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Date : 20110726


Dossier : IMM-385-11

Référence : 2011 CF 929

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

KULVIR KAUR BRAR

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Aperçu
Mme Kulvir Kaur Brar et son époux, M. Dalbir Beniwal, désirent parrainer leur fille adoptive, Gungeet, qui vit en Inde, afin qu’elle devienne résidente permanente du Canada. Gungeet est la nièce de M. Beniwal.

 

[2]               Mme Brar a déposé une demande de parrainage en 2005, mais a vu sa demande rejetée par un agent des visas, qui a conclu que l’adoption n’était pas authentique et visait à permettre à Gungeet d’obtenir le statut de résidente permanente au Canada. Mme Brar a interjeté appel de la décision devant la Section d’appel de l’immigration [SAI], qui a rejeté l’appel.

[3]               Mme Brar soutient que la SAI a commis de nombreuses erreurs de fait et en est arrivée à une conclusion déraisonnable. Elle me demande d’annuler la décision et d’ordonner une nouvelle audience. Cependant, je ne puis voir aucune raison d’annuler la décision et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. À mon avis, la décision de la SAI était appuyée par la preuve.

 

[4]               La seule question qui se pose est de savoir si la décision de la SAI était déraisonnable.

 

II.         La décision de la SAI

[5]               L’étranger n’est pas considéré comme l’enfant adoptif d’une personne si l’adoption visait principalement l’acquisition d’un statut d’immigrant ou qu’elle n’a pas créé un véritable lien affectif parent-enfant : article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (les dispositions mentionnées sont reproduites à l’annexe A). Il incombait à Mme Brar de convaincre la SAI qu’aucune de ces situations ne s’appliquait à l’adoption de Gungeet.

 

[6]               La SAI a débuté son analyse en se demandant si l’adoption avait créé un véritable lien affectif parent-enfant et a tenu compte des facteurs suivants :

            •           le motif de l’adoption;

            •          la mesure dans laquelle les parents adoptifs ont donné des soins et exercé un contrôle sur l’enfant depuis l’adoption;

            •           la nature et l’importance des contacts entre les parents adoptifs et l’enfant;

            •           la mesure dans laquelle les parties se connaissaient;

            •           les plans établis pour l’avenir de l’enfant.

 

[7]               La SAI a reconnu que Mme Brar et M. Beniwal souhaitaient à l’origine se tourner vers l’adoption, parce qu’ils n’arrivaient pas à concevoir eux-mêmes un enfant. Cependant, après avoir adopté Gungeet et avoir eu leurs propres enfants, il est plus probable qu’ils aient voulu offrir une meilleure qualité de vie à un membre de leur famille.

 

[8]               En ce qui a trait à la question des soins et du contrôle, Mme Brar a produit des documents financiers montrant des transferts d’argent en Inde, lesquels transferts visaient à payer le coût des soins et les frais de scolarité de Gungeet. Cependant, la SAI a conclu que les documents ne comportaient pas suffisamment de détails au sujet des besoins de Gungeet et de l’aide financière qu’elle a effectivement reçue de ses parents adoptifs.

 

[9]               De plus, la preuve ne montrait pas clairement le rôle que Mme Brar et M. Beniwal avaient joué dans l’éducation de Gungeet, eu égard, notamment, aux contacts limités entre eux. M. Beniwal ne s’est pas rendu en Inde aux fins de l’adoption. En fait, Mme Brar et M. Beniwal n’ont rendu visite à Gungeet qu’après une période de quatre ans suivant l’adoption. Ils sont allés la voir à nouveau deux ans après. Dans l’intervalle, Mme Brar, M. Beniwal et Gungeet se sont téléphoné et se sont envoyé des lettres, des cartes et des photographies. La SAI a conclu que les parties n’avaient qu’une connaissance superficielle l’une de l’autre.

 

[10]           Quant à l’avenir de Gungeet, Mme Brar et M. Beniwal avaient l’intention de l’aider à poursuivre ses études; Gungeet souhaite devenir médecin un jour.

 

[11]           En se fondant sur son examen des facteurs applicables et de la preuve correspondante, la SAI a conclu que Mme Brar n’avait pas prouvé qu’un véritable lien affectif parent-enfant avait été créé avec Gungeet. De l’avis de la SAI, l’adoption visait principalement à permettre à Gungeet d’obtenir le statut de résidente permanente.

 

III.       La décision de la SAI était-elle déraisonnable?

[12]           Mme Brar soutient que la SAI a commis une erreur en omettant de tenir compte de la nature spéciale des adoptions. De toute évidence, il est difficile de créer un lien affectif parent‑enfant lorsque les parties n’ont pas eu la possibilité de vivre ensemble et que ce sont d’autres personnes qui prennent soin de l’enfant.

 

[13]           De plus, Mme Brar fait valoir que les motifs de la décision de la SAI sont contradictoires. D’une part, la SAI reconnaît que l’adoption a été envisagée à l’origine parce que Mme Brar et M. Beniwal avaient du mal à concevoir un enfant. D’autre part, elle conclut que l’adoption a été faite principalement à des fins d’immigration.

 

[14]           Selon Mme Brar, la SAI a semblé croire que la situation n’avait guère changé pour Gungeet après l’adoption et n’a pas tenu compte du fait que celle-ci ne vivait plus avec ses parents biologiques, qu’elle avait déménagé chez ses grands-parents et qu’elle avait modifié son nom de famille. Étant donné qu’elle vivait dans la même ville que ses parents biologiques et qu’elle a continué à fréquenter la même école que ses frères et soeurs, il ne serait pas réaliste, de l’avis de Mme Brar, de s’attendre à ce que Gungeet rompe tous les liens qui la rattachaient à sa famille après l’adoption.

 

[15]           En ce qui concerne les soins donnés à Gungeet, Mme Brar se demande quels sont les autres éléments de preuve que la SAI s’attendait à voir au sujet du soutien financier. Les documents qu’elle a déposés montraient que des milliers de dollars avaient été transférés au cours d’une période de plusieurs années au profit de Gungeet. De plus, la SAI a passé sous silence une lettre dans laquelle les autorités de l’école que fréquentait Gungeet ont corroboré l’intérêt que Mme Brar et M. Beniwal avaient manifesté au sujet des études de leur fille adoptive.

 

[16]           Mme Brar affirme qu’ensemble, ces erreurs ont incité la SAI à tirer une conclusion déraisonnable. Cependant, après avoir passé en revue l’ensemble de la preuve et des motifs de la décision de la SAI, je ne crois pas que la conclusion de celle-ci était déraisonnable.

 

[17]           La SAI a reconnu que Mme Brar et M. Beniwal désiraient à l’origine adopter un enfant parce qu’ils n’arrivaient pas à concevoir eux-mêmes un bébé. Cependant, il ne s’agissait que d’un seul facteur à prendre en compte au moment de déterminer l’objet global de l’adoption. Après avoir examiné l’ensemble des facteurs pertinents et de la preuve, la SAI a conclu que l’adoption visait à faciliter l’admission de Gungeet au Canada, même si la motivation initiale était sincère.

 

[18]           En ce qui a trait à l’ampleur des changements qu’a connus Gungeet après l’adoption, la SAI a fait remarquer, à juste titre, que celle-ci fréquentait la même école, qu’elle vivait dans la même ville et qu’elle a continué à avoir des contacts avec sa famille. Bien entendu, cette situation était normale dans les circonstances; cependant, encore là, il s’agissait seulement de l’un des facteurs dont la SAI devait tenir compte.

 

[19]           Quant aux soins et au contrôle, il était raisonnable de la part de la SAI de s’attendre à ce que Mme Brar présente des éléments de preuve établissant l’importance des besoins financiers de Gungeet et la façon dont la demanderesse et son époux avaient répondu à ces besoins. Aucune preuve de cette nature ne ressortait des documents déposés par Mme Brar (même si ces documents faisaient état de transferts d’argent en Inde). De plus, peu d’éléments de preuve ont été présentés à la SAI au sujet de la qualité des relations entre les parents adoptifs et Gungeet. Les contacts étaient apparemment superficiels et peu fréquents.

 

[20]           Quant à la lettre de l’école, il aurait sans doute été souhaitable que la SAI la mentionne, mais je suis d’avis que le contenu de cette lettre était général et n’établissait pas de la part de Mme Brar et de son époux une participation active ou prolongée dans l’éducation de Gungeet.

 

[21]           En conséquence, j’estime que la décision de la SAI n’était pas déraisonnable. Elle appartenait aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

IV.       Conclusion et décision

[22]           Après avoir examiné les motifs de la décision de la SAI et l’ensemble de la preuve, je suis d’avis que la conclusion de celle-ci selon laquelle l’adoption de Gungeet visait principalement l’acquisition d’un statut d’immigrant au Canada était raisonnable, c’est-à-dire qu’elle était justifiée et que le processus décisionnel était transparent et facile à comprendre. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à faire certifier et aucune n’est formulée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


Annexe « A »

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Mauvaise foi

 

  4. (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

b) n’est pas authentique.

 

Enfant adoptif

 

  (2) L’étranger n’est pas considéré comme étant l’enfant adoptif d’une personne si l’adoption, selon le cas :

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

b) n’a pas créé un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adopté et l’adoptant.

 

Parrainage de l’enfant adopté

 

  (3) Le paragraphe (2) ne s’applique pas aux adoptions visées à l’alinéa 117(1)g) et aux paragraphes 117(2) et (4).

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR-2002-227

 

Bad faith

 

  4. (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

 

 

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

 

(b) is not genuine.

 

Adopted children

 

  (2) A foreign national shall not be considered an adopted child of a person if the adoption

 

 

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

 

(b) did not create a genuine parent-child relationship.

 

Sponsorship of adopted children

 

  (3) Subsection (2) does not apply to adoptions referred to in paragraph 117(1)(g) and subsections 117(2) and (4).

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-385-11

 

INTITULÉ :                                       KULVIR KAUR BRAR ET AL c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lobat Sadrehashemi

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Sandra Weafer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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