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Date : 20110712

Dossier : T‑83‑10

Référence : 2011 CF 859

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2011

En présence de madame la juge Johanne Gauthier

 

 

ENTRE :

 

SANOFI PASTEUR LIMITED

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT MODIFIÉS

 

[1]               La demanderesse, Sanofi Pasteur Limited [Sanofi], sollicite le contrôle judiciaire d’une partie de la décision du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés [le Conseil][1] concernant les mesures correctives prises relativement aux prix excessifs auxquels cette société avait vendu ses médicaments entre 2002 et 2006, à savoir le versement d’une somme de 2 512 878,74 $ à Sa Majesté la Reine conformément au paragraphe 83(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 [la Loi].

 

[2]               La demanderesse a soulevé plusieurs questions qui, pour les motifs exposés ci‑dessous, ne sont pas fondées, notamment :

a.       le Conseil a commis une erreur en imposant une pénalité aux termes du paragraphe 83(2) de la Loi,

b.      le Conseil a entravé son pouvoir discrétionnaire en s’en remettant aveuglément au Compendium des Lignes directrices, politiques et procédures [les Lignes directrices] et aux décisions antérieures du Conseil au sujet de la façon de compenser les recettes excessives dans le contexte du paragraphe 83(2) de la Loi.

 

[3]               Il est également soutenu que le Conseil a abusé du pouvoir que lui confère le paragraphe 83(2) de la Loi en ne tenant pas compte des preuves et des circonstances particulières de l’affaire et en tirant des conclusions qui sont fondées sur de pures hypothèses. Les parties se sont entendues sur le fait que ces questions doivent être examinées selon la norme de la raisonnabilité. Ayant eu beaucoup de difficulté à comprendre le raisonnement du décideur, la Cour conclut que la décision ne respectait pas les critères de transparence, d’intelligibilité et de justification associés à la norme de la raisonnabilité.

 

Contexte

[4]               La plupart des éléments qui suivent ne sont pas contestés, mais il me paraît important de replacer les questions en litige dans leur contexte, y compris celles qui ont été débattues devant le Conseil, parce que cela est utile et nécessaire pour pouvoir apprécier l’intelligibilité et la transparence de la décision.

 

[5]               Dans Teva Neuroscience G.P.‑S.E.N.C. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1155, au paragraphe 2, mon collègue le juge Roger Hughes a décrit brièvement le Conseil et ses fonctions de la façon suivante :

Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le Conseil) a été constitué en 1987 et a été prorogé en 1993 en vertu des dispositions de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, modifiée en 1993 et 1996, plus particulièrement celles des articles 79 à 103. Ses attributions sont nombreuses. Il est notamment chargé de contrôler le prix des « médicaments » protégés par un « brevet », de faire rapport de ces prix au Parlement et — pouvoir important dans le cas des demandes en l’espèce — de déterminer si le prix demandé pour ces médicaments est « excessif », auquel cas il peut accorder diverses réparations.

 

[6]               Il est évident que l’intention du législateur lorsqu’il a créé le Conseil était que cet organisme contrôle la puissance commerciale du monopole conféré par un brevet. Le Conseil se voit attribuer de larges pouvoirs discrétionnaires, comme l’indiquent les articles 83 et 85 de la Loi qui seront examinés plus loin. Il publie des bulletins dans lesquels il expose les politiques, procédures et lignes directrices qui sont maintenant regroupées dans les Lignes directrices. La version des Lignes directrices en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est celle qui était en vigueur en 2009 et qui est reproduite dans le volume 1, l’onglet 10, du dossier de la demanderesse[2]. Ces Lignes directrices sont en vigueur depuis 1994 et elles ont été modifiées à plusieurs reprises. La version en vigueur en 2009 a été modifiée et une nouvelle version, comprenant certains passages pertinents, s’applique depuis le 1er janvier 2010. Cette version a été produite avec le consentement des parties à l’audience qui s’est déroulée devant moi. Les passages mentionnés par les parties sont reproduits à l’annexe « A » avec les diverses dispositions pertinentes de la Loi. Il n’est pas contesté que les Lignes directrices ne sont pas impératives et elles l’indiquent clairement.

 

[7]               Comme les parties l’ont fait, il serait bon d’expliquer brièvement comment le Conseil réunit des données et accomplit sa mission. Dans les 30 jours de la date à laquelle un médicament est vendu pour la première fois au Canada, le breveté est tenu de déposer un document, le « formulaire 2 », qui identifie le médicament et fournit des renseignements sur les prix moyens. Le personnel du Conseil utilise cette information pour effectuer des tests sur les prix (prenant en considération les prix de ce médicament ou de médicaments comparables dans d’autres pays ainsi qu’au Canada) de façon à établir un prix plafond appelé le « prix maximum non excessif » [PMNE] pour le médicament en question.

 

[8]               Le Conseil a prévu deux périodes de six mois par an pour la présentation de rapports et, dans les 30 jours de la fin de chacune de ces périodes, le breveté est tenu de remplir le « formulaire 2 » qui contient des données relatives au prix moyen des médicaments pendant la période en cause. Le prix de transaction moyen [PTM] correspond aux recettes nettes totales pour toutes les tailles d’emballages vendus pendant la période considérée divisées par le nombre d’unités vendues. Pendant la période de référence, à savoir la période qui va de la première vente à la fin de la période de six mois, le PTM est présumé ne pas être excessif s’il n’est pas supérieur au PMNE pour le médicament en question.

 

[9]               D’après les Lignes directrices, le breveté est autorisé à augmenter le prix d’un médicament (le PMNE augmentant d’une année à l’autre) conformément à l’augmentation de l’indice des prix à la consommation [IPC]; les Lignes directrices contiennent une méthodologie, connue sous le nom de méthodologie de rajustement du prix selon l’IPC, qu’il y a lieu d’utiliser pour mettre en œuvre ces augmentations.

 

[10]           Après la période de référence, on établit une moyenne des prix sur une base annuelle pour calculer le PTM pour l’année. Pour chaque année qui suit la période de référence, le PMNE pour une année donnée est calculé à partir du PTM de l’année précédente majoré conformément à la méthodologie de rajustement du prix du médicament selon l’IPC[3]. Lorsque le PTM est égal ou inférieur au PMNE, le breveté est présumé être conforme à la Loi.

 

[11]           D’après les Lignes directrices, lorsque le PTM est supérieur au PMNE d’un montant insuffisant pour justifier une enquête (niveau de minimus)[4], le PTM est considéré comme conforme aux Lignes directrices. L’appendice 5 des Lignes directrices, qui expose les critères justifiant la tenue d’une enquête, énonce également que « [d]ans la plupart des cas, lorsque le prix d’un produit médicamenteux dépasse une année le prix maximum non excessif d’un montant trop minime pour justifier une enquête, le prix du produit est réduit l’année suivante de manière à rembourser les recettes excessives encaissées » [non souligné dans l’original]. Le défendeur a déclaré que cette souplesse avait été introduite à la suite de vastes consultations; en effet, on estimait qu’il s’agissait d’un compromis acceptable, compte tenu de la mission du Conseil, à savoir protéger le public contre les prix excessifs, et des aspects pratiques de l’obligation de surveiller près de 1 200 médicaments brevetés au Canada avec des ressources limitées. Les critères appliqués pour justifier la tenue d’une enquête ont pour but de veiller à ce que tous les cas importants de prix non conformes aux Lignes directrices fassent l’objet d’une enquête et d’établir « un juste équilibre entre la latitude accordée aux brevetés au niveau de la fixation des prix de leurs produits médicamenteux et l’obligation du [Conseil] de protéger les intérêts des consommateurs […] » (Lignes directrices (2009), appendice 5, annexe A).

 

[12]           Le personnel du Conseil envoie aux brevetés une « lettre d’examen » pour les informer du statut de leurs médicaments en regard de la conformité. Ces lettres types comprennent des mentions auxquelles il sera fait référence dans l’examen de l’argument présenté par Sanofi au sujet des attentes raisonnables (voir la note en bas de page au par. 33 ci‑dessous).

 

[13]           Lorsque le prix ne semble pas conforme aux Lignes directrices, le personnel du Conseil peut mener une enquête aux termes des Lignes directrices. Si l’enquête confirme que le prix est supérieur à ce qu’autorisent les Lignes directrices, l’affaire est soumise à l’attention du président du Conseil, qui peut introduire une instance formelle en émettant un avis d’audience.

 

[14]           Le breveté faisant l’objet d’une enquête peut signer un engagement de conformité volontaire [ECV] en vue de réduire son prix de façon à ce qu’il ne soit pas supérieur au PMNE; ces ECV peuvent inclure des mesures correctives (par. 7.1 des Lignes directrices). Lorsqu’une affaire fait l’objet d’une enquête, l’ECV doit être approuvé par le président du Conseil et, dans le cas où un avis d’audience a été émis, celui‑ci doit être approuvé par le Conseil.

 

[15]           Le paragraphe 7.6 des Lignes directrices énonce que, dans la majorité des cas, l’ECV doit prévoir que la partie excessive de ces recettes sera remboursée au moyen d’un paiement à Sa Majesté la Reine. Il semble toutefois que, dans deux cas auxquels on a fait référence à l’audience, l’ECV qui prévoyait la réduction du prix d’un médicament pendant une certaine période de façon à compenser les recettes excessives des années antérieures ait été approuvé (dossier de la demanderesse, vol. 2, onglets 13C et 13D). Cette approbation a été accordée même si la réduction du prix avait été décidée avant l’approbation de l’ECV.

 

[16]           Lorsqu’une audience est tenue, le personnel du Conseil joue un rôle de poursuivant.

 

[17]           Comme l’a fait remarquer la juge Anne MacTavish dans Pfizer Canada c. Canada (Procureur général), 2009 CF 719, il convient de répéter que le Conseil n’a pas pour mission de fixer les prix des médicaments brevetés au Canada; il doit plutôt veiller à ce que le breveté ne vende pas ses médicaments à un prix qui, de l’avis du Conseil, est excessif. Le Conseil a pour rôle de « surveiller » les prix, pour reprendre les termes employés par ministre de la Consommation et des Corporations, Harvie Andre (voir le par. 60 de Pfizer) lors de la présentation du projet de loi qui établissait le Conseil en 1987.

 

[18]           Le paragraphe 85(1) de la Loi énumère un certain nombre de facteurs dont le Conseil doit tenir compte pour décider si un prix est excessif. Lorsque le Conseil estime que le prix est excessif, le paragraphe 83(1) de la Loi lui donne le pouvoir d’enjoindre, par ordonnance, au breveté de baisser son prix de vente, l’empêchant ainsi de continuer à vendre ses médicaments à un prix que le Conseil juge être excessif. Cet élément a été qualifié d’aspect essentiel de la mission du Conseil lorsque la Loi a été modifiée en 1993 (voir Celgene Corp c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, au par. 27).

 

[19]           Par contre, le paragraphe 83(2)[5] a des effets rétrospectifs et autorise le Conseil à enjoindre, par ordonnance, au breveté ou à un ancien breveté de compenser (« offset » en anglais ») l’excédent qu’aurait procuré à cette personne la vente d’un médicament à un prix excessif.

 

[20]           La Loi prévoit au paragraphe 83(4) que le Conseil peut, par ordonnance, enjoindre au breveté de compenser (« offset » en anglais) au plus le double de l’excédent procuré au breveté ou à l’ancien breveté, selon ce qu’estime le Conseil, par la vente du médicament à un prix excessif si cette personne s’est livrée à une politique de vente du médicament à un prix excessif.

 

[21]           Les principaux arguments qui ont été soumis au Conseil concernaient la question de savoir si, dans les circonstances particulières de la présente affaire, l’application des facteurs énumérés au paragraphe 85(1) de la Loi justifiait l’application d’une méthodologie du rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC différente de celle qui est exposée dans les Lignes directrices applicables à l’époque et d’utiliser plutôt une méthodologie fondée, en partie du moins, sur les Lignes directrices en vigueur avant 1994. Cet argument faisait appel à diverses notions présentées par l’expert de Sanofi, M. Martyszenko, comme l’engrangement des écarts cumulés. Dans son exposé, l’expert soutenait que Sanofi devrait avoir droit à un crédit lorsque le PTM était inférieur au PMNE, comme en 2007 et en 2008 en particulier, permettant ainsi de compenser les recettes excessives cumulées enregistrées pour la période allant de 2002 à 2006[6]. Il s’agissait, selon lui, de la deuxième différence importante entre la position du personnel du Conseil et celle de Sanofi sur la question de savoir s’il y avait effectivement eu des recettes excessives.

 

[22]           Dans les observations écrites de Sanofi présentées au Conseil, les brefs commentaires traitant de la question des mesures correctives (dossier de la demanderesse, vol. 9, onglet 26, p. 73, section D) abordent les principes généraux et renvoient ensuite expressément aux observations au sujet du calcul des recettes excessives, au moyen de la méthodologie proposée par M. Martyszenko, et expliquent pourquoi cette méthode devrait être adoptée (voir, par exemple, dossier de la demanderesse, vol. 9, onglet 26 au par. 286 faisant référence aux paragraphes précédents 171 à 186)[7]. C’est ce qui explique peut‑être pourquoi la demande débattue devant la Cour faisait référence aux motifs (par. 54 à 57) que l’on trouve au milieu de la décision du Conseil sous le titre « Remboursement des recettes excessives au moyen d’un prix de vente moins élevé que le prix MNE » plutôt qu’aux motifs se trouvant sous le titre « Mesures correctives ».

 

[23]           En fait, dans la section intitulée « Mesures correctives » (par. 84), le Conseil énonce simplement qu’il enjoint à Sanofi de faire ce qui suit :

[…] rembourser les recettes excessives encaissées par [Sanofi] et établies suite aux conclusions de la présente décision. Le calcul des recettes excessives tirées de la vente des médicaments Quadracel et Pentacel à des prix excessifs devrait être fait suivant la méthode préconisée par le personnel du Conseil, mais le PTM et le prix MNE devront être calculés sans tenir compte des escomptes consentis à l’Ontario.

 

[Décision modifiée datée de mars 2010]

 

[24]           Le panel ne précise pas dans ses motifs le montant à verser à Sa Majesté la Reine. Il demande plutôt aux parties de lui présenter un projet d’ordonnance qui assurerait l’application de sa décision et indique qu’il demeure saisi de l’affaire et se tient à la disposition des parties dans l’éventualité où elles ne réussiraient pas à s’entendre.

 

[25]           Il est toutefois important de mentionner que le paragraphe cité ci‑dessus sous le titre « Mesures correctives » était rédigé de la façon suivante dans sa forme originale :

 

Considérant la stabilité de la base de clients pour les médicaments brevetés Quadracel et Pentacel, le Panel estime que, dans le présent cas, la mesure la plus appropriée est d’obliger l’intimée à réduire les prix auxquels il vend ses médicaments Quadracel et Pentacel (à ses différents clients) pendant la durée de ses contrats avec le gouvernement du Canada et ce, à un niveau qui permet de rembourser les recettes excessives encaissées par l’intimée et établies suite aux conclusions de la présente décision. Autrement dit, le calcul des recettes excessives tirées de la vente des médicaments Quadracel et Pentacel à des prix  excessifs devrait être fait suivant la base demandée par le personnel du Conseil, mais avec le prix de transaction moyen et le prix MNE calculés sans tenir compte des escomptes consentis à l’Ontario.

 

[Décision initiale datée de décembre 2009]

 

[26]           Au paragraphe 41 de ses observations écrites, le défendeur mentionne (et Sanofi ne le conteste pas) que Sanofi a par la suite soutenu, et le personnel du Conseil y a souscrit, [traduction] « qu’il y aurait lieu de modifier le paragraphe 84 de la décision pour prévoir le versement d’une somme forfaitaire à Sa Majesté plutôt qu’une réduction de prix. Le Conseil a accepté ces observations et a modifié en ce sens le paragraphe 84 […]. » En conséquence, le 16 mars 2010, le Conseil a ordonné que soit versée la somme susmentionnée à Sa Majesté du chef du Canada avant le 15 avril 2010.

 

[27]           Pour avoir une image plus complète de la situation, il convient d’avoir à l’esprit les principaux arguments mis de l’avant par le Conseil au sujet des mesures correctives sollicitées par le personnel du Conseil, c.‑à‑d., le remboursement des recettes excessives réalisées par Sanofi.

 

[28]           Tout d’abord, comme elle l’a fait devant moi, Sanofi a soutenu que le Conseil avait, aux termes du paragraphe 83(2) de la Loi, le pouvoir discrétionnaire de ne rendre aucune ordonnance. Elle affirme que le Conseil devrait exercer son pouvoir discrétionnaire dans la présente affaire parce que toutes les recettes excessives (quelle que soit la méthode utilisée par le Conseil) ont été en réalité compensées par des prix plus bas en 2007 dont ont bénéficié les mêmes clients[8] qui avaient payé des prix excessifs de 2002 à 2006. Ainsi, de l’avis de Sanofi, ordonner le paiement d’une somme ou une autre réduction de prix constituerait une pénalité ou une ordonnance punitive que le Conseil n’a pas le pouvoir de prononcer aux termes du paragraphe 83(2) de la Loi. Sur ce point, la demanderesse a renvoyé et cité (voir dossier de la demanderesse, vol. 9, onglet 26, p. 77) le passage suivant du témoignage livré par M. Kreker de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada en réponse à la question de savoir s’il savait que le Conseil examinait les prix payés pendant la période 2002 à 2006 :

[traduction] En outre, les prix de 2007, comme ils étaient établis de façon concurrentielle, n’auraient pas été touchés, pas plus qu’un contrat, par les résultats de cette décision particulière du Conseil. Étant donné que nous étions convaincus que les prix allaient baisser de façon importante par rapport à ce qu’il fallait payer auparavant, s’il y avait un problème de prix excessif, il aurait disparu à cause de la concurrence[[9]].

 

[Souligné par la demanderesse.]

 

[29]           Deuxièmement, en se basant principalement sur la décision de notre Cour Leo Pharma Inc c. Canada (Procureur général), 2007 CF 306 [Leo Pharma], aux paragraphes 56 et 69, Sanofi a soutenu que [traduction] « [o]bliger un breveté à prouver qu’il a réduit son prix pour se conformer aux Lignes directrices actuelles avant qu’une réduction du prix puisse être envisagée pour réduire les supposées recettes excessives va à l’encontre de la Loi sur les brevets et de la mission qu’elle attribue au Conseil » (dossier de la demanderesse, vol. 9, onglet 26, par. 180).

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[30]           Il semble que cet argument ait été présenté pour réfuter intégralement l’argument du personnel du Conseil selon lequel, dans les circonstances particulières de la présente affaire, le contexte factuel était tellement différent en 2007 de celui de la période de 2002 à 2006 que les prix moins élevés payés par les clients en 2007 n’avaient rien à voir avec la notion de compensation des prix excessifs payés au cours des quatre années précédentes ou avec le remboursement des recettes engrangées, à savoir avec les obligations du breveté aux termes de cette loi. Il est évident que les prix de 2007 n’ont pas compensé ces clients pour les prix excessifs payés antérieurement.

 

[31]           Il n’est pas contesté qu’en 2007, Sanofi a participé, comme l’a mentionné M. Kreker dans l’extrait précité, à un appel d’offres concurrentiel avec un autre fournisseur canadien potentiel (GlaxoSmithKline [GSK]) et que, par conséquent, il est normal que le prix des vaccins ait été sensiblement moins élevé qu’auparavant.

 

[32]           Entre 2002 et 2006, Sanofi occupait une situation monopolistique dans laquelle ses principaux clients, les gouvernements – comme tout autre client –, s’en remettaient au pouvoir de surveillance du Conseil pour veiller à ce que les prix fixés dans leurs contrats ne soient pas excessifs[10]. Il n’est pas contesté que M. Kreker a également confirmé qu’à cette époque, les gouvernements étaient principalement des preneurs de prix.

 

[33]           Troisièmement (Sanofi n’a pas beaucoup insisté sur cet argument à l’audience), la demanderesse soutient qu’en 2007, lorsqu’elle a réduit ses prix, elle l’a fait dans l’attente légitime que cette réduction compense ses recettes excessives en établissant un prix inférieur au PMNE pour 2007‑2008. Il semble que cette croyance reposait sur sa correspondance avec le personnel du Conseil[11] et sur les deux ECV précédents dans lesquels, comme cela a été mentionné, le Conseil approuvait une réduction de prix déjà accordée par les brevetés avant de conclure ces ECV et non pas en conséquence de ceux‑ci. En outre, l’expert de Sanofi a déclaré que la Loi ne contient aucune disposition limitant la capacité du breveté de compenser le prix en réduisant celui‑ci à un montant inférieur au PMNE pour des raisons autres que la conformité à la Loi et aux Lignes directrices (dossier de la demanderesse, vol. 8, p. 2366 à 2368).

 

[34]           Compte tenu de tout ce qui précède, il est maintenant utile de reproduire les cinq paragraphes de la décision sur lesquels les débats ont porté dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

53. Fort du témoignage de M. Martyszenko, l’intimé a proposé que la partie excessive des recettes tirées de la vente de ses médicaments Quadracel et Pentacel à des prix dépassant les prix MNE au cours d’une année donnée soit considérée avoir été remboursée au cours des années ultérieures où les prix de ses deux médicaments étaient moins élevés que leurs prix MNE.

 

54. Les Lignes directrices, qui appliquent l’alinéa 85(1)(a) de la Loi, permettent d’utiliser le prix moyen sur une base annuelle. Autrement dit, à l’intérieur d’une année civile, le prix du médicament au Canada est déterminé en calculant la moyenne du prix qui tient compte des prix de vente plus élevés que le prix MNE ainsi que des prix de vente moins élevés que le prix MNE. Les brevetés doivent faire rapport des prix moyens auxquels ils ont vendu leurs médicaments au cours des périodes de rapport de janvier à juin et de juillet à décembre de chaque année. Le personnel du Conseil calcule la moyenne des prix de vente déclarés pour ces deux périodes de rapport, ce qui donne le prix de transaction moyen de l’année. Grâce à cette moyenne annuelle, les brevetés bénéficient d’un niveau de souplesse raisonnable sans que les acheteurs ne soient exposés à des augmentations de prix plus importantes que celles de l’IPC de l’année. Les brevetés de pratiquement tous les médicaments assujettis à la compétence du Conseil fonctionnent à l’intérieur de ces limites.

 

55. Le Panel estime que le Conseil n’exercerait pas adéquatement son mandat de protection des consommateurs contre les prix excessifs s’il permettait aux brevetés de faire la moyenne des prix plus élevés et des prix moins élevés que le prix MNE sur des périodes de plus d’un an, voire même pour des périodes laissées au choix du breveté. Si telle approche était autorisée, un breveté pourrait vendre son médicament à un prix excessif pendant quelques années sans être assujetti à la réglementation du Conseil puis, pour éviter des sanctions pour pratique de prix excessif, réduire le prix de son médicament au moment où il jugera opportun de le faire. Les consommateurs n’auraient ainsi aucune protection contre les prix excessifs au cours des périodes où le breveté vend son médicament à des prix excessifs. La réduction subséquente des prix ne peut non plus être présumée, ni même attendue, pour compenser le tort subi par les consommateurs au cours des périodes où le médicament était vendu à des prix excessifs. Il en est ainsi que les clients demeurent les mêmes ou non durant les deux périodes, puisque les prix excessifs n’auront vraisemblablement une incidence sur les décisions que prendront les clients en matière d’achat que dans une perspective de spéculation.

 

56. L’intimé a cité en exemple une occasion où le personnel du Conseil l’a autorisé à rembourser un petit montant représentant les recettes excessives qu’il avait encaissées au cours d’une année en réduisant le prix de son médicament une autre année. Deux panels du Conseil dans d’autres affaires (pour les médicaments Nicoderm et Copaxone) se sont prononcés contre le principe du prix moyen calculé sur plusieurs années et, pour les motifs de ces deux panels et ceux mentionnés dans la présente décision, le présent Panel se range du même avis.

 

57. Les Lignes directrices prévoient que le personnel du Conseil n’engagera pas une enquête sur les prix excessifs lorsque la valeur des recettes excessives est peu élevée, qu’il n’y a pas eu pratique volontaire de prix excessifs et que le breveté s’engage à rembourser les recettes excessives encaissées l’année suivante. Cette latitude ne constitue pas une dérogation aux Lignes directrices qui limitent le calcul du prix moyen aux deux périodes de rapport d’une même année civile. De l’avis du Panel, cette approche est appropriée et était bien comprise par l’intimé qui a approché le personnel du Conseil lorsqu’il a constaté que les prix de ses deux médicaments dépassaient les limites autorisées.

 

                        [Non souligné dans l’original.]

 

[35]           Pour les motifs qui seront expliqués en détail plus loin, la Cour n’est pas convaincue qu’avec ces paragraphes, le Conseil ait cherché à répondre au volet réparation de l’argumentation de Sanofi. Ces paragraphes semblent avoir pour but de répondre à l’observation de Sanofi selon laquelle il y avait lieu d’accorder un crédit pour les ventes effectuées à un prix inférieur au PMNE en 2007 et 2008 pour déterminer si elle avait effectivement tiré des recettes excessives[12] (la première question que doit aborder le Conseil aux termes du par. 83(2)). Le fait que la décision du Conseil comprenne une section qui traite expressément des mesures correctives (en particulier la version originale du par. 84) pourrait étayer le point de vue qu’en fait, le Conseil n’a tout simplement pas examiné le volet réparation de l’argumentation de Sanofi[13]. Évidemment, cela peut poser problème parce que, dans de telles circonstances, il peut être très difficile pour le défendeur de soutenir que la décision est conforme à la norme de la raisonnabilité. J’estime qu’il y a pour le moins lieu d’interpréter ces commentaires en n’oubliant pas que le Conseil devait examiner « les deux côtés de la médaille ».

 

[36]           Cela dit, les parties ont présenté leurs arguments en tenant pour acquis que les paragraphes cités ci‑dessus étaient les motifs à partir desquels je devais me prononcer sur la validité de la conclusion du Conseil au sujet des mesures correctives ordonnées. C’est ce que je vais donc faire.

 

Analyse

A. Le Conseil a‑t‑il outrepassé sa compétence en imposant une pénalité à Sanofi?

 

[37]           En faisant valoir que la décision d’imposer une réduction du prix ou un paiement constitue un excès de compétence, Sanofi peut soutenir que la norme de contrôle est celle de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 50; Pfizer, précité, au par. 51)[14].

 

[38]           Le défendeur soutient que la question soumise au Conseil n’est pas une véritable question de compétence, mais qu’il s’agissait plutôt de savoir si, après avoir analysé correctement tous les faits et le pouvoir conféré par le paragraphe 83(2) de la Loi, il était approprié que le Conseil ordonne que les recettes excessives soient compensées en utilisant une des méthodes exposées dans cette disposition.

 

[39]           Dans ses observations écrites, Sanofi a indiqué au paragraphe 43 que le personnel du Conseil avait soutenu que [traduction] « le paragraphe 83(2) de la Loi accorde en fait au Conseil des pouvoirs punitifs et la capacité d’imposer une “amende” à un breveté pour un “agissement répréhensible antérieur” ». Il semble toutefois ressortir de l’examen de la transcription[15] que la position du personnel du Conseil au sujet de cette disposition était beaucoup plus nuancée. En fait, ce commentaire visait uniquement l’ordonnance prévoyant le paiement d’une somme à Sa Majesté, et non une ordonnance prévoyant une réduction de prix qui était qualifiée de purement réparatrice. Le défendeur a alors précisé qu’il ne sollicitait pas une ordonnance punitive, mais plutôt la réparation d’un agissement répréhensible antérieur parce qu’il estimait que les consommateurs n’avaient pas été indemnisés pour les prix excessifs. Cela dit, la Cour ne sait pas très bien si les parties utilisaient à ce moment‑là le mot « punitif » dans le même sens[16].

 

[40]           À l’audience, le défendeur a manifestement eu le temps de réfléchir davantage à cette question et a confirmé que l’ordonnance prévue au paragraphe 83(2) devait clairement avoir un but réparateur, à savoir que le but de l’ordonnance est de placer le breveté dans la position qui aurait été la sienne s’il n’avait pas établi des prix excessifs. Aucune des options exposées aux alinéas 83(2)a), b) et c) de la Loi n’ont un but « punitif » au sens que lui donne Sanofi.

 

[41]           D’une façon générale, j’aurais tendance à souscrire à l’argument du défendeur selon lequel il n’y a en fait ici qu’une seule question en litige, soit celle de savoir si la décision en question, d’ordonner le paiement ou une réduction de prix correspondant au montant des recettes excessives évaluées par le Conseil dans les circonstances particulières de la présente affaire, était raisonnable ou non, parce que selon cette norme de contrôle, la Cour peut examiner toutes les questions soulevées par la demanderesse.

 

[42]           Je comprends toutefois que la distinction qu’établit l’avocat de Sanofi entre la première et la deuxième question est que si, en réalité, l’ordonnance rendue ne peut être que qualifiée de décision punitive, et que l’imposition d’une pénalité ne relève pas des pouvoirs du Conseil, il devient alors inutile de se demander aussi si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. En termes simples, pour Sanofi, il est clair que le Conseil était tenu de conclure qu’il ne pouvait rendre une ordonnance parce qu’il y avait déjà eu une « compensation » du montant maximum autorisé par le paragraphe 83(2), soit ses recettes excessives.

 

[43]           La Cour reconnaît que, comme le fait observer le défendeur, cela constitue peut‑être une façon adroite de contourner l’application d’une norme de contrôle faisant appel à un plus grand degré de retenue. J’ai décidé de traiter de cette question de la façon proposée par la demanderesse, étant donné qu’elle n’est en aucune façon déterminante pour l’issue de la présente demande[17].

 

[44]           Comme cela a été mentionné et confirmé à l’audience, les parties ne contestent pas réellement[18] le fait que le sens du paragraphe 83(2) de la Loi est susceptible d’avoir une incidence sur la façon de trancher les questions soulevées dans la présente demande, car, si je comprends bien, le défendeur soutient que si le Conseil a effectivement imposé une pénalité ou rendu une décision punitive, il a outrepassé sa compétence.

 

[45]           Ainsi, pour examiner la question de l’excès de compétence, je dois analyser si la base factuelle qu’invoque Sanofi a été établie – à savoir si Sanofi a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’imposition d’un paiement ou d’une autre réduction de prix est ou devrait être considérée comme étant punitive.

 

[46]           Premièrement, Sanofi soutient que l’emploi du mot « sanctions » au paragraphe 55 des motifs du Conseil indique clairement que le Conseil estimait posséder des pouvoirs punitifs en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi et entendait les exercer dans la présente affaire.

 

[47]           La Cour reconnaît que, dans certaines circonstances, l’emploi de ce terme permet de conclure que le décideur avait l’intention d’imposer une pénalité (voir Thibeault c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1996), 7 Admin. L.R. (3d) 70 (C.F. 1re inst.), aux par. 27 à 35, et Matthews c. Canada (Procureur général) (1996), 43 Admin. L.R. (2d) 143 (C.F. 1re inst.), aux par. 11 à 13 et 21, conf. par [1999] A.C.F. no 830 (CA)), mais la Cour doit toutefois veiller à examiner ce terme dans son contexte. En l’espèce, compte tenu des affirmations générales qui figurent dans la première partie du paragraphe 55, j’estime que le Conseil traite encore de la question des prix excessifs (premier aspect de l’argumentation présentée par Sanofi). Dans ce contexte, il est possible qu’il fasse référence d’une façon générale à ses pouvoirs, qui comprennent effectivement celui d’imposer une sanction comme l’a reconnu Sanofi, qui a mentionné le paragraphe 83(4) de la Loi à titre d’exemple. Mais surtout, cette affirmation est suivie quelques lignes plus loin par un renvoi plus précis au fait que « [l]a réduction subséquente des prix ne peut non plus être présumée, ni même attendue, pour compenser le tort subi […] » [non souligné dans l’original]. Cette observation ne renvoie‑t‑elle pas au préjudice causé plutôt qu’à une punition? Dans l’ensemble, la formulation alambiquée de ce paragraphe, lu dans son contexte, rend très difficile, voire impossible, de comprendre exactement quelle était l’intention du Conseil pour ce qui est de l’ordonnance rendue en application du paragraphe 83(2) de la Loi.

 

[48]           Si l’on tient compte également du fait que le Conseil avait décidé que la mesure corrective appropriée était une réduction de prix (par. 84 original) et qu’aucune des parties n’a soutenu devant le Conseil que cette ordonnance visait à imposer une sanction, je ne suis pas disposée à inférer, comme cela m’a été suggéré, que le seul fait d’utiliser le mot « sanction » permet de conclure que le Conseil avait l’intention de rendre une décision de nature punitive.

 

[49]           Deuxièmement, Sanofi affirme que, tout comme dans la décision Leo Pharma, précitée, quelle qu’ait pu être son intention, le simple fait que son prix ait été réduit à un niveau inférieur au PMNE pour un certain nombre d’unités, correspondant aux recettes excessives établies par le Conseil à l’égard de la période quinquennale précédente, suffit à établir que toute autre ordonnance rendue en application du paragraphe 83(2) de la Loi est nécessairement de nature pénale. En fait, étant donné qu’il avait rempli sa mission, le Conseil n’aurait tout simplement pas dû intervenir davantage.

 

[50]           À mon avis, la décision Leo Pharma de notre Cour n’est pas très utile ici. En effet, dans cette affaire, le juge Blais devait décider si la conclusion du Conseil concernant l’existence de prix excessifs était raisonnable. Dans ce contexte, il a été amené à examiner les facteurs exposés à l’article 85 de la Loi ainsi que dans le Règlement sur les médicaments brevetés, 1994, DORS/94‑688 [le Règlement], en particulier le paragraphe 4(4) qui énonce clairement que le prix après déduction des réductions accordées à titre de promotion ou sous la forme de rabais, escomptes, remboursements, biens gratuits […] doit être utilisé pour le calcul du prix moyen par emballage dans lequel le médicament a été vendu. La conclusion de la Cour, selon laquelle l’intention du breveté lorsqu’il donnait des biens gratuitement ne concernait pas la question de savoir si ces biens gratuits devaient être compris dans le calcul du prix moyen, était fondée sur le fait qu’avec le Règlement, le législateur avait donné des directives très claires au sujet du calcul du prix moyen du médicament. S’il avait eu l’intention de limiter les « biens gratuits » devant être inclus dans le calcul de ceux qui ont été distribués dans le contexte de campagnes caritatives, il l’aurait fait.

 

[51]           Il est intéressant de noter qu’au paragraphe 55 de sa décision, le juge a noté que sous d’autres aspects, le législateur peut avoir été plutôt imprécis lorsqu’il a exposé les facteurs à prendre en compte et a ainsi donné au Conseil davantage de latitude pour trancher ces questions.

 

[52]           En l’espèce, le législateur aurait tout simplement pu prévoir que le breveté était tenu de rembourser les recettes excessives qu’il avait gagnées, en laissant au breveté le soin de déterminer le moment et la façon de le faire. En fait, en 1993, il a choisi de renforcer la mission accordée au Conseil et de lui attribuer le pouvoir d’intervenir en matière de compensation pour protéger les intérêts des consommateurs en ajoutant, notamment, le paragraphe 83(2) de la Loi.

 

[53]           La Cour est d’accord avec Sanofi que cela ne veut pas dire que, selon ce régime qui favorise la conformité volontaire, le breveté ne peut pas prendre volontairement des mesures pour compenser les recettes excessives qu’il a obtenues, au moment où il souhaite le faire. Toutefois, si les brevetés choisissent d’agir ainsi, sans demander l’approbation du Conseil ou du président du Conseil, par exemple en concluant un ECV, ils le font à leur propre risque puisque le Conseil, qui est responsable devant le Parlement de l’exécution de sa mission, peut toujours examiner les mesures prises par eux pour s’assurer qu’elles fournissent une compensation appropriée.

 

[54]           Sanofi affirme qu’il s’agit ici d’une affaire spéciale parce que la clientèle est demeurée identique pendant toute la période considérée. Ainsi, les réductions de prix accordées à ces clients constituent une façon appropriée de compenser le préjudice causé. Il est possible que cela puisse être vrai dans d’autres situations, mais dans les circonstances particulières de la présente affaire, je ne peux souscrire à la prétention de la demanderesse. En fait, ici, quelle qu’ait été l’intention de Sanofi[19] et eu égard au seul contexte factuel, la preuve ne démontre tout simplement pas, selon la prépondérance des probabilités, que cette clientèle a effectivement profité de la réduction de prix et a correctement été indemnisée des sommes excessives payées en raison des prix excessifs fixés par Sanofi pour les années 2002 à 2006.

 

[55]           La Cour a demandé aux parties de fournir, par écrit, une liste des preuves se rapportant aux questions en litige.

 

[56]           Comme cela a été mentionné plus haut, même si les prix fixés en 2007 et 2008 étaient sensiblement inférieurs à ceux de 2006 et à leur PMNE[20], Sanofi n’a pas présenté de preuve établissant effectivement, selon la prépondérance des probabilités, qu’une telle réduction était vraiment différente – encore moins sensiblement différente – des réductions qui se produisent habituellement lorsqu’un produit pharmaceutique breveté comme le leur fait l’objet pour la première fois d’un appel d’offres dans un environnement concurrentiel[21]. M. Kreker a clairement déclaré qu’il s’attendait à constater une chute des prix importante et cette réduction n’avait manifestement rien à voir avec les recettes excessives tirées par Sanofi de ce produit[22].

 

[57]           Après avoir soigneusement examiné les documents présentés, la Cour ne peut souscrire à la prétention de Sanofi selon laquelle, dans les circonstances, l’ordonnance du Conseil était ou devait être considérée comme une décision punitive.

 

[58]           Cela veut dire qu’il existe une gamme d’issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je dois donc me demander si la décision du Conseil fait partie de cette gamme d’issues.

 

B. Le Conseil a‑t‑il excédé sa compétence en abusant de son pouvoir discrétionnaire?

 

[59]           Sanofi soutient que le Conseil lui a ordonné de compenser ses recettes excessives en se fondant sur de pures hypothèses et conjectures et en ne tenant pas compte de la preuve. Elle affirme qu’il n’a jamais véritablement examiné les circonstances de l’affaire dont il était saisi. Il est donc possible de reformuler cette question en disant qu’il s’agit de savoir si la décision rendue était raisonnable. En fait, les parties conviennent que, quelle que soit la façon dont la question est formulée, elle concerne une question de fait ou une question mixte de fait et de droit qui doit être examinée selon la norme de la raisonnabilité. À la lumière des décisions de notre Cour Hoechst Marion Roussel Canada Inc c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1552, et Leo Pharma, précitée, dans lesquelles la Cour a examiné la nature des mécanismes de contrôle existants, l’expertise relative du Conseil et l’objet de la Loi dans le contexte des questions mixtes de fait et de droit, je ne peux qu’être d’accord avec les parties pour dire que cette norme doit également s’appliquer aux questions purement factuelles (Dunsmuir, précité, au par. 57).

 

[60]           Reste donc la question de l’entrave au pouvoir discrétionnaire puisque Sanofi soutient que le Conseil a suivi aveuglément les Lignes directrices et les décisions antérieures du Conseil. Dans Thamotharem c. Canada (Ministre de Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 198, au paragraphe 33, la Cour d’appel fédérale a appliqué la norme de la décision correcte pour décider si l’application d’une ligne directrice particulière constituait une entrave illégale à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, mais, dans une décision plus récente, Première nation Waycobah c. Canada (Procureur général), 2010 CF 1188, au paragraphe 23 [23], la Cour a appliqué la norme de la raisonnabilité à cette question de droit, qui n’est pas d’une importance capitale pour le système juridique et n’est pas étrangère au domaine d’expertise du décideur administratif.

 

[61]           En l’espèce, je suis loin d’être convaincue que la question dont je suis saisie est véritablement une question de droit et, quoi qu’il en soit, j’aurais conclu qu’il y avait lieu d’appliquer la norme de raisonnabilité, étant donné que la véritable préoccupation de Sanofi n’est pas que le Conseil se soit senti obligé d’appliquer les Lignes directrices et de suivre ses décisions antérieures, mais plutôt que le processus suivi pour déterminer s’il y avait lieu de les appliquer était erroné.

 

[62]           En fait, à l’instar du défendeur, la Cour est d’avis que le Conseil savait très bien qu’il n’était pas lié par les Lignes directrices, étant donné qu’il a rejeté certains arguments présentés par le personnel du Conseil et a tiré des conclusions importantes qui s’écartaient des Lignes directrices parce qu’il se fondait sur les faits particuliers de l’affaire. Le Conseil mentionne, à la fin du paragraphe 57, qu’il estime que l’approche adoptée dans les Lignes directrices est appropriée et, au paragraphe 56, qu’il souscrit au raisonnement des deux panels saisis des affaires Nicoderm et Copaxone, et non pas simplement à leurs conclusions.

 

[63]           Le véritable problème, si le Conseil essayait véritablement de trancher la question de la compensation en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi dans ces paragraphes (53 à 57), est celui de savoir comment les Lignes directrices et les décisions citées par le Conseil traitaient des questions particulières dont était saisi le Conseil. Ensuite, à l’étape suivante, il s’agit de savoir si cette approche constituait une réponse raisonnable dans cette affaire particulière.

 

[64]           Par exemple, aux paragraphes 56 et 57, le Conseil voulait‑il dire que toute action réparatrice prise par un breveté faisant l’objet d’une enquête, en l’absence d’un ECV et sans une ordonnance préalable du Conseil, doit être mise de côté et considérée comme inappropriée pour compenser les recettes excessives, quelles que soient les circonstances?

 

[65]           Si cela était bien le cas, compte tenu des commentaires que j’ai formulés au paragraphe 53 ci‑dessus, cela ne serait probablement pas une issue acceptable et justifiable en droit.

 

[66]           Par ailleurs, dans ces paragraphes, le Conseil avait peut‑être seulement l’intention de répondre à l’argument de Sanofi voulant que la compensation soit conforme à la pratique antérieure du Conseil (notamment aux ECV dans les affaires Forteo et Aromacin)[24], et de traiter de l’argument de Sanofi selon lequel elle pouvait légitimement s’attendre à ce que la méthode choisie par elle pour compenser de cette façon ses recettes excessives fût acceptable (en se basant sur la formulation générale des Lignes directrices et sur la correspondance avec le personnel du Conseil).

 

[67]           Selon les paramètres de la théorie de l’attente légitime (voir Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, au par. 68), le Conseil pouvait fort bien conclure que l’existence des ECV antérieurs, le fait qu’il avait déjà rendu deux décisions allant à l’encontre de l’interprétation de ces ECV donnée par Sanofi et les Lignes directrices (telles que comprises par Sanofi) ne pouvaient constituer des assises claires, nettes et explicites sur lesquelles Sanofi pouvait baser ses attentes légitimes.

 

[68]           Que voulait dire le Conseil lorsqu’il a déclaré que [traduction] « [l]a réduction subséquente des prix ne peut non plus être présumée, ni même attendue, pour compenser le tort subi […]. Il en est ainsi que les clients demeurent les mêmes ou non durant les deux périodes […] »? Est‑il vraiment possible de penser que cette affirmation visait la présente affaire, si l’on considère qu’au paragraphe 84 original, le Conseil avait décidé qu’il était approprié de réparer le préjudice causé dans cette affaire au moyen d’une réduction de prix, étant donné que la clientèle était restée essentiellement identique?

 

[69]           Lorsque le Conseil note, dans les deux dernières phrases du paragraphe 55, que « puisque les prix excessifs n’auront vraisemblablement une incidence sur les décisions que prendront les clients en matière d’achat que dans une perspective de spéculation », tirait‑il une conclusion en se fondant sur les preuves présentées ou faisait‑il une déclaration générale? Si la première hypothèse est la bonne, a‑t‑il tiré cette conclusion en raison du manque de crédibilité d’un témoin en particulier ou parce que la force probante des éléments de preuve présentés était simplement insuffisante?

 

[70]           La norme de contrôle applicable ici exige que la Cour examine la justification, la transparence et l’intelligibilité de la décision.

 

[71]           Dans l’arrêt Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158 [Vancouver], qui a été récemment suivi dans Holmes c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 112, au paragraphe 43, la Cour d’appel fédérale est revenue sur la question du caractère suffisant des motifs, en exposant les objectifs fondamentaux que cette obligation cherche à réaliser. Il est bon de reproduire le paragraphe 16 de l’arrêt Vancouver, précité :

Lorsqu’un décideur administratif, agissant conformément à une obligation procédurale de recevoir et d’examiner toutes les observations, se prononce comme en l’espèce sur une question importante, quel genre de motifs doit‑il donner? Suivant les décisions susmentionnées, et gardant à l’esprit certains principes fondamentaux en droit administratif, le caractère suffisant des motifs du décideur dans de telles situations doit être évalué à la lumière de quatre objectifs fondamentaux :

 

a) L’objectif sur le plan du fond. Au moins de façon minimale, le fond de la décision doit être compris au même titre que la raison pour laquelle le décideur administratif a pris une telle décision.

 

b) L’objectif sur le plan de la procédure. Les parties doivent être en mesure de décider s’il convient ou non d’exercer leurs droits de demander le contrôle judiciaire de la décision à un tribunal de révision. Il s’agit d’un aspect de l’équité procédurale en droit administratif. Si les motifs sur lesquels repose la décision ne sont pas indiqués, les parties ne peuvent évaluer s’ils donnent ouverture au contrôle judiciaire.

 

c) L’objectif sur le plan de la responsabilité judiciaire. La décision et ses fondements doivent comporter suffisamment de renseignements pour permettre au tribunal de révision d’évaluer, valablement, si le décideur a satisfait aux normes minimales de la légalité. Ce rôle des tribunaux de révision est un aspect important de la règle de droit et doit être respecté : Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220; Dunsmuir, précité, paragraphes 27 à 31. Dans des cas où la norme de contrôle est celle de la raisonnabilité, le tribunal de révision doit évaluer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, paragraphe 47. Si le tribunal de révision n’a pas pu évaluer cet aspect parce que la décision comporte trop peu de renseignements, les motifs sont insuffisants : voir, p. ex., Association canadienne des radiodiffuseurs, précité, paragraphe 11.

 

d) L’objectif sur le plan de la « justification, de la transparence et de l’intelligibilité » : Dunsmuir, précité, paragraphe 47. Cet objectif chevauche dans une certaine mesure l’objectif sur le plan du fond. La décision est justifiée et intelligible lorsque son fondement est précisé et qu’il est compréhensible, rationnel et logique. La transparence fait référence à la capacité des observateurs à analyser et à comprendre la décision d’un décideur administratif et les motifs de sa décision. En l’espèce, les observateurs seraient les parties engagées dans l’affaire, les employés dont les postes sont en cause et les employés, employeurs, syndicats et entreprises qui pourraient se heurter à des problèmes semblables à l’avenir. La transparence ne se limite toutefois pas simplement aux observateurs qui ont un intérêt précis dans la décision. Le public en général a également un intérêt dans la transparence : en l’espèce, le Conseil est une institution publique gouvernementale et fait partie de notre structure de gouvernance démocratique.

 

[72]           La Cour mentionne également un certain nombre de principes importants établis dans les décisions antérieures qu’il convient d’avoir à l’esprit pour décider si ces objectifs fondamentaux sont respectés. Le premier principe est qu’il est possible d’utiliser une preuve extrinsèque pour comprendre pourquoi un décideur s’est prononcé comme il l’a fait. Selon le deuxième, « le caractère suffisant des motifs ne se mesure pas par la quantité ». Selon le troisième, le juge qui se prononce sur le caractère suffisant des motifs ne doit pas contrecarrer l’intention du législateur qui a été de confier certaines décisions à des tribunaux administratifs spécialisés et « devrait tenir compte de la réalité quotidienne des tribunaux administratifs ». Enfin, les juges devraient faire preuve de retenue judiciaire et veiller uniquement à ce que les règles juridiques minimales soient respectées (voir le par. 17).

 

[73]           Après voir lu et relu à plusieurs reprises les parties pertinentes de la décision en cause, la Cour n’est toujours pas en mesure de comprendre pour quel motif le Conseil a rejeté, dans les circonstances uniques de la présente affaire, l’argument de Sanofi selon lequel cette société avait, totalement ou du moins en partie, compensé ses recettes excessives. Le défendeur a insisté à l’audience sur le fait que, dans les circonstances particulières de l’affaire, la décision était logique étant donné que Sanofi était engagée dans un processus d’appel d’offres concurrentiel. Le Conseil ne fait toutefois aucunement référence à ces circonstances qui étaient au centre de la position du personnel du Conseil. Comment ces circonstances s’insèrent‑t‑elles dans les motifs exposés aux paragraphes 53 à 57? Ont‑elles même été prises en considération?

 

[74]           La Cour n’est pas en mesure d’exercer son devoir de contrôler la légalité de la décision du Conseil ni de décider si elle faisait partie de la gamme des issues possibles et acceptables. La décision ne satisfait pas à la norme applicable. Elle n’est pas raisonnable parce qu’elle n’est pas suffisamment transparente, intelligible et justifiée. Elle doit être annulée et l’affaire doit être renvoyée pour faire l’objet d’un nouvel examen.

 

[75]           Les parties ont convenu que les dépens en l’espèce devraient être fixés à 12 000 $ (y compris les débours et la TPS).

 

[76]           Étant donné que l’ordonnance du Conseil du 16 mars 2010 est désormais nulle et sans effet, le paiement de la somme de 2 512 878,74 $ au Trésor public effectué par Sanofi doit être remboursé rapidement à la demanderesse, avec les intérêts appropriés. La Cour invite le défendeur à agir rapidement à cet égard.

 

REMARQUES COMPLÉMENTAIRES

 

[1]               Les présents motifs de jugement sont la version intégrale des motifs du jugement confidentiels rendus le 8 juillet 2011.

 

[2]               La Cour a consulté les avocats des parties pour savoir s’ils avaient des réticences à ce que les motifs soient publiés sans caviardage, et ils ont confirmé qu’ils n’en avaient pas.


JUGEMENT

LA COUR STATUE qu’il est fait droit à la demande. Les dépens, fixés à 12 000 $, comprenant tous les frais et débours ainsi que la TPS, sont adjugés à la demanderesse. L’ordonnance datée du 16 mars 2010 est déclarée nulle et sans effet et le défendeur est invité à agir rapidement pour rembourser à la demanderesse la somme de 2 512 878,74 $, avec les intérêts appropriés.

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


ANNEXE « A »

 

Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4

 

 

Prix excessifs

 

Ordonnance relative aux prix excessifs

83. (1) Lorsqu’il estime que le breveté vend sur un marché canadien le médicament à un prix qu’il juge être excessif, le Conseil peut, par ordonnance, lui enjoindre de baisser le prix de vente maximal du médicament dans ce marché au niveau précisé dans l’ordonnance et de façon qu’il ne puisse pas être excessif.

 

 

 

 

Idem

(2) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu’il estime que le breveté a vendu, alors qu’il était titulaire du brevet, le médicament sur un marché canadien à un prix qu’il juge avoir été excessif, le Conseil peut, par ordonnance, lui enjoindre de prendre l’une ou plusieurs des mesures suivantes pour compenser, selon lui, l’excédent qu’aurait procuré au breveté la vente du médicament au prix excessif :

 

 

 

 

a) baisser, dans un marché canadien, le prix de vente du médicament dans la mesure et pour la période prévue par l’ordonnance;

 

 

b) baisser, dans un marché canadien, le prix de vente de tout autre médicament lié à une invention brevetée du titulaire dans la mesure et pour la période prévue par l’ordonnance;

 

 

c) payer à Sa Majesté du chef du Canada le montant précisé dans l’ordonnance.

 

Idem

(3) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu’il estime que l’ancien breveté a vendu, alors qu’il était titulaire du brevet, le médicament à un prix qu’il juge avoir été excessif, le Conseil peut, par ordonnance, lui enjoindre de prendre l’une ou plusieurs des mesures suivantes pour compenser, selon lui, l’excédent qu’aurait procuré à l’ancien breveté la vente du médicament au prix excessif :

 

 

 

 

a) baisser, dans un marché canadien, le prix de vente de tout autre médicament lié à une invention dont il est titulaire du brevet dans la mesure et pour la période prévue par l’ordonnance;

 

 

b) payer à Sa Majesté du chef du Canada le montant précisé dans l’ordonnance.

 

Cas de politique de vente à prix excessif

(4) S’il estime que le breveté ou l’ancien breveté s’est livré à une politique de vente du médicament à un prix excessif, compte tenu de l’envergure et de la durée des ventes à un tel prix, le Conseil peut, par ordonnance, au lieu de celles qu’il peut prendre en application, selon le cas, des paragraphes (2) ou (3), lui enjoindre de prendre l’une ou plusieurs des mesures visées par ce paragraphe de façon à réduire suffisamment les recettes pour compenser, selon lui, au plus le double de l’excédent procuré par la vente au prix excessif.

 

 

 

 

Excédent

(5) Aux fins des paragraphes (2), (3) ou (4), il n’est pas tenu compte, dans le calcul de l’excédent, des recettes antérieures au 20 décembre 1991 ni, dans le cas de l’ancien breveté, des recettes faites après qu’il a cessé d’avoir droit aux avantages du brevet ou d’exercer les droits du titulaire.

 

 

 

Droit à l’audition

(6) Avant de prendre une ordonnance en vertu du présent article, le Conseil doit donner au breveté ou à l’ancien breveté la possibilité de présenter ses observations.

 

Prescription

(7) Le présent article ne permet pas de prendre une ordonnance à l’encontre des anciens brevetés qui, plus de trois ans avant le début des procédures, ont cessé d’avoir droit aux avantages du brevet ou d’exercer les droits du titulaire.

 

 

[…]

 

Facteurs de fixation du prix

85. (1) Pour décider si le prix d’un médicament vendu sur un marché canadien est excessif, le Conseil tient compte des facteurs suivants, dans la mesure où des renseignements sur ces facteurs lui sont disponibles :

 

 

a) le prix de vente du médicament sur un tel marché;

 

b) le prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché;

 

c) le prix de vente du médicament et d’autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l’étranger;

 

 

d) les variations de l’indice des prix à la consommation;

 

e) tous les autres facteurs précisés par les règlements d’application du présent paragraphe.

 

Facteurs complémentaires

(2) Si, après avoir tenu compte de ces facteurs, il est incapable de décider si le prix d’un médicament vendu sur un marché canadien est excessif, le Conseil peut tenir compte des facteurs suivants :

 

 

 

a) les coûts de réalisation et de mise en marché;

 

b) tous les autres facteurs précisés par les règlements d’application du présent paragraphe ou qu’il estime pertinents.

 

 

 

Coûts de recherche

(3) Pour l’application de l’article 83, le Conseil ne tient compte, dans les coûts de recherche, que de la part canadienne des coûts mondiaux directement liée à la recherche qui a abouti soit à l’invention du médicament, soit à sa mise au point et à sa mise en marché, calculée proportionnellement au rapport entre les ventes canadiennes du médicament par le breveté et le total des ventes mondiales.

 

 

Excessive Prices

 

Order re excessive prices

83. (1) Where the Board finds that a patentee of an invention pertaining to a medicine is selling the medicine in any market in Canada at a price that, in the Board’s opinion, is excessive, the Board may, by order, direct the patentee to cause the maximum price at which the patentee sells the medicine in that market to be reduced to such level as the Board considers not to be excessive and as is specified in the order.

 

Idem

(2) Subject to subsection (4), where the Board finds that a patentee of an invention pertaining to a medicine has, while a patentee, sold the medicine in any market in Canada at a price that, in the Board’s opinion, was excessive, the Board may, by order, direct the patentee to do any one or more of the following things as will, in the Board’s opinion, offset the amount of the excess revenues estimated by it to have been derived by the patentee from the sale of the medicine at an excessive price:

 

(a) reduce the price at which the patentee sells the medicine in any market in Canada, to such extent and for such period as is specified in the order;

 

(b) reduce the price at which the patentee sells one other medicine to which a patented invention of the patentee pertains in any market in Canada, to such extent and for such period as is specified in the order; or

 

(c) pay to Her Majesty in right of Canada an amount specified in the order.

 

Idem

(3) Subject to subsection (4), where the Board finds that a former patentee of an invention pertaining to a medicine had, while a patentee, sold the medicine in any market in Canada at a price that, in the Board’s opinion, was excessive, the Board may, by order, direct the former patentee to do any one or more of the following things as will, in the Board’s opinion, offset the amount of the excess revenues estimated by it to have been derived by the former patentee from the sale of the medicine at an excessive price:

 

(a) reduce the price at which the former patentee sells a medicine to which a patented invention of the former patentee pertains in any market in Canada, to such extent and for such period as is specified in the order; or

 

(b) pay to Her Majesty in right of Canada an amount specified in the order.

 

Where policy to sell at excessive price

 

(4) Where the Board, having regard to the extent and duration of the sales of the medicine at an excessive price, is of the opinion that the patentee or former patentee has engaged in a policy of selling the medicine at an excessive price, the Board may, by order, in lieu of any order it may make under subsection (2) or (3), as the case may be, direct the patentee or former patentee to do any one or more of the things referred to in that subsection as will, in the Board’s opinion, offset not more than twice the amount of the excess revenues estimated by it to have been derived by the patentee or former patentee from the sale of the medicine at an excessive price.

 

Excess revenues

(5) In estimating the amount of excess revenues under subsection (2), (3) or (4), the Board shall not consider any revenues derived by a patentee or former patentee before December 20, 1991 or any revenues derived by a former patentee after the former patentee ceased to be entitled to the benefit of the patent or to exercise any rights in relation to the patent.

 

Right to hearing

(6) Before the Board makes an order under this section, it shall provide the patentee or former patentee with a reasonable opportunity to be heard.

 

 

Limitation period

(7) No order may be made under this section in respect of a former patentee who, more than three years before the day on which the proceedings in the matter commenced, ceased to be entitled to the benefit of the patent or to exercise any rights in relation to the patent.

 

[…]

 

Factors to be considered

85. (1) In determining under section 83 whether a medicine is being or has been sold at an excessive price in any market in Canada, the Board shall take into consideration the following factors, to the extent that information on the factors is available to the Board:

 

(a) the prices at which the medicine has been sold in the relevant market;

 

(b) the prices at which other medicines in the same therapeutic class have been sold in the relevant market;

 

(c) the prices at which the medicine and other medicines in the same therapeutic class have been sold in countries other than Canada;

 

(d) changes in the Consumer Price Index; and

 

(e) such other factors as may be specified in any regulations made for the purposes of this subsection.

 

Additional factors

(2) Where, after taking into consideration the factors referred to in subsection (1), the Board is unable to determine whether the medicine is being or has been sold in any market in Canada at an excessive price, the Board may take into consideration the following factors:

 

(a) the costs of making and marketing the medicine; and

 

(b) such other factors as may be specified in any regulations made for the purposes of this subsection or as are, in the opinion of the Board, relevant in the circumstances.

 

Research costs

(3) In determining under section 83 whether a medicine is being or has been sold in any market in Canada at an excessive price, the Board shall not take into consideration research costs other than the Canadian portion of the world costs related to the research that led to the invention pertaining to that medicine or to the development and commercialization of that invention, calculated in proportion to the ratio of sales by the patentee in Canada of that medicine to total world sales.

 

 

 

Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, Compendium des Lignes directrices, politiques et procédures (mis à jour en 2009), en ligne : Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés <http://www.pmprb‑cepmb.gc.ca/francais/View.asp?x=1034>

 

7. Engagement de conformité volontaire (ECV)

 

7.1 Un breveté peut, s’il juge approprié de le faire, soumettre un engagement de conformité volontaire en vertu duquel il s’engage à réduire le prix de son médicament pour qu’il se situe dans les limites autorisées par les Lignes directrices et à appliquer d’autres mesures correctives qui pourraient lui être imposées.

 

7.2 Seul le président et le Conseil ont le pouvoir d’approuver un engagement de conformité volontaire.

 

7.3 Le président peut approuver un engagement de conformité volontaire plutôt que de publier un Avis d’audience s’il estime que l’engagement soumis par le breveté satisfait aux objectifs de la Loi et respecte les politiques du Conseil. Si l’engagement de conformité volontaire est soumis après l’émission de l’Avis d’audience, seul le panel d’audience du Conseil est habilité à accepter l’engagement et à clore sinon à ajourner l’audience après avoir entendu les positions des différentes parties intéressées dans l’affaire.

 

7.4 Le président n’est pas autorisé à négocier avec le breveté les modalités de son engagement de conformité volontaire. Il doit accepter ou refuser l’engagement de conformité volontaire du breveté au regard de l’article 83 de la Loi et de la politique du Conseil qui prévoit que le breveté doit réduire le prix de son produit médicamenteux pour qu’il s’inscrire dans les limites autorisées par les Lignes directrices et rembourser la partie excessive des recettes qu’il a tirées de la vente de son produit à un prix supérieur au prix autorisé par les Lignes directrices.

 

7.5 Dans son engagement de conformité volontaire, le breveté doit confirmer que le prix maximum auquel il prévoit vendre son produit médicamenteux sera aux dates mentionnées conforme aux Lignes directrices et aux politiques du Conseil. Il doit également y faire mention de la façon dont il prévoit rembourser la partie excessive des recettes qu’il a tirées de la vente de son produit au cours de la période où son prix n’était pas conforme aux Lignes directrices.

 

7.6 Dans la majorité des cas, l’engagement de conformité volontaire doit prévoir que la partie excessive de ses recettes sera remboursée au moyen d’un paiement à Sa Majesté du chef du Canada.

 

7.7 L’engagement de conformité volontaire ne sera pas interprété comme une admission de la part du breveté que le prix de son produit médicamenteux est ou a été excessif.

 

7.8 Le Conseil rendra publics tous les engagements de conformité volontaire acceptés par le président du Conseil et (ou) par le Conseil. Il dévoilera le nom du breveté, l’appellation du produit médicamenteux et autres éléments d’information qu’il juge pertinents dans le rapport annuel du CEPMB, dans le feuillet d’information trimestriel La Nouvelle, dans son site Web et dans d’autres publications. Les renseignements de nature confidentielle ne seront pas dévoilés, sauf s’ils ont été divulgués dans le cours de l’audience.

 

8. Ordonnances correctives

 

8.1 S’il apparaît à la lumière des résultats de l’enquête menée par le personnel du Conseil que le prix du produit médicamenteux dépasse les limites autorisées par les Lignes directrices ou, encore, qu’il est ou qu’il a été excessif, le président peut engager le processus d’audience en émettant un Avis d’audience et en constituant un panel d’audience.

 

8.2 C’est au Conseil que revient la responsabilité de rendre la mesure corrective appropriée et ce, à la lumière des éléments de preuve portés à sa connaissance.

 

8.3 Si, à l’issue d’une audience publique, le Conseil arrive à la conclusion que le prix d’un produit médicamenteux breveté est excessif, il peut en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi ordonner au breveté de réduire le prix de son produit médicamenteux à un niveau non excessif.

 

8.4 En vertu du paragraphe 83(2) de la Loi, le Conseil peut ordonner au breveté de réduire pendant un certain temps le prix de son produit médicamenteux afin de rembourser la partie excessive des recettes qu’il a tirées de la vente de son produit à un prix excessif. Le Conseil prendra en considération les faits invoqués par le breveté pour dénoncer la pertinence de telle ordonnance.

 

8.5 En guise d’alternative ou de mesure supplémentaire, le Conseil peut ordonner au breveté de réduire le prix d’un autre médicament breveté qu’il vend au Canada.

 

8.6 Dans le cas d’un ancien breveté, le Conseil peut, en vertu du paragraphe 83(3) de la Loi, lui ordonner de réduire le prix d’un autre de ses médicaments brevetés qu’il vend au Canada de manière à rembourser la partie excessive des recettes qu’il a tirées de la vente de son médicament à un prix excessif.

 

8.7 Lorsque les mesures susmentionnées ne sont pas jugées pertinentes ou si le breveté ne vend pas au Canada d’autres médicaments brevetés à l’égard desquels le Conseil pourrait ordonner une réduction du prix, le Conseil peut, en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi, ordonner au breveté ou, en vertu du paragraphe 83(3) de la Loi, ordonner à l’ancien breveté de verser à Sa Majesté du chef du Canada un paiement au montant de la partie excessive des recettes tirées de la vente au Canada du médicament à un prix excessif.

 

8.8 S’il arrive à la conclusion que le breveté a pratiqué une politique de prix excessif en ne respectant pas, par exemple, une ordonnance de réduction de prix, le Conseil peut, en vertu du paragraphe 83(4) de la Loi, imposer au breveté d’autres réductions du prix de son médicament ou, encore, majorer le paiement à Sa Majesté afin d’obtenir du breveté le remboursement du double de la partie excessive des recettes qu’il a tirées de la vente de son médicament à un prix excessif.

 

8.9 En vertu de l’article 99 de la Loi, toutes les ordonnances que le Conseil rend en vertu de l’article 83 de la Loi sont enregistrées auprès de la Cour fédérale du Canada. À la discrétion du Conseil, ces ordonnances seront appliquées au même titre qu’une ordonnance de la Cour fédérale.

 

8.10 À défaut du breveté de se conformer à une ordonnance concernant le prix d’un médicament que le Conseil a rendue en vertu de l’article 83 de la Loi, la situation sera portée à l’attention du président du Conseil qui a le pouvoir discrétionnaire d’émettre un Avis d’audience.

 

8.11 À défaut du breveté de se conformer à une ordonnance concernant le prix d’un médicament que le Conseil a rendue en vertu de l’article 83 de la Loi, le Conseil peut rendre une autre ordonnance dans laquelle il double le montant du remboursement exigé des recettes excessives s’il est démontré que le breveté a pratiqué une politique de vente de son médicament à un prix excessif.

 

8.12 En lieu ou en sus de sa propre procédure, le Conseil peut en tout temps saisir le Procureur général du Canada de tout élément de preuve démontrant que le breveté a sciemment omis de se conformer à une ordonnance visant le prix de son médicament afin que la Cour engage des poursuites en vertu du paragraphe 76(1) de la Loi ou, encore, pour outrage au tribunal.

 

Appendice 5 – Critères justifiant la tenue d’une enquête sur le prix du produit médicamenteux breveté

 

En vertu de sa Politique de conformité et d’application, le Conseil peut se doter de critères pour l’aider à reconnaître les cas où il y a lieu de tenir une enquête. Au nombre de ces critères, citons le montant qui dépasse le prix autorisé en vertu des Lignes directrices ainsi que la valeur totale des recettes excessives tirées de la vente du produit médicamenteux à un prix excessif.

 

Ces critères établissent un juste équilibre entre la latitude accordée aux brevetés au niveau de la fixation des prix de leurs produits médicamenteux et l’obligation du CEPMB de protéger les intérêts des consommateurs en veillant à ce que les produits médicamenteux brevetés ne soient pas vendus au Canada à des prix excessifs. Le Conseil publie les critères qui justifient la tenue d’une enquête sur le prix d’un produit médicamenteux breveté afin d’améliorer la transparence de son processus d’examen du prix et, également, de mieux sensibiliser les brevetés à leurs responsabilités en matière de conformité au Règlement.

 

Le prix d’un produit médicamenteux breveté est considéré conforme aux Lignes directrices lorsque aucun critère ne justifie la tenue d’une enquête sur son prix. Les critères reflètent les normes que le Conseil applique pour optimiser l’utilisation qu’il fait des ressources affectées aux enquêtes. Leur existence ne sous‑tend toutefois pas que le Conseil tolère les écarts à ses Lignes directrices. Le Conseil estime que ses critères lui permettent de reconnaître et de soumettre à une enquête tous les cas importants de prix qui dérogent à ses Lignes directrices. Dans la plupart des cas, lorsque le prix d’un produit médicamenteux dépasse une année le prix maximum non excessif d’un montrant trop minime pour justifier une enquête, le prix du produit est réduit l’année suivante de manière à rembourser les recettes excessives encaissées. Le Conseil s’attend à ce que les prix de tous les produits médicamenteux brevetés se situent dans les limites autorisées par ses Lignes directrices et tout prix supérieur aux limites autorisées, ne serait‑ce que d’un très petit montant, peut justifier la tenue d’une enquête sur le prix.

 

Lorsque le prix d’un produit médicamenteux breveté est supérieur à la limite autorisée ou lorsque le breveté a encaissé des recettes excessives de la vente de son produit à un prix excessif, le CEPMB initiera une enquête en application de la Politique de conformité et d’application. Si l’enquête confirme que le prix du produit médicamenteux est supérieur au prix autorisé par les Lignes directrices, le breveté peut corriger la situation en s’engageant à réduire le prix de son produit et à rembourser la partie excessive des recettes qu’il a tirées de la vente de son produit à un prix considéré excessif.

 

Par le truchement de ses rapports de conformité, le CEPMB communique aux brevetés la valeur cumulative des recettes excessives tirées de la vente de chaque DIN à un prix excessif. Lorsque les recettes excessives se situent sous la limite établie par le critère, le breveté peut les rembourser au cours des années subséquentes en portant le prix de son produit sous le prix maximum non excessif. Toutefois, le remboursement en trop des recettes excessives ne peut créer un compte déficitaire.

 

Critères qui justifient la tenue d’une enquête sur le prix

Le personnel du Conseil entreprend une enquête sur le prix d’un produit médicamenteux breveté si un des critères suivants s’applique :

 

Nouveaux produits médicamenteux :

  1. Le prix de lancement dépasse d’au moins 5 % le prix maximal non excessif;
  2. La valeur des recettes excessives encaissées au cours de la période de lancement totalise au moins 25 000 $;
  3. La réception de plaintes étayées par des preuves incontestables.

 

Produits médicamenteux existants :

  1. Le prix de vente du produit dépasse d’au moins 5 % le prix maximum non excessif et les recettes excessives perçues après le 1er janvier 1992 totalisent au moins 25 000 $ pour la durée du brevet;
  2. Les recettes excessives perçues après le 1er janvier 1992 totalisent au moins 25 000 $ pour la durée du brevet;
  3. La réception de plaintes étayées par des preuves incontestables.

 

 

Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, Compendium des Lignes directrices, politiques et procédures (version actuelle), en ligne : le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés <http://www.pmprb‑cepmb.gc.ca/francais/View.asp?x=1206&mp=73>.

 

C.12 Examen des prix des produits médicamenteux brevetés existants

 

C.12.1       Le Prix d’un produit médicamenteux breveté existant sera présumé excessif lorsque le Prix de transaction moyen national dépassera le prix moyen non excessif national comme il est déterminé par le prix le moins élevé :

·        du taux de variation de l’indice des prix à la consommation (IPC) après application de la méthodologie de rajustement du prix selon l’IPC (appendice 9); ou,

·        du résultat du test du prix international le plus élevé (appendice 6).

 

C.12.2       Si le Prix de transaction moyen national dépasse le Prix moyen non excessif national par un montant qui justifie les critères d’enquête (appendice 11), le personnel du Conseil devra examiner les Prix de transaction moyens du marché. Le personnel du Conseil devra aussi examiner les prix dans ces marchés lorsqu’une plainte justifie le commencement d’une enquête.

·        Le prix de chacune des trois catégories de clients (hôpital, grossiste et pharmacie) et chaque province et territoire sera jugé excessif si le prix de transaction moyen du marché dépasse le prix moyen non excessif du marché tel qu’il est déterminé par le taux de variation de l’IPC en fonction de la méthodologie de rajustement du prix selon l’IPC (appendice 9).

·        En outre, le prix de chacune des deux catégories de clients (hôpital et pharmacie) et dans chaque province et territoire sera présumé excessif si le Prix de transaction moyen du marché dépasse le Prix moyen non excessif du marché tel qu’il est déterminé par le Test selon la comparaison du prix au Canada avec le prix international le plus élevé (appendice 6).

 

C.12.3       Si le taux de variation de l’IPC est moins élevé que prévu et que le prix apparaît excessif du seul fait que le breveté a fixé le prix de son produit en fonction de l’IPC prévu, le prix du produit ne sera alors pas présumé excessif. Toutefois, pour les périodes de rapport subséquentes, le breveté devra rajuster le prix de son produit selon l’IPC réel. De même, l’application de la méthodologie de rajustement du prix selon l’IPC pour l’année de prévision se fondera sur le taux réel de variation de l’IPC de l’année. Quant aux brevetés qui ont augmenté les prix de leurs produits dans la mesure du taux d’inflation prévu, ce sera le taux réel de l’IPC de l’année de prévision qui sera utilisé pour calculer le Prix moyen non excessif national et le Prix moyen non excessif du marché.

 

C.12.4       Par ailleurs, lorsque le breveté peut démontrer que l’augmentation du Prix de transaction moyen national de son produit est exclusivement attribuable à un changement au niveau des ventes et non à une augmentation des Prix de transaction moyens du marché pour chaque catégorie de clients et pour chaque province/territoire ne dépasse pas leurs Prix de transaction moyens non excessifs calculés à l’aide de la méthodologie du rajustement du prix selon l’IPC, le Prix de transaction moyen national ne sera alors pas considéré excessif.

 

C.12.5       Lorsque le Prix de transaction moyen national ou le Prix de transaction moyen d’un marché d’un produit médicamenteux augmente par rapport à l’exercice précédent par suite de la réduction ou de l’élimination d’un avantage et que le breveté démontre, preuves à l’appui, que l’augmentation du prix de son produit est exclusivement attribuable à la réduction ou à l’élimination des avantages, il peut dans un tel cas être approprié de rajuster les Prix moyens non excessifs (prix national et prix du marché) à l’aide de la méthodologie de la majoration (appendice 10).

 

C.12.6       Le Conseil est conscient que le breveté peut invoquer les coûts de réalisation et de mise en marché pour justifier un rajustement du Prix moyen non excessif de son produit médicamenteux breveté (c.‑à‑d. lorsque l’Avis de conformité a été attribué au produit médicamenteux et que ce produit a été initialement vendu pour des motifs humanitaires à titre de nouvelle drogue de recherche, par le truchement d’une demande d’essai clinique ou, encore, au titre du Programme d’accès spécial).

 

C.12.7       Le CEPMB se réserve le droit de faire l’examen du prix de tout produit médicamenteux breveté existant disponible sur un marché au Canada (par ex. selon la catégorie de clients, dans une province ou dans un territoire).

 

Les enquêtes

 

C.13 Introduction

 

C.13.1       Lorsque le prix d’un produit médicamenteux breveté semble plus élevé que le prix autorisé en vertu des Lignes directrices, mais dans une mesure qui ne justifie pas une enquête (appendice 11), le breveté sera informé de la situation et mention sera faite dans le site Web du CEPMB que le prix du produit médicamenteux breveté ne justifie pas la tenue d’une enquête. En principe, le breveté devrait alors réduire le Prix de transaction moyen national de son produit médicamenteux ainsi que les Prix de transaction moyens du marché pour qu’ils ne soient pas excessifs et rembourser les recettes excessives qu’il a tirées de la vente de son produit à un prix excessif (appendice 13) mais le personnel du Conseil ne prendra aucune mesure dans l’immédiat.

 

C.13.2       Lorsque le Prix de transaction moyen national d’un produit médicamenteux breveté semble plus élevé que le Prix moyen non excessif national et que les circonstances justifient la tenue d’une enquête selon le critère établi par le Conseil (appendice 11), le breveté sera informé que le prix de son produit est sous enquête et que mention sera faite dans le site Web du CEPMB que le prix de son produit est « sous enquête ».

 

C.13.3       L’examen comportera une analyse de l’évolution du prix depuis le lancement du produit sur le marché canadien, de son Prix de transaction moyen national et de ses Prix de transaction moyen du marché et ce, pour chaque catégorie de clients (hôpital, pharmacie, grossiste) et de chaque province et de chaque territoire.

 

C.13.4       La comparaison du prix selon la catégorie thérapeutique internationale permet de comparer le prix du produit médicamenteux breveté avec les prix départ‑usine des médicaments identifiés selon le Test de la relation raisonnable ou de la comparaison de la classe thérapeutique, lesquels prix sont disponibles au grand public et pratiqués dans les pays de comparaison nommés dans le Règlement. La comparaison du Prix selon la catégorie thérapeutique internationale ne sera effectuée que lorsqu’il semble qu’elle pourrait fournir des renseignements utiles en cas d’enquête à savoir si le prix du produit médicamenteux sous examen semble excessif à la lumière des résultats des autres tests (test de la relation raisonnable, comparaison selon la catégorie thérapeutique). Ce test, qui est décrit dans l’appendice 7, n’est pas utilisé comme test primaire.

 

C.13.5       Habituellement, le breveté ne dispose que d’un bref délai pour donner suite à l’avis que lui a signifié le personnel du Conseil l’informant que le prix de son produit faisait l’objet d’une enquête. Par exemple, si le breveté aurait dû savoir à la lumière des rapports qu’il a soumis au Conseil (par ex. prix rajusté selon l’IPC) que le prix de son produit semblait plus élevé que ne l’autorisent les Lignes directrices (par ex. lorsque le prix a été majoré d’un taux plus élevé que celui autorisé avec la méthodologie du prix rajusté selon l’IPC), le personnel du Conseil peut lui accorder un délai aussi court que sept jours civils. Le délai peut aller jusqu’à 30 jours civils lorsqu’il semble que le breveté n’était pas conscient que le Prix de transaction moyen national ou les Prix de transaction moyens du marché de son produit médicamenteux étaient excessifs (par ex. lorsque le GCMUH a recommandé pour la comparaison de produits médicamenteux différents ou d’autres régimes posologiques que ceux proposés et escomptés par le breveté).

 

C.13.6       L’enquête peut mener à l’un ou l’autre des trois résultats suivants :

·        Le Prix de transaction moyen national et (ou) les Prix de transaction moyen du marché ne semblent pas excessifs

·        Le Prix de transaction moyen national et (ou) les Prix de transaction moyens du marché semblent excessifs et le breveté soumet un Engagement de conformité volontaire satisfaisant aux exigences du Conseil ; ou

·        Le Prix de transaction moyen national et (ou) les Prix de transaction moyens du marché semblent excessifs et le breveté n’a soumis aucun Engagement de conformité volontaire satisfaisant aux exigences du Conseil. Dans un tel cas, le personnel du Conseil soumet l’affaire à l’attention du président du Conseil et lui recommande d’émettre un Avis d’audience.

 

Appendice 13 – Remboursement des recettes excessives

 

Mesures de remboursement des recettes excessives

 

1.1             En vertu du paragraphe 1.3.1 ci‑dessous, lorsque la valeur des recettes excessives n’est pas suffisante pour justifier la tenue d’une enquête, le breveté sera invité à appliquer une réduction volontaire du prix de son produit médicamenteux afin de rembourser les recettes excessives qu’il a encaissées.

1.2             Par contre, si la valeur des recettes excessives est suffisamment élevée pour justifier la tenue d’une enquête, le breveté pourra rembourser les recettes excessives qu’il a encaissées suivant les modalités prévues dans un Engagement de conformité volontaire approuvé ou selon une Ordonnance du Conseil.

 

Délai de remboursement des recettes excessives

 

1.3             Les brevetés doivent rembourser avec diligence les recettes excessives qu’ils ont encaissées. À cette fin, les paramètres suivants seront généralement appliqués au moment de déterminer les modalités du remboursement des recettes excessives :

1.3.1          Les recettes excessives dont la valeur n’est pas suffisante pour justifier la tenue d’une enquête, mais qui ont été encaissées sur une période de trois ans, devront être remboursées suivant les modalités convenues dans un Engagement de conformité volontaire. À défaut du breveté de négocier un Engagement de conformité volontaire, le personnel soumettra l’affaire à l’attention du président du Conseil.

1.3.2          Dans le contexte d’un Engagement de conformité volontaire et sous réserve des modalités de l’Engagement, le breveté devra rembourser les recettes excessives qu’il a encaissées dans un des délais suivants :

•     dans les trente jours qui suivront l’acceptation de l’Engagement de conformité volontaire par le président du Conseil, ou

•     d’ici à la fin de la prochaine période de rapport lorsque les recettes excessives sont remboursées au moyen d’une réduction du prix. Le reliquat des recettes excessives qui n’auront alors pas été remboursées à la fin de cette période de rapport deviendront exigibles.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑83‑10

 

INTITULÉ :                                                   SANOFI PASTEUR LIMITED c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                         Les 16 et 17 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 8 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sandra Forbes

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Gina Scarcella

Julie De Marco

 

POURLE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davies Ward Phillips

& Vineberg LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1] Décision initiale rendue le 21 décembre 2009, modifiée le 1er mars 2010 et mise en œuvre par ordonnance le 16 mars 2010.

[2] Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, Compendium des Lignes directrices, politiques et procédures (mis à jour en 2009), en ligne : le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés <http://www.pmprb‑cepmb.gc.ca/francais/view.asp?x=1034>.

[3] Dans la note 5 du mémoire de la demanderesse, la méthodologie appliquée au moment de l’audience est décrite de la façon suivante :

[traduction] Selon la méthodologie de rajustement du prix du médicament selon l’IPC […], le prix d’un médicament est considéré excessif si (i) l’augmentation cumulée du prix du médicament sur une période de trois ans est supérieure à l’augmentation cumulée de l’IPC ou (ii) l’augmentation annuelle du prix du médicament est supérieure de 1,5 fois à l’augmentation de l’IPC.

[4] Voir l’annexe « A ».

[5] Ainsi que le par. 83(3).

 

[6] Témoignage du M. Martyszenko, dossier de la demanderesse, vol. 8, p. 2361, 2383 et 2384.

[7] Les arguments présentés oralement sur ce point étaient également brefs.

[8] Sanofi a soutenu que plus de 99 p. cent de ses ventes de vaccin au Canada étaient destinés aux provinces et aux territoires (mémoire, au par. 16). Le Conseil a reconnu que la clientèle en question était stable (voir le par. 84 de la décision de décembre 2009).

 

[9] Observations écrite finales et confidentielles présentées en conclusion par Sanofi à la p. 77, citant Kreker à C137. La Cour ne voit pas très bien comment ces éléments peuvent étayer la thèse de Sanofi, étant donné que les attentes de M. Kreker se fondaient sur le fait que le prix applicable en 2007 devait être fixé dans le contexte d’un appel d’offres. Cet aspect serait susceptible d’éviter une ordonnance aux termes du paragraphe 83(1), mais ne règle pas vraiment la question du remboursement des recettes excessives, le cas échéant, avant 2007.

[10] Témoignage de M. Kreker dans le dossier de la demanderesse, vol. 5, p. 1539 et 1540.

 

 

[11] Les exemples comprennent des lettres du personnel du Conseil contenues dans le dossier de la demanderesse, vol. 1, onglets 7C à 7R; vol. 2, onglet 13A, onglet 13K, où le passage suivant est reproduit :

[traduction] Pour les produits médicinaux dont les prix étaient supérieurs à ce que prévoyaient les Lignes directrices et qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête, le Conseil a adopté comme politique que les sociétés devraient prendre les mesures nécessaires pour qu’à l’avenir les recettes excessives soient ramenées à zéro. Elles peuvent y parvenir en fixant le prix d’un produit médicinal inférieur au prix maximal non excessif jusqu’à ce que les recettes excessives soient supprimées.

[12] Dossier de la demanderesse, vol. 8, p. 2371 à 2382.

[13] Le fait que les mêmes arguments aient été soulevés à deux fins différentes risque certainement de causer de la confusion, en particulier pour les membres du Conseil dont l’expertise est axée sur l’économie, l’établissement des prix et les produits pharmaceutiques. Cette partie de l’argumentation a été présentée vers la fin de l’audience et il semble acquis, sur le fondement du paragraphe 83 de la décision, qui porte sur les allégations concernant une politique de prix excessif formulée par le personnel du Conseil (par. 83(4)), que le Conseil n’avait pas vraiment pris en considération le fait que le personnel du Conseil avait, vers la fin de l’audience, retiré intégralement cette allégation (dossier de la demanderesse, vol. 9, p. 2669).

[14] Voir toutefois les doutes soulevés à ce sujet dans Celgene, précité, aux par. 33 et 34.

[15] Dossier de la demanderesse, vol. 9, p. 2696 et 2697.

[16] Cela confirme certainement la nécessité de toujours tenir compte du contexte dans lequel un mot est utilisé.

[17] Comme l’a noté la Cour suprême dans Celgene, précité, même si les parties ne devraient pas être autorisées à écarter la norme de contrôle appropriée en concluant un contrat, cet élément n’est pas d’une grande importance lorsque les décisions seraient de toute façon confirmées en appliquant une norme plus stricte.

[18] Le fait que cette question de droit ne se pose pas incite clairement à qualifier la question à trancher de question de fait, ou au mieux, de question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de la raisonnabilité.

[19] Que son intention ait été de réduire son prix pour conserver le marché ou de compenser ses recettes excessives en se fondant sur ses présumées attentes légitimes.

[20] « Compenser » ne veut pas nécessairement dire qu’il faut dans tous les cas, comme le propose Sanofi, [traduction] « faire la moyenne des prix excessifs et non excessifs payés pour un médicament de façon à ce que les recettes excessives soient ramenées à zéro ».

 

[21] Jusqu’à cette époque, Sanofi était également le seul fournisseur titulaire d’une licence pour les vaccins en question.

[22] Voir également, dossier de la demanderesse, vol. 9, p. 2706, par. 32 à 37 (version confidentielle).

 

[23] Voir Smith c. Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, au par. 37.

 

[24] Dossier de la demanderesse, vol. 2, onglets 13C et 13D. Dans Forteo, le breveté avait été autorisé à compenser les recettes excessives obtenues entre juillet 2004 et décembre 2006 par une réduction de prix en 2007. À la fin de 2007, cette société avait toujours des recettes excessives et a été tenue d’effectuer un versement. Dans Aromasin, les recettes excessives de 2001 ont été compensées par les réductions de prix en 2002.

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