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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 


Date : 20110721

Dossier : IMM-7614-10

Référence : 2011 CF 917

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 21 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

ELENA MARYLENE BOTEZATU et VALERIU BOTEZATU

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 2 décembre 2010 par laquelle une commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué que les demandeurs étaient exclus de la protection parce que, selon la Commission, il y avait des raisons sérieuses de penser que les demandeurs avaient commis de graves crimes de droit commun dans leur pays d’origine, la Roumanie. Pour les motifs qui suivent, je ferai droit à la présente demande et renverrai l’affaire à un commissaire différent en vue d’un nouvel examen.

 

[2]               Les demandeurs sont mariés et sont tous deux citoyens de la Roumanie. L’épouse est arrivée au Canada en 2002 et a demandé l’asile en mai 2003. Son époux est arrivé au Canada en juin 2008 et a demandé l’asile quelques jours plus tard. Leur demande a d’abord été entendue par un commissaire de la Commission, qui l’a rejetée. Le juge Phelan, de la Cour fédérale, a renvoyé l’affaire pour qu’un commissaire différent procède à une nouvelle audition. L’essentiel de ses motifs (2008 CF 191) est énoncé dans les paragraphes qui suivent :

[8]               Je considère plus troublant l’examen qu’a fait la SPR des conditions carcérales en Roumanie et sa conclusion selon laquelle la demanderesse ne serait pas exposée à la torture. En tant que juge des faits, la SPR a droit à une grande retenue à l’égard de ses constatations. En l’espèce, les rapports du Département d’État des États-Unis indiquent que les conditions carcérales ne répondent pas aux normes internationales. Le fait que la Roumanie était en train de se joindre à l’Union européenne, sous réserve de certaines conditions de réforme, pouvait être pertinent, mais ne l’a pas été jugé ainsi. Les conclusions de la SPR quant aux conditions matérielles et opérationnelles des prisons ne sont peut-être pas manifestement déraisonnables en soi (quoiqu’elles ne résistent pas à un examen poussé), mais comme elles étaient liées à la possibilité de torture en prison, elles sont manifestement déraisonnables.

 

[9]               Pour ce qui est de la question de savoir si la demanderesse était exposée à une possibilité sérieuse de préjudice, la SPR n’a pas suffisamment tenu compte du fait que le coaccusé de la demanderesse dans le scandale avait été torturé, et n’a pas expliqué pourquoi le traitement d’une personne qui se trouve dans une situation semblable n’était pas un indice solide du risque auquel serait exposée la demanderesse.

 

[3]               L’affaire a été entendue de nouveau par un commissaire différent (une commissaire, en l’occurrence), qui a pris en considération non seulement le dossier relatif à l’audition antérieure, mais aussi de nouvelles informations déposées et de nouveaux interrogatoires des demandeurs tenus devant elle. Dans ses motifs, cette dernière est arrivée à la conclusion suivante :

[62]      Par conséquent, le tribunal estime que le gouvernement s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que la demanderesse d’asile et le demandeur d’asile étaient tous deux visés à l’alinéa Fb) de l’article premier. Je conclus que les demandeurs d’asile doivent tous deux se voir refuser l’asile et qu’ils n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

 

Décision finale

 

[63]      Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus qu’il y a des raisons sérieuses de penser qu’Elena Marylene Botezatu et Valeriu Botezatu ont commis un crime grave de droit commun en Roumanie. Par conséquent, ils n’ont pas qualité de réfugié.

 

 

[4]               L’avocat des demandeurs a soulevé plusieurs questions au sujet des motifs et de la décision de la commissaire. Je crois qu’il est possible de régler la présente demande sur les fondements qui suivent.

 

[5]               Les parties conviennent que les demandeurs n’ont jamais été reconnus coupables d’un crime quelconque en Roumanie. Il est également entendu que les premières accusations déposées ont été annulées par l’entremise des procédures du tribunal roumain et que, à l’heure actuelle, ni l’un ni l’autre des demandeurs ne sont sous le coup d’un mandat d’arrestation. De plus, il est admis que de nouvelles accusations ont été portées contre les demandeurs, et qu’elles sont actuellement contestées devant les tribunaux roumains. Les demandeurs allèguent que ces accusations sont fabriquées de toutes pièces et que leur mobile est politique. Deux lettres, figurant dans le dossier du tribunal et émanant de l’avocat roumain des demandeurs, relatent un peu les antécédents de ces accusations. La lettre de l’avocat datée du 11 mai 2009 débute et se termine comme suit :

 

[traduction]

1.         En tant qu’avocat de la défense, conformément à mes lettres antérieures, je vais brièvement présenter l’évolution et les aspects importants du procès criminel intenté par les autorités roumaines contre Mme Botezatu Elena Marylene (BEM). Le procès se compose de deux volets distincts, menés simultanément : le mandat d’arrestation à titre préventif (MAP) et l’accusation proprement dite. Je vais vous montrer comment et pourquoi, sous une légalité apparente :  

 

a.       le MAP a été délivré et appliqué d’une manière tout à fait illégale depuis le 25/07/02 [11, 12, 13],

b.      la poursuite est un coup monté [14-25],

c.       BEM a été victime de discrimination [26],

d.      le procès n’était pas et ne sera pas équitable [2-27].

 

Je vais analyser et plaider l’affaire en fonction des documents utilisés dans le cadre du procès de l’affaire ainsi que des dispositions légales  applicables.

 

[...]

 

Si l’on considère tout ce que BME a subi, on y voit un exemple de « justice appliquée » qui comporte tous les ingrédients susmentionnés. Malgré son innocence, si elle retourne au pays elle sera (fort probablement) arrêtée à titre préventif pendant une période pouvant atteindre 180 jours, pendant la tenue du procès, et ensuite incarcérée pendant des années à l’issue de ce dernier, où il y a de fortes chances qu’elle soit déclarée coupable, comme suite naturelle à tout ce qui lui est arrivé jusqu’à présent, de manière constante, depuis sept ans.

 

 

[6]               À l’audience, l’avocat du défendeur a tenté de rejeter ces lettres, dont celle qui précède, parce qu’elles étaient simplement celles d’un avocat qui défendait la cause d’un client. Il y a deux points à souligner à cet égard. Premièrement, le défendeur ne peut mettre le doigt, dans le dossier du tribunal, sur aucune information contraire, sinon les accusations elles-mêmes. Deuxièmement, et ceci est particulièrement révélateur, la Roumanie n’a pas demandé que l’un ou l’autre des demandeurs soit extradé; pas plus que le gouvernement roumain ne semble poursuivre avec une vigueur quelconque les accusations actuellement en vigueur.

 

[7]               Il convient de noter particulièrement la dernière partie de la lettre citée plus tôt. On y dit que la demanderesse serait fort probablement arrêtée si elle retournait en Roumanie. Il n’existe aucune preuve contraire. Il convient de garder à l’esprit les préoccupations qu’a évoquées le juge Phelan dans ses motifs au sujet des conditions carcérales en Roumanie, et il a ordonné que la Section de la protection des réfugiés prenne cette question en considération.

 

[8]               Examinons maintenant le raisonnement de la commissaire, sur cette toile de fond.

 

[9]               Il ressort des motifs de la commissaire que celle-ci croyait à tort que les demandeurs avaient été déclarés coupables en Roumanie. Cette erreur apparaît dans au moins deux paragraphes de ses motifs. Il ressort d’un troisième paragraphe de ses motifs que l’affaire l’embrouillait un peu. L’avocat du défendeur a qualifié ses erreurs de [traduction] « libellé malheureux ». Je reproduis ici les paragraphes 36 et 59 des motifs de la commissaire, dans lesquels cette dernière indique que la demanderesse d’asile a été déclarée coupable d’un crime en Roumanie, ainsi que le paragraphe 45, où elle laisse entendre que la demanderesse d’asile a été seulement accusée d’un crime en Roumanie.

[36]      Au sujet de la norme de preuve, la Cour a conclu que les « raisons sérieuses de penser », norme de preuve s’appliquant aux questions de fait plutôt qu’aux questions de droit, constituent une norme moins exigeante que la prépondérance des probabilités. Pour satisfaire à cette norme, il n’est pas nécessaire de prouver que le demandeur d’asile a été accusé, déclaré coupable ou poursuivi au pénal. En l’espèce, la demanderesse d’asile a été accusée et déclarée coupable par contumace. En ce qui concerne particulièrement l’alinéa Fb) de l’article premier, la demanderesse d’asile a été accusée et déclarée coupable par contumace. En ce qui a trait précisément à l’alinéa Fb) de l’article premier, le Guide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), auquel la Cour suprême du Canada accorde une valeur persuasive, énonce que l’objectif de cet alinéa est le suivant :

 

[...] protéger la population d’un pays d’accueil contre le risque qu’il y aurait à admettre un réfugié ayant commis un crime grave de droit commun. [Il] vise également à préserver le sort des réfugiés qui ont commis un ou des crimes de droit commun moins graves ou une infraction politique.

 

[...]

 

 

[59]      La demanderesse d’asile est au Canada depuis 2002. Il incombe au ministre de démontrer pourquoi la demanderesse d’asile devrait se voir refuser l’asile. Par ailleurs, il incombe à la demanderesse d’asile de démontrer que la fraude pétrolière constitue un coup monté contre elle et que le système judiciaire ne l’a pas traitée de façon équitable. Le demandeur d’asile a été appelé à mentionner les efforts qui avaient été déployés pour faire annuler les déclarations de culpabilité prétendument fausses. Les mesures de réforme susmentionnées ont été signalées par l’agent du tribunal. Les éléments de preuve documentaire cités précédemment ne mentionnent pas un quelconque délai à respecter pour le dépôt de plaintes touchant le processus judiciaire. J’estime que les demandeurs d’asile ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait de prouver qu’ils ont déployé tous les efforts possibles afin de démontrer que, à ce jour, l’action en justice a été inéquitable et que la Roumanie n’a pas respecté l’application régulière de la loi.

 

[...]

 

[45]      Le « crime grave de droit commun » en cause a été décrit ci‑dessus. Je conviens de l’observation du conseil du ministre selon laquelle la demanderesse d’asile a pris part de son propre gré à un acte criminel. Rien n’indique que les accusations portées contre la demanderesse d’asile ont été levées. La demanderesse d’asile n’est visée par aucun mandat d’arrestation non exécuté. En outre, elle a admis que, selon le taux de change en vigueur en ce moment, le montant en cause représente plus de 2 000 000 $CAN. Le fait qu’elle ait affirmé que les accusations portées contre elle avaient été fabriquées de toutes pièces et qu’elle ne serait pas en mesure de subir un procès équitable ne change rien au fait qu’elle a été et est toujours accusée d’avoir commis un crime en Roumanie.

 

 

[10]           Les avocats conviennent que lorsqu’on examine l’exclusion selon l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une déclaration de culpabilité à l’égard des crimes allégués. Il est entendu qu’une gamme de facteurs peuvent entrer en jeu et que la norme de contrôle à appliquer est la suivante : plus qu’un soupçon, mais moins que la prépondérance des probabilités. Cependant, il faut aussi examiner l’affaire dans le contexte du système juridique qui existe dans le pays où les crimes ont censément été commis. La juge Gauthier de la Cour a récemment examiné cette question dans la décision Pineda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 454, aux paragraphes 27 à 33 :

 

[27]           Comme cela a été mentionné, les parties à la Convention ont adopté une norme de preuve peu stricte pour décider si un demandeur d’asile a commis un crime grave de droit commun avant de demander l’asile dans le pays où il s’est réfugié. Le législateur accorde également à la SPR toute latitude pour recevoir les éléments qu’elle juge crédibles et dignes de foi [alinéas 170g) et h) de la Loi]. Cela dit, le fait d’exiger des « raisons sérieuses » est une protection pour le demandeur d’asile contre les décisions arbitraires et frivoles, en particulier compte tenu des conséquences très graves susceptibles de découler d’une exclusion aux termes de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention. Pour que cette norme ait un sens, elle doit s’appliquer après une évaluation objective et appropriée du contexte ainsi que de toutes les preuves présentées par le demandeur d’asile. Bien évidemment, la SPR doit être particulièrement prudente lorsque les accusations portées ont été rejetées par un tribunal compétent, conformément à la primauté de la loi.

 

[28]           Dans Legault c. Canada (Secrétaire d’État) (1997), 42 Imm. L.R. (2d) 192, 219 N.R. 376 (CAF) et Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250, [2005] 1 F.C.R. 304, la Cour d’appel fédérale a indiqué clairement que la SPR peut, lorsque le contexte s’y prête, se fonder sur un acte d’accusation et un mandat d’arrestation pour conclure qu’il existe des motifs raisonnables de conclure que le demandeur d’asile a commis un crime grave à l’extérieur du Canada.

 

[29]           Cette affirmation se fonde sur le principe que, dans un système qui respecte la primauté de la loi, la SPR peut raisonnablement conclure qu’il existait des motifs raisonnables et probables pour que les services de police ou le système d’enquête judiciaire aient décerné un mandat ou porté une accusation.

 

[30]           Naturellement, pour que ce principe s’applique, la SPR doit d’abord être convaincue que l’autorité ayant pris cette mesure respecte la primauté de la loi, c’est‑à‑dire que, par exemple, il ne s’agit pas d’un pays reconnu pour déposer de fausses accusations dans le but de harceler ou d’intimider certaines personnes.

 

[31]           Cependant, parallèlement, cela veut également dire que l’importance des accusations portées dans un pays comme les États-Unis est fortement diminuée lorsque ces accusations sont rejetées. En fait, j’estime que dans une affaire de ce genre, le rejet des accusations est une preuve prima facie que ces crimes n’ont pas été commis par le demandeur d’asile et que le ministre ne peut simplement s’en remettre au dépôt de l’accusation pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe. Le ministre doit présenter des preuves crédibles et dignes de foi de la perpétration de l’infraction per se ou démontrer que dans les circonstances particulières de l’affaire, le rejet n’est pas déterminant parce qu’il ne concerne pas les faits à la base des accusations. Encore une fois, par exemple, le ministre pourrait y parvenir en démontrant que les preuves essentielles sur lesquelles reposent les accusations ont été exclues pour un motif qui ne lie pas la SPR et qui ne détruit pas totalement leur valeur probante.

 

[32]           Dans la présente affaire, il est évident que la principale preuve (sinon la seule) dont disposaient les personnes qui ont porté les accusations et sur lesquelles elles ont fondé leurs croyances raisonnable était la déclaration de la prétendue victime. Rien n’indique que le dossier d’enquête ait contenu d’autres preuves. Le policier qui a interrogé la plaignante a expressément fait remarquer qu’elle ne portait pas de marques ou de blessures visibles et qu’il n’y avait pas de « trousse du violeur ». Aucun examen ou analyse n’a été effectué. Ainsi, la rétractation de la plaignante a détruit la base même sur laquelle reposaient les croyances à l’origine des accusations.

 

[33]           Cela veut dire que la SPR devait être particulièrement prudente dans la façon de traiter les accusations et examiner de façon approfondie la rétractation de la plaignante. C’est sur ce point précis que j’estime que la décision attaquée est viciée.

 

[11]           En l’espèce, la commissaire a commis au moins trois erreurs en prenant en considération l’alinéa Fb) de l’article premier. La première, comme nous l’avons déjà vu, a été sa confusion ou sa croyance manifeste qu’il y avait eu une déclaration de culpabilité en Roumanie. Bien qu’il soit convenu qu’une déclaration de culpabilité n’est pas un élément déterminant, il s’agit d’un facteur très influent et celui-ci peu fort bien avoir fait pencher la balance dans le cas présent.

 

[12]           La deuxième erreur est le refus de la commissaire de tenir compte du fait que le ministre n’avait produit aucune preuve pour justifier les nouveaux changements. Voici ce qu’elle déclare, au paragraphe 46 de ses motifs :

 

[...] De plus, le conseil a fait valoir que le ministre n’avait fourni aucun élément de preuve nouveau ou supplémentaire pour attester le bien-fondé des accusations dont fait actuellement l’objet la demanderesse d’asile. À mon avis, cela n’est pas nécessaire, étant donné que la demanderesse d’asile a reconnu que les accusations portées contre elle en Roumanie sont toujours en instance.

 

[13]           J’ai demandé aux deux avocats s’ils pouvaient trouver dans le dossier du tribunal un élément quelconque concernant une admission relative aux accusations. Tout ce que l’on a pu trouver est le passage suivant, extrait d’une lettre de l’avocat des demandeurs à la Commission, en date du 2 juin 2010 :

[traduction] Cette information, s’il est possible de la vérifier, peu avoir de sérieuses répercussions pour l’affaire. Même s’il n’existe à l’heure actuelle manifestement aucun mandat en vigueur pour son arrestation, les accusations portées contre elle sont toujours en instance. Et il n’est pas clair à ce stade-ci quelles seront les conséquences réelles de l’annulation. En particulier, il est possible que les autorités roumaines délivrent un nouveau mandat, ou portent en appel la décision en vue de le rétablir, comme cela a été fait antérieurement. Un mandat antérieur qui avait été annulé par la Cour de Brasov (voir la pièce R-3 (dossier du tribunal), vol. 8, pages 1596 à 1598, vol. 11, pages 2017 à 2043) a par la suite été rétabli par la Cour d’appel de Brasov (voir la pièce R-3, vol. 11 et 12, pages 2192 à 2211, et surtout le bas de la page 2210).

 

 

[14]           Bien qu’il s’agisse là d’une admission que certaines accusations sont en instance, cela ne dégage aucunement la commissaire de la responsabilité d’examiner et d’évaluer la totalité des éléments de preuve, ce qui consiste, notamment, à examiner le manque de preuves au sujet de la nature et de la validité de ces accusations. Il existe une preuve considérable, de la part de l’avocat roumain des demandeurs et d’autres personnes, dont une déclaration d’un certain Mihai Florin, qui semble avoir été impliqué dans les questions en cause, dans laquelle ce dernier relate des déclarations antérieures qu’il a faites et absout les demandeurs de toute complicité. Tout cela exige un examen attentif, ce qui n’a tout simplement pas été fait.

 

[15]           La troisième erreur est que la commissaire n’a pas fait ce que le juge Phelan avait expressément demandé : examiner les conditions dans lesquelles se retrouverait à tout le moins la demanderesse si elle était incarcérée en Roumanie. La commissaire a refusé de le faire parce qu’il n’y avait pas de mandat d’arrestation inexécuté. Voici ce qu’elle écrit au paragraphe 54 de ses motifs :

[54]      Il appert que si l’affaire a été renvoyée aux fins de la tenue d’une nouvelle audience, c’est principalement parce que les conditions de détention en Roumanie et la question de savoir si la demanderesse subirait de la torture si elle était incarcérée n’ont pas été suffisamment examinées. Le juge Phelan a estimé que le commissaire de la Commission précédemment saisi de l’affaire avait rendu une conclusion manifestement déraisonnable relativement à la possibilité de torture en prison. Étant donné que la demanderesse d’asile ne fait plus l’objet d’un mandat d’arrestation, je refuse d’analyser cette question.

 

[16]           Ce faisant, la commissaire a fait entièrement abstraction de la preuve, citée plus tôt, de l’avocat des demandeurs, à savoir que, à tout le moins, la demanderesse serait fort probablement arrêtée si elle retournait en Roumanie. Il n’existe aucune preuve indiquant le contraire.

 

[17]           Dans les documents écrits, ainsi que lors des plaidoiries, bien des choses ont été dites au sujet de la nature des affaires dans lesquelles les demandeurs sont censément impliqués, ainsi qu’au sujet de leur degré de complicité, si tel est le cas. Il s’agit là de questions complexes, qui peuvent fort bien avoir été distrayantes. Même si ces questions requièrent un examen attentif, il semble que la commissaire a fait abstraction d’une bonne part des éléments de preuve que les demandeurs avaient soumis, ou qu’elle a omis de les prendre en considération. Étant donné que la présente affaire est renvoyée en vue de la tenue d’un nouvel examen, il conviendrait d’étudier ces questions à nouveau et de manière exhaustive.

 

[18]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire renvoyée à la Commission afin qu’un commissaire différent l’examine de nouveau. Aucun des avocats n’a soumis une question à certifier et je ne vois aucun motif pour le faire, ni aucun motif spécial pour adjuger les dépens.

 

 

 


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS INDIQUÉS,

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  la demande est accueillie;

2.                  l’affaire est renvoyée pour qu’un commissaire différent l’examine de nouveau;

3.                  aucune question n’est certifiée;

4.                  aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil

 

 



COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7614-10

 

INTITULÉ :                                       ELENA MARYLENE BOTEZATU et

                                                            VALERIU BOTEZATU

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 JUILLET 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 21 JUILLET 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Jamie Todd

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

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