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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20110818


Dossier : T-681-11

Référence : 2011 CF 1008

Ottawa (Ontario), le 18 août 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

ENTRE :

 

STEPHANIE ANNE PICK

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

1180475 ALBERTA LTD., FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM DE QUEEN OF TARTS, ET LINDA KEARNEY

 

 

 

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de la marque est réputé être violé par une personne non admise à l’employer selon la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou nom commercial créant de la confusion.

 

 

II.  Introduction

[2]               Il s’agit notamment, en l’espèce, d’une action en contrefaçon de marque de commerce et en commercialisation trompeuse, engagée en vertu des dispositions de la Loi sur les marques de commerce, par la demanderesse, Mme Stephanie Ann Pick, contre les défenderesses, 1180475 Alberta Ltd. et Mme Linda Kearney.

 

[3]               La déclaration, déposée le 19 avril 2011, a été signifiée aux défenderesses le 11 mai 2011 (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[4]               Les défenderesses n’ont pas déposé de défense dans les délais prescrits par les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et n’ont finalement déposé aucune défense (affidavit de Stephanie Anne Pick, en date du 2 août 2011).

 

[5]               N’ayant déposé aucune défense, les défenderesses sont, aux termes des Règles des Cours fédérales, désormais en défaut (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[6]               Les défenderesses n’ont non seulement pas déposé ni signifié de défense dans les délais prescrits, mais n’ont, de fait, déposé aucune défense en l’espèce. Cela étant, Mme Pick était en droit de présenter par écrit une requête ex parte.

 

III.  La procédure judiciaire

[7]               Par requête en jugement par défaut, Mme Pick sollicite de la Cour :

a)      un jugement déclaratoire portant qu’elle a le droit exclusif d’employer, au Canada, la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS ou toute variante lui ressemblant au point de créer de la confusion, en liaison avec des [traduction] « [p]roduits de boulangerie, nommément tartes, biscuits, gâteaux, petits gâteaux, pains, bonhommes de pain d’épices décorés ainsi que biscuits de fête, quiches et tartelettes; services de magasin de vente en gros et au détail spécialisé dans les produits de boulangerie »;

b)      un jugement déclaratoire interdisant aux défenderesses d’employer tout nom commercial ou marque de commerce utilisant les mots THE QUEEN OF TARTS, QUEEN OF TARTS, ou toute variante leur ressemblant au point de créer de la confusion;

c)      un jugement déclaratoire portant que 1180475 a contrefait, ou est réputée avoir contrefait, contrairement à l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce, la marque de commerce déposée appartenant à Mme Pick, ainsi qu’un jugement déclaratoire portant que Mme Kearney a, en tant qu’unique administratrice de la société 1180475, autorisé ou ordonné la contrefaçon en cause;

d)      un jugement déclaratoire portant que la société 118475 a attiré l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’elle a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises et ses services ou son entreprise et ceux de Mme Pick, contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, ainsi qu’un jugement déclaratoire portant que Mme Kearney, en tant qu’unique administratrice de 1180475, a autorisé ou ordonné cette commercialisation trompeuse;

e)      une injonction permanente interdisant aux défenderesses, leurs promoteurs, cadres, associés, administrateurs, mandataires, porteurs de licence, employés ainsi que toutes personnes sur lesquelles elles exercent un contrôle, d’employer, dans un nom commercial ou une marque de commerce, que ce soit de manière directe ou indirecte, les mots THE QUEEN OF TARTS, QUEEN OF TARTS, ou toute variante leur ressemblant au point de créer de la confusion;

f)        la somme de 10 000 $ à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon de marque de commerce et commercialisation trompeuse en contravention de l’article 20 et de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;

g)      les dépens taxés de Mme Pick;

h)      toute autre réparation que la Cour jugera bon d’accorder.

 

L’identification des parties

[8]               Mme Pick est propriétaire de la marque de commerce déposée au Canada, THE QUEEN OF TARTS (LMC636,521). Elle est diplômée de la California Culinary Academy, de San Francisco, en Californie, et exploite à Toronto, en Ontario, depuis plus de 10 ans, une boulangerie (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[9]               La société 1180475 a un étal sur un marché de producteurs du centre‑ville d’Edmonton, en Alberta, et exploite aussi à Edmonton, une boulangerie. Mme Kearney est l’unique administratrice de la société 1180745 (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

La marque de commerce et l’entreprise de Mme Pick

[10]           Le ou vers le 14 février 1999, Mme Pick a adopté et commencé à employer le nom commercial et la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS, à la fois sur ses produits et en liaison avec eux, en l’occurrence des [traduction] « [p]roduits de boulangerie, nommément tartes, biscuits, gâteaux, petits gâteaux, pains, bonhommes de pain d’épices décorés ainsi que biscuits de fête, quiches et tartelettes; services de magasin de vente en gros et au détail spécialisé dans les produits de boulangerie » (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[11]           Mme Pick est propriétaire de la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS (LMC636,521), enregistrée le 31 mars 2005 auprès du Bureau des marques de commerce du Canada, en liaison avec des [traduction] « [p]roduits de boulangerie, nommément tartes, biscuits, gâteaux, petits gâteaux, pains, bonhommes de pain d’épices décorés ainsi que biscuits de fête, quiches et tartelettes; services de magasin de vente en gros et au détail spécialisé dans les produits de boulangerie » (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[12]           La marque de commerce en question a été déposée auprès du Registraire des marques de commerce du Canada (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[13]           Mme Pick a, dans le cadre de sa publicité et de la promotion de ses produits et services, largement employé la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS au Canada, tant dans les journaux et les revues destinées aux professionnels du secteur ou aux consommateurs, qu’à la télévision et à la radio ou sur Internet (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[14]           Le nom commercial et la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS a figuré en bonne place dans les publicités, sur les sites Internet, et sur les emballages des produits commercialisés par Mme Pick, ainsi que dans son magasin (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[15]           Étant donné qu’elle a été largement employée, y compris dans la publicité et les activités de promotion, la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS est, dans l’ensemble du Canada, immédiatement reconnaissable et associée à la qualité des produits de boulangerie et services connexes offerts par Mme Pick. Dans l’esprit du public, la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS se rattache à la source des biens et services vendus et offerts par Mme Pick (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

L’entreprise et les activités illégales des défenderesses

[16]           Mme Pick s’est aperçue que la société 1180475 exploitait un étal dans le cadre d’un marché de producteurs du centre-ville d’Edmonton, en Alberta, et que cette société avait en outre, aux environs du mois de novembre 2010, ouvert, là encore à Edmonton, une boulangerie. Les activités des défenderesses en ce domaine ont porté Mme Pick à engager une action en justice à l’encontre à la fois de la société 1180475 et de Mme Kearney, afin de mettre un terme aux contrefaçons décrites plus haut, et aussi afin de protéger Mme Pick contre le risque de confusion entraîné par les activités des défenderesses (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[17]           Mme Pick demande maintenant à la Cour de faciliter les autres mesures qu’elle entend prendre afin d’empêcher et de décourager la société 1180475 et Mme Kearney de persister dans le comportement dont il est fait état (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[18]           L’achalandage lié au nom commercial/à la marque de commerce de Mme Pick est, en fait, l’avoir le plus précieux de cette dernière. Cela étant, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, Mme Pick risque d’être atteinte dans sa réputation, et risque de voir cet achalandage atteint lui aussi en raison des ventes que le comportement des défenderesses pourrait manifestement lui faire perdre. Les consommateurs pourraient en effet se porter acquéreurs de biens et de services autres que ceux que Mme Pick offre normalement, biens et services sur lesquels Mme Pick n’exercerait aucun contrôle et qui pourraient, en raison d’une éventuelle différence de qualité, nuire à la réputation de Mme Pick et à l’achalandage qui s’attache à sa marque (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[19]           Mme Kearney est l’unique administratrice de la société 1180475 et, en sa qualité d’unique administratrice, elle aura donc autorisé ou ordonné la contrefaçon en cause et/ou la commercialisation trompeuse. Elle est donc, avec 1180475, solidairement responsable des actes de contrefaçon de la marque et/ou de commercialisation trompeuse qui ont eu lieu. L’enregistrement de la marque de commerce de Mme Pick lui aurait été signalé par une recherche de dénomination, tel que NUANS. Soit Mme Kearney a décidé d’employer l’appellation QUEEN OF TARTS sans effectuer de recherche de dénomination afin de signaler les conflits éventuels (et a donc sciemment et délibérément fait quelque chose qui allait vraisemblablement constituer une contrefaçon de marque et/ou une commercialisation trompeuse), soit Mme Kearney a bien effectué une recherche de dénomination afin de repérer d’éventuels conflits, mais a choisi d’en ignorer les résultats et de se comporter d’une manière qui allait vraisemblablement constituer une contrefaçon de marque et/ou une commercialisation trompeuse (et ce faisant, a manifesté son indifférence au risque de contrefaçon et/ou de commercialisation trompeuse) (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[20]           Ajoutons à cela qu’avant 2003, Mme Kearney vivait à Toronto, et qu’elle a donc pu avoir connaissance de l’appellation THE QUEEN OF TARTS, marque de commerce appartenant à Mme Pick, étant donné que celle‑ci exploitait à l’époque une boulangerie à Toronto (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[21]           Mme Pick entend veiller au respect de sa marque de commerce afin de protéger sa réputation et l’achalandage se rattachant à cette marque, et protéger aussi les intérêts du consommateur canadien (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

Le défaut

[22]           Une déclaration a été déposée le 19 avril 2011 et signifiée aux défenderesses le 11 mai 2011 (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[23]           Les défenderesses n’ont pas déposé de défense dans les délais prescrits par les Règles des Cours fédérales, et, en définitive, n’ont déposé en l’espèce aucune défense (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[24]           Étant donné qu’elles n’ont déposé aucune défense, les défenderesses se trouvent actuellement en défaut selon les Règles des Cours fédérales (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

IV. Analyse

[25]           Lorsqu’un défendeur ne veille pas, dans les délais fixés par l’article 304 des Règles des Cours fédérales, à déposer et à signifier une défense (c.‑à‑d. 30 jours après la signification de la déclaration, si la signification a eu lieu au Canada), un demandeur peut, par voie de requête, demander un jugement contre le défendeur à l’égard de sa déclaration (paragraphe 210(2) des Règles des Cours fédérales).

 

[26]           Cette requête peut, par écrit, être présentée ex parte, (paragraphe 210(2) et article 369 des Règles des Cours fédérales).

 

[27]           En l’espèce, les défenderesses n’ont pas déposé ni signifié de défense, ni dans les délais prescrits, ni même après. Cela étant, Mme Pick est en droit de présenter par écrit une requête ex parte, (affidavit de Stephanie Anne Pick).

 

[28]           La Cour est en plein accord avec l’argumentation de la demanderesse.

 

L’article 19 – le droit exclusif à l’emploi de la marque de commerce de la demanderesse

[29]           L’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de marchandises ou de services donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services (article 19 de la Loi sur les marques de commerce).

 

[30]           La marque de commerce THE QUEEN OF TARTS, telle que définie plus haut, et dont est propriétaire Mme Pick, a été valablement enregistrée en liaison avec divers produits de boulangerie et des services de magasin de vente en gros, et Mme Pick a donc le droit exclusif de l’employer, dans tout le Canada, en liaison avec ces marchandises et services.

 

L’article 20 – la violation

[31]           Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de celle‑ci est réputé être violé par une personne non admise à l’employer selon la Loi sur les marques de commerce et qui vend, distribue ou annonce les marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion (article 20 de la Loi sur les marques de commerce).

 

[32]           Mme Pick est la propriétaire inscrite de la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS et, cela étant, le fait de vendre, de distribuer ou d’annoncer les marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, est réputé constituer une violation des droits que Mme Pick a sur la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS.

 

[33]           En l’occurrence, la société 1180475 a vendu, distribué et/ou annoncé à la fois des marchandises (produits de boulangerie) et des services (vente au détail de produits de boulangerie) en liaison avec une marque de commerce et/ou un nom commercial créant de la confusion, en l’espèce, la marque de commerce/nom commercial QUEEN OF TARTS.

 

[34]           Aux fins, notamment, de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion ou est susceptible d’en créer avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés (paragraphe 6(1) de la Loi sur les marques de commerce).

 

[35]           En particulier, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale (paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce).

 

[36]           De même, l’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale (paragraphe 6(4) de la Loi sur les marques de commerce).

 

[37]           Ainsi, s’agissant de décider si, dans de telles circonstances, il y a effectivement confusion, le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui entend ou qui voit le nom QUEEN OF TARTS associé aux marchandises et services offerts par la société 1180475, alors qu’il n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de Mme Pick, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques et/ou le nom (Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), au paragraphe 20).

 

[38]           Pour décider si une marque de commerce (ou un nom commercial) crée de la confusion au sens des dispositions de la Loi sur les marques de commerce, c’est-à-dire si son emploi, en même temps que l’autre marque, est susceptible de porter un acheteur à penser que les marchandises liées à cette deuxième marque proviennent de la même source, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes, et notamment des cinq principaux facteurs que le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce prescrit de prendre en compte (Re Haw Par Brothers International Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1979), 48 C.P.R. (2d) 65 (C.F. 1re inst.), à la page 70.

 

[39]           Les cinq principaux facteurs dont la Cour doit tenir compte pour dire si une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, c’est-à-dire :

a)      le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b)      la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c)      le genre de marchandises, services ou entreprises;

d)      la nature du commerce;

e)      le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

[40]           En l’espèce, les facteurs que prévoit le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce portent à conclure qu’il y a effectivement confusion :

                     i.                        le caractère distinctif inhérent et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus. THE QUEEN OF TARTS a acquis un certain renom au cours des 10 dernières années. Mme Pick ayant largement employé, annoncé et promu la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS, cette marque est connue, reconnue et associée exclusivement dans tout le Canada à une certaine qualité de produits de boulangerie et services connexes offerts par Mme Pick. La marque de commerce THE QUEEN OF TARTS est en outre, dans l’esprit du public, associée à Mme Pick en tant que source unique et exclusive des marchandises vendues ou des services offerts sous cette marque.

La société 1180475, par contre, n’a commencé à employer cette marque que beaucoup plus tard, alors que la marque de commerce de Mme Pick était déjà connue au Canada. La marque employée par 1180745 n’a aucun caractère distinctif inhérent, n’est pas bien connue et n’a pas acquis non plus de signification secondaire.

b.         La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage. Mme Pick emploie ses marques de commerce depuis 1999, alors que ce n’est que plus tard que la société 1180475 a commencé à employer la marque de commerce/le nom commercial QUEEN OF TARTS. Mme Pick ne sait pas à quelle époque 1180475 a commencé à employer la marque de commerce QUEEN OF TARTS à son étal du marché de producteurs, mais, à ce qu’elle sache, la boulangerie d’Edmonton a ouvert ses portes aux environs du mois de novembre 2010.

c. et d. Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce. Les marchandises et services offerts par la société 1180475 sous la marque de commerce/le nom commercial QUEEN OF TARTS peuvent prêter à confusion avec les marchandises et services de Mme Pick (produits de boulangerie et services connexes).

e.         Le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. D’une manière générale, les marques de commerce ou noms commerciaux doivent être examinés [traduction] « non pas sous l’angle d’une comparaison détaillée, mais selon la première impression qu’on en retire » (Ortho Pharmaceutical Corp. c. Mowatt & Moore Ltd. (1972), 6 C.P.R. (2d) 161 (C.F. 1re inst.), à la page 166.

La marque QUEEN OF TARTS de la société 1180475 reproduit intégralement la marque de Mme Pick, THE QUEEN OF TARTS, si ce n’est pour le mot « the ». Les deux marques se ressemblent beaucoup dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

Les circonstances de l’espèce

[41]           Outre les cinq facteurs dont il est fait état ci-dessus, le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce oblige également la Cour à tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce. La marque de commerce/nom commercial QUEEN OF TARTS entraîne manifestement une confusion et, cela étant, l’emploi de cette marque par la société 1180475 est contraire à l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce. Les défenderesses n’ont pas répondu à la déclaration de Mme Pick, et n’ont pas non plus fourni d’explication susceptible de justifier leur emploi d’une marque de commerce et d’un nom commercial quasiment identiques.

 

Le paragraphe 7(b) – la commercialisation trompeuse

[42]           La Loi sur les marques de commerce interdit à toute entreprise d’appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’elle a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre (alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce).

 

[43]           En se prévalant, ainsi que nous l’avons vu plus haut, de la marque de commerce et du nom commercial QUEEN OF TARTS dans le cadre de son exploitation d’une boulangerie, la société 1180475 a appelé l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise en contravention à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

 

[44]           En agissant de la sorte, 1180475 a enfreint les dispositions de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

 

La responsabilité de Mme Kearney

[45]           Un administrateur d’une entreprise défenderesse engage sa responsabilité personnelle en cas de commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon et/ou de la commercialisation trompeuse (Mentmore Manufacturing Co. c. National Merchandise Manufacturing Co. (1978), 40 C.P.R. (2d) 164 (C.A.F.)).

 

[46]           Mme Kearney est l’unique administratrice de la société 1180475 et, en cette qualité, elle a autorisé ou ordonné la contrefaçon et/ou la commercialisation trompeuse. Elle est par conséquent solidairement responsable avec 1180475 des faits de contrefaçon et/ou de commercialisation trompeuse qui en ont résulté. Mme Kearney a soit donné des instructions concernant l’emploi de la dénomination QUEEN OF TARTS, sans effectuer de recherche de dénomination afin de découvrir les éventuels conflits (et s’est donc délibérément livrée à des actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon et/ou une commercialisation trompeuse) ou, alors, Mme Kearney a bien effectué des recherches préliminaires afin de déceler d’éventuels conflits, mais a choisi d’ignorer les résultats de ses recherches (et a donc commis délibérément des actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon ou de commercialisation trompeuse).

 

[47]           Il est par ailleurs avéré que Mme Kearney a, avant l’année 2003, vécu à Toronto, et il est donc possible qu’elle ait eu connaissance de la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS dont Mme Pick est propriétaire, étant donné qu’à l’époque, celle‑ci exploitait une boulangerie à Toronto.

 

Dommages-intérêts

[48]           En ce qui concerne le calcul des dommages-intérêts qu’il convient d’allouer en cas de contrefaçon ou de commercialisation trompeuse, la méthode à suivre est la suivante :

[traduction]

 

Pour calculer les dommages-intérêts, on considère que le défendeur est responsable de toute perte réellement subie par le demandeur, qui est la conséquence naturelle et directe des actes illégaux du défendeur, y compris toute perte de commerce provenant directement ou indirectement de ces actes ou leur étant imputable, qui constituent une atteinte à la réputation, à l’entreprise, à l’achalandage ou au commerce du demandeur. Il faut supprimer du calcul les dommages-intérêts spéculatifs et non prouvés. Le tribunal estimera les dommages sur la même base que le ferait un jury et son estimation pourra tenir compte du préjudice causé à l’achalandage du demandeur, car le tribunal agissant comme jury et faisant preuve d’une connaissance normale des affaires et de bon sens, a le droit de considérer qu’il ne peut pas y avoir de commerce trompeur sans que l’achalandage en pâtisse dans une certaine mesure. Les difficultés que le calcul des dommages-intérêts présente ne dispensent pas le tribunal de l’obligation d’y procéder du mieux qu’il peut. Il a le droit de déduire des actes accomplis par les parties, leurs résultats probables. S’il ne peut pas calculer avec exactitude les dommages-intérêts, il doit s’en tenir à l’estimation la plus raisonnable.

 

(Ragdoll Productions (UK) Ltd. c. Personnes inconnues (2002), 21 C.P.R. (4th) 213 (C.F. 1re inst,), au paragraphe 40).

 

[49]           En cas de violation de marque de commerce et du délit connexe d’imitation frauduleuse, il est de jurisprudence constante (article 20 et alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce) que les dommages sont présumés établis une fois fait la preuve de l’imitation frauduleuse (Oakley, Inc. c. Untel, 8 C.P.R. (4th) 506 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 7).

 

[50]           Mais, même dans le cas d’une contrefaçon ou d’une violation non assortie d’une allégation d’imitation frauduleuse, la Cour peut accorder des dommages-intérêts pour la perte d’achalandage sans qu’il soit nécessaire de faire la preuve d’un dommage effectif (Oakley, précitée, au paragraphe 8).

 

[51]           En cas de défaut, étant donné le manque de documentation et de renseignements financiers, l’évaluation du préjudice soulève invariablement des difficultés. Ceux qui peuvent se prévaloir d’un droit de propriété intellectuelle peuvent, en cas de contrefaçon, prétendre à des dommages-intérêts, sans avoir à rapporter la preuve du préjudice subi ou de l’atteinte à leur achalandage (Oakley, précitée, au paragraphe 10).

 

[52]           En cas de défaut, où on ne peut pas faire la preuve du préjudice subi, la Cour a accordé des dommages‑intérêts conventionnels (c.-à-d., 3 000 $ dans le cas de vendeurs ambulants, 6 000 $ dans le cas de ventes effectuées dans des locaux fixes et 24 000 $ dans le cas de fabricants et distributeurs) ou en fixant simplement le montant des dommages-intérêts compensatoires dus en raison de la violation des droits du demandeur, sans exiger la preuve de l’étendue du préjudice subi (Oakley, précitée, au paragraphe 11; Radgoll Productions, précitée, aux paragraphes 35, 42 et 43).

 

[53]           Le montant des dommages-intérêts est en l’espèce fixé à 10 000 $ en compensation des ventes manquées, de l’atteinte à la réputation de Mme Pick et du préjudice subi au niveau de son achalandage en raison des agissements des défenderesses.

 

Réparation accessoire

[54]           Compte tenu des circonstances de cette affaire, Mme Pick est en droit de solliciter, à titre de réparation, un jugement déclaratoire ainsi que l’injonction détaillée ci-dessus aux alinéas 2a), b), c), d) et e) (Horn Abbot Ltd. c. Thurston Haze Developments Ltd. (1997), 77 C.P.R. (3rd) 10 (C.F. 1re inst.), à la page 22; Sullivan Entertainment Inc. c. Anne of Green Gables Licensing Authority Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 344 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 11, 18 et 20; Bagagerie SA c. Bagagerie Willy Ltée (1992), 45 C.P.R. (3d) 503 (CAF), à la page 515; Loi sur les Cours fédérales, article 44; Règles des Cours fédérales, article 64).

 

V.  Conclusion

[55]           Compte tenu de la violation, par les défenderesses, de l’article 20 et du paragraphe 7b) de la Loi sur les marques de commerce, telle que dépeinte ci-dessus, le jugement de la Cour traduit les réparations qui sont demandées.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

  1. que Mme Stephanie Anne Pick a le droit exclusif à l’emploi de la marque de commerce THE QUEEN OF TARTS, ou de toute variante pouvant prêter à confusion, au Canada, et en liaison avec des [traduction] « [p]roduits de boulangerie, nommément tartes, biscuits, gâteaux, petits gâteaux, pains, bonhommes de pain d’épices décorés ainsi que biscuits de fête, quiches et tartelettes; services de magasin de vente en gros et au détail spécialisé dans les produits de boulangerie »;
  2. qu’il est enjoint aux défenderesses de n’employer aucun nom commercial ou marque de commerce contenant les mots THE QUEEN OF TARTS, QUEEN OF TARTS ou quelque variante prêtant à confusion;
  3. que l’on sache que la société 1180475 a contrefait, ou est réputée avoir contrefait, en contravention à l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce, la marque de commerce déposée appartenant à Mme Pick, et que Mme Kearney, en sa qualité d’unique administratrice de la société 1180475, a autorisé ou ordonné cette violation;
  4. qu’il est fait savoir que la société 1180475 a appelé l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise, de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’elle a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux de Mme Pick, contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, et qu’il est fait savoir, en outre, que Mme Kearney, en sa qualité d’unique administratrice de la société 1180475, a autorisé ou ordonné cette commercialisation trompeuse;
  5. qu’il est, par injonction permanente, interdit aux défenderesses, leurs promoteurs, dirigeants, associés, administrateurs, mandataires, licenciés, employés ainsi qu’à toute personne soumise à leur contrôle, d’employer, de manière directe ou indirecte, dans une marque de commerce ou un nom commercial, les mots THE QUEEN OF TARTS, QUEEN OF TARTS ou toute variante susceptible de prêter à confusion en raison de sa ressemblance;
  6. que Mme Pick a droit à des dommages-intérêts et que les défenderesses sont solidairement responsables du versement à la demanderesse de la somme de 10 000 $, qui lui est accordée à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon de sa marque de commerce et commercialisation trompeuse, en contravention à l’article 20 et à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;
  7. que Mme Pick se voit adjuger ses dépens taxés.

 

Le présent jugement porte intérêt à partir de cette date, au taux appliqué par la Cour.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-681-11

 

INTITULÉ :                                       STEPHANIE ANNE PICK c.

1180475 ALBERTA LTD., FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM DE QUEEN OF TARTS ET LINDA KEARNEY

 

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT ET EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE SHORE

 

DATE :                                               Le 18 août 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

R. Aaron Rubinoff

Paul W. Donovan

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Linda Kearney

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Perley-Robertson, Hill & McDougall LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Linda Kearney

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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