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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110729

Dossier : T-2116-10

Référence : 2011 CF 967

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

HORTILUX SCHREDER B.V.

 

 

 

appelante

 

et

 

 

 

IWASAKI ELECTRIC CO. LTD.

 

 

 

 

intimée

 

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), par Hortilux Schreder B.V. (Hortilux Schreder, l’appelante ou l’opposante) à l’égard d’une décision rendue le 27 octobre 2010 (la décision) par une commissaire de la Commission des oppositions des marques de commerce (la commissaire). La commissaire a rejeté l’opposition d’Hortilux Schreder à l’enregistrement de la marque de commerce HORTILUX par Iwasaki Electric Co. Ltd. (Iwasaki ou l’intimée).

 

[2]               Hortilux Schreder demande sollicite :

 

a.                un jugement déclaratoire portant que la commissaire a, à tort, rejeté son opposition à la demande no 1,064,360 visant l’enregistrement de la marque de commerce HORTILUX;

b.               une ordonnance faisant droit au présent appel, infirmant la décision de la commissaire et portant que la marque de commerce HORTILUX de l’intimée n’est pas enregistrable ni distinctive et que l’intimée n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de cette marque;

c.                les dépens liés au présent appel.

 

LE CONTEXTE

 

[3]               Hortilux Schreder fait valoir que, depuis mars 1997, elle emploie la marque de commerce et le nom commercial HORTILUX en liaison avec des appareils d’éclairage et des réflecteurs destinés au secteur horticole.

 

[4]               Le 23 juin 2000, Iwasaki a sollicité l’enregistrement de la marque de commerce HORTILUX en liaison avec des « lampes électriques » (c.‑à‑d., des ampoules électriques) sur le fondement de l’emploi de la marque au Canada depuis au moins le 31 décembre 1997. Les lampes électriques vendues par Iwasaki sont destinées au secteur horticole.

 

[5]               Le 31 mai 2002, Hortilux Schreder a déposé une déclaration d’opposition relativement à la demande d’enregistrement d’Iwasaki. L’appelante allègue notamment qu’Iwasaki a contrevenu à l’alinéa 30b) de la Loi parce qu’elle n’a pas employé la marque de commerce HORTILUX au Canada en liaison avec les marchandises depuis le 31 décembre 1997. Elle soutient en outre que, selon l’alinéa 16(1)a) de la Loi, Iwasaki n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement car, à la date de premier emploi alléguée, la marque de commerce créait de la confusion avec les marques de commerce HORTILUX et HORTILUX SCHREDER d’Hortilux Schreder, lesquelles avaient été antérieurement employées et sont toujours employées au Canada en liaison avec les marchandises d’Hortilux Schreder.

 

[6]               La commissaire a rejeté l’appel interjeté par Hortilux Schreder, et cette décision fait l’objet du présent appel.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DE L’APPEL

            L’opposition fondée sur le paragraphe 16(1)

 

[7]               Dans le cadre de l’instance devant la commissaire, Hortilux Schreder a fait valoir qu’Iwasaki n’était pas la personne qui avait droit à l’enregistrement parce qu’à la date de premier emploi alléguée, la marque de commerce créait de la confusion avec ses marques de commerce HORTILUX et HORTILUX SCHREDER, lesquelles avaient été antérieurement employées au Canada en liaison avec des réflecteurs de lampe.

 

[8]               Pour s’acquitter de son obligation de prouver qu’elle avait employé les marques de commerce en cause au Canada en liaison avec les marchandises, Hortilux Schreder a d’abord présenté une preuve par affidavit sous forme de factures relatives à l’achat de réflecteurs de lampe au Canada, la plus ancienne de ces factures portant la date du 26 août 1997. La commissaire a signalé que les marques de commerce ne figuraient pas sur les factures et que la preuve ne permettait pas de savoir si elles étaient apposées sur les marchandises ou sur leur emballage.

 

[9]               Hortilux Schreder a ensuite produit une preuve par affidavit visant à établir que, selon l’accord de licence conclu avec ses filiales, elle contrôlait les caractéristiques et la qualité des marchandises. La commissaire a fait remarquer que l’accord de licence lui‑même n’avait pas été mis en preuve et que l’auteur de l’affidavit, M. de Leeuw, n’avait pas expliqué comment ce contrôle était exercé et n’avait pas précisé les mesures prises pour maintenir les caractéristiques et assurer la qualité des marchandises. La commissaire a tiré la conclusion suivante :

Je suis donc d’avis que l’emploi des marques de l’Opposante, même s’il avait été démontré, n’aurait pas profité à celle‑ci en application du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

Pour toutes ces raisons, j’estime que l’Opposante n’a pas démontré l’emploi de ses marques de commerce au Canada. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

[10]           En ce qui concerne la question de la confusion, la commissaire a mentionné que le plus ancien élément (une facture) déposé par Hortilux Schreder afin de prouver l’emploi de la marque de commerce HORTILUX SCHREDER au Canada portait la date du 6 avril 1999. Comme cette date est postérieure à la date de premier emploi revendiquée par Iwasaki (soit le 31 décembre 1997), la commissaire a conclu qu’Hortilux Schreder n’avait pas non plus gain de cause sur ce point.

 

            L’opposition fondée sur l’alinéa 30b)

 

[11]           Pendant l’instance devant la commissaire, Hortilux Schreder a soutenu qu’Iwasaki n’avait pas employé sa marque au Canada en liaison avec les marchandises depuis le 31 décembre 1997 et qu’elle avait donc omis de se conformer à l’alinéa 30b) de la Loi. Hortilux Schreder a présenté certains éléments de preuve selon lesquels Iwasaki aurait pour la première fois employé la marque de commerce en liaison avec les marchandises le 12 octobre 1999 sur le site Web de l’une de ses filiales, Eye Lighting International of North America Inc. (Eye Lighting), soit deux ans après la date de premier emploi revendiquée par Iwasaki. La commissaire a estimé que cette preuve mettait en cause la date de premier emploi revendiquée par Iwasaki.

 

[12]           Iwasaki a répondu au moyen d’une preuve par affidavit démontrant que sa filiale, Eye Lighting, avait vendu des marchandises à sa principale cliente, Standard Products Inc., le 31 décembre 1997. L’auteur de l’affidavit, M. Thomas, a déclaré que, pour autant qu’il se rappelait, la marque de commerce était apposée sur les marchandises et sur leur emballage.

 

[13]           Hortilux Schreder a contesté cet élément de preuve. Elle a affirmé que, suivant le paragraphe 4(1) de la Loi, une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises notamment si, lors du transfert de la possession des marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur celles‑ci. Comme la possession des marchandises ne pouvait avoir été transférée tant que ces dernières n’avaient pas été reçues par Standard Products, la date de premier emploi devait être celle à laquelle Standard Products a reçu les marchandises et non le 31 décembre 1997, date où Eye Lighting a pris la commande relative aux marchandises. Hortilux Schreder a en outre avancé qu’il était peu probable qu’Eye Lighting (qui se trouve à Cleveland) ait pris la commande à une date donnée et que Standard Products (qui se trouve au Québec) l’ait reçue le même jour. Comme Iwasaki n’avait produit aucun élément de preuve à l’effet contraire, on ne pouvait présumer que le 31 décembre 1997 était la date de premier emploi.

 

[14]           Iwasaki a toutefois présenté certains éléments de preuve démontrant que deux appareils avaient été vendus à Standard Products le 15 octobre 1997 pour une somme nulle et que la marque de commerce était apposée sur ces marchandises et sur leur emballage. La commissaire a reconnu que des ventes sans contrepartie peuvent constituer un emploi dans la pratique normale du commerce à la condition d’être suivies d’autres ventes. Voir la décision Canadian Olympic Association c. Pioneer Kabushiki Kaisha (1992), 42 CPR (3d) 470, 1992 CarswellNat 1476 [Canadian Olympic Association] (C.O.M.C.). La commissaire a conclu en ces termes :

 

[B]ien que la vente du 31 décembre 1997 ne puisse être établie au moyen de pièces démontrant l’arrivée des marchandises au Canada à cette date, j’estime que la Requérante a effectivement employé la Marque au Canada deux mois avant la date déclarée de premier emploi, ce qui a mené à la vente subséquente de Marchandises le 31 décembre 1997.

 

Je conclus donc que la Requérante a établi comme il le lui incombait qu’elle s’est conformée aux exigences de l’al. 30b) de la Loi. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[15]           L’appelante soulève les questions suivantes dans le présent appel :

a.       La norme de la décision correcte est‑elle la norme de contrôle applicable?

b.      La commissaire a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a rejeté le motif d’opposition fondé sur l’article 16 de la Loi invoqué par l’appelante?

c.       La commissaire a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a rejeté le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi invoqué par l’appelante?

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[16]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

Quand une marque de commerce est réputée employée

 

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

[…]

 

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

 

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

 

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne ….

 

Emploi ou révélation antérieur

 

(5) Le droit, pour un requérant, d’obtenir l’enregistrement d’une marque de commerce enregistrable n’est pas atteint par l’emploi antérieur ou la révélation antérieure d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion, par une autre personne, si cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion a été abandonné à la date de l’annonce de la demande du requérant selon l’article 37.

 

[…]

Contenu d’une demande

 

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

 

[…]

 

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande

 

[….]

 

Licence d’emploi d’une marque de commerce

 

50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

When deemed to be used

 

 

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

 

 

 

[…]

 

Registration of marks used or made known in Canada

 

 

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

 

 

 

 

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person ….

 

Previous use or making known

 

(5) The right of an applicant to secure registration of a registrable trade-mark is not affected by the previous use or making known of a confusing trade-mark or trade-name by another person, if the confusing trade-mark or trade-name was abandoned at the date of advertisement of the applicant’s application in accordance with section 37.

 

 

 

 

[…]

Contents of application

 

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

 

 

[…]

 

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of wares or services described in the application ….

 

 

[…]

 

Licence to use trade-mark

 

 

50. (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the wares or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.

 

LES ARGUMENTS

            L’appelante

                        La norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte

 

[17]           Hortilux Schreder fait valoir qu’en raison des nouveaux éléments de preuve produits dans le cas du présent renvoi il convient de contrôler la décision suivant la norme de la décision correcte. Dans l’arrêt Les Brasseries Molson, société en nom collectif c. John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145, 5 CPR (4th) 180, la Cour d’appel fédérale a énoncé la norme de contrôle applicable en appel d’une décision du registraire au paragraphe 51 :

 

Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

 

[18]           Selon l’appelante, la nouvelle preuve qu’elle a présentée répond aux préoccupations soulevées par la commissaire et auraient eu une incidence appréciable sur les conclusions de cette dernière portant, d’une part, que l’appelante n’avait pas réussi à établir l’emploi de la marque de commerce HORTILUX et, de l’autre, que l’emploi, quel qu’il soit, de la marque de commerce HORTILUX ne pouvait pas profiter à l’appelante puisque celle‑ci n’avait pas expliqué comment elle exerçait un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des marchandises vendues par ses licenciés. Pour cette raison, la Cour doit procéder à sa propre analyse de la présente affaire.

 

La commissaire a commis une erreur lorsqu’elle a statué sur les arguments fondés sur le paragraphe 16(1)

L’emploi antérieur

 

[19]           L’appelante soutient que sa preuve, y compris les nouveaux éléments de preuve produits en appel, permet d’établir qu’elle employait la marque de commerce HORTILUX avant la date de premier emploi alléguée par Iwasaki, soit le 31 décembre 1997. Lors de l’audition de l’opposition, l’appelante a tenté de démontrer qu’elle avait employé les marques de commerce en cause au Canada en liaison avec les marchandises en joignant comme pièce à un affidavit des factures relatives à l’achat de réflecteurs de lampe au Canada, dont la plus ancienne porte la date du 26 août 1997. La commissaire a estimé que cette preuve n’était pas convaincante, notamment parce que les marques de commerce ne figuraient pas dans le corps des factures.

 

[20]           Une revue de la jurisprudence montre que la commissaire a fait erreur. Dans la décision Gordon A. MacEachern Ltd c. National Rubber Co (1963), 41 CPR 149, 1963 CarswellNat 20 [National Rubber], la Cour de l’Échiquier a conclu, à la page 157, que le fait qu’une marque de commerce figure sur une facture accompagnant les marchandises constitue un « emploi » en liaison avec les marchandises suivant le paragraphe 4(1) de la Loi si la marque de commerce et les marchandises sont à ce point liées qu’avis de liaison en est alors donné au destinataire. D’autres décisions font état de plusieurs facteurs pertinents dont il faut tenir compte pour décider si une marque de commerce figurant dans le haut d’une facture est liée aux marchandises mentionnées dans cette dernière. À titre d’exemple, la marque de commerce doit être bien en vue. Voir la décision Gowling Lafleur Henderson LLP c. Bulova Watch Co (2006), 51 CPR (4th) 470, aux paragraphes 14 et 18, 2006 CarswellNat 1234 (C.O.M.C.). La marque de commerce ne doit pas être employée dans le but d’identifier l’entreprise et ne doit pas faire partie de l’adresse et des coordonnées de l’entreprise. Voir la décision 88766 Canada Inc c. Phillips, [2008] C.O.M.C. no 90, 2008 CarswellNat 2206, au paragraphe 19 (C.O.M.C.). Il doit être évident pour l’acheteur des marchandises que la marque de commerce est liée à celles‑ci. Voir la décision 88766 Canada Inc c. Texinvest Inc, [2008] C.O.M.C. no 27, 2008 CarswellNat 767, aux paragraphes 12 et 14 (C.O.M.C.). Aucune autre marque de commerce ne doit figurer sur la facture en liaison avec les marchandises. Voir la décision Messrs Stewart McKelvey Stirling Scales c. Peninsula Farm Ltd, 2006 CarswellNat 4228, au paragraphe 9 (C.O.M.C.). L’appelante soutient que les factures en cause satisfont à tous ces critères et qu’elles établissent donc son emploi antérieur de la marque de commerce HORTILUX.

 

[21]           La nouvelle preuve présentée par l’appelante comprend l’affidavit de Marco Brok, lequel travaille pour l’appelante depuis mars 1997 et occupe actuellement le poste de directeur de la recherche et du développement. M. Brok affirme que l’un des distributeurs de l’appelante, P.L. Light Systems Canada Inc. (P.L. Light Systems), importe des appareils d’éclairage depuis mars 1997 et que l’appelante, ainsi que ses clients canadiens, désignent la société et les produits de l’appelante simplement par le terme HORTILUX.

 

L’emploi antérieur de la marque de commerce profite à l’appelante

 

[22]           L’appelante avance que, lorsque le propriétaire d’une marque de commerce vend ses marchandises en liaison avec celle‑ci à un distributeur au Canada, on considère que la marque de commerce est « employée » au Canada par son propriétaire. En conséquence, lorsqu’elle vend ses produits directement à son distributeur canadien, P.L. Light Systems, l’appelante emploie la marque au Canada; elle n’a donc pas à invoquer que le paragraphe 50(1) de la Loi s’applique ni qu’elle profite du fait qu’un tiers emploie la marque de commerce. Voir la décision Manhattan Industries Inc c. Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6, aux pages 16 et 17, 1971 CarswellNat 513 (C.F. 1re inst.). La commissaire a commis une erreur lorsqu’elle a présumé que l’article 50 s’appliquait à tous les « emplois » que l’appelante a fait, suivant sa preuve, de la marque HORTILUX. Elle a, à tort, omis de reconnaître que la preuve de l’appelante établissait l’emploi de la marque par cette dernière (et non simplement l’emploi par un licencié) et que cet emploi n’est pas assujetti aux exigences du paragraphe 50(1).

 

La confusion

 

[23]           L’appelante avance que la marque de commerce HORTILUX, pour laquelle Iwasaki a présenté une demande d’enregistrement en liaison avec des lampes électriques, crée de la confusion avec sa propre marque de commerce HORTILUX, laquelle était déjà employée en liaison avec des réflecteurs de lampe. La commissaire a omis de se pencher sur la question de la confusion, qui doit donc être examinée dans le cadre du présent appel.

 

[24]           Le paragraphe 6(5) de la Loi énonce cinq situations dans lesquelles on considère qu’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre. L’appelante affirme que ces cinq situations sont présentes en l’espèce. Premièrement, le terme HORTILUX est un mot inventé et il est très distinctif. Deuxièmement, l’appelante a employé la marque de commerce HORTILUX au Canada dès août 1997, soit antérieurement à la date de premier emploi la plus ancienne revendiquée par l’intimée, soit octobre 1997. Troisièmement, les marchandises de chacune des parties se rapportent à l’éclairage dans le secteur horticole. Ainsi, Iwasaki demande l’enregistrement de la marque HORTILUX en liaison avec des lampes électriques destinées au secteur horticole. Hortilux Schreder, quant à elle, vend des appareils d’éclairage et des réflecteurs de lampe (qui servent de supports de lampes électriques) destinés au secteur horticole en liaison avec la marque de commerce HORTILUX. Quatrièmement, les marchandises de l’une des parties pourraient facilement être employées avec les marchandises de l’autre. Par exemple, les ampoules HORTILUX de l’intimée pourraient être employées dans les réflecteurs HORTILUX de l’appelante. Cinquièmement, les marques de commerce sont identiques. L’intimée n’a donc pas droit à l’enregistrement de la marque de commerce en liaison avec des lampes.

 

La commissaire a commis une erreur lorsqu’elle a statué sur les arguments fondés sur l’alinéa 30b)

 

[25]           La commissaire s’est notamment appuyée sur la décision Canadian Olympic Association, précitée, pour conclure qu’Iwasaki avait établi sa date de premier emploi alléguée en raison de la vente de deux appareils pour une somme nulle deux mois avant la date de premier emploi revendiquée, même si Iwasaki n’a jamais établi que l’opération avait eu lieu dans la pratique normale du commerce.

 

[26]           En agissant ainsi, la commissaire expose mal le droit, applique incorrectement la décision Canadian Olympic Association et donne une interprétation erronée de la preuve. Dans la décision Canadian Olympic Association, le tribunal a conclu que la distribution d’échantillons gratuits par la requérante faisait partie de la pratique normale du commerce. Cette conclusion se fondait sur une preuve relative à la pratique normale du commerce de la requérante et au but recherché en distribuant des échantillons gratuits, soit faire connaître et faire la promotion du produit en vue d’obtenir des commandes. D’autres décisions portent que les marchandises utilisées comme [traduction] « cadeaux publicitaires » ne sont pas en soi réputées être employées dans la pratique normale du commerce. Voir les décisions 88766 Canada Inc c. Spinnakers Brew Pub Inc (2005), 48 CPR (4th) 70, au paragraphe 11, 2005 CarswellNat 2914 (C.O.M.C.) [Spinnakers Brew Pub], et Aird & Berlis LLP c. Levi Strauss & Co (2005), 45 CPR (4th) 397, au paragraphe 9, 2005 CarswellNat 2555 (C.O.M.C.) [Levi Strauss]. En conséquence, Iwasaki était tenue de présenter une preuve établissant que, le 15 octobre 1997, l’opération sans contrepartie a eu lieu dans la pratique normale du commerce, ce qu’elle n’a pas fait. En outre, l’appelante soutient qu’Iwasaki, lorsqu’elle invoque l’opération du 31 décembre 1997 à titre de preuve de son emploi de la marque de commerce dans la pratique normale du commerce, laisse entendre que l’opération antérieure ne peut servir à cette fin. Comme Iwasaki n’a produit aucun nouvel élément de preuve sur ce point, sa demande doit être rejetée.

 

L’intimée

                        La norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable

 

[27]           La Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de contrôle applicable dans le cadre d’un appel fondé sur l’article 56 de la Loi est celle du caractère raisonnable. Voir l’arrêt Mattel Inc c. 3894207 Canada Inc, (2006),49 CPR (4th) 321, à la page 341, 2006 CarswellNat 1400 [Mattel]. La Cour doit se demander si la décision dont elle est saisie peut résister « à un examen assez poussé » et si elle n’est pas « manifestement erronée ». Voir l’arrêt Mattel, précité, à la page 341.

 

[28]           Lorsque de nouveaux éléments de preuve sont déposés en appel, la Cour doit examiner dans quelle mesure cette nouvelle preuve ajoute un quelconque élément ayant une force probante. Si la nouvelle preuve n’a pas de valeur probante, la Cour doit appliquer une norme de contrôle déférente. Voir l’arrêt Philip Morris Inc c. Imperial Tobacco Ltd (1987), 17 CPR (3d) 289, 1987 CarswellNat 701 (C.A.F.).

 

[29]           Dans la présente affaire, l’appelante a présenté une nouvelle preuve sous forme d’affidavits souscrits par Marco Brok, Kendrik Westerhoff et Edwin de Gier. L’intimée affirme que cette preuve n’ajoute rien de vraiment différent aux éléments auparavant soumis à la commissaire. L’affidavit de M. Brok est muet sur la façon dont la marque de commerce HORTILUX a été employée en liaison avec les marchandises, et son témoignage relatif à l’usage continu qui en aurait été fait sur le site Web de l’appelante n’est pas convaincant. Les assertions de M. Westerhoff et de M. de Gier concernent des événements qui se sont produits après 2004 et qui sont donc trop tardifs pour être pertinents en l’espèce. En conséquence, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité.

 

La décision de la commissaire était raisonnable

Le paragraphe 16(1)

 

[30]           La commissaire mentionne aux paragraphes 47 et 48 de sa décision que l’appelante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait de présenter des éléments de preuve établissant son emploi de la marque de commerce HORTILUX au Canada avant le 31 décembre 1997 en liaison avec les marchandises ou leur emballage. La seule preuve produite par l’appelante est constituée des trois factures jointes à l’affidavit de M. de Leeuw. Ces factures portent toutes la mention « HORTILUX Assimilatiebelichting ». L’auteur de l’affidavit affirme que ces factures [traduction] « accompagnaient » les marchandises envoyées à la filiale canadienne de l’appelante, mais il ne précise pas ce qu’il entend par là. En réalité, les factures mentionnent qu’elles ont été [traduction] « livrées avec le bordereau de marchandises », ce qui laisse entendre, selon l’intimée, qu’elles n’ont pas été livrées avec les marchandises. De plus, l’auteur de l’affidavit n’indique pas quel poste il occupait au sein de la filiale canadienne en 1997 et qui, vraisemblablement, l’autoriserait à traiter de ces questions. Il est impossible de conclure à la lumière de cet affidavit que les critères énoncés au paragraphe 4(1) de la Loi sont remplis.

 

[31]           L’intimée allègue en outre qu’on ne peut simplement présumer qu’une marque de commerce, parce qu’elle est apposée sur une facture, est employée en liaison avec les marchandises qui y sont mentionnées. Voir la décision National Rubber, précitée. L’endroit où se trouve la marque de commerce sur la facture constitue un facteur important. Voir la décision Tint King of California Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1440, [2006] A.C.F. no 1808. Dans la décision Sterling & Affiliates c. ACB Dejac SA (1994), 58 CPR (3d) 540, 1994 CarswellNat 3082 (C.O.M.C.), le tribunal a conclu que l’emploi de la marque de commerce dans le haut d’une facture (comme c’est le cas en l’espèce) ne constituait pas un emploi en liaison avec les marchandises au moment où celles‑ci ont été transférées dans la pratique normale du commerce; il s’agissait plutôt de l’emploi d’un nom commercial. (L’intimée signale que l’appelante n’a pas allégué un emploi antérieur du nom commercial HORTILUX comme motif d’opposition.) La commissaire a tiré des conclusions appropriées et raisonnables en ce qui concerne la position de la marque de commerce sur les factures.

 

            L’alinéa 30b)

 

[32]           L’appelante s’appuie sur les décisions Spinnakers Brew Pub, précitée, et Levi Strauss, également précitée, pour affirmer qu’il incombait à l’intimée de produire des éléments de preuve établissant que le transfert de marchandises le 15 octobre 1997 a été effectué dans la pratique normale du commerce. L’intimée soutient que ces décisions se distinguent de la présente affaire. Dans la décision Spinnakers Brew Pub, les marchandises distribuées à titre de [traduction] « cadeaux publicitaires » comprenaient des sous‑verres et des allumettes; dans la décision Levi Strauss, il s’agissait de carnets, d’albums et de napperons. Dans les deux cas, le tribunal a conclu que la distribution de ces marchandises ne constituait pas un emploi dans la pratique normale du commerce parce que leur distribution gratuite n’avait pas eu lieu en vue d’obtenir des commandes et de réaliser des ventes. En l’espèce, toutefois, il ressort sans équivoque de la preuve que l’opération sans contrepartie effectuée le 15 octobre 1997 ne peut être assimilée à un simple [traduction] « cadeau publicitaire », mais qu’elle a plutôt été faite en vue d’obtenir une commande ultérieure, ce qui s’est effectivement passé le 31 décembre 1997. L’emploi qui a commencé avec l’opération du 15 octobre 1997 constituait donc un emploi dans la pratique normale du commerce. Les conclusions tirées par la commissaire sur ce point sont fondées.

 

L’appelante a abandonné la marque de commerce HORTILUX

 

[33]           L’intimée fait valoir que l’appelante n’a pas réussi à prouver qu’elle employait la marque de commerce HORTILUX au Canada avant la date pertinente du 31 décembre 1997. Cependant, même si elle avait fait cette preuve, l’appelante aurait également dû établir, suivant l’article 16 de la Loi, qu’elle n’avait pas abandonné la marque de commerce à la date où la demande a été publiée, soit le 9 janvier 2002, ce qu’elle n’a pas fait. Qui plus est, après décembre 1997, l’appelante a abandonné la marque de commerce HORTILUX en faveur de HORTILUX SCHREDER. S’appuyant sur ce fait, l’intimée affirme que la décision de la commissaire en ce qui concerne ce motif d’opposition était entièrement raisonnable. Contrairement aux assertions formulées par l’appelante, la commissaire n’a pas mal énoncé ou mal appliqué le droit et elle n’a pas mal interprété la preuve.

 

L’ANALYSE

            La norme de contrôle

 

[34]           À l’audition de la présente affaire, il est devenu manifeste qu’aucun litige réel n’oppose les parties quant à la norme de contrôle applicable. En général, la norme de la raisonnabilité s’appliquera comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mattel, précité, au paragraphe 40 :

Compte tenu, en particulier, de l’expertise de la Commission et du rôle d’« appréciation » que lui impose l’art. 6 de la Loi, je suis d’avis que, malgré l’octroi d’un droit d’appel absolu, la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable. Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission ne commande pas la grande retenue dont il faut faire preuve, par exemple, à l’égard de l’exercice ministériel d’un pouvoir discrétionnaire, auquel s’applique habituellement la norme du caractère manifestement déraisonnable (p. ex. S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, 2003 CSC 29, par. 157), mais la Commission n’est pas tenue non plus de satisfaire à la norme de la décision correcte, comme si elle tranchait une question de droit de portée générale qui peut être isolée (Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, 2002 CSC 3, par. 26). Comme l’a expliqué le juge Iacobucci dans Ryan, par. 46, la norme intermédiaire (celle du caractère raisonnable) signifie qu’« [u]ne cour sera souvent obligée d’accepter qu’une décision est raisonnable même s’il est peu probable qu’elle aurait fait le même raisonnement ou tiré la même conclusion que le tribunal. » La question est de savoir si la décision de la Commission est étayée par des motifs qui peuvent résister « à un examen assez poussé » et si elle n’est pas « manifestement erronée » : Southam, par. 56 et 60.

 

[35]           Dans l’arrêt Molson Breweries, précité, au paragraphe 51, la Cour d’appel fédérale donne les indications suivantes aux tribunaux qui sont saisis d’éléments de preuve supplémentaires :

Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

 

            Les questions touchant l’alinéa 30b)

 

[36]           La commissaire a conclu que l’intimée avait établi sa date de premier emploi alléguée. Le raisonnement suivi par la commissaire sur ce point est contesté dans le présent appel et il me paraît opportun de reproduire les parties pertinentes de la décision en cause :

39.       Je passe à présent à l’examen de l’argument de l’Opposante selon lequel, même si la Marque figurait bien sur les Marchandises au moment de leur transfert, la date de premier emploi la plus ancienne possible est la date à laquelle les marchandises sont parvenues à Standard Products Inc. au Canada. L’Opposante soutient à cet égard qu’il est peu probable qu’une commande passée auprès d’une entreprise de Cleveland (Ohio) [Eye Lighting] le 31 décembre 1997 soit livrée à une entreprise de VMR (Québec) [Standard Products Inc.] le même jour. Il appert que VMR est l’acronyme de Ville de Mont‑Royal, municipalité de l’île de Montréal (Québec).

 

40.       Il est ressorti du contre‑interrogatoire de M. Ward que :

 

-           il n’a pas de connaissance directe de la facture en date du 31 décembre 1997 produite comme pièce B (q. 44 et 46);

 

-           il n’a pas de connaissance directe de l’envoi mentionné dans la facture en date du 31 décembre 1997 (q. 47‑48);

 

-           il ne peut affirmer avec certitude ce que les mots [traduction] « date de la commande » inscrits sur la facture veulent dire, mais il croit qu’il s’agit du lendemain du jour où les marchandises partent de l’usine de Eye Lighting (q. 53, 55, 57, 59 et 60);

 

-           il ne sait pas quand les marchandises expédiées à Standard Products Inc. le 31 décembre 1997 sont arrivées à destination (q. 62);

 

-           la Requérante a pris sous réserve la demande de production de tout document prouvant la réception par Standard Products Inc. de l’envoi du 31 décembre 1997 (q. 63, 64 et 65); la réponse qu’elle a finalement donnée était [traduction] « non disponible ».

 

41.              Suivant le paragraphe 4(1) de la Loi, il faut un transfert effectif de possession pour que l’on considère qu’il y a emploi au moment du transfert. Ni une entente ni une commande n’équivalent à un emploi [Bilsom International Ltd. c. Cabot Corp (1991), 36 C.P.R. (3d) 92 (C.O.M.C.)]. Dans l’affaire Manhattan Industries Inc. c. Princeton Manufacturing Ltd, (1971) 4 C.P.R. (2d) 6 (C.F. 1re inst.), la Cour a jugé que le transfert de possession ne s’effectuait que lorsque le destinataire canadien prenait effectivement possession des marchandises. En l’espèce donc, il fallait, pour établir l’emploi de la Marque au Canada le 31 décembre 1997, démontrer que les marchandises étaient arrivées à destination à cette date, ce qui n’a pas été fait.

 

42.              Je ne perds pas de vue, cependant, la pièce F jointe à l’affidavit Thomas, consistant en une copie des registres de Eye Lighting indiquant que deux appareils avaient été vendus à Standard Products Inc. le 15 octobre 1997 pour une somme nulle. Bien qu’il s’agisse d’une vente sans contrepartie, il est établi que de telles opérations peuvent constituer un emploi dans la pratique normale du commerce à la condition d’êtres suivies d’autres ventes, ce qui est le cas en l’espèce [voir Canadian Olympic Association c. Pioneer Kabushiki Kaisha (1992), 42 C.P.R. (3d) 470 (C.O.M.C.)]. M. Thomas déclare en outre que, pour autant qu’il se rappelle, la Marque était apposée sur les Marchandises vendues à Standard Products Inc. le 15 octobre 1997 ou sur leur emballage. Par conséquent, bien que la vente du 31 décembre 1997 ne puisse être établie au moyen de pièces démontrant l’arrivée des marchandises au Canada à cette date, j’estime que la Requérante a effectivement employé la Marque au Canada deux mois avant la date déclarée de premier emploi, ce qui a mené à la vente subséquente de Marchandises le 31 décembre 1997.

 

43.              Je conclus donc que la Requérante a établi comme il le lui incombait qu’elle s’est conformée aux exigences de l’al. 30b) de la Loi. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

 

[37]           Il ressort de ce qui précède que l’intimée n’a pas été en mesure d’établir l’emploi au Canada en date du 31 décembre 1997 de la façon habituelle. Néanmoins, la commissaire a décidé de se fonder sur la pièce F jointe à l’affidavit de M. Thomas (un double de documents internes d’Eye Lighting révélant que deux appareils avaient été vendus à Standard Products le 15 octobre 1997 pour une somme nulle).

 

[38]           Voici ce que dit M. Thomas au sujet des ventes canadiennes dans son affidavit :

[traduction]

11.       Selon les registres de mes sociétés, deux appareils ont été vendus (pour une somme nulle) à Standard Products Inc. (« SPI ») le 15 octobre 1997. Un document interne faisant état de cette opération est joint à mon affidavit sous la cote « F ».

 

12.       Ma société a vendu 36 appareils à SPI le 31 décembre 1997, dans la pratique normale du commerce. Un double d’une facture relative à la vente est joint à mon affidavit sous la cote « G ».

 

13.       À ma connaissance, les marchandises vendues à SPI le 15 octobre 1997 et le 31 décembre 1997 portaient les marques suivantes :

 

a.         le monogramme HORTILUX sur l’ampoule elle‑même;

 

b.         la représentation graphique HORTILUX sur le manchon devant servir à l’emballage des lampes.

 

Comme ma société disposait déjà à l’automne 1997 du monogramme HORTILUX et de la représentation graphique HORTILUX destinée aux manchons, il n’y a aucune raison qu’ils n’aient pas été apposés sur les marchandises vendues à SPI le 15 octobre 1997 et le 31 décembre 1997.

 

 

 

[39]           Ce témoignage a ceci d’intéressant qu’au paragraphe 12 M. Thomas affirme sans équivoque que les appareils vendus le 31 décembre 1997 l’ont été « dans la pratique normale du commerce ». En revanche, au paragraphe 11, il ne précise pas que les deux appareils vendus sans contrepartie à Standard Products l’ont été dans la pratique normale du commerce. De toute évidence, M. Thomas avait donc connaissance des dispositions du paragraphe 4(1) de la Loi et de l’obligation qui lui incombait de prouver l’existence d’opérations faites « dans la pratique normale du commerce » puisqu’il en fait mention au paragraphe 12. Au paragraphe 11, il n’affirme pas que les ventes pour une somme nulle ont été faites dans la pratique normale du commerce, ni qu’elles ont donné lieu aux ventes du 31 décembre 1997 ou favorisé celles‑ci. Il ne dit pas non plus que les deux ventes pour une somme nulle concernaient des marchandises expédiées ou envoyées au Canada.

 

[40]           La pièce F jointe à l’affidavit de M. Thomas consiste en un document interne dans lequel sont consignées les ventes, mais elle ne permet pas de combler les lacunes que comporte cet affidavit. Ainsi, la commissaire a rejeté la facture du 31 décembre 1997 que M. Ward a présentée comme preuve d’un emploi au Canada au sens du paragraphe 4(1) parce que ce document n’établit pas que l’envoi était arrivé à destination; elle a pourtant reconnu qu’il y avait emploi au Canada selon le paragraphe 4(1) en s’appuyant sur un document interne d’Eye Lighting qui fait état de ventes pour une somme nulle, mais qui ne permet pas de savoir : a) si les ventes sans contrepartie constituaient des ventes effectuées dans la pratique normale du commerce; b) si les ventes ont donné lieu à des ventes subséquentes ou ont favorisé de telles ventes; c) si les appareils vendus pour une somme nulle ont été expédiés au Canada ou sont arrivés à destination. Et M. Thomas ne nous donne pas ces renseignements.

 

[41]           La commissaire s’appuie sur la décision Canadian Olympic Association, précitée, pour affirmer que, « [b]ien qu’il s’agisse d’une vente sans contrepartie, il est établi que de telles opérations peuvent constituer un emploi dans la pratique normale du commerce à la condition d’êtres suivies d’autres ventes, ce qui est le cas en l’espèce […] » et ainsi justifier les conclusions qu’elle a tirées dans la présente affaire.

 

[42]           Dans la décision Canadian Olympic Association, la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu que la distribution d’échantillons gratuits par la requérante dans cette affaire avait eu lieu dans la pratique normale du commerce compte tenu de la preuve produite relativement à la pratique normale du commerce de la requérante et au but visé. En particulier, la preuve soumise à la Commission des oppositions des marques de commerce établissait que la requérante avait pour pratique habituelle de fournir à ses distributeurs des échantillons gratuits de produits à des fins de marketing ainsi qu’à des fins informatives et promotionnelles en vue d’obtenir des commandes des clients :

[traduction] Selon M. Vinzenz, l’unique lecteur et les cinq magazines ont été envoyés à sa société à titre d’échantillons avant la première livraison normale des biens. Au paragraphe 9 de son deuxième affidavit, M. Vinzenz affirme que sa société reçoit habituellement de la requérante un petit nombre d’échantillons des nouveaux produits avant la livraison normale des marchandises. Les échantillons sont fournis à des fins de marketing ainsi qu’à des fins informatives et promotionnelles en vue d’obtenir des commandes des clients. Dans l’une des réponses qu’il a données aux engagements pris pendant son contre‑interrogatoire sur son second affidavit, M. Vinzenz a confirmé que cette pratique consistant à envoyer gratuitement des échantillons de nouveaux produits à sa société existait depuis 1986. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[43]           À la lumière de cette preuve, la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu, dans la décision Canadian Olympic Association, que la distribution d’échantillons gratuits dans les circonstances particulières de cette affaire constituait un emploi dans la pratique normale du commerce :

[traduction] Il s’agit donc de décider si l’envoi d’échantillons de produits par la requérante à sa filiale canadienne constituait un emploi, dans la pratique normale du commerce, de la marque de commerce visée par la demande. Lorsqu’une entreprise, avant un envoi normal de marchandises, expédie des échantillons à son distributeur canadien à des fins de marketing et à des fins informatives et promotionnelles dans le cadre d’une pratique habituelle entre les parties, et lorsque le distributeur canadien prend ensuite livraison d’envois normaux et réalise des ventes commerciales normales des biens, je suis d’avis que le transfert de la possession des échantillons au distributeur canadien constitue un emploi de la marque dans la pratique normale du commerce. En d’autres termes, les faits en l’espèce permettent de conclure que le transfert des échantillons faisait partie des opérations commerciales visant les marchandises et ayant pour objet d’acquérir de l’achalandage et de réaliser des profits grâce aux marchandises portant la marque de commerce. [Non souligné dans l’original.]

 

[44]           D’autres précédents confirment que le fait de donner des marchandises n’est pas considéré, en soi, comme un emploi dans la pratique normale du commerce. Voir les décisions 88766 Canada Inc. c. Spinnakers Brew Pub Inc. (2005), 48 CPR (4th) 70, au paragraphe 11 (C.O.M.C.), et Aird & Berlis LLP c. Levi Strauss & Co. (2005), 45 CPR (4th) 397, au paragraphe 9 (C.O.M.C.).

 

[45]           En conséquence, il incombait à l’intimée de faire la preuve que, le 15 octobre 1997, le transfert de marchandises pour une somme nulle a eu lieu dans la pratique normale du commerce. Or, la preuve présentée par l’intimée ne comporte pas :

1.                  d’assertion selon laquelle l’opération du 15 octobre 1997 a été effectuée dans la pratique normale du commerce;

2.                  de précisions expliquant en quoi consiste la pratique normale du commerce en ce qui a trait aux marchandises en cause et, en particulier, si la fourniture de marchandises pour une somme nulle fait partie de la pratique normale du commerce;

3.                  de précisions sur le point de savoir si la fourniture de marchandises pour une somme nulle faisait partie de la pratique habituelle suivie par les parties;

4.                  de précisions quant au but visé par la fourniture de marchandises sans contrepartie à Standard Products Inc. le 15 octobre 1997, y compris sur la question de savoir s’il était voulu que les marchandises servent à des fins de marketing et/ou à des fins informatives et promotionnelles.

 

[46]           Au contraire, la preuve de l’intimée donne à penser que la fourniture des marchandises pour une somme nulle n’a pas eu lieu dans la pratique normale du commerce. Comme il est signalé plus haut, M. Thomas ne mentionne pas dans son affidavit que la fourniture de marchandises pour une somme nulle le 15 octobre 1997 a été effectuée dans la pratique normale du commerce. Par contre, il invoque expressément dans son affidavit une opération différente (faisant l’objet de la facture du 31 décembre 1997) à titre d’opération faite « dans la pratique normale du commerce ». Cette divergence indique que l’opération du 15 octobre 1997 n’a pas eu lieu dans la pratique normale du commerce.

 

[47]           Il semble donc évident qu’on ne peut considérer toutes les ventes sans contrepartie comme un emploi dans la pratique normale du commerce. La commissaire ne fait qu’aborder cette question et elle n’explique pas comment la preuve devant elle permettait de conclure que les ventes pour une somme nulle – élément sur lequel elle s’est appuyée pour parvenir à sa conclusion – pouvaient raisonnablement être assimilables à des ventes faites dans la pratique normale du commerce établissant un emploi au Canada par l’intimée.

 

[48]           Sur ce point, j’estime en conséquence devoir reconnaître avec l’appelante que la décision est déraisonnable puisque, si elle avait examiné la preuve de manière approfondie, la commissaire n’aurait pas pu légitimement conclure que la fourniture de marchandises pour une somme nulle le 15 octobre 1997 constituait des ventes réalisées dans la pratique normale du commerce permettant à l’intimée d’établir la date de premier emploi qu’elle revendiquait. Cela signifie donc que, comme l’intimée n’a pas produit de nouveaux éléments de preuve dans le cadre du présent appel au sujet de la date de premier emploi revendiquée, sa demande d’enregistrement de la marque de commerce doit être refusée dans la mesure où elle ne satisfait pas aux exigences prévues à l’alinéa 30b) de la Loi.

 

L’alinéa 16(1)a) – Emploi antérieur

 

[49]           La commissaire a tenu les propos suivants lorsqu’elle a rejeté le motif d’opposition fondée sur l’alinéa 16(1)a) :

46.       L’Opposante soutient que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement car, à la date de production de sa demande, la Marque créait de la confusion avec les marques HORTILUX et HORTILUX SCHREDER de l’Opposante antérieurement employées au Canada par cette dernière. Je constate que l’Opposante ne précise pas en liaison avec quelles marchandises elle aurait employé ses marques, mais la preuve au dossier permet de déduire qu’il s’agit de réflecteurs (voir paragraphe 5 de l’affidavit de Leeuw).

 

47.       Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit prouver qu’elle employait ses marques au Canada avant le 31 décembre 1997. M. de Leeuw affirme que sa société importait ces accessoires d’éclairage au Canada bien avant cette date. La pièce B jointe à son affidavit est constituée d’échantillons représentatifs de factures établies entre P.L. Light et Hortilux B.V., factures qui, selon le témoin, étaient envoyées en même temps que les marchandises importées au Canada. La facture la plus ancienne porte la date du 26 août 1997. En dépit de l’affirmation de M. de Leeuw selon laquelle les factures accompagnaient les réflecteurs, je constate que les marques de commerce n’y figurent pas. Je remarque également que M. de Leeuw n’indique pas si les marques de commerce étaient apposées sur les marchandises ou sur leur emballage.

 

48.       De plus, les spécimens produits dans la pièce D, à savoir une carte d’affaires, une feuille de papier à en‑tête et du matériel promotionnel, ne montrent pas de quelle manière les marques de commerce HORTILUX et HORTILUX SCHREDER ont été employées en liaison avec les réflecteurs et ne remplissent pas les conditions pour être considérés comme des spécimens établissant un emploi au sens du paragraphe 4(1) de la Loi.

 

49.       Qui plus est, en dépit de la déclaration de fait de M. de Leeuw selon laquelle l’accord de licence faisait en sorte que Hortilux Schreder B.V. contrôlait les caractéristiques et la qualité des appareils d’éclairage et réflecteurs, je constate que ledit accord n’a pas été produit en preuve. Sans compter que M. de Leeuw n’explique d’aucune façon comment ce contrôle est exercé pas plus qu’il ne détaille les mesures prises pour maintenir les caractéristiques et assurer la qualité des marchandises [voir Pernod Ricard c. Molson Canada 2005, (2007), 60 C.P.R. (4th) 338 (C.O.M.C.)]. Je suis donc d’avis que l’emploi des marques de l’Opposante, même s’il avait été démontré, n’aurait pas profité à celle‑ci en application du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

50.       Pour toutes ces raisons, j’estime que l’Opposante n’a pas démontré l’emploi de ses marques de commerce au Canada. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

 

[50]           L’intimée admet à cet égard que l’appelante n’a qu’à prouver un emploi direct des marques de commerce au Canada au moyen des ventes à P.L. Light Systems, la licenciée canadienne de l’appelante. L’intimée reconnaît que l’argument reposant sur le paragraphe 50(1) est en quelque sorte une « faux problème ». En définitive, dit-elle, la question se résume à savoir ce qu’établissent les quatre factures jointes comme pièce B à l’affidavit du 28 février 2003 de M. de Leeuw. Ce dernier n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit et la nouvelle preuve par affidavit émanant de M. Brok porte sur le contrôle et l’utilisation en vertu d’une licence.

 

[51]           Sur ce point, je souscris pour l’essentiel à l’énoncé du droit que présente l’appelante et à sa critique de la décision en cause.

 

[52]           L’alinéa 16(1)a) de la Loi est libellé comme suit :

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

 

 (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

 

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

 

Registration of marks used or made known in Canada

 

 

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

 

 

 

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

 

[53]           Comme je l’ai déjà signalé, la commissaire a rejeté le motif d’opposition fondé sur l’emploi antérieur (article16) qu’a invoqué l’appelante parce qu’elle a conclu que cette dernière n’avait pas établi l’emploi de la marque de commerce HORTILUX ni le fait qu’elle avait profité de cet emploi.

 

[54]           Il me semble que la preuve de l’appelante, y compris la nouvelle preuve produite dans le cadre du présent appel, établit que l’appelante a antérieurement employé la marque de commerce HORTILUX et que la marque de commerce HORTILUX visée par la demande d’enregistrement de l’intimée créait de la confusion avec la marque de commerce HORTILUX de l’appelante à la date de premier emploi par l’intimée. En conséquence, la demande d’enregistrement produite par l’intimée doit être refusée en application de l’article 16 de la Loi.

 

L’emploi, par l’appelante, de la marque de commerce HORTILUX

Les factures

 

[55]           La commissaire a sommairement rejeté les factures jointes à l’affidavit de M. de Leeuw comme pièce B en condensant son analyse en une seule phrase :

 [47] […] En dépit de l’affirmation de M. de Leeuw selon laquelle les factures accompagnaient les réflecteurs, je constate que les marques de commerce n’y figurent pas. [Décision de la Commission des oppositions des marques de commerce, paragraphe 47, DD, onglet 2, page 20.]

 

 

[56]           À mon sens, la commissaire a commis une erreur de droit lorsqu’elle a tiré cette conclusion parce qu’elle n’a pas tenu compte de la jurisprudence pertinente selon laquelle une marque de commerce figurant dans le haut d’une facture peut constituer un « emploi » en liaison avec les marchandises qui y sont mentionnées.

 

[57]           L’article 2 de la Loi prévoit ce qui suit :

« emploi » ou « usage » À l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

“use”, in relation to a trade-mark, means any use that by section 4 is deemed to be a use in association with wares or services;Trade-marks Act, s. 2.

 

[58]           Le paragraphe 4(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

 (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

 

 

[59]           La mention d’une marque de commerce sur une facture qui accompagne les marchandises est réputée être un « emploi » en liaison avec ces dernières si la marque de commerce et les marchandises sont à ce point liées que le destinataire est ainsi avisé du lien existant entre la marque et les marchandises.

 

[60]           La jurisprudence établit que plusieurs facteurs sont pertinents pour trancher la question de savoir si une marque de commerce figurant dans le haut d’une facture est liée aux marchandises mentionnées dans celle‑ci.

 

[61]           Un facteur important tient à la prédominance de la marque de commerce dans le haut de la facture. Dans la décision Gowling Lafleur Henderson LLP c. Bulova Watch Co. (2006), 51 CPR (4th) 470, la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu, aux paragraphes 14 et 18, que la mention d’une marque de commerce dans le haut d’une facture constituait un emploi en liaison avec les marchandises en raison de la prédominance de la marque sur la facture et de sa présentation stylisée :

Étant donné la déclaration de M. Neitzel selon laquelle les factures sont jointes aux marchandises, si les mots ART OF TIME, tels qu’ils figurent dans la partie supérieure de la facture, sont perçus comme étant une marque de commerce à l’égard des horloges facturées plutôt que comme un nom commercial ou comme une marque de service, la preuve permet de maintenir les « horloges » dans l’enregistrement.

 

[…]

 

À mon avis, la présente affaire ressemble davantage à l’affaire Road Runner qu’aux affaires Datel ou Sunnyfresh. [J]e suis convaincue que la marque ART OF TIME ressortait davantage et constituait un élément distinctif de la raison sociale Art of Time Ltd. et que, bien que la facture comporte une adresse du titulaire de licence, elle n’identifie pas simplement cette adresse, elle fait ressortir la marque et permet de distinguer celle-ci. Il est donc raisonnable d’accepter que les personnes qui reçoivent les factures jointes à une horloge de parquet voient dans ART OF TIME une marque de commerce qui distingue les horloges de celles d’autres fabricants.  [Non souligné dans l’original.]

 

 

[62]           Dans la décision 88766 Canada Inc. c. Phillips, 2008 CarswellNat 2206 (C.O.M.C.), la Commission des oppositions des marques de commerce a pris en compte, au paragraphe 19, le fait que la marque de commerce figurant dans la partie supérieure des factures n’était pas utilisée avec une adresse ou un numéro de téléphone d’entreprise, et que les factures ne permettaient pas de penser que les marchandises vendues provenaient de plus d’un fabricant :

Dans la présente procédure, je suis portée à accepter que l’existence de l’avis de liaison requis entre la Marque et les marchandises a été établie, compte tenu d’une combinaison de plusieurs facteurs. D’abord, la Marque semble placée en évidence dans le haut des factures, en très gros caractères, et elle n’est pas utilisée dans le but d’identifier l’entreprise, c’est-à-dire avec une adresse et/ou un numéro de téléphone, etc. De plus, rien n’indique sur les factures que les marchandises de plus d’un fabricant sont vendues. J’estime donc qu’il est raisonnable de présumer qu’un acheteur conclurait que la Marque est utilisée en liaison avec les marchandises énumérées sur la facture. [Non souligné dans l’original.]

 

[63]           Dans la décision 88766 Canada Inc. c. Texinvest Inc., 2008 CarswellNat 767, aux paragraphes 12 et 14 (C.O.M.C.), la Commission des oppositions des marques de commerce a tenu compte du client auquel les marchandises dont il était fait mention dans la facture étaient destinées pour conclure qu’une marque de commerce figurant dans la partie supérieure d’une facture constituait un emploi en liaison avec les marchandises :

Je remarque également l’inscription KID COOL COLLECTIONS en grosses lettres très claires dans le haut de l’échantillon de facture fourni. KID COOL est écrit en grosses lettres et le mot COLLECTIONS est écrit en dessous en plus petites lettres.

 

[…]

 

À mon avis, l’acheteur comprendrait clairement en l’espèce que les marchandises énumérées sur la facture étaient vendues comme la ligne de vêtements KID COOL. D’autant plus que l’acheteur n’est pas le consommateur final, mais un point de vente au détail. J’estime raisonnable de supposer que ledit acheteur connaîtrait l’entreprise de vente au détail et de la distribution de vêtements et comprendrait que la marque est utilisée en liaison avec une « collection » de vêtements, c’est-à-dire pour un certain nombre d’articles vestimentaires vendus sous la même marque.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[64]           Dans la décision Messrs. Stewart McKelvey Stirling Scales c. Peninsula Farm Ltd., 2006 CarswellNat 4228, aux paragraphes 12 et 14 (C.O.M.C.), la Commission des oppositions des marques de commerce a pris en considération le fait qu’aucune autre marque de commerce ne figurait sur la facture en liaison avec les marchandises vendues :

En outre, j’accepte également que la présence de la marque de commerce PENINSULA FARM à la partie supérieure de chaque facture serait également perçue comme un emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises vendues, étant donné que la titulaire de l’enregistrement est le producteur et qu’aucune autre marque de commerce n’y figure en liaison avec les marchandises vendues. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[65]           Dans la présente affaire, la commissaire n’a tenu compte d’aucun des facteurs énoncés dans la jurisprudence examinée ci‑dessus avant de conclure que les factures jointes à l’affidavit de M. de Leeuw comme pièce B n’établissaient pas l’emploi. La commissaire a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique en matière d’« emploi » prévu par la Loi, en n’appliquant pas la jurisprudence pertinente et en ne prenant pas en compte les facteurs applicables pour décider si l’« emploi » avait été établi. Par conséquent, la question de savoir si les factures jointes comme pièce B à l’affidavit de M. de Leeuw faisaient la preuve de l’« emploi » de la marque de commerce HORTILUX doit être réexaminée par la Cour à la lumière des facteurs pertinents.

 

[66]           Les factures jointes comme pièce B à l’affidavit de M. de Leeuw émanent de l’appelante (sous sa dénomination antérieure Hortilux B.V.) à l’intention de son distributeur canadien, P.L. Light Systems. Elles accompagnaient et concernaient des réflecteurs de lampe HORTILUX que P.L. Light Systems importait au Canada.

 

[67]           Selon les facteurs pertinents, les factures jointes comme pièce B à l’affidavit de M. de Leeuw établissent l’emploi de la marque de commerce HORTILUX en liaison avec des réflecteurs de lampe. Je conviens avec l’appelante que la presque totalité des facteurs énoncés dans la jurisprudence susmentionnée étayent la conclusion voulant qu’il y ait eu « emploi » en l’espèce :

 

1.                  la marque de commerce HORTILUX figure en très gros caractères (lesquels sont différents du texte avoisinant) et dans une forme stylisée qui comporte des éléments graphiques (lesquels sont également différents du texte avoisinant); elle occupe donc une place prédominante et elle se distingue des autres éléments de la facture;

2.                  manifestement, le mot HORTILUX situé dans la partie supérieure des factures se rapporte à la marque de commerce HORTILUX par opposition à la dénomination sociale de l’entreprise. D’ailleurs, la dénomination sociale « Hortilux B.V. » figure de façon distincte juste au‑dessus de l’adresse de la société;

3.                  le destinataire des biens, P.L. Light Systems, n’est pas un consommateur final, mais plutôt un distributeur, lequel, vraisemblablement, connaît l’entreprise de l’appelante et comprend donc que le mot HORTILUX distingue les réflecteurs mentionnés dans la facture des réflecteurs d’autres entreprises;

4.                  les factures ne concernent que des réflecteurs. Il est donc clair que les marchandises vendues proviennent d’un seul fabricant;

5.                  aucune autre marque de commerce ne figure sur les factures (que ce soit dans le corps du document ou ailleurs).

 

[68]           Par conséquent, les factures jointes comme pièce B à l’affidavit de M. de Leeuw établissent l’emploi antérieur, par l’appelante, de la marque de commerce HORTILUX.

 

Les schémas de principe

 

[69]           L’appelante a non seulement apposé sa marque de commerce HORTILUX sur les factures susmentionnées, mais également sur des schémas de principe fournis à P.L. Light Systems dans le cours normal de la promotion et de la vente de ses produits HORTILUX. Il est utile de signaler que les schémas joints à l’affidavit de M. Brok ont été envoyés à P.L. Light Systems en juillet 1997, et que les réflecteurs HORTILUX de l’appelante ont été fournis à P.L. Light Systems le mois suivant, soit en août 1997.

 

Le témoignage de M. Brok relatif à l’emploi antérieur

 

[70]           L’emploi antérieur, par l’appelante, de la marque de commerce HORTILUX est en outre étayé par le témoignage de M. Brok, qui travaillait chez l’appelante pendant la période pertinente et qui a personnellement visité P.L. Light Systems au Canada en 1997. Dans son affidavit, M. Brok fait notamment les assertions suivantes :

1.                  P.L. Light Systems importe des appareils d’éclairage HORTILUX et des réflecteurs de lampe HORTILUX au Canada depuis mars 1997;

2.                  de façon continue depuis 1997, l’appelante et ses clients canadiens ont souvent désigné sa société et ses produits par le simple mot HORTILUX.

 

La conclusion relative à l’emploi antérieur

 

[71]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que l’appelante a établi qu’elle employait sa marque de commerce HORTILUX avant la date de premier emploi alléguée par l’intimée, soit le 31 décembre 1997.

 

L’emploi antérieur de la marque HORTILUX profite à l’appelante

 

[72]           Le paragraphe 50(1) de la Loi est ainsi rédigé :

 (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

50(1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the license, direct or indirect control of the character or quality of the wares or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.

 

[73]           Lorsque le propriétaire d’une marque de commerce vend ses marchandises en liaison avec une marque de commerce à un distributeur au Canada, la marque est réputée être « employée » au Canada par son propriétaire. Ainsi, lorsqu’elle a vendu ses produits à son distributeur canadien, P.L. Light Systems, l’appelante a elle‑même employé la marque au Canada. Elle n’a donc pas à invoquer l’article 50 de la Loi et au fait qu’elle a profité de l’emploi de la marque par un tiers.

 

[74]           Cependant, la commissaire a conclu qu’un emploi, quel qu’il soit, de la marque de commerce HORTILUX n’aurait pas profité à l’appelante suivant le paragraphe 50(1) de la Loi compte tenu de ce qui suit :

[49] Qui plus est, en dépit de la déclaration de fait de M. de Leeuw selon laquelle l’accord de licence faisait en sorte que Hortilux Schreder B.V. contrôlait les caractéristiques et la qualité des appareils d’éclairage et réflecteurs, je constate que ledit accord n’a pas été produit en preuve. Sans compter que M. de Leeuw n’explique d’aucune façon comment ce contrôle est exercé pas plus qu’il ne détaille les mesures prises pour maintenir les caractéristiques et assurer la qualité des marchandises [voir Pernod Ricard c. Molson Canada 2005, (2007), 60 C.P.R. (4th) 338 (C.O.M.C.)]. Je suis donc d’avis que l’emploi des marques de l’Opposante, même s’il avait été démontré, n’aurait pas profité à celle‑ci en application du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

[75]           Il me semble donc que la commissaire a à tort supposé que le paragraphe 50(1) s’appliquait à tous les « emplois » de la marque HORTILUX mis en la preuve par l’appelante. La commissaire n’a pas reconnu que la preuve de l’appelante établissait un emploi direct par cette dernière (plutôt que par l’entremise d’un licencié), à l’égard duquel les exigences du paragraphe 50(1) ne s’appliquent pas.

 

[76]           Plus précisément, la preuve de l’appelante démontrait deux « emplois » différents de la marque de commerce HORTILUX :

1.                  l’appelante exporte des réflecteurs de lampe HORTILUX au Canada en les vendant à P.L. Light Systems, qui distribue les produits;

2.                  dans certains cas, P.L. Light Systems assemble les réflecteurs de lampe HORTILUX et des accessoires d’éclairage et les distribue partout en Amérique du Nord.

 

[77]           Seul ce dernier « emploi » pourrait éventuellement faire jouer les exigences fixées au paragraphe 50(1) de la Loi.

 

[78]           En revanche, cette disposition ne s’applique tout simplement pas à l’exportation de réflecteurs de lampe HORTILUX au Canada par l’appelante.

 

[79]           De plus, en ce qui concerne l’emploi, par P.L. Light Systems, de la marque de commerce HORTILUX en vertu d’une licence, l’affidavit de M. Brok répond justement aux préoccupations de la commissaire concernant le manque de précision de la preuve soumise par l’appelante en ce qui touche la question du contrôle.

 

[80]           Par conséquent, j’estime que l’emploi de la marque de commerce HORTILUX par P.L. Light Systems et par l’appelante profite à l’appelante.

 

La confusion

 

[81]           Pour se prononcer sur le motif d’opposition fondé sur l’article 16 qu’invoque l’appelante, il faut déterminer si la marque de commerce HORTILUX visée par la demande d’enregistrement et employée en liaison avec des « lampes électriques » créait de la confusion avec la marque de commerce HORTILUX de l’appelante, laquelle, à la date de premier emploi alléguée par l’intimée, avait antérieurement été employée en liaison avec des réflecteurs de lampe. Toutefois, comme elle n’a pas estimé que l’appelante avait employé la marque de commerce HORTILUX, la commissaire ne s’est pas penchée sur la question de la confusion. Ce point doit donc être examiné par la Cour.

 

[82]           L’article 6 de la Loi définit les circonstances dans lesquelles il faut conclure qu’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce. Plus précisément, le paragraphe 6(5) prévoit que les facteurs suivants doivent être pris en compte pour décider s’il y a confusion entre des marques de commerce :

6(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

d) la nature du commerce;

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

6(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

 

 

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

 

 

 

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

 

 

(c) the nature of the wares, services or business;

 

(d) the nature of the trade; and

 

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

 

[83]           Les facteurs susmentionnés permettent de conclure sans hésitation que la marque de commerce HORTILUX visée par la demande créait, pour les raisons suivantes, de la confusion avec la marque de commerce HORTILUX de l’opposante à la date de premier emploi de la marque par l’intimée :

1.                  la marque de commerce HORTILUX est constituée d’un mot inventé et elle possède un caractère distinctif inhérent prononcé;

2.                  l’appelante employait la marque de commerce HORTILUX au Canada depuis au moins août 1997, soit antérieurement à la date de premier emploi de l’appelante la plus éloignée possible, soit octobre 1997;

3.                  les marchandises des parties ont toutes trait à l’éclairage horticole. En particulier, la demande produite par l’intimée vise l’enregistrement de la marque de commerce HORTILUX pour des lampes électriques (c.‑à‑d. des ampoules électriques), et la preuve montre que les lampes électriques de l’intimée sont destinées au secteur horticole. L’appelante vend en liaison avec la marque de commerce HORTILUX des appareils d’éclairage et des réflecteurs de lampe (qui servent de supports de lampes électriques) destinés au secteur horticole;

4.                  les marchandises de l’une des parties pourraient facilement être combinées et employées avec les marchandises de l’autre. Par exemple, les ampoules électriques HORTILUX de l’intimée pourraient être utilisées dans les réflecteurs HORTILUX de l’appelante;

5.                  comme il est énoncé dans les affidavits de M. Brok et de M. de Leeuw, P.L. Light Systems emploie la marque de commerce HORTILUX en vertu d’une licence en liaison avec les appareils d’éclairage et les réflecteurs de l’appelante qui sont assemblés avec d’autres accessoires d’éclairage (p. ex., des ampoules électriques). Il y a donc chevauchement direct entre les marchandises respectives des parties qui sont vendues en liaison avec la marque HORTILUX;

6.                  la marque de commerce HORTILUX visée par la demande est identique à la marque de commerce HORTILUX de l’appelante.

 

[84]           En conséquence, l’appelante fait valoir que l’intimée n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce HORTILUX en liaison avec des lampes électriques et que la demande d’enregistrement produite par l’intimée doit être rejetée en application de l’article 16 et de l’alinéa 38(2)c) de la Loi.

 

[85]           L’intimée a choisi de ne pas contre‑interroger M. de Leeuw sur son affidavit. Elle a toutefois tenté, lors de l’audience de la Cour, de soulever des doutes quant à la preuve de l’appelante. L’intimée fait remarquer que les factures comportent des adresses différentes pour la livraison et la facturation et qu’on peut en conséquence douter que les factures aient réellement accompagné les marchandises. Après examen des factures, force est de constater qu’il est loin d’être clair que les adresses diffèrent réellement. Les documents portent tous deux la mention « 183 South Service Road, unit 2, L3M 4GE Grimsby Ontario Canada ». La seule différence tient à ce que l’adresse sur la facture comporte en outre la mention « PO Box 206 ». Si des explications étaient nécessaires à cet égard, l’intimée aurait facilement pu les obtenir en contre‑interrogeant M. de Leeuw. Celui‑ci déclare sans équivoque dans son affidavit que les factures accompagnaient les marchandises :

[traduction] Des copies de factures représentatives datées du 26 août 1997, du 12 septembre 1997 et du 2 octobre 1997, adressées par Hortilux B.V. à P.L. Light Systems Canada Inc., sont jointes à mon affidavit comme pièce B. Ces factures accompagnaient des réflecteurs de lampe importés au Canada par ma société.

 

 

[86]           L’intimée tente aussi de jeter un doute sur le témoignage de M. de Leeuw en remettant en question la signification du terme [traduction] « accompagnaient » employé dans l’extrait ci‑dessus. Je pense toutefois qu’il faut, dans ce contexte, donner à ce mot son sens habituel de [traduction] « se joindre à » (voir le Canadian Oxford Dictionary). Je ne pense pas que l’intimée puisse choisir de ne pas contre‑interroger un témoin sur un point quelconque pour ensuite faire valoir devant la Cour qu’un terme donné pourrait avoir une signification autre que son sens usuel. Il en va de même pour d’autres tentatives de l’intimée visant à mettre en doute la signification des factures sans le bénéfice d’un contre‑interrogatoire. À première vue et à la lumière de l’affidavit de M. de Leeuw, je crois que les factures établissent l’emploi requis et qu’il était déraisonnable pour la commissaire d’affirmer le contraire.

 

Absence d’abandon

 

[87]           L’intimée soutient également que l’appelante n’a pas réussi à établir que sa marque de commerce n’a pas été abandonnée. Elle affirme que, pour [traduction] « établir que la marque de commerce HORTILUX n’a pas été abandonnée, l’appelante doit faire la preuve qu’elle employait toujours la marque de commerce HORTILUX à la date de la publication de la demande en cause, à savoir le 9 janvier 2002 ».

 

[88]           Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un énoncé exact du droit. L’intimée a notamment invoqué l’arrêt Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 17 CPR (3d) 289 (C.A.F.), dans son recueil de jurisprudence et de doctrine. Cet arrêt nous enseigne ce qui suit à la page 298 :

Il est de règle que « le simple non-usage d’une marque de commerce n’équivaut pas nécessairement à son abandon. Ce non‑usage doit également être accompagné de l’intention d’abandonner » : le juge Cattanach dans Marineland Inc. c. Marine Wonderland and Animal Park Ltd. [1974] 2 C.F. 558, 574, (1974), 16 C.P.R. (2d) 97, 110-111. Fox justifie la règle en ces termes (The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3e éd., p. 280) :

 

[traduction] Le simple non-usage d’une marque de commerce n’équivaut pas nécessairement à son abandon, car le non-usage peut être expliqué de façon satisfaisante. Il doit y avoir l’intention d’abandonner.

 

 

[89]           La preuve soumise à la Cour en l’espèce ne permet pas de penser que l’appelante ait eu, à la date pertinente, une quelconque intention d’abandonner la marque HORTILUX.

 

[90]           Dans le présent appel, l’appelante a produit les nouveaux éléments de preuve suivants :

1.                  l’affidavit de Marco Brok, directeur de la recherche et du développement de l’appelante;

2.                  l’affidavit d’Edwin de Gier, gestionnaire de projet de Prins Greenhouses (un client de l’appelante en Colombie‑Britannique);

3.                  l’affidavit de Kendrick Westerhoff, président et propriétaire de Cedarway Floral Inc. (un client de l’appelante en Ontario).

 

[91]           L’intimée n’a produit aucun nouvel élément de preuve et n’a contre‑interrogé aucun des auteurs des affidavits susmentionnés.

 

[92]           Un résumé des nouveaux éléments de preuve produits par l’appelante est présenté ci‑dessous.

 

La preuve relative à l’emploi de la marque de commerce HORTILUX

 

[93]           Marco Brok est le directeur de la recherche et du développement de l’appelante depuis environ juin 2001. Il travaille pour cette société depuis qu’elle a débuté ses activités sous la dénomination Hortilux B.V., vers le 12 mars 1997.

 

[94]           Monsieur  Brok confirme que, depuis qu’il a commencé à travailler pour l’appelante (en mars 1997), P.L. Light Systems, le distributeur de cette dernière, importe au Canada des appareils d’éclairage HORTILUX et des réflecteurs de lampe HORTILUX achetés à l’appelante. Dans certains cas, P.L. Light Systems vend les appareils d’éclairage et les réflecteur HORTILUX tels qu’elle les reçoit. Il arrive aussi qu’elle assemble les produits HORTILUX avec des éléments d’éclairage additionnels et les distribue partout en Amérique du Nord.

 

[95]           M. Brok joint à comme pièce D à son affidavit des schémas de principe, relatifs aux produits HORTILUX, qui ont été envoyés par télécopieur à P.L. Light Systems au Canada au plus tard le 26 juillet 1997. Généralement, l’appelante prépare de tels schémas de principe et les soumet un plan d’éclairage à l’approbation du client avant de lui envoyer des produits HORTILUX. Dans le coin inférieur gauche des schémas se trouve la marque de commerce HORTILUX en grandes lettres majuscules.

 

[96]           L’affidavit de M. Brok comporte en outre des exemples de l’emploi continu des marques de commerce et des noms commerciaux HORTILUX et HORTILUX SCHREDER par l’appelante.

 

[97]           À titre d’exemple, l’appelante est propriétaire d’un site Web, www.hortilux.com, qu’elle exploite depuis février 1998. L’appelante renvoie souvent ses clients, y compris ses clients canadiens, à ce site où ils peuvent obtenir des renseignements au sujet de la société et de ses produits. La pièce C jointe à l’affidavit de M. Brok renferme des imprimés de pages tirées du site www.hortilux.com telles qu’elles y figuraient en 1998. Comme le montre le site Web à cette époque, l’appelante désigne la société et ses produits par le terme HORTILUX.

 

[98]           Monsieur Brok affirme de plus que, sans interruption depuis 1997, l’appelante et ses clients canadiens désignent souvent l’appelante et ses produits simplement par le mot HORTILUX. Cette preuve est corroborée par les affidavits de clients de l’appelante, à savoir Edwin de Gier et Kendrick Westerhoff. Ces derniers travaillent pour des sociétés canadiennes qui ont acheté des produits de l’appelante pendant les périodes mentionnées dans leurs affidavits respectifs, et ils confirment tous deux que la société et les produits de l’appelante sont désignés par le terme HORTILUX.

 

[99]           Je suis donc d’avis que l’appelante a établi que sa marque de commerce n’a pas été abandonnée.

 

Conclusion

 

[100]       Par conséquent, j’estime que l’intimée n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce HORTILUX en liaison avec des lampes électriques, et que la demande d’enregistrement produite par l’intimée doit être rejetée en application de l’article 16 et de l’alinéa 38(2)c) de la Loi.

 

[101]       Pour les motifs exposés ci‑dessus, le présent appel doit être accueilli.


 

JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  Le registraire des marques de commerce a commis une erreur lorsqu’il a rejeté l’opposition produite par l’appelante à l’égard de la demande no 1,064,360 visant la marque de commerce HORTILUX.

 

2.                  En application de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, la présente demande est accueillie, la décision du registraire des marques de commerce est annulée et la demande no 1,064,360 visant l’enregistrement d’une marque de commerce est rejetée.

 

3.                  L’appelante a droit aux dépens liés à la présente demande.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-2116-10

 

INTITULÉ :                                                   HORTILUX SCHREDER B.V.

 

                                                                        et

 

                                                                        IWASAKI ELECTRIC CO. LTD.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 29 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT                           LE JUGE RUSSELL

ET JUGEMENT :

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 29 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven B. Garland

Philip Lapin

 

POUR L’APPELANTE

Robert A. MacDonald

Jennifer Galeano

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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