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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110713

Dossier : T-1165-09

Référence : 2011 CF 875

[traduction française certifiée, non révisée]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 13 juillet 2011

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

 

HOFFMANN-LA ROCHE LIMITÉE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

APOTEX INC. ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

 

 

défendeurs

 

et

 

 

 

ROCHE PALO ALTO LLC

 

 

 

défenderesse / 

titulaire du brevet

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.    Aperçu

 

[1]               Hoffman-La Roche Ltd. [Roche] me prie d’ordonner au ministre de la Santé de ne pas délivrer d’avis de conformité à Apotex Inc. L’avis de conformité autoriserait Apotex à commercialiser la version générique d’un médicament, le mofétilmycophénolate (MMF), pour lequel Roche détient un brevet [brevet canadien 1,333, 285 – le brevet 285]. Roche commercialise le MMF sous la marque nominative CellCept. Le MMF est un médicament immunosuppresseur utilisé principalement dans la transplantation d’organes.

 

[2]               Se fondant sur l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (les dispositions citées sont reproduites à l’annexe A), Roche soutient que le Ministre ne devrait pas délivrer un avis de conformité à Apotex avant l’expiration du brevet 285. Apotex fait valoir que le brevet 285 est invalide, essentiellement parce que l’objet du brevet ne constitue pas une invention.  Elle prétend, par conséquent, qu’elle a droit d’obtenir un avis de conformité et que la demande de Roche devrait être rejetée.

 

[3]               Étant donné qu’Apotex a présenté des éléments de preuve probants pour appuyer ses allégations, il incombe à Roche de prouver que les allégations d’Apotex sont injustifiées.

 

[4]               J’estime que Roche s’est acquittée de son fardeau de preuve. Bien qu’Apotex prétende que l’utilité du MMF n’a ni été démontrée ni fait l’objet d’une prédiction valable, et que le MMF était à l’évidence une variante de l’art antérieur, j’estime que la preuve prépondérante démontre le contraire. Je dois, par conséquent, accueillir la demande de Roche.

 

[5]               Deux questions sont en litige :

            1.         L’utilité du MMF a‑t‑elle été démontrée ou a-t-elle fait l’objet d’une prédiction valable?

            2.         Le MMF était‑il une invention évidente?

 

 

 

II.     Le contexte factuel

 

[6]               Les médicaments immunosuppresseurs inhibent la réaction naturellement antagoniste de l’organisme à un organe transplanté. Ces médicaments agissent en supprimant les cellules qui contrôlent la réponse immunitaire, soit les lymphocytes T et les lymphocytes B. L’acide mycophénolique [AMP] était un composé bien connu qui pouvait être utilisé comme immunosuppresseur mais qui, à l’instar de nombreux médicaments de ce type, présentait d’importantes limites, en particulier une solubilité et une biodisponibilité faibles.

 

[7]               En raison de ces problèmes, les scientifiques ont commencé, dans les années 1970 et 1980, à chercher des façons d’améliorer les immunosuppresseurs, dont l’AMP. Diverses stratégies ont été tentées, mais la solution à laquelle les inventeurs du brevet 285 sont arrivés a consisté à produire un promédicament de l’AMP. Un promédicament est un composé inactif étroitement apparenté au médicament mère, qui se transforme en la forme mère après ingestion. Roche a créé un promédicament de l’AMP en ajoutant un groupement ester de morpholinoéthyle (mofétil) à la molécule d’AMP. Le composé dérivé était le mofétilmycophénolate (MMF), l’objet du brevet 285. Dans l’organisme, le MMF est absorbé, puis métabolisé pour produire l’AMP, le composé actif, par un processus appelé  « hydrolyse d’ester ».

 

III.   Le brevet 285

 

[8]               La demande relative au brevet 285 a été présentée le 15 décembre 1987; le brevet a été délivré le 29 novembre 1994 et expirera le 29 novembre 2011. Le brevet est intitulé « morpholinoéthylester de l'acide mycophénolique et ses dérivés ». Bien que le brevet comporte quatorze revendications, Roche ne vise que la revendication 2 ‑  une revendication du composé MMF.

 

[9]               Dans le brevet, on mentionne que les composés de l’invention sont utiles comme [traduction] « agents immunosuppresseurs et anti-inflammatoires » et que, en raison de [traduction] « leurs effets sur le métabolisme des purines », ils peuvent servir à traiter la polyarthrite rhumatoïde et trouvent une utilisation comme [traduction] « agents antitumoraux, antiviraux et antipsoriasiques chez des mammifères » et « de préférence, chez l’homme ». Le brevet précise que les composés [traduction] « possèdent des propriétés pharmacocinétiques avantageuses, par exemple une solubilité dans le milieu de libération (p. ex. l’estomac), un pic de concentration plasmatique, une concentration plasmatique maximale et une activité améliorée, par exemple une activité anti-inflammatoire, comparativement à l’acide mycophénolique ».

 

[10]           Le brevet contient un certain nombre d’exemples illustrant les propriétés des composés inventés; certains exemples sont des études in vitro, d’autres, des études in vivo.

 

[11]           Apotex a envoyé à Roche un avis d’allégation en mai 2009, dans lequel elle a allégué que le brevet 285 était invalide principalement pour cause d’évidence et d'absence d'utilité.

 

IV.  Interprétation du brevet 285

 

[12]           Pour interpréter le brevet, je dois examiner la manière dont la personne versée dans l'art le comprendrait. En l’espèce, les parties conviennent que la personne hypothétique versée dans l'art est titulaire d’un diplôme d’études supérieures en chimie, est rompue à la chimie médicinale, à la découverte de médicaments et à la formulation pharmaceutique, particulièrement à l’égard des agents immunosuppresseurs, et a une bonne connaissance de la recherche et des traitements relatifs aux maladies auto-immunes, au psoriasis, aux maladies inflammatoires, aux tumeurs et aux infections virales.

 

[13]           Il est reconnu dans le brevet que l’AMP était un composé connu et que les esters de l’AMP ont été décrits dans les antériorités comme possédant des propriétés antitumorales, immunosuppressives, antivirales, antiarthritiques et antipsoriasiques. Il y est également indiqué que les dérivés d’ester de l’AMP pouvaient être formulés à partir de l’AMP offert sur le marché.

 

[14]           Comme je l’ai mentionné plus haut, le brevet décrit certaines caractéristiques favorables du MMF (et des composés apparentés), à savoir des propriétés pharmacocinétiques avantageuses et une activité améliorée par rapport à l’AMP. Les « propriétés pharmacocinétiques avantageuses » font référence à des caractéristiques comme la solubilité et la concentration plasmatique maximale. Celles-ci sont mentionnées, vraisemblablement, pour établir une distinction entre le MMF et l’AMP, dont la biodisponibilité limitée l’a rendu moins intéressant comme médicament immunosuppresseur. Toutefois, il est également clair, d’après le brevet, que l’effet ultime du MMF est le même que celui de l’AMP, puisque le MMF est métabolisé en AMP après ingestion. Les deux composés peuvent avoir le même usage et le même mode d’action.

 

[15]           Roche soutient toutefois que les propriétés pharmacocinétiques avantageuses et l’activité améliorée correspondante du MMF ne font pas partie de l’invention qui est l’objet du brevet 285. Pas plus qu’il n’y a de promesse précise quant à son utilisation chez les humains. L’invention vise plutôt le MMF seul, dont l’utilité est la même que celle de l’AMP. Selon Roche, le fait que le MMF possède certains avantages comparativement à l’AMP et à d’autres composés est accessoire par rapport à l’invention.

 

[16]           Roche soutient qu’elle n’est pas tenue d’indiquer les avantages d’une invention dans un brevet. Une simple parcelle d’utilité suffit pour qu’une invention soit brevetable et, par conséquent, un brevet n’a qu’à désigner cette utilité. Les inventeurs peuvent aller au‑delà des obligations qui leur incombent en énumérant les avantages d’une invention dans un brevet, mais la Cour ne doit pas les pénaliser pour l’avoir fait en exigeant qu’ils fassent la preuve que ces avantages ont été démontrés ou ont fait d’objet d’une prédiction valable lorsque la demande de brevet a été présentée. Roche concède que le fardeau de prouver l’utilité peut être plus lourd à l’égard des brevets qui promettent un résultat particulier, ou des brevets de sélection, lorsque les avantages par rapport à une catégorie de composés pour lesquels un brevet avait précédemment été obtenu doivent être démontrés ou faire l’objet d’une prédiction valable. Cependant, Roche fait valoir que pour la plupart des brevets, seul un degré minimum d’utilité est requis.

 

[17]           Apotex soutient que le brevet devrait être interprété de manière à inclure une promesse portant que le MMF comporte des propriétés pharmacocinétiques qui le rendent supérieur à l’AMP seul et qui sont utiles pour le traitement de différentes maladies chez les mammifères, particulièrement chez l’homme.

 

[18]           Je souscris à l’observation de Roche. En règle générale, le titulaire de brevet n’a qu’à démontrer une parcelle d’utilité pour répondre à la définition d’une invention, laquelle s’entend d’un produit qui présente le caractère « de la nouveauté et de l’utilité » (Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, art. 2). Les exceptions se rattachent aux brevets qui promettent un résultat particulier, et aux brevets de sélection, où des avantages doivent être démontrés. Cependant, je ne suis pas d’accord avec Roche à cet égard; la tâche d’interpréter un brevet ne suppose pas simplement la recherche d’une parcelle d’utilité sur laquelle le titulaire de brevet souhaite s’appuyer. La Cour doit examiner le mémoire descriptif du brevet en tenant compte de l’essence même de l’invention et en appréciant la façon dont la personne versée dans l’art interpréterait les mots utilisés pour décrire l’invention.

 

[19]           Comme le juge Roger Hughes l’a indiqué, « le tribunal chargé d’interpréter le mémoire descriptif d’un brevet, en particulier la promesse, doit le lire du point de vue de la personne versée dans l’art, en prenant en considération les réalités commerciales, sans prévention favorable ni défavorable, et avec le souci d’en déterminer équitablement l’intention véritable » (Pfizer c. Mylan Pharmaceuticals, 2011 CF 547, par. 217).

 

[20]           Roche fait également valoir que le titulaire de brevet peut se fonder sur les avantages décrits dans le brevet pour démontrer que l’invention n’est pas évidente, même si ces avantages ne sont pas applicables à l’utilité. À mon avis, dans son interprétation d’un brevet, la Cour doit désigner l’invention revendiquée, à savoir l’objet ayant censément un caractère de nouveauté et d’utilité. Pour savoir si les inventeurs ont respecté l’exigence de l’utilité, la Cour examinera si les inventeurs ont donné « un objet nouveau ou meilleur ou moins dispendieux ou si elle accorde au public un choix utile » (Consolboard Inc c. MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 R.C.S. 504, par. 521). Pour savoir si l’invention putative est réellement évidente, la Cour doit, entre autres, examiner si l’invention revendiquée consiste en une activité inventive par rapport aux connaissances générales courantes dans le domaine.

 

[21]           Je ne puis accepter, comme Roche m’a pressé de le faire, que ces deux examens sont totalement distincts et indépendants. Les deux activités dépendent d’une interprétation équitable et neutre du brevet.

 

[22]           À mon avis, l’interprétation du brevet est une étape préliminaire qui précède l’analyse des motifs d’une invalidité éventuelle. Cette interprétation doit être effectuée sans égard aux effets qu’elle peut avoir sur l’utilité ou l’évidence, ou sur quelque question que ce soit qui peut être soulevée dans l’affaire (Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, par. 43). Comme Apotex l’a prétendu, lorsque des avantages font partie intégrante de l’invention déclarée, il serait inéquitable de permettre au titulaire du brevet de s’appuyer sur ces avantages pour démontrer que l’invention n’était pas évidente et parallèlement, de rejeter ces avantages parce qu’ils ne sont pas pertinents pour démontrer l’utilité. Le titulaire de brevet ne peut donner à l’invention une interprétation large sur la question de l’évidence et lui donner une interprétation stricte en ce qui concerne l’utilité.

 

[23]           En gardant ces précisions à l’esprit, d’après ce que je comprends du brevet, les inventeurs déclarent que les composés de l’invention sont utiles comme agents immunosuppresseurs et anti-inflammatoires et en raison de leurs effets antitumoraux, antiviraux et antipsoriasiques. Le texte se poursuit (quoique quelques pages plus loin) en vantant les avantages des composés par rapport à l’AMP.

 

[24]           Je conviens avec Apotex que le brevet porte sur les composés, surtout sur le MMF, qui non seulement possèdent les propriétés thérapeutiques de l’AMP mais qui représentent une amélioration par rapport à l’AMP en raison de ses avantages pharmacocinétiques.

 

[25]           Cette interprétation est étayée par des témoignages d’experts sur la question (la liste des experts figure à l’annexe B). Par exemple, M. Johnson (expert pour Apotex) a déclaré que la personne versée dans l’art [traduction] « comprendrait, d’après l’ensemble du brevet 285, que les composés de la Formule A [MMF] présenteraient une activité améliorée et des propriétés pharmacocinétiques avantageuses lors de tests biologiques les comparant à l’acide mycophénolique » (par. 60). Monsieur Borch, un autre expert pour Apotex, était du même avis.

 

[26]           Il est vrai que les experts de Roche n’étaient pas d’accord sur cette interprétation, mais ils n’ont fait que contester le fait que les avantages ne pouvaient pas faire partie de l’utilité déclarée de l’invention. Ils s’entendent pour dire que le brevet fait clairement ressortir que le MMF possède des propriétés pharmacocinétiques avantageuses (voir p. ex., MM. Anderson et Sawchuk et Dr Cattral).

 

[27]           En outre, les co-inventeurs du brevet 285 étaient, de toute évidence, à la recherche d’un composé qui permettrait d’améliorer la biodisponibilité de l’AMP, et ils croyaient l’avoir trouvé avec le MMF, dont les propriétés pharmacocinétiques avantageuses avaient permis de régler le problème de la faible solubilité de l’AMP (MM. Lee et Allison). Si le MMF n’avait pas eu ces propriétés, il est peu probable que les inventeurs auraient cru avoir inventé quelque chose.

 

[28]           Par conséquent, en lisant le brevet 285 dans son intégralité, comme le ferait la personne versée dans l’art, je conclus que l’essence de l’invention réside dans l’identification d’une version promédicament de l’AMP. Un promédicament est en fait le dispositif d’administration d’une charge médicamenteuse; ici, l’AMP représente la charge médicamenteuse. Le MMF a pour seule mission de libérer l’AMP. Il ne possède aucune propriété bénéfique indépendante.

 

[29]           Là encore, la raison pour laquelle les inventeurs cherchaient un promédicament pour l’AMP était qu’ils essayaient d’améliorer la biodisponibilité de celui-ci. Ce sont les propriétés pharmacocinétiques avantageuses du MMF qui ont permis d’obtenir une meilleure biodisponibilité, laquelle s’est traduite par une plus grande activité après l’ingestion. Sans ces qualités, le MMF serait encore théoriquement un promédicament, mais ce ne serait pas un promédicament utile.

 

[30]           De plus, selon les usages auxquels l’AMP a été longtemps destiné, à savoir le traitement de diverses affections et des troubles liés aux greffes d’organes chez les humains, j’interpréterais également l’invention comme se rapportant à l’utilisation du MMF chez les humains.

 

[31]           En conséquence, selon mon interprétation du brevet 285, l’utilité de l’invention revendiquée (parfois appelée la « promesse » – voir Pfizer, ci-dessus, au par. 202) consiste en l’amélioration de la biodisponibilité de l’AMP par l’entremise d’un promédicament – plus précisément, un ester mofétil de l’AMP – qui possède des propriétés pharmacocinétiques avantageuses et une activité améliorée par rapport à l’AMP, ce qui le rend utile dans le traitement de diverses affections, et comme agent immunosuppresseur, chez les mammifères, y compris l’homme.

V.     Première question – L’utilité du MMF a‑t‑elle été démontrée ou fait-elle l’objet d’une prédiction valable?

 

[32]           Ayant déterminé l’utilité de l’invention revendiquée du brevet 285, je dois répondre à la question de savoir si cette utilité a été démontrée ou a fait l’objet d’une prédiction valable à la date du dépôt, le 15 décembre 1987. L’obligation d’établir l’utilité est remplie si l’invention se rapporte à « un objet nouveau ou meilleur ou moins dispendieux ou si elle accorde au public un choix utile » (Consolboard, précité, par. 521).

 

(1)   L’utilité du MMF a‑t‑elle été démontrée?

 

[33]           Apotex soutient que nulle part dans le brevet 285 n’est-il indiqué que le MMF a fait l’objet d’essais chez des humains ni de tests visant à évaluer ses effets antiviraux, antitumoraux ou antipsoriasiques. De plus, il n’est fait état d’aucun test précis visant à évaluer les propriétés pharmacocinétiques présumées du MMF. Les données figurant dans le brevet se limitent à l’activité anti-inflammatoire du MMF chez les rats femelles, à son activité immunosuppressive et antivirale in vitro et à une tentative de comparaison d’un sel de chlorhydrate du MMF avec l’AMP. Je ne suis pas d’accord.

 

[34]           Le brevet énumère un certain nombre d’exemples (exemples 11 à 15) d’études in vitro et in vivo établissant que le MMF libère l’AMP de façon fiable. Par conséquent, à mon avis, il a été démontré que le MMF possède les mêmes propriétés bénéfiques que l’AMP. Son activité est le résultat d’une réaction chimique prévisible au cours de laquelle l’ester mofétil du MMF est clivé pour produire l’AMP, le composé actif. Personne parmi les experts n’a sérieusement contesté ce point. Monsieur Anderson a résumé les exemples 11 à 15 comme suit :

 

[traduction]

En 1987, on savait que l’administration d’un composé à un mammifère, y compris l’homme, qui entraîne l’accumulation d’AMP dans le sang a la même utilité que l’AMP. Je suis aussi d’avis que les données figurant dans le brevet 285 établissent en fait que, à tout le moins, l’administration de MMF à des mammifères entraîne l’accumulation d’AMP dans le sang […] Les exemples 11 à 15 contenus dans le brevet 285 démontrent également l’utilité du MMF comme agent immunosuppresseur, agent anti-inflammatoire, agent antitumoral, agent antiviral et agent antipsoriasique chez les mammifères en tant qu’utilité déclarée (par. 100).

 

[35]           Selon Roche, grâce à ces éléments de preuve, son obligation de démontrer l’utilité déclarée de l’invention à la date de dépôt est remplie. Cependant, ayant considéré que l’utilité déclarée du brevet ne tient pas à l’AMP seul, soit les propriétés pharmacocinétiques avantageuses et l’activité accrue du MMF, je ne puis souscrire à la prétention de Roche. Je dois donc me demander si l’utilité a été démontrée ou si elle a fait l’objet d’une prédiction valable. Cette question vise l’exemple 16 du brevet, qui a soulevé une vive controverse entre les parties et les experts.

 

[36]           L’exemple 16 était une étude menée sur des singes. On a administré à quatre singes mâles du MMF et de l’AMP (ainsi qu’un autre composé du brevet 285) sous forme posologique orale. Chaque singe était traité par un des composés, soumis à des tests, soumis à une période d’élimination, puis traité par le composé à l’essai suivant. Les données indiquaient que le MMF avait libéré des concentrations supérieures d’AMP dans la circulation sanguine (une concentration moyenne de 33,5 μg/mL comparativement à 6,87 μg/mL), et ce, plus rapidement que l’AMP seul (temps moyen pour atteindre le pic de concentration de 1,25 h comparativement à 12,9 h), à des doses égales. Les données pertinentes tirées de l’exemple 16 sont reproduites ci‑après :

No ID de l’animal

Cmax (μg/mL)

Tmax (h)

ASC­0-24h (μg/mL . h)

Acide mycophénolique (AMP)

A

1,18

24,0

16,8

B

4,24

24,0

41,9

C

12,1

3,0

116,2

D

9,96

0,5

129,3

Moyenne

6,87

12,9

76,0

± écart-type

±5,04

±12,9

±55,2

Chlorhydrate de mofétilmycophénolate (MMF)

A

66,2

0,5

136,9

B

18,1

3,0

170,7

C

20,0

0,5

166,9

D

29,5

1,0

243,1

Moyenne

33,5

1,25

179,4

± écart-type

±22,4

±1,19

±45,1

 

 

[37]           Apotex a soulevé un certain nombre de questions au sujet de l’exemple 16, contestant le fait qu’il permet de démontrer les propriétés pharmacocinétiques avantageuses du MMF. Apotex fait observer que ce n’est pas le MMF en base libre qui a été administré dans l’étude, mais plutôt son sel, le chlorhydrate de MMF. Par conséquent, l’exemple 16 ne constituait pas une comparaison directe avec l’AMP. En outre, Apotex signale la grande variabilité entre les sujets observée dans l’étude. Par exemple, chez certains animaux, la concentration maximale du médicament était atteinte à 24 h (ou plus tard), tandis que chez d’autres, elle l’était en 30 minutes. L’exemple 16 a porté sur un petit nombre de sujets, ce qui, de l’avis d’Apotex, diminue la fiabilité des résultats. Apotex souligne également que le brevet ne comporte aucune analyse montrant que les résultats de l’exemple 16 sont statistiquement significatifs. L’étude concernait un petit échantillon de sujets et présentait une variance importante dans les résultats. Sans analyse, le lecteur averti ne serait pas convaincu que les résultats étaient significatifs. Même si Roche soutient que l’étude était fondée sur un schéma d’expériences croisées, qui n’exige pas d’échantillon de grande taille, Apotex fait valoir que rien dans le brevet n’indique précisément que l’exemple 16 était une étude croisée. En fait, on parle d’un « groupe témoin », ce qui est différent d’une étude croisée. Selon Apotex, il règne donc une certaine confusion quant à la nature de l’étude et à la façon d’interpréter les résultats de celle-ci.

 

[38]           En ce qui concerne l’utilisation d’un sel de chlorhydrate, je remarque qu’aucun expert n’en a fait mention dans son rapport. Lors de leurs contre-interrogatoires, la plupart des témoins‑experts ont laissé croire qu’il n’y aurait aucune différence entre les deux formes de MMF une fois que les composés auraient atteint le milieu à faible pH de l’estomac. Seuls quelques experts ont reconnu que le MMF sous forme de sel pourrait être plus soluble que le MMF seul. Toutefois, on ne m’a présenté aucun élément de preuve concret concernant les propriétés respectives du MMF et de son sel de chlorhydrate. Si cela avait été un facteur important, les experts l’auraient probablement remarqué au moment de rédiger leur affidavit.

 

[39]           Collectivement, les autres observations d’Apotex en ce qui a trait à l’exemple 16 reviennent à dire que les données générées par l’exemple sont pauvres – petit échantillon, résultats variables, méthodologie imprécise, aucune analyse statistique. Là encore, la prépondérance des témoignages des experts que j’ai entendus l’emporte sur ces critiques générales. Plusieurs experts de Roche ont examiné attentivement l’exemple 16 et ils ont conclu ce qui suit :

 

•           L’exemple 16 établit que le MMF est absorbé par l’appareil digestif et converti en AMP dans l’organisme. Il montre également que le MMF produit des concentrations plus élevées d’AMP dans le sang que la forme posologique orale renfermant la même quantité d’AMP (M. Anderson).

 

•           L’exemple 16 décrit une étude croisée visant à comparer les différences entre les paramètres pharmacocinétiques des composés. Les données montrent que le MMF présentait un profil pharmacocinétique avantageux par rapport à l’AMP, ce qui se traduit par une plus grande exposition à l’AMP dans le plasma que lorsque l’AMP lui-même est administré par voie orale (M. Sawchuk).

 

•           L’exemple 16 montre que le MMF possède une meilleure biodisponibilité que l’AMP. Le passage du MMF du tube digestif dans la circulation sanguine est plus efficace. Ainsi, le MMF peut être administré à une dose plus faible, ce qui réduit le risque d’effets secondaires possibles, sans altérer l’activité thérapeutique (Dr Cattral).

 

•           L’exemple 16 est une étude croisée, une méthode scientifique tout à fait indiquée. On peut le constater par les numéros d’identification attribués aux animaux et par la description de la méthodologie mentionnée dans le brevet. Cette étude a permis d’établir une comparaison juste des composés respectifs en utilisant chaque animal comme son propre témoin. Les données sont fiables et peuvent servir à faire des prédictions valables sur la biodisponibilité relative (M. Thisted).

 

 

[40]           Je conviens avec Apotex que le renvoi au groupe témoin dans la description de l’exemple 16 portait à confusion, et que les données générées par l’étude ont démontré de grandes variations. Cependant, j’estime que la personne versée dans l’art aurait reconnu que la méthodologie équivalait à une étude croisée et que les données auraient été interprétées en conséquence. J’accepte la conclusion non contredite de M. Thisted selon laquelle les données générées par l’étude étaient fiables.

 

[41]           De ces éléments de preuve, je conclus que l’utilité déclarée de l’invention faisant l’objet du brevet 285 a été démontrée à la date de dépôt. L’exemple 16 démontre que le MMF a des propriétés pharmacocinétiques avantageuses qui atteignent des concentrations supérieures d’AMP dans la circulation sanguine à des doses égales, c.‑à‑d., une activité améliorée. Les données démontrent que le MMF pourrait servir de promédicament efficace de l’AMP.

 

[42]           Apotex souligne à bon droit que le brevet ne divulgue pas tous les tests réalisés sur l’homme. Tous les exemples se rapportent soit à des études in vitro, soit à des études in vivo sur les rats ou les singes. Mais il faut se rappeler que la seule mission du MMF est de libérer de l’AMP, et que l’AMP est bien connu pour être utile dans le traitement d’un certain nombre de maladies chez l’homme. Par conséquent, en raison de son rôle comme promédicament efficace de l’AMP, ce que l’exemple 16 a démontré, j’estime que l’utilité du MMF chez l’homme a également été démontrée à la date pertinente.

 

(2)   L’utilité du MMF a‑t‑elle fait l’objet d’une prédiction valable?

 

[43]           Même si l’utilité déclarée du MMF n’avait pas été démontrée, j’estime qu’elle a fait l’objet d’une prédiction valable selon les données du brevet 285. Une prédiction valable constitue « une inférence prima facie raisonnable de l'utilité » (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd, 2010 CAF 197, par. 85).

 

[44]           Le brevet établit le fondement factuel et le raisonnement étayant une prédiction valable de l’utilité du MMF à titre de mécanisme d’administration de l’AMP, en plus de ses propriétés pharmacocinétiques avantageuses. Les exemples comprennent des données qui démontrent que l’activité du MMF était équivalente à celle de l’AMP et que le MMF a atteint une biodisponibilité plus élevée d’AMP à dose égale.

 

[45]           J’estime que la personne versée dans l’art aurait compris qu’un dérivé d’ester de l’AMP pourrait constituer un promédicament efficace de l’AMP compte tenu de sa conversion en AMP après absorption. Le potentiel de ces dérivés d’ester était bien connu et, comme nous le verrons plus loin, bon nombre d’études sur les dérivés d’ester de l’AMP avaient été publiées à la date pertinente. Aucune de ces études n’a permis d’identifier un composé qui pourrait agir comme promédicament. Pourtant, la personne versée dans l’art aurait compris le raisonnement étayant l’affirmation selon laquelle le MMF, comme version estérifiée de l’AMP, puisse constituer un promédicament de l’AMP. De plus, les données figurant dans le brevet, en particulier l’exemple 16, auraient démontré à la personne versée dans l’art que le raisonnement était, en effet, valable.

 

[46]           Par conséquent, je conclus que l’allégation d’Apotex selon laquelle l’utilité déclarée du MMF n’a pas été démontrée ou n’a pas fait l’objet d’une prédiction valable à la date de dépôt est injustifiée.

 

VI.  Deuxième question – Le MMF était‑il une invention évidente?

 

[47]           Apotex maintient qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’un ester mofétil de l’AMP subirait une hydrolyse in vivo de sorte qu’une partie de l’AMP serait présente dans le plasma, et que l’AMP aurait une certaine activité. De plus, il aurait été évident aux yeux de cette personne qu’il serait possible de résoudre les problèmes associés à l’AMP au moyen d’un promédicament, qu’un promédicament estérifié fonctionnerait étant donné le groupement acide carboxylique de l’AMP et qu’il serait tout naturel d’essayer un ester mofétil. En outre, Apotex soutient que les effets biologiques du MMF étaient évidents, car il allait de soi que l’ester cliverait et libérerait l’AMP, dont les effets sont bien connus. Là encore, je ne suis pas d’accord.

 

[48]           Le critère applicable à l’évidence a été établi par la Cour suprême dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, par. 67, et peut être reformulé comme suit :

(1)            a) Identifier la « personne versée dans l’art » ;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)                    Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3)                    Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4)                    Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité ?

 

(1)  La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

 

[49]           Comme je l’ai mentionné précédemment, la personne versée dans l’art aux présentes fins est titulaire d’un diplôme d’études supérieures en chimie, est rompue à la chimie médicinale, à la découverte de médicaments et à la formulation pharmaceutique, particulièrement à l’égard des agents immunosuppresseurs, et a une bonne connaissance de la recherche et des traitements relatifs aux maladies auto-immunes, au psoriasis, aux maladies inflammatoires, aux tumeurs et aux infections virales. Les connaissances générales courantes portent sur la connaissance des agents immunosuppresseurs disponibles, ainsi que sur les recherches d’antériorités portant sur les nouveaux composés éventuels, y compris les analogues et les promédicaments.

 

[50]           En 1987, on savait très bien que les promédicaments pouvaient être utilisés pour résoudre les problèmes de solubilité d’un composé. Comme l’a souligné M. Borch, il est possible d’augmenter la dose d’un médicament qui est peu absorbé ou [traduction] « dans d’autres cas, on peut modifier le médicament en le convertissant en un produit dérivé bioréversible (un nouveau composé chimique) qui est absorbé plus facilement que le médicament mère, mais qui se retransforme en médicament mère après avoir été absorbé. C’est ce qu’on appelle la stratégie de fabrication des promédicaments […] » (par. 14). Comme tout le monde savait que l’AMP était peu soluble dans l’eau et peu absorbé in vivo, la stratégie de fabrication de promédicament est quelque chose que la personne versée dans l’art aurait examiné.

 

[51]           De plus, la personne versée dans l’art aurait su qu’un ester fonctionnerait, puisque bien des promédicaments sont des esters. Le groupement acide carboxylique de l’AMP aurait également laissé entrevoir la possibilité d’utiliser un ester dans la recherche d’un promédicament. En réalité, on savait que les esters de l’AMP possédaient une activité immunosuppressive, antitumorale et antipsoriasique (Sweeney, et al. [1972]; Suzuki, et al. [1976]; Ohsugi, et al. [1976]; brevet américain no 3,868,454). Le brevet 285 reconnaît d’ailleurs ces antériorités.

 

[52]           Toutefois, l’art antérieur a également montré qu’aucun dérivé d’ester de l’AMP ne possédait une meilleure activité que l’AMP seul. De nombreuses études ont révélé que les esters de l’AMP avaient une activité moindre que l’AMP seul (Sweeney, et al. [1972]; Suzuki, et al. [1976]; Suzuki et Mori [1976]; Ohsugi, et al. [1976]. Comme l’a déclaré M. Sawchuk, [traduction] « l’art antérieur n’enseignait pas qu’il était possible de surmonter les problèmes de biodisponibilité de l’AMP en produisant des esters de l’AMP. Il enseignait plutôt que les esters de l’AMP n’étaient pas meilleurs que l’AMP, et qu’ils étaient, dans la plupart des cas, pires » (par. 86). Commentant l’étude de Suzuki, et al (1976), en particulier, M. Anderson a conclu que [traduction] « les données révèlent que les esters carboxyliques de l’AMP ne présentent aucune amélioration notable par rapport à l’AMP in vivo » (par. 80) et qu’elles auraient [traduction] « enseigné à la personne versée dans l’art, à la date pertinente, que l’estérification de l’acide carboxylique n’avait en rien amélioré l’activité de l’AMP ou de ses dérivés, du fait qu’une augmentation de la solubilité dans l’eau avait porté atteinte à l’activité » (par. 82). Monsieur Johnson, expert pour Apotex, ne l’a pas contredit, soulignant qu’[traduction] « aucun des dérivés d’ester de l’acide mycophénolique ne possédait une activité supérieure à celle du médicament mère » (par. 40). Pourtant, il est venu à la conclusion que la personne versée dans l’art [traduction] « serait parvenue à l’invention revendiquée dans le brevet 285, la considérant comme une variation banale ou normale de ce qui était déjà connu en janvier 1987 » (par. 57).

 

[53]           En ce qui concerne l’ester mofétil en particulier, il était également connu dans l’art antérieur. Un brevet américain datant de 1954 (2,694,062) renfermait l’exemple d’un promédicament de la pénicilline de type ester mofétil, un autre acide carboxylique, ce qui a amené M. Roberts à conclure qu’il n’était pas [traduction] « surprenant, donc, que l’acide mycophénolique, un antibiotique connu isolé de bouillons de fermentation de Penicillium, puisse être modifié avec le même ester que la pénicilline, qui est également un antibiotique connu isolé de bouillons de fermentation de Penicillium. Ainsi, selon moi, l’ester mofétil de l’acide mycophénolique représente un composé qui serait vraisemblablement banal et qui constituerait une variation normale aux yeux de la personne versée dans l’art et travaillant dans ce domaine avant janvier 1987 » (par. 80).

 

[54]           Monsieur Keana a tiré une conclusion semblable après avoir examiné certaines réalisations antérieures concernant les esters mofétil. Il s’est reporté à une demande de brevet datant de 1983 au Royaume-Uni portant sur des promédicaments mofétil de prostaglandines, à une demande de brevet anglais visant l’acide niflumique et à une publication de 1970 (Marchetti et Bergesi) montrant que le morphéthylbutyne est rapidement absorbé et clivé dans le sang et les tissus. Il estime, d’après ces réalisations antérieures, que la personne versée dans l’art aurait produit un ester mofétil de l’AMP [traduction] « avec l’assurance que l’ester aurait amélioré les propriétés biopharmaceutiques par rapport à celles du médicament mère » (par. 149).

 

[55]           Il convient de souligner que Roche conteste certaines antériorités sur lesquelles Apotex se fonde, faisant remarquer que rien dans la preuve ne démontre comment le dossier d’antériorités a été constitué ou si ces réalisations antérieures faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à ce moment‑là. Il devrait être possible de découvrir les réalisations antérieures au moyen d’une recherche raisonnablement diligente. En l’absence de preuve établissant comment les réalisations ont été trouvées, l’observation d’Apotex selon laquelle les réalisations antérieures sur lesquelles elle se fonde font partie des connaissances générales courantes dans le domaine est quelque peu atténuée. J’estime qu’il y a lieu d’être sceptique quant à la valeur des réalisations antérieures invoquées par les experts d’Apotex, plus particulièrement les demandes de brevet étranger.

 

[56]           En ce qui a trait à l’exemple de l’acide niflumique cité par M. Keana, je constate que d’autres experts ont renvoyé à ce composé. Monsieur Sawchuk a fait remarquer qu’un ester mofétil de l’acide niflumique diminuait la biodisponibilité du composé mère (citant Schiantarelli, et al). Cette antériorité ne tendait pas à indiquer qu’un ester mofétil pouvait augmenter la biodisponibilité; elle laissait plutôt supposer qu’elle entrave l’absorption d’un médicament bien absorbé.

 

[57]           De ce que je comprends des connaissances générales courantes qui auraient relevé des compétences de la personne versée dans l’art en 1987, je conclus qu’elle aurait dû savoir que l’AMP avait une solubilité et une absorption limitées, que la solution éventuelle était peut‑être d’identifier un promédicament, que l’utilisation d’un ester était une possibilité, et que l’un des nombreux esters qui pouvaient être testés était l’ester mofétil.

 

(2)  L’idée originale de la revendication

 

[58]           L’idée originale qui sous-tend le brevet 285 est bien exprimée par M. Sawchuk : l’idée originale du MMF consiste en une [traduction] « meilleure solubilité dans l’estomac et une meilleure libération de l’AMP dans la circulation générale (circulation sanguine) par rapport à l’AMP administré seul par voie orale » (par. 77). Cette étape inventive a été réalisée en modifiant l’AMP par l’adjonction de l’ester mofétil.

 

(3)  Les différences

 

[59]           En comparant l’idée originale à l’art antérieur, je conclus que rien dans l’art antérieur ne démontrait que l’utilisation d’un ester, même l'ester mofétil, aiderait à surmonter les problèmes liés à la biodisponibilité de l’AMP.

 

(4)  Évidence ou inventivité?

 

[60]           Dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême a établi un certain nombre de facteurs à considérer à cette étape :            

•           Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

 

•           Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

•           L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

 

•           Quelles ont été les mesures concrètes ayant mené à l’invention?

 

 

[61]           De ce que je comprends de la preuve, celle‑ci ne fait que démontrer l’existence d’une possibilité qu’un ester dérivé de l’AMP puisse libérer une meilleure biodisponibilité. D’autres solutions éventuelles, comme les esters phénoliques et les produits dérivés, étaient connus et ils avaient eux aussi fait l’objet d’essais sans succès.

 

[62]           Dans les observations d’Apotex, les mesures réelles prises par les inventeurs du MMF n’étaient pas élaborées. Selon Apotex, les inventeurs ont examiné l’art antérieur, notamment les composés qui avaient déjà été brevetés, et ont constitué une liste de huit produits candidats. Deux d’entre eux étaient les esters mofétils. Les inventeurs n’ont ensuite fait que mener des essais courants pour déterminer si le promédicament allait fonctionner.

 

[63]           Je conclus que les efforts déployés étaient plus considérables que ne le laisse supposer Apotex. Monsieur Lee a relaté une partie de l’historique. Il faisait partie d’une équipe travaillant à la mise au point d’un immunosuppresseur. Au milieu des années 1980, les membres de l’équipe étaient à la recherche de dérivés de l’AMP. À ce moment-là, ils avaient effectué des recherches sur plus d’une centaine d’analogues de l’AMP. Un des principaux points d’intérêt était la solubilité dans  des milieux de pH différents. À l’époque, le composé tête de série à l’étude était le RS‑93004, mais il s’est avéré instable et se dégradait dans des milieux acides. Un composé successeur a été mis au point – un ester acétyle solkétal de l’AMP – mais celui-ci s’est aussi avéré instable. Monsieur Lee a par la suite cherché à savoir si un promédicament pouvait offrir une meilleure solubilité et une meilleure stabilité. Avec un collègue, il a travaillé à partir d’une liste d’esters possibles de l’AMP. Huit ont été choisis en vue d’études plus poussées. Une étude réalisée sur des singes (l’exemple 16) a montré que l’ester mofétil présentait une bonne stabilité, une bonne solubilité dans l’estomac ainsi qu’une bonne biodisponibilité.

 

[64]           Un autre co-inventeur, M. Allison, a également décrit son cheminement pour parvenir au MMF. Il connaissait l’AMP et son potentiel comme médicament immunosuppresseur, mais il connaissait aussi les limites du composé en raison de sa faible biodisponibilité. Monsieur Allison savait également que les études sur les esters de l’AMP n’étaient pas parvenues à démontrer une quelconque amélioration de la biodisponibilité de l’AMP. Plusieurs centaines d’analogues et de promédicaments ont fait l’objet d’une évaluation préliminaire, mais peu d’entre eux étaient prometteurs. Les composés examinés se sont avérés instables. Par la suite, on a essayé l’ester mofétil de l’AMP et les résultats semblaient favorables. Un essai mené sur des singes (exemple 16) a révélé que l’ester possédait une meilleure biodisponibilité que l’AMP. Dans l’ensemble, le processus s’est déroulé sur plus de cinq ans.

 

[65]           À l’évidence, il y avait un motif pour rechercher la solution aux contraintes de la biodisponibilité de l’AMP, mais l'art antérieur n'était pas encourageant. Les mesures qui ont été prises pour trouver une solution peuvent ne pas avoir été inventives en soi, mais les inventeurs ont fait preuve de persistance en continuant à explorer un domaine de recherche dans lequel l’art antérieur tendait à indiquer que les résultats escomptés seraient peu probables. En outre, la sélection d'un ester mofétil a exigé une inventivité de leur part. Rien dans l’art antérieur relatif aux produits dérivés de l'AMP ne faisait état du mofétil. En rétrospective, on pourrait désigner l’ester mofétil de la pénicilline comme le marqueur clé, mais toutes les personnes versées dans l’art dans le domaine semblaient en avoir fait abstraction.

 

[66]           À mon avis, l’ester mofétil de l’AMP n’était pas un essai allant de soi, et cela allait plus ou moins de soi que le MMF fonctionnerait. En d’autres termes, aucune antériorité n’a démontré que les problèmes de solubilité de l'AMP pouvaient être résolus par la préparation d'un ester mofétil. Je conclus que l'allégation d'évidence d’Apotex est injustifiée.

 

 

VII.   Conclusion et décision

[67]           L’utilité de l’invention revendiquée dans le brevet 285, le MMF, consiste à accroître la biodisponibilité de l’AMP en raison de ses propriétés pharmacocinétiques avantageuses et de son activité accrue, en vue de le rendre utile dans le traitement de diverses affections, et comme agent immunosuppresseur, chez les mammifères, y compris l’homme.

[68]           Apotex a allégué que l’utilité du MMF n’a pas été démontrée ou n’a pas fait l’objet d’une prédiction valable à la date de dépôt. Cependant, selon la preuve qui m’a été présentée, je conclus que cette allégation est injustifiée.

 

[69]           Apotex a également prétendu que le MMF, un ester mofétil de l’AMP, était une variante de l’art antérieur. Cependant, compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, je conclus que l’essai du MMF n’allait pas de soi. Et il allait plus ou moins de soi que le MMF allait fonctionner. Je conclus également que l’allégation d’évidence d’Apotex est injustifiée.

 

[70]           Par conséquent, Roche s’étant acquittée de son fardeau d’établir que les allégations d’Apotex sont injustifiées, je suis donc tenu d’accueillir la présente demande, avec dépens.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.          La demande est accueillie avec dépens;

2.          Il est interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex avant l’expiration du brevet canadien n° 1,333,285.

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


Annexe « A »

Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P-4

 

  2. Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

 

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133

 

Droits d’action

  6. (1) La première personne peut, au plus tard quarante-cinq jours après avoir reçu signification d’un avis d’allégation aux termes de l’alinéa 5(3)a), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer l’avis de conformité avant l’expiration du brevet en cause.

 

(2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l’égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu’aucune des allégations n’est fondée.

 

(3) La première personne signifie au ministre, dans la période de 45 jours visée au paragraphe (1), la preuve que la demande visée à ce paragraphe a été faite.

 

(4) Lorsque la première personne n’est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe (1), le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

 

(5) Sous réserve du paragraphe (5.1), lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter tout ou partie de la demande si, selon le cas :

 

a) les brevets en cause ne sont pas admissibles à l’inscription au registre;

 

b) il conclut qu’elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement, à l’égard d’un ou plusieurs brevets, un abus de procédure.

 

(5.1) Lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal ne peut rejeter tout ou partie de la demande pour la seule raison qu’un brevet inscrit sur une liste de brevets présentée avant le 17 juin 2006 n’est pas admissible à l’inscription au registre.

 

(6) Aux fins de la demande visée au paragraphe (1), dans le cas où la seconde personne a fait une allégation aux termes des sous-alinéas 5(1)b)(iv) ou 5(2)b)(iv) à l’égard d’un brevet et que ce brevet a été accordé pour l’ingrédient médicinal préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués dans le brevet ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, la drogue qu’elle projette de produire est, en l’absence d’une preuve contraire, réputée préparée ou produite selon ces modes ou procédés.

 

(7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l’instance :

 

a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la présentation ou du supplément qu’elle a déposé pour obtenir un avis de conformité et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l’instance;

 

 

 

b) enjoindre au ministre de vérifier si les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la présentation ou le supplément déposé.

 

(8) Tout document produit aux termes du paragraphe (7) est considéré comme confidentiel.

 

(9) Le tribunal peut, au cours de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), rendre toute ordonnance relative aux dépens, notamment sur une base avocat-client, conformément à ses règles.

 

(10) Lorsque le tribunal rend une ordonnance relative aux dépens, il peut tenir compte notamment des facteurs suivants :

 

a) la diligence des parties à poursuivre la demande;

 

b) l’inscription, sur la liste de brevets qui fait l’objet d’une attestation, de tout brevet qui n’aurait pas dû y être inclus aux termes de l’article 4;

 

c) le fait que la première personne n’a pas tenu à jour la liste de brevets conformément au paragraphe 4(7).

Patent Act, RSC 1985, c P-4

 

  2.  In this Act, except as otherwise provided,

 

 

“invention” means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

 

 

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations, SOR/93-133

 

Right of Action

  6. (1) A first person may, within 45 days after being served with a notice of allegation under paragraph 5(3)(a), apply to a court for an order prohibiting the Minister from issuing a notice of compliance until after the expiration of a patent that is the subject of the notice of allegation.

 

 

(2) The court shall make an order pursuant to subsection (1) in respect of a patent that is the subject of one or more allegations if it finds that none of those allegations is justified.

 

(3) The first person shall, within the 45 days referred to in subsection (1), serve the Minister with proof that an application referred to in that subsection has been made.

 

(4) Where the first person is not the owner of each patent that is the subject of an application referred to in subsection (1), the owner of each such patent shall be made a party to the application.

 

(5) Subject to subsection (5.1), in a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application in whole or in part

 

(a) in respect of those patents that are not eligible for inclusion on the register; or

 

(b) on the ground that it is redundant, scandalous, frivolous or vexatious or is otherwise an abuse of process in respect of one or more patents.

 

(5.1) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court shall not dismiss an application in whole or in part solely on the basis that a patent on a patent list that was submitted before June 17, 2006 is not eligible for inclusion on the register.

 

(6) For the purposes of an application referred to in subsection (1), if a second person has made an allegation under subparagraph 5(1)(b)(iv) or (2)(b)(iv) in respect of a patent and the patent was granted for the medicinal ingredient when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed in the patent, or by their obvious chemical equivalents, it shall be considered that the drug proposed to be produced by the second person is, in the absence of proof to the contrary, prepared or produced by those methods or processes.

 

(7) On the motion of a first person, the court may, at any time during a proceeding,

 

(a) order a second person to produce any portion of the submission or supplement filed by the second person for a notice of compliance that is relevant to the disposition of the issues in the proceeding and may order that any change made to the portion during the proceeding be produced by the second person as it is made; and

 

(b) order the Minister to verify that any portion produced corresponds fully to the information in the submission or supplement.

 

(8) A document produced under subsection (7) shall be treated confidentially.

 

 

(9) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), a court may make any order in respect of costs, including on a solicitor-and-client basis, in accordance with the rules of the court.

 

(10) In addition to any other matter that the court may take into account in making an order as to costs, it may consider the following factors:

 

(a) the diligence with which the parties have pursued the application;

 

(b) the inclusion on the certified patent list of a patent that should not have been included under section 4; and

 

 

(c) the failure of the first person to keep the patent list up to date in accordance with subsection 4(7).

 


 

Annexe « B »

 

TÉMOIGNAGES DES EXPERTS ET AUTRES PREUVES PAR AFFIDAVIT

 

Témoins de Roche

 

Anthony Allison : Monsieur Allison est actuellement vice-président, Recherche chez Alavita Pharmaceuticals. Il est l’un des co‑inventeurs du brevet 285. Dans son affidavit, il décrit le programme de recherche sur l’AMP et des produits dérivés qui a eu lieu sous sa codirection.

 

William Lee : Monsieur Lee est actuellement vice-président principal, Recherche chez Gilead Sciences Inc. Il est l’un des co‑inventeurs du brevet 285. Dans son affidavit, il décrit en règle générale les travaux qui ont donné lieu à la sélection et à l’étude du MMF comme agent immunosuppresseur.

 

Wayne Anderson : Monsieur Anderson est professeur de chimie médicinale et de sciences pharmaceutiques à la State University of New York (SUNY) à Buffalo et il est actuellement le doyen de la faculté de pharmacie et des sciences pharmaceutiques. Monsieur Anderson émet des opinions quant à l’interprétation du brevet 285 ainsi que sur les questions de l’évidence et de l’utilité.

 

Ronald Sawchuk : Monsieur Sawchuk est professeur de pharmacie au College of Pharmacy à l’Université du Minnesota. Monsieur Sawchuk émet des opinions quant à l’interprétation du brevet 285 ainsi que sur les questions de l’évidence et de l’utilité.

 

Ronald Thisted : Monsieur Thisted est statisticien et biostatisticien et agit à titre de directeur du Department of Health Studies à l’Université de Chicago et à titre de directeur du Biostatistics Core Facility au Cancer Research Centre de l’Université de Chicago. Dans son affidavit, M. Thisted se limite à une analyse statistique de l’exemple 16 (l’étude menée sur des singes) du brevet 285, et il réfute les critiques que Mme Alloway et MM. Borch et Johnson ont soulevées à l’égard des données générées par l’étude menée sur les singes.

 

Mark Cattral : Le Dr Cattral est médecin et chirurgien autorisé à pratiquer dans les provinces d’Ontario et d’Alberta ainsi qu’aux États‑Unis dans les États de l’Illinois et du Nebraska. Il est actuellement membre de la faculté du Department of Surgery de l’Université de Toronto. Son opinion se limite à l’utilisation de médicaments et à leurs effets pour prévenir le rejet d’organes chez des patients qui ont subi une transplantation, et à des commentaires sur les leçons qu’il faut tirer des différents essais et des données figurant dans le brevet 285.

 

Témoins d’Apotex

 

Irving Johnson : Monsieur Johnson est l’auteur de plusieurs ouvrages et compte plus de 50 ans d’expérience dans le secteur pharmaceutique. Son expertise a également été reconnue au moyen de nombreux prix. Monsieur Johnson fournit des opinions quant à l’interprétation du brevet 285 ainsi que sur les questions de l’évidence et de l’utilité.

 

Richard Borch : Monsieur Borch est professeur de chimie médicinale et de pharmacologie méloculaire à l’Université Purdue. Dans son affidavit, il émet des opinions quant à l’interprétation du brevet 285 ainsi que sur les questions de l’évidence et de l’utilité.

 

John Keana : Monsieur Keana est professeur au Department of Chemistry de l’Université d’Oregon. Dans son affidavit, il émet une opinion sur la question de savoir si l’objet du brevet 285 aurait été évident avant le 30 janvier 1987.

 

Edward Roberts : Monsieur Roberts est actuellement professeur de chimie translationnelle et de médecine au Scripps Research Institute. Dans son affidavit, M. Roberts émet des opinions quant à l’interprétation du brevet 285 ainsi que sur les questions de l’évidence et de l’utilité.

 

Rita Alloway : Madame Alloway est actuellement professeure de recherche au Department of Internal Medicine de l’Université de Cincinnati, se spécialisant dans la transplantation et les régimes posologiques immunosuppresseurs. Dans son affidavit, Mme Alloway émet des opinions quant à l’interprétation du brevet 285 ainsi que sur les questions de l’évidence et de l’utilité.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1165-09

 

INTITULÉ :                                       HOFFMANN-LAROCHE LIMITÉE c. APOTEX, ET AL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Du 6 au 9 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Creber

John Norman

 

POUR LA DEMANDERESSE

Andrew Brodkin

Dino Clarizio

Belle Van

 

POUR LA DÉFENDERESSE – Apotex Inc.

Aucune comparution

POUR LE DÉFENDEUR –

Ministre de la santé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE – Apotex Inc.

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR –

Ministre de la santé

 

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