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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110621

Dossier : T-2105-10

Référence : 2011 CF 734

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

 

FRISTHA THOMAS

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu de l’article 135 de la Loi sur les douanes, L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.) (la Loi), sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision rendue par laquelle le ministre de la sécurité publique et de la protection civile (le ministre) a conclu qu’il y avait eu commission de l’infraction prévue à l’article 131 de la Loi ont valablement été retenus lorsque la demanderesse n’a pas déclaré des bijoux à son arrivée au Canada. Sur le fondement de l’article 133 de la Loi, une pénalité a été établie à un montant équivalant à 30 % de la valeur en douane des bijoux. La demanderesse se représente elle-même.

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[3]               Les faits sont extraits des faits exposés dans le mémoire du défendeur.

 

[4]               La demanderesse est arrivée de l’Afghanistan avec ses deux sœurs à l’aéroport international de Calgary le 20 janvier 2010.

 

[5]               À son arrivée, la demanderesse et ses deux sœurs ont déclaré nulle la valeur des marchandises qu’elles avaient achetées et reçues à l’étranger.

 

[6]               Le service des douanes a envoyé la demanderesse subir un second examen et l’agent des services frontaliers (ASF) a constaté que la demanderesse portait de nombreux bijoux.

 

[7]               L’ASF a informé la demanderesse que les renseignements donnés dans sa déclaration seraient vérifiés. L’ASF a insisté sur le fait que la vérification porterait surtout sur [traduction] « les marchandises achetées et/ou reçues durant le voyage ».

 

[8]               La demanderesse a de nouveau déclaré qu’elles n’avaient rien acheté.

 

[9]               Sommée de mettre tous les bijoux qu’elle portait sur le comptoir, la demanderesse a alors enlevé six bracelets et les a placés sur le comptoir. L’ASF lui a alors enjoint d’enlever son collier et ses boucles d’oreilles. Puis il lui a demandé si elle avait d’autres bijoux. La demanderesse a tiré deux bracelets en or de dessous sa manche gauche.

 

[10]           Elle avait également un bracelet avec une pierre blanche et elle a admis qu’elle l’avait acheté à Kaboul.

 

[11]           Se souvenant alors qu’elle portait trois anneaux sur sa main gauche, l’ASF a enjoint à la demanderesse de les mettre sur le comptoir. Il a dû lui répéter la demande une seconde fois avant qu’elle ne sorte deux anneaux additionnels de son sac à main. La demanderesse a déclaré à l’ASF que ces deux anneaux additionnels avaient été envoyés par sa mère, laquelle vivait encore en Afghanistan, pour les deux autres sœurs de la demanderesse à Calgary.

 

[12]           Tous les bijoux de la demanderesse ont été saisis pour être estimés à l’exception du bracelet en or avec des pierres blanches, lequel a été saisi par suite de son omission de l’avoir déclaré (le bracelet). La demanderesse a informé l’ASF que le bracelet avait été acheté en Afghanistan pour une somme équivalant à environ 423,88 $ (dollars canadiens). L’ASF a accepté l’évaluation du bracelet donnée par la demanderesse et a établi la pénalité à 127,16 $, soit 30 % de la valeur du bracelet. La demanderesse a payé la somme et le service des douanes lui a rendu le bracelet.

 

[13]            Le service des douanes a fait estimer la valeur des huit autres bijoux (les bijoux). Leur valeur a été estimée à 17 785 $. Se fondant sur la valeur totale estimée, le service des douanes a déterminé que la valeur en douane était de 7 825,40 $ et le montant exigé pour rendre les bijoux saisis a été établi à 2 347,62 $ (30 % de la valeur en douane).

 

[14]           Après avoir été informée de la somme exigée en contrepartie de la récupération des bijoux, la demanderesse a demandé au ministre de rendre une décision conformément à l’article 129 de la Loi.

[15]           Le service des douanes a avisé la demanderesse des motifs de la saisie le 2 mars 2010 et lui a donné 30 jours pour présenter de nouveaux éléments de preuve.

 

[16]           La demanderesse a fourni certains reçus au ministre. Le ministre a fait traduire ces reçus et a fait parvenir une copie de la traduction à la demanderesse. Le ministre a accordé à la demanderesse plus de temps pour présenter des observations.

 

[17]           Le ministre a rendu une décision le 22 novembre 2010 et a décidé que, conformément aux dispositions de l’article 131 de la Loi, il y avait eu commission d’une infraction à la Loi ou aux règlements relativement aux marchandises saisies. Le ministre a également décidé que, suivant les dispositions de l’article 133 de la Loi, le montant de 127,16 $ reçu à titre de condition pour la restitution du bracelet saisi serait confisqué. Il a aussi informé la demanderesse que les autres marchandises saisies (les éléments 1 à 8 dans la déclaration des marchandises saisies) lui seraient rendues sur réception d’un montant de 2 347,62 $, lequel serait confisqué. Si les marchandises n’étaient pas dédouanées aux conditions susmentionnées dans les 90 jours, elles seraient confisquées et aliénées. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[18]           Pour parvenir à sa décision, le ministre a pris en compte le fait que la demanderesse et ses deux sœurs avaient déclaré « nulle » la valeur des marchandises à l’aéroport. Il a souligné que la demanderesse, une fois informée que sa déclaration serait vérifiée, avait confirmé sa déclaration. Il a également remarqué que la demanderesse, après qu’on l’ait sommée plus d’une fois de retirer tous les bijoux qu’elle portait, avait admis qu’elle avait acheté un bracelet avec des pierres blanches durant son voyage et que certains autres bijoux lui avaient été donnés par sa mère afin qu’elle les apporte au Canada pour ses deux sœurs qui vivaient à Calgary. La demanderesse a alors déclaré que le collier et les six bracelets qu’elle portait appartenaient également à sa mère (qui était en Afghanistan) depuis bien avant le voyage de la demanderesse.

 

[19]           Le ministre a également tenu compte de l’explication de la demanderesse selon laquelle elle ne savait pas à quoi servaient les cartes de déclaration et comment les remplir. Elle a allégué ne pas avoir su qu’elle était tenue de déclarer ses bijoux personnels et avoir cru qu’elle ne devait déclarer que les marchandises acquises dans le cadre d’une opération commerciale. Cependant, le ministre a également tenu compte du fait qu’on avait expliqué à la demanderesse que toutes les marchandises importées au Canada devaient être déclarées à l’ASFC. La demanderesse n'ayant pas déclaré les bijoux en question, le ministre a conclu qu’il y avait eu infraction au sens de l’article 131 de la Loi.

 

[20]           Quant à l’argument de la demanderesse selon lequel elle avait en fait apporté une partie des bijoux du Canada en Afghanistan, le ministre en a tenu compte, mais a estimé que la demanderesse n’avait pas pu présenter une preuve de l’importation légitime ou de l’origine canadienne des bijoux. Le ministre s’était fondé sur l’examen des reçus soumis pour parvenir à cette conclusion. Il a été conclu que les reçus étaient trop imprécis pour qu’il soit possible d’en tirer des conclusions solides favorables à la demanderesse (décision du ministre, page 2).

 

[21]           Le ministre a indiqué à la fin de sa décision que la demanderesse pouvait interjeter appel de la décision rendue en vertu de l’article 131 par voie d’action devant la Cour fédérale, conformément à l’article 135 de la Loi.

 

[22]           Le ministre a également indiqué que la demanderesse pouvait contester la décision rendue en vertu de l’article 133 de la Loi en déposant une demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, ce qu’elle a fait.

 

[23]           À l’audience, la Cour a expliqué à la demanderesse que, si elle désirait suspendre la présente demande, la Cour accepterait qu’elle présente oralement une requête en prorogation de délai pour lui permettre de signifier et déposer par voie d’action un appel de la décision du ministre relativement à l’infraction reprochée.

 

[24]           La Cour a également expliqué à la demanderesse que, dans le cadre de la présente demande, elle ne pouvait considérer aucune des réparations sollicitées, telle qu’une indemnisation pour traitement injuste.

 

[25]           Bien qu’elle ait compris les explications de la Cour lui indiquant que le ministre avait rendu deux décisions, la demanderesse a dit qu’elle désirait simplement que la Cour statue sur sa demande de contrôle judiciaire en examinant la raisonnabilité de la pénalité établie par le ministre.

 

[26]           Après avoir attentivement examiné et analysé les documents déposés par les deux parties, ainsi que leurs observations écrites et orales, la Cour ne peut pas qualifier la peine établie de déraisonnable : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick [2008] R.C.S. 190, paragraphe 47.

 

[27]           Les documents (dossier certifié, pages 21 à 31) que la demanderesse a soumis pour réfuter l’évaluation obtenue d’un gemmologiste par le ministre sont trop insuffisants, vagues et peu fiables pour qu’il en soit tenu compte comme estimation des bijoux saisis.

 

[28]           À l’audience, la demanderesse a soutenu que la valeur des bijoux en cause ne dépassait pas 2 401 $. La Cour ne peut accepter cette estimation parce qu’elle n’est étayée par aucune documentation.

 

[29]           La Cour comprend qu’il est très difficile pour la demanderesse de présenter des reçus ou des documents pour des bijoux qui ont été achetés il y a de nombreuses années, mais, dans un cas comme celui-ci, elle n’a d’autre choix que d’accepter l’estimation déposée par le ministre.

 

[30]           La demanderesse déclare qu’elle avait demandé au ministre de lui remettre les bijoux pour qu’elle puisse obtenir une estimation indépendante. Malheureusement, elle n’a déposé aucune requête relativement à cette demande.

 

[31]           La Cour ne peut pas non plus contraindre le ministre à accepter l’offre faite par la demanderesse avant l’audience.

 

[32]           Enfin, la Cour conclut qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale en l’espèce. La demanderesse a été avisée en temps opportun qu’elle avait contrevenu à la Loi, elle a été informée de la raison pour laquelle elle pouvait réfuter ou contester les conclusions du ministre, ainsi que de la manière de le faire. On lui a donné suffisamment de temps pour présenter des documents fiables ou des explications à l’appui de son affirmation que la décision du ministre était déraisonnable. On l’a aussi informée en tout temps de la façon dont la décision avait été rendue.

 

[33]           Le ministre n’a pas réclamé des dépens.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2105-10

 

Fristha Thomas

et le Ministre de la sécurité publique et de la protection civile

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT:             LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Frishta Thomas

Pour son propre compte

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Bedard

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Frishta Thomas

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brad Bedard

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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