents négociateurs.

 

[61]           En outre, l’Administration ne se rapporte pas au gouvernement, mais se rapporte et doit rendre compte au Comité des partenaires constitué de représentants de l’employeur, des agents négociateurs du CNM et d’un représentant de l’Association nationale des retraités fédéraux.

 

[62]           L’Administration possède tous les pouvoirs d’une personne physique, sauf les limitations prévues à l’article 3.5 des lettres patentes D-1. Elle peut notamment ester en justice, mais ne peut pas :

a.       Emprunter ou prêter de l’argent;

b.      Acquérir des biens immobiliers; elle peut cependant conclure des contrats de location dont la durée ne dépasse pas dix (10) ans;

c.       Modifier le RSSFP.

[63]           Elle est donc libre d’organiser la gestion de sa corporation et dispose d’une totale discrétion dans la gestion de ses affaires.

 

[64]           Le fait que l’Administration n’ait aucun lien de dépendance avec le gouvernement et qu’elle bénéficie d’une discrétion dans la gestion de ses affaires sont des facteurs qui militent en faveur d’une analyse selon laquelle l’Administration n’est pas un office fédéral (Toronto Independent Dance Enterprise, ci-dessus).

 

[65]           Dans un autre ordre d’idée, on a explicitement prévu au paragraphe 7.2(6) de la Loi sur la gestion des finances publiques que l’Administration n’est pas une société de l’État ni un mandataire de Sa Majesté.

 

[66]           Elle n’est pas non plus un « établissement public » au sens de l’article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques puisqu’elle n’est pas mentionnée à l’annexe 2 de ladite loi.

 

[67]           Elle n’est pas non plus un « secteur de l’administration publique fédérale » suivant l’alinéa 3(1)a) de la Loi sur la gestion des finances publiques puisqu’elle n’est pas mentionnée à l’annexe I.1 de ladite Loi.

 

[68]           Enfin, elle n’est pas chargée de fonctions étatiques d’administration, de recherche, de contrôle, de conseil ou de règlementation, suivant l’alinéa 3(1)a.1) de la Loi sur la gestion des finances publiques puisqu’elle n’est pas mentionnée à l’annexe II.

 

[69]           Ainsi, l’Administration est simplement une corporation sans capital action, une entité avec une personnalité juridique distincte du gouvernement qui n’est pas son mandataire. Cela est un facteur d’analyse qui porte à croire que l’Administration n’est donc pas un « office fédéral ».

 

[70]           D’autre part, l’Administration a été créée afin de se charger de l’administration d’un régime de soins de santé qui est un programme qui a été établi par le Conseil du Trésor en conformité avec l’article 7.1(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

[71]           Ce programme de soin de santé fut élaboré en collaboration avec les agents négociateurs et le représentant des salariés retraités.

 

[72]           En effet, le 1er décembre 1999, ces trois parties ont conclu un protocole d’entente visant à établir les cadres financiers et de gestion à long terme du RSSFP.

 

[73]           Ce protocole a été modifié le 13 janvier 2006 afin de prévoir notamment la dissolution de la fiducie qui gérait auparavant le RSSFP et la mise sur pied d’une corporation, qui est l’Administration.

 

[74]           Le Conseil du Trésor a élaboré une directive, de concert avec les agents négociateurs membres du CNM, visant à appliquer les protocoles d’ententes (pièce R-14 à la p 1).

 

[75]           Cette directive détaille l’objet, la gestion, l’admissibilité et le fonctionnement du régime de soins de santé (pièce R-14).

[76]           Elle prévoit aussi une procédure d’appel (pièce R-14 à la p 2).

 

[77]           Cette directive est de nature administrative et non législative et n’est pas une « loi fédérale » au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales (Mercier c. Canada (Service correctionnel), 2010 CAF 167 (demande d’autorisation d’appel rejetée, [2010] CSCR no 331); Martineau c. Comité de discipline des détenus de l’Institution de Matsqui, [1978] 1 RCS 118).

 

[78]           Par conséquent, lorsque l’Administration agit en fonction de la directive, elle n’exerce pas un pouvoir tiré d’une loi fédérale.

 

[79]           D’autre part, ni la Directive (R-14), ni la Loi sur la gestion des finances publiques ni les lettres patentes (pièce D-1) n’encadrent la procédure d’appel et cela est un indicateur montrant que l’institution n’est pas un office fédéral, au sens de l’arrêt Cairns c Société du crédit agricole, [1992] 2 CF 115.

 

[80]           D’autre part, le Conseil du Trésor ne donne pas d’instruction à l’Administration quant à la manière dont celle-ci doit exercer ses attributions.

 

[81]           Le gouvernement n’a aucun contrôle sur les décisions prises par l’Administration en appel.

 

[82]           Il a expressément été prévu que l’Administration bénéficiait d’une entière discrétion lorsqu’elle prenait une décision suite à une demande d’appel et que cet appel était final et exécutoire (Directive, pièce R-14).

[83]           En somme, l’Administration, lorsqu’elle interprète le texte de la directive exerce donc un pouvoir discrétionnaire d’interprétation d’un texte qui n’est pas un texte législatif.

 

[84]           Il ne s’agit pas d’un pouvoir d’intérêt public ni de l’interprétation d’un texte législatif fédéral qui devrait être soumis au contrôle de la Cour fédérale.

 

[85]           En somme, l’Administration est un organisme indépendant créé par les parties, soit les agents négociateurs et le Conseil du Trésor, pour notamment arbitrer les différends découlant de l’administration d’un programme de soin de santé. La nature réelle de l’Administration et de ses pouvoirs démontre qu’elle n’est pas un office fédéral et nous soumettons donc que les décisions de l’Administration ne sont pas des décisions du ressort de la compétence fédérale.

 

2)   Concernant la demande de prorogation de délai des demandeurs qui est théorique, la Cour ne possède pas la juridiction à cet égard comme expliqué ci-dessus

 

[86]           Malgré que la Cour ne possède pas la compétence, et même si elle l’aurait, la prorogation du délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire suivant le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne serait pas accordée aux requérants dans le contexte actuel.

 

[87]           La Cour considère quatre critères lorsqu’elle évalue une demande de prorogation de délai, tel qu’il fut exposé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c Hennelly (1999), 244 NR 399, 89 ACWS (3d) 376, qui fut produite par les demandeurs :

1)         une intention constante de poursuivre sa demande;

2)         que la demande est bien fondée;

3)         que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et,

4)         qu'il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

 

Absence d’intention constante du requérant

[88]           Ce n’est que le 23 juin 2009 que les requérants ont introduit une requête à la Cour supérieure du Québec pour dommages et intérêts.

 

[89]           Dans cette requête, les requérants ont demandé à la Cour supérieure d’interpréter le régime de soin de santé et de déclarer qu’ils avaient droit à certaines prestations d’assurances et d’en ordonner le paiement.

 

[90]           Les requérants ont ainsi tenté de contourner la décision finale du Comité des appels de l’Administration en demandant à la Cour supérieure de procéder à l’évaluation des obligations contractuelles, sans toutefois demander l’annulation de la décision du Comité des appels.

 

[91]           Ce n’est qu’après le dépôt de la requête en irrecevabilité de l’Administration que les requérants ont demandé l’annulation de la décision de l’Administration, suivant les articles 947 et s. du Code de procédure civile.

 

[92]           Dans un autre ordre d’idée, la décision de la Cour d’appel a eu pour effet de remettre les parties dans l’état où elles étaient.

 

[93]           La requête introductive d’instance des demandeurs a été déposée un an après la décision de l’Administration.

[94]           Les requérants auraient donc été forclos de déposer leur demande en révision judiciaire puisque prescrite devant la Cour fédérale ou la Cour supérieure provinciale sans se prononcé à l’égard de la Cour supérieure du Québec.

 

L’absence d’explication raisonnable du retard du requérant

[95]           Pour les fins que de la Cour fédérale, la partie qui demande une prorogation de délai doit être en mesure de fournir une explication pour tout le délai en cause (Arteaga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 868).

 

[96]           Les requérants plaident que si une erreur peut leur être reprochée, il s’agit d’une erreur de leurs procureurs.

 

[97]           Pour les fins de la Cour fédérale, les requérants devaient donc faire preuve d’une grande diligence dans l’exercice de leurs droits.

 

Motif sérieux

[98]           En l’espèce, ceci est un domaine spécialisé, le remboursement de frais médicaux, gérés par un assureur expérimenté (Sun Life) qui se trouve sous la supervision du Conseil d’administration de la défenderesse qui comprend des représentants des bénéficiaires (agents négociateurs).

 

[99]           La révision d’une décision de l’Administrateur (Sun Life) est une question administrative et cette révision doit être faite en tenant compte des circonstances et des finalités du régime.

 

[100]       Les requérants se plaignent aussi de l’interprétation des faits et d’un manquement aux principes de justice naturelle.

 

[101]       Essentiellement, ce qui ressort des soumissions des requérants, c’est qu’ils sont en désaccord avec la décision de l’Administration.

 

[102]       Sauf dans la mesure où il existe des dispositions légales ou des règlements ayant force de loi et indiquant le contraire, il n'y a aucune obligation de se conformer à une procédure particulière ou de respecter les règles régissant la réception des dépositions généralement applicables aux tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires ou à une procédure accusatoire (Ross c Canada, 2003 CAF 296).

 

[103]       Les requérants ont pu faire valoir leur point de vue à l’intérieur du contexte prévu pour ceci.

 

Le préjudice

[104]       Les délais imposés pour déposer une demande de contrôle judiciaire sont impératifs, à moins qu’une Cour n’en autorise la prorogation.

 

[105]       En l’espèce, les requérants ont déposé leur requête introductive plus d’un an après la décision du Comité des appels.

 

[106]       Suite aux circonstances du cas et le contexte dans lequel se retrouve les demandeurs, la Cour réitère que, dans le cas présent, la décision de la Cour d’appel a eu pour effet de remettre les parties dans l’état où ils étaient et, également, la Cour rappelle que la jurisprudence a reconnu que le délai raisonnable était de trente jours, sauf circonstances exceptionnelles, telles que l’expose la Cour d’appel dans l’affaire maintes fois citée Loyer c Québec (Commission des affaires sociales), ci-dessus.

 


JUGEMENT

Suite aux arguments des défendeurs, la Cour fédérale donne son accord à la position des défenderesses concernant la juridiction de la Cour fédérale, ou, plutôt, de son manque de juridiction dans le cas présent;

Après avoir considéré les documents déposés devant la Cour et les représentations des parties;

Comme il ne s’agit pas de l’interprétation d’un texte législatif fédéral qui devrait être soumis au contrôle de la Cour fédérale, la Cour fédérale ne possède pas la juridiction requise pour entretenir la matière en question.

 

            EN CONSÉQUENCE LA COUR ORDONNE le rejet de la demande des demandeurs.

 

OBITER

 

Madame Pontbriand et monsieur Malo aimeraient s’adresser à une instance sans savoir à qui s’adresser suite aux soins reçus à cause d’un accident cérébrovasculaire subi par monsieur Malo outre-mer pour laquelle le couple, avancé en âge, a déboursé cent quarante mille dollars (140 000$). Le couple essaie de trouver à quelle porte frapper pour revendiquer leurs droits afin de résoudre la crise personnelle qu’il vit.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        11-T-12

 

INTITULÉ :                                      FRANCE PONTBRIAND ET RAYMOND MALO

                                                            c

ADMINISTRATION DU RÉGIME DE SOINS

DE SANTÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE

ET

SUN LIFE DU CANADA, COMPAGNIE D’ASSURANCE-VIE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 31 août 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                     le 31 août 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean Tremblay

Dominique Giguère

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Claude Tardif

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gilbert Simard Tremblay, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Rivest, Schmidt

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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