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Date : 20110617

Dossier : T-1105-10

Référence : 2011 CF 717

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2011

En présence de monsieur le juge Crampton

 

 

ENTRE :

 

 

LES COMMISSIONNAIRES (GRANDS LACS)

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

TANYA DAWSON

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Tanya Dawson travaillait pour Les Commissionnaires (Grands Lacs) (CGL) et était affectée à la salle des rapports du Centre de formation consécutive au recrutement (CFCR) du ministère de la Défense nationale au Camp Borden, situé à Borden, en Ontario. En mars 2009, Mme Dawson a été congédiée du poste qu’elle occupait à CGL. Au mois d’août de la même année, elle a déposé une plainte conformément à l’article 240 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le CCT). CGL s’est opposée à la plainte au motif que le congédiement de Mme Dawson était visé par la compétence fédérale en vertu du CCT.

 

[2]               En juin 2010, l’arbitre, M. Daniel J. Baum (l’arbitre), a rejeté les arguments fondés sur la compétence que CGL avait invoqués et a conclu que Mme Dawson avait été injustement congédiée au sens du CCT.

 

[3]               CGL sollicite l’annulation de la décision pour les motifs suivants :

                                                               i.      l’arbitre a mal décrit la nature de l’emploi de Mme Dawson et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qui ne tenaient pas compte de la preuve dont il était saisi;

 

                                                             ii.      l’arbitre a commis une erreur en concluant que l’emploi que Mme Dawson exerçait pour CGL était suffisamment vital pour l’entreprise militaire fédérale principale du ministère de la Défense nationale et était suffisamment intégré à celle-ci pour être assujetti à la compétence fédérale aux fins de la partie III du CCT.

 

[4]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la présente demande est accueillie.

 

I. Les faits à l’origine du litige

[5]               CGL est une société ontarienne à but non lucratif qui a été fondée en 1925. Elle fournit des travailleurs choisis au sein d’un groupe de personnes admissibles à des entreprises ou organisations qui ont demandé les services de personnes ayant des compétences précises pour combler certaines vacances. À cet égard, CGL s’apparente à une agence de placement. Cependant, contrairement à de nombreuses agences de placement, CGL continue à employer directement les commissionnaires qu’elle affecte à ses clients et est responsable en dernier ressort de la surveillance de ces personnes.

 

[6]               Dans le passé, CGL avait pour objet de fournir du travail aux anciens combattants de l’armée et de la GRC. La majorité des demandes qu’elle recevait portaient sur du travail dans le domaine de la sécurité. Cependant, CGL fournit aujourd’hui des services de placement plus vastes qui englobent le travail de bureau, la répartition, le contrôle du stationnement, la prise d’empreintes digitales et la consultation en matière de sécurité. En général, les employés de CGL portent un uniforme et sont assujettis à une classification semblable à celle de l’armée ou de la police.

 

[7]               Pendant de nombreuses décennies, CGL a fourni des services au gouvernement fédéral conformément à un contrat national appelé l’Offre à commandes principale et nationale (OCPN).

 

[8]               Mme Dawson a commencé à travailler pour CGL en 2007. Peu après, le CFCR a demandé un commissionnaire pour sa salle des rapports. Mme Dawson a été choisie parmi un groupe de personnes réputées être qualifiées et elle a été interrogée par le gestionnaire sur place de CGL au Camp Borden, le lieutenant Thomas Yeo. Elle a été ensuite envoyée au CFCR pour passer une autre entrevue.

 

[9]               Les parties ne s’entendent pas tout à fait sur la nature des tâches que Mme Dawson accomplissait dans la salle des rapports du CFCR. Mme Dawson soutient qu’elle traitait les demandes des membres de l’armée concernant, notamment, la paie, et que le CFCR l’obligeait à obtenir une attestation de sécurité de niveau secret. De plus, ajoute-t-elle, elle attribuait les chambres aux membres qui arrivaient au Camp Borden et se présentaient au bureau du logement de la Base et organisait le transport pour le personnel militaire qui quittait la Base afin de suivre une formation ou d’accomplir des tâches militaires.

 

[10]           Cependant, M. Phillip Day, le directeur des ressources humaines de CGL et la personne qui a représenté celle-ci aux audiences devant l’arbitre, affirme que rien ne montre que les responsabilités de Mme Dawson comprenaient des fonctions liées à la paie ou qu’une attestation de sécurité de niveau secret était exigée pour le poste qu’elle occupait.

 

[11]           Pendant l’affectation de Mme Dawson à la salle des rapports, certains problèmes liés au travail de celle-ci ont été portés à l’attention du lieutenant Yeo. Après l’avoir rencontrée, le lieutenant Yeo a ordonné à Mme Dawson de prendre ses effets et de quitter le poste qu’elle occupait au CFCR. Cependant, elle n’a pas été congédiée de son poste de commissionnaire à ce moment-là.

 

[12]           Après avoir cessé de travailler à la salle des rapports, Mme Dawson a été convoquée à une rencontre avec le lieutenant Yeo, mais elle ne s’est pas rendue à ce rendez-vous. M. Day a alors sollicité une rencontre avec elle. Peu avant la date fixée pour cette rencontre, Mme Dawson a avisé M. Day qu’elle avait retenu les services d’un avocat. M. Day lui a répondu qu’il souhaitait la voir seule. Il a subséquemment annulé la rencontre et remis à Mme Dawson une lettre de congédiement visant à mettre fin à l’emploi qu’elle exerçait chez CGL à compter du 24 mars 2009.

 

[13]           En août 2009, Mme Dawson a déposé une plainte de congédiement injuste sous le régime de la partie III du CCT. CGL a immédiatement fait parvenir une lettre dans laquelle elle a expliqué qu’elle s’opposait à la plainte au motif que le CCT ne s’appliquait pas à elle. L’arbitre a subséquemment été nommé et il a entendu la plainte en mars et avril 2010.

 

II. La décision attaquée

[14]           Dans une décision datée du 14 juin 2010, l’arbitre a conclu que CGL avait injustement congédié Mme Dawson au sens du CCT et a ensuite ordonné à CGL, notamment, de verser à Mme Dawson une indemnité totale de 40 916,89 $.

 

[15]           L’arbitre a commenté la question de la compétence au début de sa décision.

 

[16]           Après avoir décrit brièvement la nature de l’entreprise de la demanderesse, il a souligné que CGL était une société à but non lucratif de l’Ontario qui poursuivait ses activités dans une région de la province délimitée par Bowmanville, Sarnia et Parry Sound.

 

[17]           L’arbitre a ensuite reconnu les arguments de la demanderesse selon lesquels, au cours des 85 années de son existence, Les Commissionnaires n’avait jamais été assujettie à la compétence fédérale, que les contrats conclus entre CGL et les employés de celle-ci comportaient une clause reconnaissant explicitement l’application de la législation ontarienne en matière d’emploi et que l’OCPN énonce que le gouvernement fédéral peut demander à l’entreprise Les Commissionnaires de fournir des employés selon les conditions énoncées dans ladite offre, y compris le respect des lois provinciales en matière d’emploi.

 

[18]           Il a ensuite fait remarquer que [traduction] « la question précise à trancher sous cette rubrique est de savoir s’il y a lieu d’appliquer la législation fédérale ou provinciale au travail accompli par Mme Dawson ».

 

[19]           Résumant les règles de droit applicables, l’arbitre a reconnu que [traduction] « le législateur n’a pas compétence en matière de relations de travail comme telles » et que [traduction] « les conditions d’un contrat de travail... sont des questions qui relèvent de la compétence des provinces ».

 

[20]           L’arbitre a ensuite souligné que [traduction] « le Parlement peut faire valoir une compétence exclusive dans des domaines qui font partie intégrante de la compétence principale du gouvernement fédéral sur une autre matière » (souligné dans l’original). À cet égard, il a mentionné que le paragraphe 91(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 conférait au Parlement une compétence exclusive sur « la milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays ».

 

[21]           En se fondant sur ce qui précède et sur l’arrêt Northern Télécom Ltée c. Travailleurs en communication du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115, l’arbitre a fait remarquer qu’il était nécessaire d’examiner [traduction] « les activités normales ou habituelles de l’organisation en question ». Il a ensuite cité l’arrêt Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corporation, [1990] 3 R.C.S. 1112, où la Cour suprême du Canada a expliqué (au paragraphe 45) que, pour déterminer la compétence constitutionnelle en matière de relations de travail, la question clé à trancher est de savoir si le lien entre l’organisation en cause et l’entreprise fédérale principale peut être considéré comme un lien « fondamental », « essentiel » ou « vital ».

 

[22]           Appliquant les principes susmentionnés aux faits de la présente affaire, l’arbitre a expliqué que la question en litige était de savoir si le travail accompli par Mme Dawson [traduction] « appartenait à un domaine inscrit dans l’Acte d’Amérique du Nord britannique comme un domaine relevant exclusivement du gouvernement fédéral et si ce travail se rapportait à ce domaine ». Il a ensuite conclu que le travail de Mme Dawson était directement lié aux Forces canadiennes (FC), notamment en ce qui a trait à l’accueil, à la paie et aux procédures régissant les déplacements du personnel militaire.

 

[23]           Sur la foi de ces constatations, l’arbitre  a conclu que la compétence fédérale s’appliquait à l’affaire dont il était saisi. Il a ensuite examiné le bien-fondé de la plainte, qui ne fait pas l’objet de la présente demande.

 

III. La norme de contrôle

[24]           Les parties admettent de part et d’autre que la décision de l’arbitre concernant la question de la compétence dans la présente affaire est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 50; Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407, au paragraphe 26; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, au paragraphe 26). Cela étant dit, les conclusions de fait que l’arbitre a tirées pour en arriver à sa décision au sujet de la question de la compétence sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (arrêt Consolidated Fastfrate, susmentionné, au paragraphe 26). Dans la même veine, le traitement que l’arbitre a fait de la preuve présentée aux audiences tenues devant lui est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (arrêt Dunsmuir, susmentionné, aux paragraphes 51 à 55; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 46).

 

[25]           Par conséquent, la première question que CGL a soulevée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, tandis que la seconde, qui porte sur la compétence, est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

IV. Question préliminaire

[26]           Avant l’audience tenue dans la présente demande, Mme Dawson a présenté une requête visant à faire radier tout ou partie de certains paragraphes de l’affidavit de M. Day, soutenant que les paragraphes en question comportaient un témoignage d’opinion, des arguments ou des éléments de preuve dont l’arbitre n’avait pas été saisi.

 

[27]           Après avoir étudié, au début de l’audience tenue le 2 juin 2011 en l’espèce, chacune des objections de Mme Dawson à l’égard de l’affidavit de M. Day, j’ai appliqué le principe selon lequel « les demandes de radiation d’affidavits ou de parties d’affidavits présentés dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire sont de nature discrétionnaire et les tribunaux doivent exercer ces pouvoirs avec réticence, seulement dans les cas où il est dans l’intérêt de la justice de le faire, par exemple, ou dans les cas où cela causerait un préjudice important à une partie... » (Armstrong c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1013, au paragraphe 40).

 

[28]           Appliquant ce principe, j’ai accepté de radier quelques passages qui comportaient essentiellement des arguments, des hypothèses ou des opinions, mais j’ai refusé de radier ceux qui contenaient des éléments de preuve « nouveaux » et qui, à mon avis, étaient ou pouvaient être pertinents quant à la question de la compétence soulevée dans la présente demande (McFadyen c. Canada (Procureur général), 2005 CAF. 360, aux paragraphes 14 et 15). C’est ce qui ressort de mon ordonnance figurant ci-dessous.

 

 

V.  Analyse

            A. L’arbitre a-t-il commis une erreur en décrivant mal la nature de l’emploi de Mme Dawson et en fondant sa décision sur des conclusions de fait erronées qui ne tenaient pas compte de la preuve dont il était saisi?

 

[29]           Étant donné qu’il n’y avait pas de transcription de l’audience tenue devant l’arbitre, pas plus qu’il n’y avait de notes que celui-ci aurait pu prendre, CGL s’est fondée sur l’affidavit de M. Day pour faire valoir qu’aucun élément de preuve ne montrait que l’administration de la paie faisait partie du travail de Mme Dawson. Subsidiairement, elle a allégué que la conclusion selon laquelle le travail de la défenderesse était lié à la « paie » était trop imprécise pour être utile pour l’examen de la question de la compétence fédérale.

 

[30]           CGL a ajouté que la conclusion de l’arbitre selon laquelle le travail de Mme Dawson portait sur [traduction] « les procédures régissant les déplacements du personnel militaire » était trompeuse et pouvait être interprétée de façon à englober les exercices militaires, ce qui n’est appuyé par aucun élément de preuve. Une fois de plus, CGL a affirmé que cette conclusion est trop imprécise, qu’elle manque de contexte et qu’elle ne permet pas en soi d’affirmer que la compétence fédérale existe.

 

[31]           En ce qui a trait à la conclusion de l’arbitre au sujet de l’obligation pour Mme Dawson d’obtenir une attestation de sécurité de niveau « secret », CGL a soutenu que cette conclusion ne tenait pas compte de la preuve contraire qui avait été présentée à l’audience. CGL a souligné que, même si Mme Dawson a déclaré à l’audience qu’elle devait obtenir une attestation de niveau « secret », aucun autre élément de preuve visant à corroborer cette affirmation n’avait été présenté à l’audience. Selon CGL, l’arbitre a semblé accorder beaucoup d’importance à cette conclusion dans sa décision et même si celle-ci était acceptée telle quelle, cela ne signifierait pas pour autant que l’armée dépendait du travail accompli par Mme Dawson ou que ce travail était vital, essentiel ou fondamental pour les opérations de l’armée.

 

[32]           Dans des affidavits datés des 8 octobre et 21 décembre 2010, Mme Dawson a contesté, notamment, la position de CGL quant à l’absence d’éléments de preuve présentés à l’audience au sujet des questions de savoir (i) si ses tâches comprenaient l’administration de la paie et (ii) si elle était tenue d’avoir une attestation de sécurité de niveau « secret » pour exercer ses fonctions au CFCR.

 

[33]           Comme il n’y a pas de transcription des audiences qui se sont déroulées devant l’arbitre, il n’est pas possible de savoir si les conclusions que celui-ci a tirées sur ces aspects étaient erronées ou déraisonnables. En conséquence, CGL ne s’est pas déchargée du fardeau qui lui incombait à cet égard.

 

[34]           Cela étant dit, je conviens avec CGL que la conclusion de l’arbitre selon laquelle le travail de Mme Dawson concernait, notamment, [traduction] « les procédures régissant les déplacements du personnel militaire » ne devrait pas être interprétée de façon à englober les « exercices militaires ». Dans son affidavit daté du 5 août 2010, M. Day a déclaré que l’arbitre n’avait été saisi d’aucun élément de preuve montrant que Mme Dawson était responsable des déplacements du personnel militaire ou qu’elle participait aux mesures connexes, sauf aux fins de la formation. Pour sa part, dans son affidavit daté du 8 octobre 2010, Mme Dawson a expliqué que son rôle à cet égard consistait [traduction] « à organiser le transport du personnel militaire qui quittait la Base pour aller suivre une formation ou pour accomplir des tâches militaires ». Je ne crois pas que cette explication ou la description précitée que l’arbitre a donnée du rôle de Mme Dawson signifie que celle-ci participait à l’organisation du transport assuré au cours des exercices militaires. J’apporte cette précision uniquement parce qu’elle est pertinente quant à mon évaluation des questions relatives à la compétence qui sont commentées ci-dessous.

 

            B.   L’arbitre a-t-il commis une erreur en concluant que la compétence fédérale s’appliquait?

[35]           CGL a fait valoir que, même si l’arbitre a cité quelques-uns des principes qui s’appliquent à la détermination de la question de la compétence, il n’a pas tenu compte de ces principes dans son analyse ni n’a appliqué le critère qui convenait pour en arriver à sa décision. De l’avis de CGL, l’arbitre s’est uniquement demandé si le travail de la défenderesse « se rapportait » et « était directement lié » à l’entreprise fédérale, en l’occurrence, l’armée, plutôt que de chercher à savoir si ce travail était « vital », « essentiel » ou « fondamental » pour cette entreprise. Qui plus est, CGL a soutenu que l’arbitre n’a pas tenu compte de la nature de ses activités, des relations qu’elle avait avec l’armée et de l’importance du travail qu’elle accomplissait pour celle-ci. À cet égard, l’arbitre n’aurait pas tenu compte du fait que CGL est une société ontarienne qui poursuit ses activités uniquement en Ontario et fonctionne à bien des égards comme une agence de placement, de sorte qu’elle devrait normalement relever de la compétence provinciale en ce qui a trait à ses relations de travail. CGL a ajouté que l’arbitre ne s’est pas demandé si l’application des lois et règlements provinciaux aux relations de travail de CGL porterait atteinte à l’exploitation principale de l’entreprise fédérale, soit l’armée.

 

[36]           Je conviens que l’arbitre a commis une erreur : (i) en appliquant un critère qui ne convenait pas pour trancher la question de la compétence; (ii) en omettant de se demander si les activités normales ou habituelles de CGL sont de nature à faire de celle-ci une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale; (iii) en omettant de se demander si la réglementation des relations de travail de CGL par la province porterait atteinte au contenu essentiel de la compétence fédérale à l’endroit de l’armée. Je conviens également que l’arbitre a énoncé la question à trancher lorsqu’il a fait remarquer, au début de son analyse de la question de la compétence, que [traduction] « la partie III du Code canadien du travail régit la présente affaire. Aucune disposition du texte législatif ne permet d’invoquer une préclusion à l’encontre des personnes qu’il était censé protéger ».

 

[37]           La Cour suprême du Canada a récemment examiné la question de la compétence fédérale en matière de relations de travail dans NIL/TU,O Child and Family Services Society c. BC Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696. Dans cet arrêt, elle s’est demandé si les relations de travail de l’appelante (« NIL/TU,O »), qui fournissait des services d’aide à l’enfance à certaines Premières nations de la Colombie-Britannique, relevaient de la compétence fédérale conformément au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère au Parlement du Canada une compétence sur « les Indiens et les terres réservées aux Indiens ». La Cour suprême du Canada a conclu à l’unanimité que les relations de travail de NIL/TU,O relevaient de la compétence provinciale. Cependant, elle a rendu une décision partagée quant au critère à appliquer pour décider si la compétence fédérale s’appliquait aux relations de travail.

 

[38]           Dans le jugement majoritaire, la juge Abella a confirmé ce qui suit (au paragraphe 11) : (i) en matière de relations de travail, la compétence provinciale est présumée; (ii) la compétence du gouvernement fédéral à l’égard des relations de travail est l’exception; (iii) cette exception est interprétée de « façon restrictive ». La juge Abella a ensuite décrit en ces termes le critère qui s’applique à cet égard :

[18]     […] [P]our déterminer si le pouvoir de réglementer les relations de travail d’une entité relèvera du gouvernement fédéral, ce qui aurait pour effet d’écarter la présomption de compétence provinciale, l’arrêt Four B [Manufacturing Ltd c. United Garment Workers of America, [1980] 1 R.C.S. 1031] exige que le tribunal applique tout d’abord le critère fonctionnel, c’est-à-dire qu’il examine la nature de l’entité, son exploitation et ses activités habituelles pour voir s’il s’agit d’une entreprise fédérale. Si c’est le cas, ses relations de travail seront assujetties à la réglementation fédérale. C’est seulement lorsque cet examen n’est pas concluant qu’il doit ensuite examiner si la réglementation, par le gouvernement provincial, des relations de travail de l’entité porterait atteinte au chef de compétence fédéral en cause.

 

[39]           La juge Abella a souligné que, lorsqu’il est nécessaire de passer à la deuxième étape, la question n’est pas de savoir si les activités de l’entité se rattachent au « contenu essentiel » du chef de compétence fédéral, mais de savoir si le fait que les relations de travail de cette entité sont régies par le gouvernement provincial porte atteinte au « contenu essentiel » de ce chef de compétence (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, au paragraphe 20).

 

[40]           La juge Abella a finalement conclu que les relations de travail de NIL/TU,O relevaient de la compétence provinciale, parce que la nature essentielle de ses activités consistait à fournir des services aux enfants et aux familles, question qui relevait de la compétence provinciale et était réglementée exclusivement par les provinces. Elle a rejeté (aux paragraphes 39, 40 et 45) l’argument selon lequel la présence de financement fédéral, l’identité culturelle de NIL/TU,O et de ses clients et employés et son mandat, qui consistait à fournir à ses clients autochtones des services adaptés à leur culture, avaient pour effet de réfuter la présomption en faveur de la compétence provinciale. En résumé, elle a souligné que « la communauté visée par les activités de NIL/TU,O à titre d’agence d’aide à l’enfance ne change pas ce qu’elle fait, soit offrir des services d’aide à l’enfance » (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, au paragraphe 45, souligné dans l’original). Étant donné que l’application du critère fonctionnel était concluante, la juge Abella a décidé qu’il n’était pas nécessaire de se demander si les activités ou le fonctionnement de NIL/TU,O se rattachaient au « contenu essentiel » d’une entreprise fédérale ou d’un chef de compétence fédéral.

 

[41]           Dans leur jugement minoritaire, la juge en chef McLachlin et le juge Fish ont invoqué un critère différent pour en arriver à la conclusion que la compétence provinciale s’appliquait. Selon le jugement minoritaire, « la question principale est de savoir si l’entreprise [en l’occurrence, NIL/TU,O], considérée fonctionnellement du point de vue de ses activités normales et habituelles, se rattache au contenu essentiel d’un chef de compétence fédéral, en l’espèce, le par. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 » (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, au paragraphe 58). Dans ce contexte, « la première étape consiste à déterminer la portée de l’entreprise fédérale ou du pouvoir fédéral principal. Cela fait, il faut se demander si les activités de l’entreprise, considérées d’un point de vue fonctionnel, relèvent de ce pouvoir » (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, au paragraphe 61).

 

[42]           Dans la présente affaire, le critère que l’arbitre a appliqué était la question de savoir si le travail accompli par Mme Dawson [traduction] « appartenait à un domaine inscrit dans l’Acte d’Amérique du Nord britannique comme un domaine relevant exclusivement du gouvernement fédéral et si ce travail se rapportait à ce domaine » (non souligné dans l’original). L’arbitre a ensuite conclu que le travail de Mme Dawson était directement lié à l’armée, notamment en ce qui a trait à l’accueil, à la paie et aux procédures régissant les déplacements du personnel militaire. Sur cette base, il a conclu que la compétence fédérale s’appliquait.

 

[43]           Dans la mesure où le critère appliqué par l’arbitre portait essentiellement sur le lien entre le travail de Mme Dawson et le « contenu essentiel » de la compétence fédérale à l’égard de l’armée, il s’apparente au critère articulé dans le jugement minoritaire que la Cour suprême du Canada a rendu dans l’arrêt NIL/TU,O, susmentionné, et dans certaines décisions que Mme Dawson a invoquées (notamment Corps canadien des commissionnaires de la Colombie‑Britannique (s/n commissionnaires C.-B.) c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1041, aux paragraphes 5 et 11; Lloyd’s Register North America Inc. c. Dalziel, 2004 CF 822, aux paragraphes 19 à 21 et 33; Bernshine Mobile Maintenance Ltd c. Conseil canadien des relations du travail, [1986] 1 CF 422, à la page 435; Pinkerton’s of Canada Ltd, (1990) 90 CLLC 16,061). Cela étant dit, il appert manifestement de la formulation employée par l’arbitre, pour affirmer l’existence de la compétence fédérale, que celui-ci a appliqué un critère beaucoup plus large que celui qui a été adopté dans le jugement minoritaire de l’arrêt NIL/TU,O, susmentionné, et dans d’autres décisions invoquées par Mme Dawson.

 

[44]           Bien qu’il ait reconnu, lorsqu’il a passé en revue les principes de droit applicables, l’importance d’examiner [traduction] « les activités normales ou habituelles de l’organisation en question », l’arbitre ne s’est pas demandé si les activités normales ou habituelles de CGL étaient de nature à faire de celle-ci une entité qui entrait dans la catégorie des « entreprises fédérales » et tombait ainsi sous le régime du Code canadien du travail » (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, au paragraphe 12).

 

[45]           Je reconnais que l’arbitre a assez bien résumé l’exploitation de CGL. Cependant, il ne l’a pas fait « sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels » (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, au paragraphe 14; arrêt Northern Telecom, susmentionné, à la page 135) et ne s’est pas demandé, que ce soit implicitement ou explicitement, si les activités de CGL étaient de nature à faire de celle-ci une entité entrant dans la catégorie des entreprises fédérales. En conséquence, sa décision ne peut être confirmée.

 

[46]           Mme Dawson a soutenu que le critère adopté par l’arbitre va de pair avec celui qui a été articulé dans le jugement majoritaire de l’arrêt NIL/TU,O, susmentionné, parce que [traduction] « l’entité en cause dans la présente affaire n’est pas CGL, mais la salle des rapports du CFCR et le MDN au sein duquel Mme Dawson travaille avec des membres du personnel militaire et des fonctionnaires fédéraux (et sous leur direction) à titre d’élément faisant partie d’une unité fonctionnelle ».

 

[47]           Je ne suis pas d’accord. Comme l’arbitre l’a reconnu à juste titre, (i) CGL [traduction] « est l’employeur en l’espèce »; (ii) lorsque des questions se sont posées au sujet du travail de Mme Dawson, elles ont [traduction] « été portées à l’attention du superviseur du Camp Borden, le lieutenant Yeo; (iii) le lieutenant Yeo a alors rencontré Mme Dawson et l’a interrogée et réprimandée, tant verbalement que par écrit; (iv) [traduction] « ce sont ces réprimandes que Mme Dawson a contestées »; (v) Mme Dawson a été congédiée par CGL, apparemment parce qu’elle avait refusé de rencontrer le lieutenant Yeo et M. Day. De plus, CGL est l’entité contre laquelle Mme Dawson a déposé sa plainte de congédiement injuste et l’arbitre a reconnu que celle‑ci avait été affectée à la salle des rapports du CFCR au Camp Borden conformément à l’OCPN, qui est une entente conclue entre CGL et le gouvernement fédéral. L’arbitre a également reconnu que, lorsque le lieutenant Yeo lui a ordonné de quitter son poste au CFCR, cela ne signifiait pas qu’elle était congédiée à titre de commissionnaire.

 

[48]           Par ailleurs, Mme Dawson n’a pas contesté le témoignage de M. Day selon lequel [traduction] « lorsqu’elle était à l’emploi de CGL, elle était assujettie aux règles, méthodes et conditions suivantes, qui s’appliquaient également à tous les autres employés de CGL sous réglementation provinciale :

 

a)      le processus d’embauche et de formation préalable à l’emploi;

 

b)      le régime de rémunération;

 

c)      la possibilité d’être mutée à différents emplacements pour répondre aux besoins des clients, au gré de CGL;

 

d)      le régime d’avantages;

 

e)      les règlements relatifs à l’uniforme;

 

f)        les politiques et procédures de CGL.

 

[49]           Ensemble, ces faits ainsi que les conditions du contrat de travail de Mme Dawson et l’article 2.7 de l’OCPN, examiné plus loin, permettent de distinguer la présente affaire d’avec les décisions qu’elle a invoquées au sujet du « véritable employeur », notamment Plante c. Entreprises Réal Caron Ltée, [2007] A.C.F. no 1617; et BFI Canada Inc (Re), [2004] ALRBD No 63.

 

[50]           Compte tenu de ce qui précède, je n’accepte pas la position de Mme Dawson selon laquelle (i) CGL n’était pas l’entité pertinente aux fins de l’application de la première partie du critère adopté dans le jugement majoritaire de l’arrêt NIL/TU,O, susmentionné, ou (ii) elle devrait être considérée comme étant essentiellement une filiale d’une entreprise fédérale, en l’occurrence, l’armée.

 

[51]           À mon avis, il appert de l’application de la première partie du critère que la juge Abella a articulé dans l’arrêt NIL/TU,O, susmentionné, que CGL n’est pas une entreprise fédérale. En résumé, hormis les « facteurs exceptionnels ou occasionnels » (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, au paragraphe 14), les activités normales ou habituelles de CGL comportent les caractéristiques suivantes que l’arbitre a reconnues dans sa décision :

 

  • CGL est une société ontarienne à but non lucratif;

 

  • elle poursuit ses activités dans une région allant de Bowmanville jusqu’à Sarnia et Perry Sound;

 

  • son entreprise s’apparente à certains égards à celle d’une agence de placement;

 

  • dans le passé, elle visait principalement à trouver et offrir des possibilités de travail significatives pour les anciens combattants et les membres de la GRC, mais elle offre aujourd’hui les services de commissionnaires à d’autres types de clients;

 

  • ses clients s’adressent à elle pour obtenir, souvent pour une période indéterminée, les services de personnes ayant habituellement des compétences précises;

 

  • CGL tient parfois une liste de personnes ainsi qualifiées qui sont souvent autorisées à l’avance à combler les vacances;

 

  • CGL crée des listes d’employés éventuels pour répondre aux demandes de placement;

 

  • dans le passé, les demandes de placement portaient essentiellement sur des tâches liées à la sécurité, mais elles couvrent aujourd’hui le travail de bureau, la répartition, le contrôle du stationnement, la prise d’empreintes digitales et la consultation en matière de sécurité;

 

  • les contrats conclus entre CGL et ses employés prévoient explicitement l’application de la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario.

 

[52]           Eu égard à ce qui précède, je n’ai pas de mal à conclure que CGL n’est pas une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale.

 

[53]           Ma conclusion à cet égard est renforcée par la preuve suivante, qui n’a pas été contestée et qui a été offerte dans le contexte de la présente demande. Plus précisément, le contrat de travail que Mme Dawson a signé le 16 août 2007 avec CGL prévoit, notamment, que la défenderesse est engagée [traduction] « à titre de commissionnaire (gardienne de sécurité) pour accomplir toutes les tâches ordinaires d’un commissionnaire/gardien de sécurité et devra accepter tout lieu de travail auquel elle pourrait être affectée ». L’entente prévoit également que [traduction] « le nombre d’heures de travail en sus du plafond de 88 heures au cours d’une période de paie de deux semaines sera rémunéré conformément à la Loi sur les normes de travail de l’Ontario.

 

[54]           De plus, le paragraphe 2.7 de l’OCPN, qu’ont signée CGL et le gouvernement fédéral, prévoit ce qui suit :

Le Corps est engagé par Sa Majesté à titre d’entrepreneur indépendant afin d’assurer les services déjà mentionnés. Ni le Corps, ni aucun de ses employés n’est employé, fonctionnaire ou agent de Sa Majesté.  Les ministères et organismes doivent veiller à ce qu’aucun rapport employeur/employé ne résulte d’un contrat portant sur les services de commissionnaires. En cas de doutes, avant de signer un contrat pour les services de commissionnaires, les ministères et organismes doivent obtenir l’assurance de leur conseiller juridique qu’aucun contrat en vertu de l’OCPN n’entraînera de relations employeur/employé. La division du Corps membre a l’unique responsabilité pour les tâches de surveillance comme l’affectation des commissionnaires selon le calendrier de service requis, la prise de décision finale en ce qui a trait à la promotion, le paiement de salaires des commissionnaires et les mesures disciplinaires, etc. (Souligné dans l’original)

 

[55]           En résumé, il n’y a aucun élément de la nature, de l’exploitation ou des activités habituelles de CGL qui permettrait à celle-ci d’être considérée comme une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale (arrêt Four B, susmentionné, à la page 1046).

 

[56]           Même s’il était permis de dire que certaines des tâches accomplies par Mme Dawson faisaient partie intégrante de l’armée au sens expliqué dans le jugement minoritaire de l’arrêt NIL/TU,O, susmentionné, j’estime qu’il y a lieu de considérer ces tâches comme des activités exceptionnelles par rapport aux activités habituelles de CGL (arrêt NIL/TU,O, susmentionné, aux paragraphes 14, 53 et 54; arrêt Northern Telecom, susmentionné, à la page 135), de sorte qu’elles ne feraient pas de CGL une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale.

 

[57]           Cela étant dit, j’estime que le travail accompli par Mme Dawson ne faisait pas partie intégrante de l’armée. Bref, il n’est pas permis de dire que l’armée dépendait d’une façon ou d’une autre des services de Mme Dawson (arrêt Central Western Railway, susmentionné, aux pages 1142 et 1143). Ce fait est confirmé par la preuve montrant qu’elle n’a pas été remplacée après avoir quitté son poste au CFCR. Le lieutenant Yeo a également déclaré au cours de son témoignage que le client (CFCR) l’a informé qu’il préférerait se passer d’un commissionnaire plutôt que de continuer à retenir les services de Mme Dawson.

 

[58]           Même si j’acceptais, sous réserve des commentaires que j’ai formulés plus haut au paragraphe 34, les conclusions de l’arbitre au sujet des questions contestées portant sur l’attestation de sécurité dont Mme Dawson avait besoin et sur les tâches qu’elle accomplissait, notamment quant à la gestion de la paie et des procédures connexes régissant les déplacements du personnel militaire, je suis d’avis que son travail était essentiellement de nature administrative. C’est ce qui ressort de la description suivante qu’elle a donnée de son travail au paragraphe 11 de son affidavit daté du 21 décembre 2007 :

[traduction]

J’ai été embauchée par le CFCR pour travailler dans la salle des rapports, parce que j’avais les connaissances et les aptitudes voulues pour aider le personnel militaire à remplir les formulaires nécessaires, y compris les demandes d’indemnité de déplacement et de remboursement de dépenses, ainsi que les documents qu’ils étaient tenus de soumettre. Je devais aussi m’assurer qu’ils avaient rempli leurs testaments avant d’être envoyés à d’autres unités. Je faisais ce travail pour 50 à 100 de ces recrues en moyenne tous les lundis. Je m’occupais également du registre du courrier pour 50 à 500 membres du personnel militaire qui étaient des étudiants, en plus de traiter un dossier distinct du CFCR pour la Base de Kingston ainsi que les autorisations d’entrée et de sortie à chaque arrivée au CFCR.

 

[59]           Dans la même veine, dans ses observations écrites initiales, Mme Dawson a souligné qu’elle avait [traduction] « été embauchée par le CFCR pour travailler dans la salle des rapports, parce qu’elle avait les connaissances et les aptitudes voulues pour aider le personnel militaire à remplir les formulaires administratifs à utiliser pour les demandes d’indemnité et à régler les questions d’ordre administratif ». Dans ses observations supplémentaires, Mme Dawson a fait remarquer qu’elle avait [traduction] « été recrutée par le ministère de la Défense nationale pour travailler à titre de commis dans la salle des rapports du CFCR ».

 

[60]           Bref, même si elles étaient importantes, voire nécessaires, les tâches de Mme Dawson [traduction] « n’étaient pas vitales, essentielles ou fondamentales pour l’entreprise principale », soit l’armée (The British Columbia Corps of Commissionaires (the “Corps”) c. Public Service Alliance of Canada, Local No. 05/20500 (the “Union”), BCLRB No. B184/2001, 2001 CanLII 33010, au paragraphe 37).  

 

[61]           Étant donné que j’en suis arrivé à la conclusion que CGL n’est pas une entreprise fédérale, il n’est pas nécessaire que je m’attarde à la question de savoir si la réglementation, par le gouvernement provincial, des relations de travail de l’entreprise, y compris ses relations avec les commissionnaires qu’elle place dans l’armée, porterait atteinte au contenu essentiel de la compétence fédérale dans les domaines énoncés au paragraphe 91(7) de la Loi constitutionnelle de 1867, soit « la milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays ».

 

[62]           Cela étant dit, je conviens avec CGL que la décision de l’arbitre ne comporte aucun élément permettant de conclure que la réglementation des relations de travail de CGL par le gouvernement provincial porterait atteinte au « contenu essentiel » de ce chef de compétence fédéral.

 

[63]           À la fin de ses commentaires sur la question de la compétence, l’arbitre a rejeté la position de CGL selon laquelle l’application de la compétence fédérale à la plainte de Mme Dawson [traduction] « pourrait ouvrir la porte à de nombreuses contestations relatives à la compétence ». Je ne souscris pas à la position de l’arbitre. Pour conclure que la compétence fédérale s’applique en l’espèce, il faudrait élargir sensiblement la portée du critère servant à établir l’existence de cette compétence et utiliser une approche semblable à celle de l’arbitre.

 

[64]           En plus d’aller à l’encontre des jugements majoritaire et minoritaire qui ont été rendus dans l’arrêt NIL/TU,O, susmentionné, cette approche serait incompatible avec l’interprétation restrictive qui est donnée depuis longtemps à la portée de l’exception au principe de la présomption en faveur de la compétence provinciale en matière de relations de travail.

 

[65]           Effectivement, cette approche favoriserait le type de situations que le juge Beetz, qui s’exprimait au nom de la majorité dans Construction Montcalm Inc. c. Québec (Commission du salaire minimum), [1979] 1 R.C.S. 754, à la page 776, voulait éviter lorsqu’il a fait remarquer ce qui suit :

 

Pour dire qu’elle aurait dû être traitée comme une entreprise fédérale aux fins des relations de travail pendant qu’elle effectuait des travaux de construction sur les pistes d’atterrissage, Montcalm suppose que le facteur décisif est l’ouvrage auquel elle travaillait au moment pertinent plutôt que la nature de ses activités en tant qu’entreprise active. En d’autres termes, cela veut dire que la nature d’une entreprise de construction varie selon la nature de chaque ouvrage ou de chaque chantier de construction, ou qu’il y a autant d’entreprises de construction que d’ouvrages ou de chantiers de construction. Les conséquences de cette proposition vont fort loin et sont, à mon avis, inadmissibles; le pouvoir constitutionnel de réglementer les relations de travail de toute l’industrie de la construction dépendrait de la nature de chaque chantier. Il en résulterait une grande confusion. Par exemple, un ouvrier dont le travail consiste à couler du ciment serait soumis alternativement à la compétence fédérale et à la compétence provinciale aux fins de l’adhésion syndicale, de l’accréditation, de la convention collective et des salaires, selon qu’il coule du ciment un jour sur une piste d’atterrissage et le lendemain sur une route provinciale. Je ne peux croire que la Constitution exige un tel morcellement.

 

 

VI.  Dépens

[66]           Les parties ont convenu que, sous réserve de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour, le montant des dépens, y compris les débours, dont la partie perdante est redevable devrait être fixé à 5 000 $. Étant donné, surtout, que CGL a soulevé la question de la compétence d’abord lorsqu’elle a reçu la plainte de Mme Dawson et à nouveau au début des audiences tenues devant l’arbitre, j’estime que ce montant est approprié en l’espèce.

 

VII. Conclusion

[67]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’arbitre sera annulée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de l’arbitre datée du 14 juin 2010 est annulée.

 

2.      Mme Dawson paiera à CGL un montant de 5 000 $ au titre des dépens.

 

3.      Les passages suivants seront radiés de l’affidavit que M. Phillip Day a signé le 5 août 2010 :

 

a)      les première et dernière phrases du paragraphe 7;

 

b)      les mots suivants du paragraphe 12 : « Dr Baum’s reasons failed to consider » (le Dr Baum n’a pas tenu compte, dans ses motifs, ...); ces mots seront remplacés par les mots « There was » (il y avait);

 

c)      le paragraphe 13;

 

d)      la première phrase du paragraphe 14.

 

« Paul S. Crampton »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1105-10

 

INTITULÉ :                                                   LES COMMISSAIRES (GRANDS LACS) c.

                                                                        TANYA DAWSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 juin 2011 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 17 juin 2011           

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Landon P. Young

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Hugh Pattison

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Stringer Brisbin Humphrey

Management Lawyers

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Hugh Pattison

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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