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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110729

Dossier : T-1704-10

Référence : 2011 CF 965

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

SYED, Javed

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 13 septembre 2010 (la décision), par laquelle le directeur général – Autorité des griefs des Forces canadiennes (le DG) a rejeté le grief du demandeur fondé sur le paragraphe 29(1) de la Loi sur la défense nationale, L.R.C., ch. N-5 (la Loi), au motif qu’il a été traité équitablement et conformément aux politiques et directives des Forces canadiennes et n’a donc pas été lésé.

 

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur est membre des Forces canadiennes. Il s’est inscrit au programme de technicien en géomatique (TECH GEO) en 2006. Il a échoué trois exercices de base au niveau de qualification (NQ) 4 du cours et, par conséquent, un Comité d’évaluation des progrès (CEP) a été convoqué, lequel a déterminé qu’il devrait cesser son instruction de TECH GEO.

 

[3]               Le demandeur a déposé un grief à l’encontre de cette décision et a eu gain de cause. On lui a crédité son NQ4 et il s’est inscrit au NQ5 en septembre 2007. Le demandeur n’a pas bien réussi le NQ5 et a échoué deux objectifs de rendement. En conséquence, un deuxième CEP a recommandé en février 2008 que le demandeur cesse son instruction de TECH GEO et qu’il envisage un autre métier. Le CEP a estimé que, malgré ses efforts, le demandeur n’était pas en mesure d’appliquer ses connaissances théoriques à des situations pratiques et n’était pas prêt pour un déploiement opérationnel. Une aide supplémentaire et un entraînement en cours d’emploi ne remédieraient pas à cette inaptitude. Le commandant du demandeur a souscrit à la recommandation et a ordonné qu’elle soit appliquée.

 

[4]               Le 24 juillet 2008, le demandeur a formulé un grief à l’encontre de la décision du deuxième CEP. Son grief a été examiné par l’autorité de première instance (l’API), à savoir le commandant de la base des Forces canadiennes Borden/Groupe de l’instruction de soutien des Forces canadiennes. En juin 2009, l’API a conclu que la décision de cesser l’instruction du demandeur était raisonnable pour les motifs énoncés par le CEP. L’API était convaincue que le CEP avait agi conformément aux politiques des Forces canadiennes et à l’Instruction permanente d’administration de la BFC Borden (l’IPABB 1103).

 

[5]               À la demande du demandeur, la décision de l’API a été soumise à un nouvel examen par l’autorité de dernière instance (l’ADI) dans la procédure de règlement des griefs, à savoir le directeur général – Autorité des griefs des Forces canadiennes. Le 13 septembre 2010, l’ADI a conclu que la décision du CEP était raisonnable et a été rendue conformément à l’IPABB 1103. L’ADI a également déterminé que la procédure était équitable. Bien que les membres de l’École de cartographie militaire (ECM) aient siégé au CEP, ils n’interagissaient pas quotidiennement avec le demandeur et étaient donc réputés objectifs. Il s’agit de la décision faisant l’objet du présent contrôle.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

 

[6]               L’ADI a examiné le grief du demandeur et a souligné ses allégations principales : il n’a pas eu l’occasion de recevoir une instruction de rattrapage et de reprendre certains travaux, tests et examens; il a eu l’occasion de reprendre l’examen à l’égard d’un objectif de rendement, mais n’a pas eu l’autorisation de bénéficier d’une instruction de rattrapage ou de refaire les travaux; il a été évalué injustement sur certains travaux parce que les questions et les travaux étaient sujets à interprétation; il n’a pas eu suffisamment de temps pour se préparer au CEP; le CEP ne lui a divulgué aucun renseignement; et son grief a été instruit par un CEP partial. L’ADI a ensuite indiqué que le demandeur désirait obtenir réparation notamment en se faisant créditer la partie du NQ5 qu’il avait terminée et en ayant la possibilité de reprendre l’objectif de rendement échoué après avoir bénéficié d’une instruction de rattrapage.

 

[7]               S’agissant de la demande du demandeur selon laquelle il a été privé d’une instruction de rattrapage, l’ADI a énuméré les différentes formes d’instruction de rattrapage dont il aurait pu se prévaloir, comme le tutorat individuel et une instruction de rattrapage après les heures normales. Sur ce fondement, l’ADI a conclu que les assertions du demandeur concernant l’absence d’instruction de rattrapage et l’impossibilité de bénéficier d’un instructeur étaient inexactes.

 

[8]               S’agissant de la prétention du demandeur selon laquelle il n’a pas été autorisé à reprendre les examens, l’ADI a indiqué que le demandeur a repris un examen pratique non identifié, pour lequel on lui a accordé trois semaines de temps de préparation. L’ADI a également indiqué que le demandeur a eu une autre occasion de reprendre un examen, occasion qu’il a perdue après avoir échoué plusieurs évaluations et parce qu’il n’avait aucune chance de réussir son cours, même en reprenant l’examen. À ce moment-là, le dossier du demandeur a été renvoyé à un CEP. L’ADI a convenu que le demandeur n’a pas toujours eu l’occasion de reprendre l’examen, mais a conclu que le refus de lui permettre de reprendre l’examen était bien fondé.

 

[9]               S’agissant de la prétention du demandeur selon laquelle il a été injustement évalué parce que certaines questions et certains travaux étaient sujets à interprétation, l’ADI a indiqué que l’école aurait évalué ses travaux au moyen des guides de notation applicables. Si les mauvais guides de notation avaient été utilisés, tous les étudiants auraient échoué. Par conséquent, l’ADI a conclu que le demandeur a été évalué adéquatement et équitablement sur tous les aspects du NQ5.

 

[10]           S’agissant de la prétention du demandeur selon laquelle ses camarades de classe ont reçu plus d’instruction pratique que lui, l’ADI a conclu qu’il a suivi le même programme que ses pairs et qu’il n’a donc pas reçu moins d’instruction pratique.

 

[11]           L’ADI a reconnu l’assertion du demandeur selon laquelle ses notes s’amélioraient au fil du temps, mais a souligné que nonobstant une telle amélioration, le nombre d’échecs soulevait toujours la préoccupation selon laquelle il n’était peut-être pas apte à suivre son instruction de TECH GEO.

 

[12]           L’ADI a pris acte de l’assertion du demandeur portant qu’il n’avait pas eu suffisamment de temps pour se préparer en vue du CEP. Comme le demandeur a été avisé de la convocation le 24 janvier 2008 et que le CEP a été convoqué le 4 février 2008, l’ADI était convaincue qu’un préavis de 12 jours était suffisant pour lui permettre de se préparer.

 

[13]           S’agissant de la prétention du demandeur selon laquelle certains membres du CEP ont manqué d’objectivité, l’ADI a affirmé qu’il avait comparé le nom des membres du CEP à celui du personnel qui avait signé les fiches d’incident, les formulaires d’évaluation, les rapports mensuels, le dossier d’orientation et les feuilles d’appréciation dans le dossier du demandeur. Il a conclu que ces membres n’interagissaient pas quotidiennement avec le demandeur. L’interaction quotidienne est le seul genre d’interaction interdit par les directives sur l’équité prévues dans l’IPABB 1103.

 

[14]           L’ADI était convaincue que le demandeur, bien qu’il n’ait pas reçu tous les renseignements pertinents au moment où le CEP a été convoqué, avait bel et bien reçu tous les renseignements dans le cadre de la procédure devant l’API. Par conséquent, le demandeur n’a pas été lésé.

 

[15]           L’ADI a également conclu que, selon les règlements applicables, le demandeur, en tant que plaignant, était chargé de justifier sa prétention selon laquelle il n’avait pas eu l’occasion de présenter ses arguments. L’ADI a conclu qu’elle n’avait aucun renseignement à analyser et à évaluer à cet égard.

 

[16]           L’ADI a conclu que, selon la preuve versée au dossier, le CEP a traité le demandeur équitablement à l’égard de son cours de TECH GEO au NQ5 et conformément aux politiques et directives des FC. Le demandeur n’a pas été lésé et, par conséquent, rien ne justifiait de lui accorder réparation.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[17]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

i.         L’ADI avait-elle raison de conclure dans sa décision que le demandeur n’aurait pas dû avoir l’occasion de reprendre un examen ou de refaire le cours au complet?

ii.       La décision était-elle fondée sur des conclusions de fait erronées?

iii.      La procédure de règlement des griefs a-t-elle été appliquée équitablement?

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[18]           Les dispositions suivantes de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. ch. N-5, s’appliquent en l’espèce :

Droit de déposer des griefs

 

29. (1) Tout officier ou militaire du rang qui s’estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes a le droit de déposer un grief dans le cas où aucun autre recours de réparation ne lui est ouvert sous le régime de la présente loi.

 

Right to grieve

 

29. (1) An officer or non‑commissioned member who has been aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Canadian Forces for which no other process for redress is provided under this Act is entitled to submit a grievance.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[19]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de procéder à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question précise dont elle est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette quête de la norme de contrôle se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’examen des quatre facteurs formant l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[20]           La première question concerne les conclusions de fait de l’ADI, lesquelles doivent être examinées selon la norme de la raisonnabilité. Voir Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315, 42 A.C.W.S. (3d) 886 (C.A.F.); Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, paragraphe 14; et Dunsmuir, précité, paragraphes 51 et 53.

 

[21]           La norme de contrôle applicable à une décision de l’ADI dans la procédure de règlement des griefs des Forces canadiennes est celle de la raisonnabilité. Voir Zimmerman c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1298, paragraphe 25.

 

[22]           Lorsque l’on examine une décision selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse se rapporte « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».Voir Dunsmuir, précité, paragraphe 47; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[23]           La troisième question a trait à l’équité procédurale. Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Voir Dunsmuir, précité, paragraphe 47.

 

LES ARGUMENTS

            Le demandeur

 

[24]           Le demandeur soutient que la décision repose sur des faits erronés; que le CEP, l’API et l’ADI ont agi de façon inéquitable en refusant de l’autoriser à reprendre une partie du cours ou à refaire le cours au complet; et que, en permettant aux membres du personnel de l’ECM de siéger au CEP, l’ADI a renoncé aux principes de l’équité procédurale pour une question de commodité administrative.

 

[25]           Le demandeur prétend que la décision repose sur des erreurs de fait. Comme l’ADI le reconnaît dans sa décision, l’API a commis une erreur en présumant que le demandeur avait recommencé une deuxième année (NQ5); ce qu’il n’a pas fait. De plus, bien que la décision indique que le demandeur a eu l’occasion de reprendre l’examen, ce dernier soutient qu’il n’était pas en mesure de le reprendre à ce moment-là parce qu’il était en train de passer un autre examen de préparation de cartes.

 

[26]           Suivant le paragraphe 18 de l’IPABB 1103, le CEP pouvait notamment permettre au demandeur de continuer son instruction avec ou sans instruction de rattrapage ou de continuer son instruction avec réévaluation. Le CEP s’est plutôt fondé sur l’opinion de l’ECM (une entité liée) pour conclure que le demandeur n’était pas en mesure de réussir l’examen de reprise et devrait donc être assujetti au recours le moins favorable, soit la cessation de son instruction de TECH GEO. Le demandeur conteste cette conclusion. D’autres collèges et universités du Canada permettent aux étudiants qui échouent à des cours de les reprendre, et certains permettent même aux étudiants de reprendre un examen sans avoir à refaire le cours au complet.

 

Le défendeur

                        La décision était raisonnable

 

[27]           Le défendeur soutient que la décision était raisonnable, compte tenu des nombreux éléments de preuve démontrant que le demandeur a échoué bon nombre d’examens et de travaux et qu’il n’était pas en mesure de réussir son cours de TECH GEO. Le demandeur affirme que l’API a commis une erreur en concluant qu’il avait assisté au cours de NQ5 deux fois plutôt qu’une. L’ADI a reconnu cette erreur mais estimait qu’elle était sans importance. La question de savoir si le demandeur avait assisté au cours précédemment n’a eu aucune incidence sur la décision finale portant que le demandeur avait échoué le NQ5.

 

[28]           Le demandeur prétend qu’il aurait dû avoir l’occasion de reprendre l’examen de préparation de cartes ou le cours de NQ5 au complet parce que le paragraphe 8 de l’IPABB 1103 le prévoit. Le défendeur fait valoir que le demandeur a mal interprété la politique. Le paragraphe 8 de l’IPABB 1103 renvoie à des options offertes au deuxième niveau de révision avant qu’un CEP ne soit convoqué. Au niveau de révision applicable au demandeur, soit le troisième niveau, le paragraphe 18 de l’IPABB 1103 prévoit que le CEP peut recommander qu’un militaire cesse son instruction. De plus, la reprise d’un examen n’est autorisée que si le militaire a des chances de le réussir. Dans le cas du demandeur, il avait peu de chances de réussir l’examen. Ainsi, l’ADI a agi raisonnablement en concluant que la décision de refuser la reprise de l’examen était valable.

 

            La procédure de règlement des griefs était équitable

 

[29]           Le défendeur prétend que les progrès réalisés par les militaires qui suivent de l’instruction dans les Forces canadiennes sont surveillés de près pour assurer que les questions d’instruction sont abordées d’une manière équitable et expéditive. L’IPABB 1103 porte sur les trois niveaux de la procédure d’évaluation des progrès, soit l’évaluation des progrès, le comité de révision indépendant et le comité d’évaluation des progrès. Le CEP évalue toutes les circonstances examinées aux premier et deuxième niveaux et se penche sur des questions qui risquent d’avoir une incidence importante sur l’instruction future de l’apprenant. Le CEP n’est convoqué que si l’apprenant éprouve des problèmes graves ou prolongés ou s’il est obligé de cesser son instruction.

 

[30]           Le défendeur affirme que l’équité procédurale consiste en trois éléments principaux : le droit du demandeur de connaître les éléments auxquels il doit répondre, la possibilité de présenter des observations et le droit à un décideur impartial. Chaque élément a été fourni en l’espèce.

 

[31]            Le 24 janvier 2008, le demandeur a reçu un avis écrit indiquant qu’un CEP serait convoqué et la raison de cette convocation. Comme l’ADI l’a reconnu dans sa décision, les travaux du demandeur, les travaux des étudiants, le matériel d’examen, les guides de notation et les examens auraient dû lui être divulgués à l’étape du CEP. Cette erreur a été subséquemment corrigée à l’étape de l’API; par conséquent, l’ADI a conclu que le demandeur n’avait pas été lésé. Le demandeur connaissait clairement les éléments auxquels il devait répondre.

 

[32]           Le demandeur a aussi eu le droit de présenter des observations au CEP et l’a exercé conformément à l’IPABB 1103.

 

[33]           Enfin, bien que le demandeur affirme que le personnel de l’ECM n’aurait pas dû être autorisé à siéger au CEP, le défendeur fait valoir que la composition du CEP était conforme à l’IPABB 1103. Les membres de l’école du demandeur n’ont pas été empêchés de siéger au CEP, dans la mesure où ils n’interagissaient pas quotidiennement avec le demandeur, ce qui était leur cas. Le demandeur n’a fourni aucun motif pour justifier cette prétention de non-impartialité. De plus, la décision faisant l’objet du contrôle est la décision de l’ADI, et non celle du CEP. Le demandeur n’a pas indiqué que l’ADI l’a privé de son droit à l’équité procédurale.

 

ANALYSE

 

[34]           Le demandeur se représente lui‑même dans cette affaire. Dans ses arguments oraux et écrits, il allègue des erreurs de fait et un manquement à l’équité procédurale, mais ne fournit que très peu d’éléments de preuve ou d’arguments convaincants au soutien de ses allégations. À l’audience du 19 avril 2011 à Ottawa, le demandeur a retiré ses arguments portant sur le manquement à l’équité procédurale et a dit à la Cour que sa demande était maintenant fondée sur le fait que l’ADI a agi déraisonnablement en choisissant le recours le plus drastique et sur le fait qu’on ne lui ait pas permis de reprendre les cours, les tests et les examens qu’il avait échoués.

 

Les erreurs de fait

 

[35]           Le demandeur affirme que la décision est fondée sur des erreurs de fait. Tout d’abord, il affirme qu’il n’a pas eu l’occasion de reprendre l’examen de préparation de cartes. Il affirme qu’il ne pouvait pas reprendre l’examen lorsqu’on lui a offert parce qu’il était en train de passer un autre examen de préparation de cartes. Il prétend également que l’examen de préparation de cartes n’était pas lié à la décision de le chasser du cours. Cette décision était fondée sur l’examen de préparation de cartes, et il n’a jamais eu l’occasion de le reprendre.

 

[36]           En ce qui concerne la reprise de l’examen, l’ADI fait remarquer que le demandeur a repris un examen pratique non identifié, mais n’a pas repris l’examen théorique de l’OREN 006. Voici la raison qu’on lui a donnée :

[traduction]

Initialement, on vous a donné l’occasion de reprendre l’examen, mais vous avez perdu cette occasion après que vous ayez échoué six des sept TDA et l’OREN 009. Compte tenu du nombre d’échecs, vous ne pouviez pas réussir l’OREN 006 peu importe votre note à la reprise de l’examen théorique. Par conséquent, il aurait été inutile de prévoir une nouvelle évaluation. Votre dossier a plutôt été renvoyé à un CEP. Comme il est indiqué à la page 70 des documents à divulguer, cette décision était conforme au plan d’instruction en vigueur à ce moment-là. Ils indiquent qu’un militaire peut être autorisé à reprendre un contrôle de rendement à l’égard de tout OREN échoué s’il a des chances de le réussir. Pour conclure, je conviens que vous n’avez pas toujours eu l’occasion de reprendre un examen, mais cette décision était bien fondée.

 

 

[37]           Il me semble que le demandeur est pédant sur ce point. Selon le plan d’instruction, la reprise d’un contrôle de rendement n’est autorisée que si le militaire a des chances de le réussir. Le demandeur n’a pas vraiment de chances de réussir l’examen, d’où la conclusion de l’ADI selon laquelle cette politique était valable. Je ne vois aucune erreur de fait à cet égard. Le dossier démontre que le demandeur a échoué ce qui suit :

a.                   le travail écrit final dans l’OCOM 009.05;

b.                  l’examen de compétence en armes à feu;

c.                   le travail pratique sur la reproduction de cartes;

d.                  l’OREN 001 complet;

e.                   la partie pratique, l’examen final, l’examen sur l’opérateur d’appareil de levé aérien et l’examen théorique final dans l’OREN 002B;

f.                    un travail, l’examen théorique et l’examen pratique final dans l’OREN 003;

g.                   le contrôle de rendement écrit dans l’OREN 004 et l’OREN 004 complet;

h.                   trois exercices, le contrôle de rendement écrit final, six des sept aides à la prise de décisions tactiques, l’examen théorique final et l’examen final dans l’OREN 006, ce qui a entraîné l’échec complet de l’OREN 006;

i.                     l’examen général en géomatique et le contrôle de rendement écrit final dans l’OREN 009, ce qui a entraîné l’échec complet de l’OREN 009.

 

Compte tenu de tous ces échecs et du plan d’instruction, on pourrait ne pas souscrire à la décision de l’ADI, mais je ne crois pas que l’on puisse affirmer qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Voir Dunsmuir, précité, paragraphe 47.

 

[38]            Le demandeur affirme également qu’il n’a pas eu l’occasion de reprendre le cours comme le permet l’IPABB 1103, au paragraphe 8, à l’alinéa a ou b. Toutefois, le demandeur interprète mal la politique telle qu’elle s’applique à sa situation. Le paragraphe 8 de l’IPABB 1103 renvoie aux options offertes au deuxième niveau de révision, avant qu’un CEP ne soit convoqué. Au niveau de révision applicable au demandeur, le CEP peut recommander qu’un militaire cesse son instruction. C’est précisément ce qui s’est produit en l’espèce, et le demandeur n’a pas démontré qu’une erreur de fait a été commise ou qu’une conclusion déraisonnable a été tirée à cet égard.

 

[39]           Le demandeur affirme également que l’API a commis une erreur de fait au paragraphe 8 de sa décision, où l’on présume qu’il a recommencé la deuxième année du NQ5. Toutefois, il ne s’agit pas d’une erreur dans la décision faisant l’objet du présent contrôle. Dans sa décision, l’ADI est d’accord avec le demandeur : [traduction] « Vous avez raison de dire au paragraphe 4 de vos observations que vous avez assisté au NQ5 une seule fois, et non deux. »

 

[40]           Manifestement, l’ADI n’a commis aucune erreur de fait. Elle a correctement cerné la situation, mais l’erreur commise par l’API n’a aucune incidence importante sur la décision de l’ADI. La décision de l’ADI tient compte de tous les faits au dossier. Le demandeur n’a pas expliqué comment une erreur commise par l’API, qui a été correctement décelée et prise en compte par l’ADI, peut constituer une erreur de fait ou une décision déraisonnable. Le demandeur n’accepte tout simplement pas la décision.

 

Manquement à l’équité

 

[41]           Le demandeur allègue également différentes formes de manquement à l’équité dans la décision, mais sa plainte réelle telle qu’elle a été confirmée à l’audience est la suivante :

[traduction]

Si le CEP, l’API ou l’ADI avait appliqué le principe de l’équité raisonnable, ils n’auraient pas choisi le recours le plus défavorable, soit la CI, et ne se seraient pas référer à l’OSP, s’appuyant sur un avis technique du personnel de l’École de cartographie militaire (ECM), une entité liée au CEP, quant à l’incapacité du demandeur de réussir la reprise de l’examen. Les collèges et universités du Canada permettent que des cours échoués soient repris et, dans certains cas, ils permettent même qu’un examen soit repris sans que l’étudiant ait à refaire le cours au complet.

 

 

[42]           Tout d’abord, le demandeur n’a pas invoqué que l’ADI, qui a rendu la décision faisant l’objet du contrôle, a manqué à l’équité procédurale. Bien que le demandeur ne le dise pas directement, je présume qu’il veut faire valoir que l’ADI a elle‑même agi d’une façon inéquitable en endossant une décision et une procédure viciées ou qu’elle a du moins agi déraisonnablement en ce faisant.

 

[43]           Ces  allégations ne sont rien de moins que de simples affirmations. Le demandeur ne présente aucun argument ou élément de preuve indiquant que le CEP en l’espèce n’a pas respecté la politique établie, dans sa composition ou ses délibérations, ou que les membres n’étaient pas complètement impartiaux dans leur évaluation de ses habiletés ou de ses besoins. Comme l’affirme le défendeur, le demandeur n’a tout simplement pas démontré pourquoi le personnel de son école, qui n’interagissait pas avec lui quotidiennement mais qui avait une connaissance précise des habiletés qu’un TECH GEO doit avoir, ne pouvait adéquatement évaluer ses progrès. De plus, le fait que d’autres collèges et universités du Canada permettent que des cours et des examens soient repris dans certaines circonstances ne signifie pas que le demandeur a été traité de façon inéquitable dans ce contexte où il est membre des Forces armées et est payé pour répondre à des objectifs précis. Le régime auquel il est assujetti est équilibré. Il permet notamment d’identifier les apprenants qui, sur le fondement de leur rendement antérieur, n’ont aucune aptitude en géomatique et n’ont aucune chance de se qualifier comme techniciens en géomatique. Le but n’est pas de les punir, mais bien de les réorienter afin qu’ils ne perdent pas de temps, de ressources et d’efforts à poursuivre un cours qu’ils ne seront raisonnablement pas en mesure de terminer.

 

[44]           Dans son avis de demande, le demandeur allègue que le membre no 2 du CEP se trouvait en situation de conflit d’intérêts et que le membre no 3 du CEP manquait d’objectivité, mais ces allégations ne sont pas prouvées et le demandeur n’y a pas donné suite. L’ADI a examiné cette question en profondeur.

 

[45]           En examinant la décision dans son ensemble, je ne saurais trouver quoi que ce soit qui pourrait être considéré comme une erreur susceptible de contrôle fondée sur l’absence de raisonnabilité ou d’équité procédurale. Le demandeur est évidemment déçu, mais cela ne signifie pas qu’il n’a pas été traité équitablement.

 

[46]           J’estime que la décision faisant l’objet du présent contrôle est raisonnable et a été rendue conformément à la procédure énoncée dans l’IPABB 1103.

 

[47]           Dans sa décision, l’ADI a reconnu le travail rigoureux du demandeur dans le programme, ce qui rend d’autant plus convaincant son argument portant que son inaptitude au métier de TECH GEO nuit à son succès.

 

[48]           Le demandeur prétend qu’il a été privé d’une mesure de rattrapage, mais l’ADI a renvoyé à des éléments de preuve démontrant que de l’aide lui était offerte sur demande et qu’il en avait demandée et reçue.

 

[49]           Le demandeur prétend qu’il n’a pas eu l’occasion de reprendre divers examens et travaux. Toutefois, il ressort clairement de ses propres observations et de la preuve examinée dans la décision que le demandeur a repris au moins un examen et prévoyait refaire un deuxième examen théorique. La reprise de l’examen théorique a toutefois été annulée, car le demandeur avait échoué tellement d’autres préalables et composantes qu’il n’aurait pu réussir l’objectif de rendement, peu importe le résultat de son examen. Selon la politique, il est possible de reprendre un examen si l’apprenant a des chances de le réussir. Comme le demandeur allait sûrement échouer, la décision d’annuler la reprise de l’examen était bien fondée.

 

[50]           Le demandeur soutient qu’il a été traité différemment de ses camarades de classe. Il affirme que les examens et travaux du cours de TECH GEO étaient sujets à interprétation et que cette approche subjective a joué contre lui. Toutefois, l’ADI indique que les instructeurs ont évalué les étudiants au moyen de guides de notation, ayant recours au même guide de notation pour chacun des étudiants. De plus, l’ADI a conclu que le demandeur n’a pas reçu moins d’instruction pratique que ses camarades de classe; tout le monde a suivi le même programme d’études.

 

[51]           Je remarque que la présente demande concerne les difficultés du demandeur à répondre aux exigences du NQ5 du programme de TECH GEO. Toutefois, le demandeur a éprouvé des difficultés semblables dans le NQ4 et a passé au NQ5 uniquement après avoir formulé un grief à l’encontre de la recommandation du CEP portant qu’il devait cesser son instruction en TECH GEO et après avoir eu gain de cause.

 

[52]           La décision dégage une préoccupation importante : le demandeur ne peut appliquer son apprentissage théorique à des situations pratiques. Malgré ses efforts et l’aide qu’il a demandée et reçue, il n’est pas prêt pour un déploiement opérationnel parce qu’il a de la difficulté à exécuter ses tâches de façon autonome et a besoin du soutien de son équipe. La décision indique clairement qu’une aide supplémentaire et qu’un entraînement en cours d’emploi ne remédieraient pas à ces lacunes. Cette décision est fondée sur les propos que ses instructeurs ont tenus à son sujet : il était un [traduction] « étudiant médiocre », il « montrait très peu d’efforts », il avait « constamment [besoin] de supervision », il devait « faire davantage attention aux détails », il devait « essayer davantage de s’intégrer auprès de ses nouveaux camarades de classe », il ne « saisissait pas le matériel aussi rapidement que le reste du groupe », il « comptait trop sur ses pairs », il « avançait plus lentement que le reste de sa classe », il continuait de commettre des erreurs semblables à celles pour lesquelles il s’était déjà fait corriger, il « n’avait pas complété adéquatement 7 des 11 aspects cruciaux du projet », et on l’avait vu en train de prendre des notes à partir d’un projet indépendant d’un autre étudiant sans sa permission.

 

[53]           Ses instructeurs ont également indiqué que ses notes « baissaient » même s'il avait bénéficié d’un tutorat supplémentaire, qu’un de ses projets était « très mauvais », qu’il y avait des « incompatibilités » et des erreurs « évidentes » dans sa carte, que son travail ne respectait pas « les normes approuvées », que son « travail au complet était médiocre et construit maladroitement », qu’il y avait des « écarts dans ses données » et qu’il était « impossible de voir un site » sur sa carte.

 

[54]           On ne saurait affirmer que la décision de l’ADI de confirmer les conclusions précédentes concernant l’inaptitude du demandeur à la géomatique est sans fondement probatoire. La Cour ne peut intervenir dans la décision simplement parce que le demandeur n’accepte pas cette évaluation et estime qu’il est apte.

 

[55]           S’agissant de l’équité procédurale devant le CEP, l’ADI a estimé que le préavis de 12 jours avant la convocation du CEP était suffisant. Conformément au paragraphe 12 de l’IPABB 1103, aucun instructeur de l’ECM siégeant au CEP n’interagissait quotidiennement avec le demandeur. C’est pourquoi aucun instructeur n’a été empêché de siéger au comité. L’ADI a reconnu que le CEP a refusé à tort de divulguer certains documents au demandeur, mais a fait remarquer que cette erreur n’avait pas été corrigée au deuxième niveau de contrôle. S’agissant de la décision – rendue au troisième niveau de contrôle –, le demandeur semble avoir eu accès à toute la documentation pertinente. Par conséquent, toute affirmation selon laquelle il a été privé de l’occasion de présenter ses arguments n’est pas corroborée.

 

[56]           Il semble le CEP était tout à fait habilité à rendre la décision et l’a rendue au moyen d’un processus équitable. Le demandeur est mécontent de ce choix, mais les motifs à l’appui de la décision sont bien expliqués et raisonnables.


 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucuns dépens ne sont sollicités, donc aucuns ne sont adjugés.

 

 

 

  « James Russell »

                                                                                                                  Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1704-10

 

INTITULÉ :                                       SYED, Javed

 

                                                            et

                                                           

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT               Le juge Russell

ET JUGEMENT :                             

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 juillet 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Cpl Javed Syed

 

POUR LE DEMANDEUR

(Pour son propre compte)

 

Holly LeValliant

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cpl Javed Syed

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(Pour son propre compte)

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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