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Date : 20110609

Dossier : IMM‑2244‑11

Référence : 2011 CF 669

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 9 juin 2011

En présence de madame la juge Snider

 

ENTRE :

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE CONSULTANTS EN IMMIGRATION

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I. Introduction

[1]               La demanderesse dans la présente affaire est la Société canadienne de consultants en immigration (la Société ou la SCCI). La SCCI est en date du présent jugement désignée à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) en tant qu’organisme de réglementation des consultants en immigration dont les membres sont des « représentants autorisés ». À ce titre, les membres de la SCCI peuvent représenter les personnes qui font l’objet d’une instance ou d’une demande sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (LIPR) ou faire office de conseil pour elles. Dans un communiqué de presse rendu public le 18 mars 2010, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre), le défendeur en l’espèce, annonçait que la SCCI serait remplacée par un autre groupe, savoir le Conseil de réglementation des consultants en immigration (CRCIC). Une modification de l’article 2 du Règlement visant à effectuer ce changement a fait l’objet d’une prépublication dans la partie I de la Gazette du Canada le 19 mars 2011.

 

[2]               Par avis déposé le 4 avril 2011, la SCCI a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du ministre de révoquer la désignation de la SCCI en tant qu’organisme de réglementation des consultants en immigration. Dans cette requête, la SCCI sollicite une ordonnance de la Cour portant sursis de la décision du ministre, en attendant que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire ait fait l’objet d’une décision définitive.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la requête.

 

II. Questions en litige

[4]               La question essentielle qui m’est soumise est de savoir si la SCCI a droit à la réparation en equity que constitue l’injonction interlocutoire. Il est bien établi dans la jurisprudence (RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; American Cyanamid Co et al c. Ethicon Inc et al., [1975] A.C.J. no 1123) que l’octroi d’une injonction exige que soient établis tous les éléments d’un critère à trois volets.

 

[5]               Les questions en litige sont donc les suivantes :

            1.         Y a‑t‑il une question sérieuse à juger?

            2.         La SCCI subira‑t‑elle un préjudice irréparable si l’injonction est refusée?

            3.         La prépondérance des inconvénients favorise‑t‑elle la SCCI?

 

III. Question préliminaire

[6]               Quelques jours avant l’audition de la demande de sursis, la SCCI a déposé une requête sollicitant l’admission en preuve de l’affidavit de Lorne Sossin, doyen de la Osgoode Law School. Le doyen Sossin a été retenu à titre d’« expert » par la SCCI pour fournir une opinion quant à la possibilité de soumettre au contrôle judiciaire la décision de révoquer la désignation de la SCCI.

 

[7]               Le problème que pose, selon moi, l’affidavit du doyen Sossin tient au fait qu’il consiste uniquement en une opinion juridique sur une question de droit interne canadien. À ce titre, il n’est pas admissible en preuve (voir Brandon (City) c. Canada, 2010 C.A.F. 244, [2010] A.C.F. no 1202, au par. 27; Eurocopter c. Bell Helicopter Textron Canada Ltée, 2010 C.F. 1328, [2010] A.C.F. no 1650, au par. 11; Pan American World Airways Inc c. La Reine et le Ministre des Transports, [1979] 2 C.F. 34 (1re inst.) au par. 21, confirmé par [1980] A.C.F. no 1158 (C.A.F.), 120 DLR (3d) 574, confirmé par [1981] 2 R.C.S. 565).

 

[8]               L’affidavit ne répond pas au critère de la nécessité exposé dans l’arrêt R c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9. Dans Mohan, la Cour suprême a énoncé quatre exigences à satisfaire pour qu’une preuve d’expert soit acceptée au procès : a) la pertinence, b) la nécessité d’aider le juge des faits, c) l’absence de toute règle d’exclusion, et d) la qualification suffisante de l’expert. Dans un arrêt tout récent, Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, [2011] SCJ no 27, la Cour suprême a repris ce critère et, en ce qui concerne la condition de la « nécessité », elle a déclaré ce qui suit (au par. 75) :

En examinant la norme relative à la deuxième de ces exigences, à savoir la « nécessité », la Cour a expliqué que l’expert ne doit être autorisé à témoigner que si son témoignage contient des renseignements « qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge ou d’un jury ».

 

 

[9]               L’affidavit du doyen Sossin ne sera donc pas admis en preuve – que ce soit dans le cadre de la présente demande ou comme pièce au dossier du demandeur relatif à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

IV. Contexte

[10]           Les étrangers qui souhaitent visiter le Canada, y travailler ou y vivre de façon permanente, ont souvent besoin d’aide pour se retrouver dans les exigences de la LIPR et de son Règlement. Reconnaissant que des consultants qui ne sont pas des avocats peuvent fournir ce genre de services, mais qu’il n’est pas dans l’intérêt public qu’ils ne soient assujettis à aucune réglementation, le législateur a conféré au gouverneur en conseil (GC) le pouvoir de prendre des règlements prévoyant « qui peut ou ne peut représenter une personne, dans toute affaire devant le ministre, l’agent ou la Commission [de l’immigration et de la protection des réfugiés], ou faire office de conseil » (art. 91 de la LIPR).

 

[11]           En 2004, le Règlement a été modifié (DORS/2004‑59) pour accorder aux membres de la SCCI le statut de « représentant autorisé » aux termes de l’article 2 du Règlement :

« représentant autorisé » Membre en règle du barreau d’une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la Société canadienne de consultants en immigration constituée aux termes de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes le 8 octobre 2003. [Non souligné dans l’original.]

“authorized representative” means a member in good sanding of a bar of a province, the Chambre des notaires du Québec or the Canadian Society of Immigration Consultants incorporated under Part II of the Canada Corporations Act on October 8, 2003. [Emphasis added]

 

 

 

[12]           L’arrêt de la Cour d’appel fédérale, Barreau du Haut‑Canada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 243, [2008] A.C.F. no 1093 comporte un historique détaillé des origines de la SCCI. Je ne reprendrai pas cet historique dans la présente décision. Les paragraphes suivants exposent toutefois les faits essentiels qui concernent directement la présente requête.

 

[13]           Depuis au moins 2006, les consultants en immigration et la SCCI font régulièrement l’objet de critiques de la part du public. Certes, la SCCI peut questionner la légitimité de certaines de ses critiques, mais force est de reconnaître que l’organisme a à maintes reprises été la cible de commentaires négatifs. En raison des problèmes que soulevait le recours à des consultants en immigration, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a été chargé par le Parlement d’étudier la question des consultants en immigration. La SCCI a grandement retenu l’attention du  Comité. Après avoir tenu des audiences publiques d’un bout à l’autre du pays, au cours desquelles il a entendu de nombreux individus et organisations, le Comité permanent a rendu public un rapport détaillé intitulé – « Réglementation des consultants en immigration » – en juin 2008. Ce rapport contenait un certain nombre de recommandations, notamment celle de restructurer la SCCI pour en faire un « nouvel organisme » de réglementation régi par une loi indépendante. Le ministre a envisagé diverses possibilités et, semble‑t‑il pour des raisons de politique générale, a plutôt que d’adopter une loi spéciale retenu l’idée de modifier la LIPR et le Règlement pour assurer une meilleure gouvernance et renforcer la responsabilité des consultants en immigration.

 

[14]           Le projet de loi C‑35 a été présenté au Parlement le 8 juin 2010 par le ministre. Il avait principalement pour effet d’augmenter la partie de la surveillance réglementaire des consultants en immigration et prévoyait que le ministre pouvait, par règlement, désigner organisme de réglementation des consultants en immigration ou modifier telle désignation. Le projet de loi C‑35 a obtenu la sanction royale le 3 mars 2011, mais aucune date n’a été fixée à ce jour pour son entrée en vigueur. Tant que le projet de loi C‑35 ne sera pas en vigueur, seul le gouverneur en conseil peut, en vertu de l’article 91 de la LIPR, tel qu’il se lit en date du présent jugement, remplacer l’organisme de réglementation désigné.

 

[15]           Le 8 juin 2010, le ministre a annoncé que Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) lancerait un processus de sélection en vue de choisir un organisme de réglementation des consultants en immigration. Le 12 juin 2010, un avis de sollicitation d’observations a été publié dans la Gazette du Canada annonçant la tenue à venir d’« un processus compétitif de sélection public ». Le 28 août 2010, un autre avis a été publié dans la Gazette du Canada invitant les organismes intéressés « à s’acquitter des responsabilités de réglementation de la profession de consultant en immigration » à présenter des observations. L’avis énumérait un certain nombre de facteurs de sélection. Quatre organismes ont présenté des propositions. Un comité de sélection a été constitué pour examiner les propositions et transmettre au ministre des recommandations au sujet des organismes possédant les compétences nécessaires. Dans son rapport, remis au ministre le 27 janvier 2011, le comité de sélection concluait que l’Institut des conseillers agréés en immigration canadienne (ICAIC) répondait aux critères de sélection énoncés dans l’avis et que la SCCI y répondait « en grande partie ». Le Comité a également fait remarquer que l’ICAIC « avait [dans sa soumission] déployé de sérieux efforts pour démontrer comment l’ICAIC répondra entièrement aux préoccupations exprimées dans le rapport du Comité permanent » et que la SCCI avait quant à elle « manqué l’occasion de démontrer comment elle entend[ait] répondre aux [dites] préoccupations ».

 

[16]           Le rapport du Comité permanent a été remis au ministre avec un mémoire du sous‑ministre qui exposait les trois possibilités et la recommandation au gouverneur en conseil de modifier le Règlement pour que l’ICAIC devienne l’organisme de réglementation des consultants en immigration.

 

[17]           L’ICAIC s’est par la suite constitué en société sous le nom de CRCIC.

 

[18]           Le 18 mars 2011, le ministre a émis un communiqué de presse annonçant qu’un avis serait publié dans la Gazette du Canada en vue de proposer des modifications au Règlement visant à ce que le CRCIC devienne l’organisme de réglementation des consultants en immigration. Le 19 mars 2011, les modifications au règlement proposées ont été prépubliées dans la Gazette du Canada. Voici les modifications proposées :

1.         modifier l’article 2 du Règlement pour remplacer la SCCI dans la définition de « représentant autorisé » par le CRCIC;

2.         modifier le paragraphe 13.1(2) du Règlement de façon à permettre aux membres de la SCCI de continuer à agir comme « représentants autorisés » pendant une période de transition de 120 jours.

 

[19]           Comme cela est décrit dans un document affiché sur le site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada intitulé « Guide du processus de réglementation », la prépublication d’un projet de règlement constitue l’étape 7 du processus d’établissement d’un règlement par le gouverneur en conseil. La prépublication d’un projet de règlement, ainsi que le résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR), « donne au public l’occasion d’examiner et de commenter le projet ». Dans ce cas‑ci, une période de 30 jours a été accordée pour les commentaires. Après l’expiration de cette période, le projet de règlement peut être mis à jour. À tout le moins, si la proposition n’est pas modifiée, le REIR doit être modifié pour tenir compte des commentaires reçus. D’autres approbations doivent être obtenues auprès du Conseil du Trésor. Aucun règlement n’est adopté avant que les ministres du Conseil du Trésor décident de recommander l’approbation d’un projet de règlement par le gouverneur en conseil. Enfin, le texte réglementaire proposé est envoyé au gouverneur en conseil pour approbation. Le gouverneur général établit le règlement en le signant, et le règlement est ensuite enregistré.

 

[20]           En résumé, en date du présent jugement, les modifications au Règlement ont été prépubliées dans la Gazette du Canada et des commentaires ont été reçus. La Cour dispose de peu de renseignements sur l’état actuel des modifications, si ce n’est d’un élément indiquant que le ministre prévoit toujours aller de l’avant, à savoir le fait qu’une nouvelle entente de contribution a été conclue avec le CRCIC le 24 mai 2011 ou vers cette date. À part ce contrat, dont la validité dépend des modifications réglementaires, il n’existe aucun élément indiquant à quel moment les modifications seraient adoptées ni si elles le seront.

 

V. Analyse

A. Question sérieuse

[21]           La première question à se poser suivant le critère à trois volets est celle de savoir si la demande de contrôle judiciaire de la Société soulève une question sérieuse, et à cet égard, les conditions à satisfaire sont très peu exigeantes. Voici ce que dit la Cour suprême du Canada dans RJR‑MacDonald, précité, aux pages 337 et 338 à ce sujet :

Les exigences minimales ne sont pas élevées. […] Une fois convaincu qu’une réclamation n’est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s’il est d’avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire.

 

 

[22]           Comme il ressort de l’avis de demande et comme il a été expliqué plus en détail dans les observations orales soumises à l’appui de la présente requête, la SCCI soutient que le processus qui a débouché sur la décision du ministre de présenter des modifications au Règlement est vicié pour différentes raisons. Les questions sérieuses alléguées comprennent ce qui suit :

•      le ministre n’a pas respecté les principes de justice naturelle et d’équité procédurale;

•      le ministre a pris la décision de remplacer la SCCI en se fondant sur des considérations non pertinentes; plus précisément, le ministre a tenu compte de facteurs ou de compétences qui n’étaient pas précisés dans la demande d’observations publiée le 28 août 2010;

•      le ministre a commis une erreur en ne respectant pas les attentes légitimes de la SCCI, à savoir que le processus utilisé pour choisir le « nouvel organisme de réglementation » soit équitable, ouvert et transparent;

•      la conduite du ministre, y compris ses déclarations et les mesures qu’il a prises avant et pendant le processus de sélection, soulève une crainte raisonnable de partialité.

 

[23]           Une des principales questions que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est la mesure dans laquelle la décision du ministre d’apporter des modifications à un Règlement est assujettie à une obligation d’équité. Le ministre a présenté des arguments très solides, fondés sur une jurisprudence constante (voir, en particulier, Canada (Procureur général) c. Inuit Tapirisat du Canada, [1980] 2 R.C.S. 735) selon laquelle les décisions législatives, comme celle en cause en l’espèce, ne sont pas assujetties à une obligation d’équité. La SCCI répond qu’en général les décisions ministérielles doivent être examinées et évaluées selon un large éventail, allant des décisions de nature administrative aux décisions législatives. En l’espèce, la SCCI soutient qu’un individu ou un organisme particulier a subi un traitement préjudiciable. Elle soutient donc que la décision ministérielle d’apporter des modifications réglementaires est de nature davantage administrative et devrait être assujettie à l’obligation d’équité.

 

[24]           À mon avis, la SCCI soutient une thèse très difficile à défendre. Néanmoins, en appliquant la norme très faible consistant à s’assurer qu’une demande qui n’est « ni frivole ni vexatoire », je suis disposée à admettre qu’il existe une « question sérieuse ».

 

B. Préjudice irréparable

[25]           Le deuxième volet de ce critère à trois volets est le préjudice irréparable. J’ai reconnu qu’il existe une question sérieuse, mais la SCCI n’a pas démontré qu’elle subirait un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas accordée.

 

[26]           Le préjudice irréparable est « un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagé par l’autre » (RJR‑MacDonald, ci‑dessus, à la p. 135). Pour satisfaire à ce volet du critère, les preuves visant à établir le préjudice irréparable doivent être claires et ne sauraient reposer sur des conjectures; elles ne peuvent être fondées « sur de simples affirmations » (Canada (Procureur général) c. United States Steel Corp, 2010 C.A.F. 200, [2010] A.C.F. no 902, au par. 7 [US Steel]). Il doit également être établi que le préjudice se produira entre l’audition de la requête et la décision relative à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[27]           La SCCI présente les arguments suivants sur la question du préjudice irréparable :

•      les craintes qu’entretient la SCCI ne reposent pas sur des conjectures puisque le ministre a clairement annoncé ses intentions et que les modifications réglementaires sont prêtes à être adoptées;

•      le refus d’accorder un sursis priverait la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente de tout effet (Ghahremani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 C.F. 722, [2009] A.C.F. no 883, au par. 12; Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 C.F. 1168, [2003] A.C.F. no 1474; S.A. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 C.F. 549, [2010] A.C.F. no 653);

•      la SCCI serait liquidée;

•      la SCCI serait obligée de congédier ses 38 employés;

•      le refus d’accorder le sursis aurait [traduction] « un effet préjudiciable irrémédiable sur la Société, ses employés et ses membres, dont l’immense majorité souhaite que la Société demeure l’organisme de réglementation de la profession, ainsi que sur le public;

•      la SCCI serait exposée à des poursuites en responsabilité civile très importantes.

 

[28]           Je ferai tout d’abord remarquer que la modification réglementaire proposée n’a pas encore été adoptée. Il n’y a pas d’échéancier connu (sauf peut‑être du ministre et du gouverneur en conseil). Il en résulte que l’allégation de préjudice irréparable est de nature hypothétique. Les intentions avouées du ministre ne permettent pas à la Cour de tenir pour acquis que la modification réglementaire sera adoptée par le gouverneur en conseil avant l’examen de la demande d’autorisation et – si cette demande est accordée – avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

 

[29]           En outre, même si je tenais pour acquis que la modification réglementaire proposée sera adoptée par le gouverneur en conseil, il reste que la preuve ne me convainc pas que la SCCI subira un préjudice irréparable pendant la période comprise entre l’audition de la demande de sursis et celle de la décision définitive sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Je reconnais qu’il est possible que la SCCI cesse ses activités, si les modifications sont adoptées. Il n’existe toutefois pas de preuves indiquant que les 38 personnes que la SCCI emploie actuellement seront dès lors en chômage. Faute de preuve à l’effet contraire, je présume que la SCCI conservera les fonds perçus de ses membres de façon à poursuivre ses activités pendant cette période transitoire et de voir à la liquidation ordonnée de la société, le cas échéant.

 

[30]           La SCCI affirme que ses membres subiront un [traduction] « préjudice irrémédiable » si l’injonction n’est pas accordée. Or, cette allégation ne constitue qu’une simple affirmation. De plus, le préjudice irréparable qu’il s’agit d’évaluer est celui que subira la SCCI et non pas ses membres, et je ne dispose d’ailleurs d’aucune preuve indiquant que ceux‑ci subiraient un préjudice. Pour ce qui est du préjudice financier potentiel – comme des poursuites en responsabilité civile – je ne dispose pas de preuves suffisantes sur la nature de la situation financière de la SCCI ou des risques qu’elle encourt sur le plan de la responsabilité civile. Aucun renseignement financier me permettant de conclure que cet organisme subirait un préjudice financier irréparable n’a été produit à l’appui de la requête.

 

[31]           Le dernier aspect du préjudice irréparable allégué concerne les conséquences qui découleraient de l’adoption des modifications proposées. La SCCI soutient qu’advenant l’adoption des modifications, elle ne pourra contester la décision du gouverneur en conseil. Autrement dit, la SCCI affirme que sa demande de contrôle judiciaire sera sans objet, ce qui ne saurait, en soi, constituer un préjudice irréparable (voir, par exemple, US Steel, ci‑dessus, au par. 17).

 

C. Prépondérance des inconvénients

[32]           Étant donné que la SCCI ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir qu’elle subirait un préjudice irréparable, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la prépondérance des inconvénients.

 

VI. Conclusion

[33]           Pour les présents motifs, je rejette la requête.

 

[34]           Les parties proposent que la présente instance soit considérée comme une instance à gestion spéciale. Je conviens que cela aiderait les parties et la Cour pour ce qui est d’apprécier le bien‑fondé de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[35]           Enfin, je note, avec gratitude, que les avocats des parties ont fait preuve d’une excellente collaboration pour mettre la requête en état d’être entendue dans un délai aussi cours et que leurs observations écrites et orales étaient d’une grande qualité.


 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.    La requête en vue de faire admettre en preuve l’affidavit du doyen Lorne Sossin est rejetée et l’affidavit est déclaré inadmissible en preuve dans le cadre de la présente requête et de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire;

2.    La requête est rejetée;

3.    En application de l’article 383 des Règles de la Cour fédérale, la présente instance se poursuivra à titre d’instance à gestion spéciale.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑2244‑11

 

INTITULÉ :                                                   LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE CONSULTANTS EN IMMIGRATION c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (C.‑B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 7 juin 2011

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Callaghan

Benjamin Na

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Marianne Zoric

Catherine Vasilaros

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Toronto (ON)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (ON)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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