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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20110614

 

Dossier : IMM-75-11

Référence : 2011 CF 686

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE:

 

LASZLO ISTVAN BURANDIK ET

IREN BURANDIK

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le fondement de la demande d’asile de M. et Mme Burandik est que M. Burandik avait été l'objet de persécutions en Hongrie en raison de sa foi juive. Il affirme qu’il serait de nouveau persécuté s’il y retournait. La commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui a rejeté leur demande n’a pas exprimé clairement si elle acceptait la preuve que M. Burandik est juif. Elle a conclu qu’il ne serait pas considéré comme étant juif et que, de toute façon, Budapest était une possibilité de refuge intérieur (PRI) ouverte au demandeur et un endroit offrant la protection de l’État.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]               Les questions soulevées par le présent contrôle judiciaire sont :

a.       La conclusion selon laquelle M. Burandik ne serait pas considéré comme étant juif est-elle raisonnable?

b.      La conclusion selon laquelle Budapest est une PRI ouverte au demandeur est-elle basée sur l’hypothèse selon laquelle M. Burandik ne serait pas considéré comme étant juif?

c.       La conclusion selon laquelle Budapest est une PRI serait-elle raisonnable si M. Burandik devait être considéré comme étant juif?

d.      La conclusion selon laquelle la protection de l’État serait offerte au demandeur à Budapest est-elle basée sur l’hypothèse selon laquelle M. Burandik ne serait pas considéré comme étant juif?

e.       La conclusion selon laquelle la protection de l’État serait offerte au demandeur à Budapest serait-elle raisonnable s’il devait être considéré comme étant juif?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[3]               Il est bien établi que la décision doit être contrôlée selon la raisonnabilité. La question n’est pas de savoir si je souscris à la décision, mais plutôt de savoir si elle respecte la norme établie dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, laquelle est résumée au paragraphe 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

LA CRÉDIBILITÉ

[4]               Les questions posées par la commissaire lors de l’audience révèlent certaines réserves en ce qui concerne la foi juive de M. Burandik. Il n’a présenté aucune preuve provenant d’une synagogue ou d’une organisation juive de Hongrie. Sa foi, ou son état d’esprit juif, s’est développée grâce à ses grands-parents, qui l’ont élevé jusqu’à l’âge de 12 ans. Ils n’étaient pas nés juifs; ils s’étaient convertis. Il ne sait pas si la conversion était officielle. Lorsqu’il a eu 12 ans, le demandeur est retourné vivre avec ses parents, qui n’étaient pas juifs. Il n’a jamais adhéré à une organisation juive par crainte de persécution.

 

[5]               Même au Canada, il n’a jamais mis les pieds dans une synagogue. Au cours des deux mois précédant son audience, il a assisté à des services religieux de la Crown of Messiah, une congrégation messianique située à Prince Albert. Selon les documents soumis par M. Burandik, la congrégation se décrit comme suit :

[traduction]

 

Shalom! Nous sommes une congrégation messianique de juifs et de gentils qui sont des disciples du messie Yechoua et qui aiment la torah de Dieu.

 

[6]               Il n'y a aucun élément de preuve qui provienne d'une autorité religieuse et qui, versé au dossier, préciserait où cette congrégation se situe dans l'ensemble des religions, mais je note que « Yechoua » est le nom araméen pour Jésus.

 

[7]               Dans son formulaire de renseignements personnels, M. Burandik a expliqué pourquoi il craint la Garde hongroise, les skinheads et même les Hongrois en général. Il a décrit un certain nombre d’incidents qui se sont produits au cours de plusieurs années, à divers endroits en Hongrie, non seulement à Komarom, où le demandeur résidait principalement, mais également à Budapest.

 

[8]               Il a affirmé que son nom ne serait pas en Hongrie un indicateur de sa foi juive. Il a affirmé que des individus l’avaient attaqué après qu'il eut confié à certaines personnes qui se disaient ses amis qu'il était juif. Il s’est cependant avéré que ses soi-disant amis faisaient partie d’une faction de l’extrême droite et qu’ils avaient passé le mot à d’autres personnes. La commissaire a douté de cette explication.

 

[9]               La commissaire a conclu que l’antisémitisme est présent en Hongrie et prend de l’ampleur. Le discours antisémite émane du parti politique Jobbik et de nombreux individus. Cependant, la violence est extrêmement rare. Il existe un certain risque pour les manifestations publiques de la foi juive.

 

[10]           La conclusion cruciale au sujet de la crédibilité se trouve au paragraphe 29 de la décision :

Le demandeur d’asile principal, M. Laszlo Burandik, affirme qu’il y a de nombreux incidents de violence à Komarom. Il en est peut‑être ainsi, mais cela est totalement contraire à la documentation sur le pays en ce qui a trait aux actes antisémites envers les personnes. Je crois donc qu’il existe peut‑être d’autres raisons pour lesquelles le demandeur d’asile a été agressé. Quoi qu’il en soit, la preuve objective de cette affaire indique que les demandeurs d’asile ne seraient pas exposés à un risque sérieux de persécution ni de mauvais traitements à Budapest, pour les raisons énumérées ci‑après..

 

[11]           Il existe une présomption réfutable que M. Burandik disait la vérité (Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 C.F. 302, 31 N.R. 34 (C.A.F.)).

 

[12]           En fin de compte, ce n'est pas que la commissaire n'a pas cru l’affirmation de M. Burandik selon laquelle il est juif; elle a plutôt conclu que les attaques violentes et la discrimination en matière d’emploi provenaient de causes inconnues. Des graffitis ont été peints sur des murs, mais cela ne constitue pas en soi de la persécution.

 

[13]           Dans les circonstances, je dois donc traiter l’affaire en me basant sur les conclusions que M. Burandik est juif et qu’il a été l'objet de violence et de discrimination, mais que, pour la majorité des cas, ceux qui l’ont attaqué n’étaient pas au courant qu'il est juif. Ces conclusions ne sont pas déraisonnables.

 

LA POSSIBILITÉ DE REFUGE INTÉRIEUR ET LA PROTECTION DE L’ÉTAT

[14]            La commissaire a conclu que « [q]uoi qu’il en soit », les demandeurs ne feraient pas face à un grave risque de persécution ou de préjudice à Budapest. J’en conclus que cela signifie qu’ils ne feraient pas face à un grave risque même s’ils étaient considérés comme étant juifs.

 

[15]           Les demandeurs s’appuient grandement sur une version préliminaire non révisée du rapport du 25 octobre 2010 du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, dans laquelle le comité fait part de ses préoccupations concernant des affirmations virulentes propagées contre les Roms et des indications d’une montée de l’antisémitisme. Le comité recommandait que des mesures plus précises devaient être prises, y compris la mise en accusation de membres de la Garde magyare, laquelle avait déjà été dissoute à ce moment, par ordonnance du gouvernement.

 

[16]           Il a été affirmé que ce rapport, auquel la commissaire s’est référée, éclipse tous les autres rapports auxquels elle s’est également référée. À mon avis, on me demande de réévaluer la preuve. La commissaire s’est référée à un certain nombre de rapports, y compris le rapport du Département d’État des États-Unis sur la situation en Hongrie, publié au mois de mars 2010. Elle a conclu que, en général, la police avait enquêté sur les incidents et avait procédé à des arrestations. Les incidents concernant des attaques contre des personnes à Budapest avaient fait l’objet d’enquêtes minutieuses par la police.

 

[17]           Elle a donc conclu que Budapest était autant une possibilité de refuge intérieur viable qu’un endroit où la protection de l’État était offerte. Budapest était un endroit viable pour les Burandik, parce que M. Burandik y avait travaillé auparavant, et qu’il n’avait pas établi, à l’aide d’une preuve claire et convaincante, qu’une protection de l’État adéquate ne lui serait pas offerte (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 103 D.L.R. (4th) 1). Une fois de plus, ces conclusions n'étaient pas déraisonnables.

 

[18]           Il a été affirmé que la situation des juifs se détériore en Hongrie. La preuve de cela n’est pas devant moi et ne devrait pas m’être présentée, parce qu’un contrôle judiciaire est fondé sur la preuve présentée au décideur, sauf exceptions rares qui ne sont d’aucune conséquence dans la présente affaire. Si la situation a empiré, les Burandik auront la possibilité d'en faire la preuve lors de l'examen des risques avant renvoi.


 

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS :

LA COUR statue comme suit :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUT FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-75-11

 

INTITULÉ :                                       BURANDIK c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 SASKATOON (SASKATCHEWAN)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 JUIN 2011

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

  ET ORDONNANCE :                     LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 14 JUIN 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher Veeman

 

POUR LES DEMANDEURS

Marcia Jackson

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MacPherson Leslie & Tyerman, LLP

Avocats

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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