Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110630

Dossier : T-1642-10

Référence : 2011 CF 805

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

SPIRITS INTERNATIONAL B.V.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

BCF S.E.N.C.R.L. et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]        Il s’agit d’un appel interjeté par Spirits International B.V. [Spirits] en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [ la Loi]. Spirits conteste une décision en date du 10 août 2010 par laquelle le registraire des marques de commerce [le registraire] a radié sa marque de commerce MOSKOVSKAYA RUSSIAN VODKA & Design enregistrée au Canada sous le numéro LMC 208 808. Spirits affirme que le registraire a adopté une démarche juridique erronée et que, quoi qu’il en soit, les nouveaux éléments de preuve produits devant la Cour dans le cadre du présent appel remédient à toute lacune possible dans la preuve dont disposait le registraire.

I.          Le contexte

 

Le contexte factuel

 

[2]        Spirits est propriétaire de la marque de commerce MOSKOVSKAYA RUSSIAN VODKA & Design [la marque de commerce MOSKOVSKAYA], enregistrée sous le numéro LMC 208 808, et destinée à être employée à l’égard de la vodka :

 

[3]        Le 18 juin 2008, le registraire, par suite d’une demande présentée par la défenderesse BCF S.E.N.C.R.L. [BCF] au titre de l’article 45 de la Loi, a donné à Spirits un avis lui enjoignant de montrer que la marque de commerce MOSKOVSKAYA avait été employée à l’égard de la vodka au Canada entre le 18 juin 2005 et le 18 juin 2008 [la période en cause].

 

[4]        En réponse à l’avis, Spirits s’est appuyée sur deux affidavits : celui de M. Pavel Fedoryna, [traduction] « directeur par intérim de la division suisse » de Spirits, et un autre de M. Michael Mulvey, professeur de marketing.

 

[5]        Dans son affidavit, M. Fedoryna affirmait que « MA COMPAGNIE », laquelle, selon sa définition, englobait le [traduction] « Groupe S.P.I. et ses sociétés affiliées ainsi que les droits acquis par Spirits International B.V. en 1999 auprès de la société par actions de type fermé Sojuzplodimport et ses prédécesseurs », contrôlait directement ou indirectement les caractéristiques et la qualité de la vodka vendue en liaison avec la marque de commerce MOSKOVSKAYA au Canada. On avait joint une pièce à l’affidavit de M. Fedoryna, soit un certificat d’entreprise censé expliquer le lien entre plusieurs entités sociales. Le document expliquait que le Groupe S.P.I. SA était l’actionnaire unique ou majoritaire de Spirits, Spirits Product International Intellectual Property BV, ZAO Sojuzplodimport et S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited. Dans son affidavit, M. Fedoryna affirmait également qu’une étiquette portant, selon lui, la marque de commerce MOSKOVSKAYA, avait été apposée sur des bouteilles de vodka vendues au Canada au cours de la période en cause.

 

[6]        L’affidavit de M. Mulvey se présentait comme une opinion d’expert sur les impressions des consommateurs. M. Mulvey soutenait que les différences entre la marque de commerce MOSKOVSKAYA employée et la marque de commerce déposée n’étaient pas importantes. Toutefois, pour les raisons indiquées ci-après, le registraire n’a pas jugé utile de tenir compte de l’affidavit Mulvey pour rendre sa décision.

 

A.        La décision contestée

 

[7]        Le registraire a d’abord souligné que, puisque l’ensemble de la preuve de Spirits concernant l’emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA reposait sur l’emploi fait par « MA COMPAGNIE », au sens de l’affidavit Fedoryna, il était nécessaire de déterminer si cet emploi profitait à Spirits, propriétaire de la marque.

 

[8]        Selon le registraire, pour satisfaire aux conditions du paragraphe 50(1) de la Loi, le déposant ou licencié doit indiquer clairement qu’il existe un contrôle de la nature requise par l’article 50 de la Loi ou, subsidiairement, fournir une description du contrôle qui existe ou une copie du contrat de licence renfermant les stipulations relatives au contrôle. Le registraire a également noté que, bien que les conditions de l’article 50 puissent être remplies s’il existe un même cerveau directeur pour la société déposante et l’usager de la marque de commerce déposée, le registraire ne peut déduire, à partir de ses constatations sur la seule structure de l’organisation, que le propriétaire de la marque contrôle les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services en liaison avec lesquels une marque de commerce faisant l’objet d’une licence est employée.

 

[9]        En l’espèce, le registraire a remarqué que les déclarations sous serment de M. Fedoryna et le certificat d’entreprise annexé à son affidavit étaient les seules affirmations qu’un contrôle était exercé par Spirits. La preuve indiquait uniquement que Spirits était l’une des nombreuses sociétés regroupées sous la désignation « MA COMPAGNIE ». Le registraire a constaté qu’on n’avait fourni ni description du contrôle prétendument exercé, ni copie du contrat de licence, ni précisions au sujet des présidents, administrateurs et dirigeants des entités formant « MA COMPAGNIE ». Selon lui, la preuve d’un contrôle était insuffisante et ne permettait pas de conclure que la vente des marchandises précisées dans l’enregistrement en liaison avec la marque de commerce MOSKOVSKAYA par « MA COMPAGNIE » ou par une des sociétés y affiliées profiterait à Spirits.

 

[10]      Le registraire a conclu qu’à défaut d’autres éléments de preuve de l’emploi, et compte tenu du fait que Spirits n’avait pas clairement confirmé qu’elle contrôlait les caractéristiques et la qualité des marchandises vendues au cours de la période en cause, il n’était pas nécessaire de procéder à l’appréciation du reste de la preuve relative à l’emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA.

 

[11]      Le registraire a rejeté l’argument avancé par Spirits, selon lequel la procédure prévue à l’article 45 ne comportait pas d’examen de l’article 50. Le registraire a observé que le terme « emploi », tel qu’on l’entend à l’article 4 de la Loi, désigne l’emploi par le propriétaire de la marque de commerce, ou par l’entité licenciée par lui ou avec son autorisation, suivant l’article 50.

 

[12]      Pour ces motifs, le registraire a ordonné la radiation de la marque de commerce MOSKOVSKAYA en vertu de l’article 45 de la Loi. C’est cette décision qui fait l’objet du présent appel de Spirits.

 

B.        Le cadre légal

 

[13]      L’appel à l’encontre d’une décision du registraire de radier une marque de commerce en vertu de l’article 45 de la Loi est formé par le dépôt d’une demande à la Cour sous le régime du paragraphe 56(1) de la Loi et de l’alinéa 300d) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Suivant le paragraphe 56(5) de la Loi, lors de l’appel d’une décision du registraire, des éléments de preuve supplémentaires peuvent être apportés et la Cour peut exercer « toute discrétion dont le registraire est investi ».

 

Les dispositions applicables de la Loi sont reproduites en annexe de la décision.

 

C.        Éléments de preuve supplémentaires présentés à la Cour dans le cadre du présent appel

 

[14]      Dans le cadre du présent appel, Spirits a présenté d’autres affidavits souscrits par le directeur du service juridique de S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited, M. Dmitry Denisov, dans le but de dissiper les réserves du registraire, d’apporter des éclaircissements concernant la preuve relative au contrôle exercé à l’égard des marchandises portant la marque de commerce au cours de la période en cause et d’ajouter à l’affidavit Fedoryna. Dans l’affidavit Denisov, il est déclaré ce qui suit :

(1)               Spirits est membre du groupe de sociétés SPI;

(2)               S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited fournit des [traduction] « services d’assistance juridique » à tous les membres du groupe de sociétés SPI dans les [traduction] « domaines du droit commercial et des sociétés »;

(3)               Spirits a consenti à S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited une licence d’emploi au Canada de la marque de commerce MOSKOVSKAYA en liaison avec de la vodka au cours de la période en cause;

(4)               Spirits a établi les normes à respecter quant aux caractéristiques et à la qualité de la vodka portant la marque de commerce MOSKOVSKAYA et vendue au Canada au cours de la période en cause;

(5)               En vertu de la licence, Spirits a délégué aux membres du groupe de sociétés SPI la responsabilité de [traduction] « procéder à des vérifications périodiques » du respect des normes qu’elle a établies au regard des caractéristiques et de la qualité;

(6)               Étaient annexées comme pièces à l’affidavit Denisov des factures censées représenter la vodka vendue par S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited au Canada qui avait fait l’objet de vérifications et respectait les normes établies par Spirits et sur laquelle on avait subséquemment apposé les étiquettes portant la marque de commerce.

 

 

 

II.        Les questions en litige

 

[15]      Les questions en litige peuvent être formulées comme suit :

(1)               Le registraire a-t-il commis une erreur en enjoignant à Spirits de montrer qu’elle ou son licencié avait employé la marque de commerce en cause?

(2)               Le registraire a-t-il commis une erreur en concluant que l’emploi de la marque de commerce par Spirits ou son licencié n’avait pas été démontré?

(3)               Quoi qu’il en soit, l’emploi de la marque de commerce de la façon alléguée aurait-il constitué un emploi de la marque de commerce déposée?

 

III.       La norme de contrôle et le fardeau de la preuve

 

[16]      La norme de contrôle applicable à l’appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi a été établie par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, 252 NR 91 (C.A.). La Cour fait siens les propos du juge Marshall Rothstein qui, au paragraphe 51 des motifs qu’il a rédigés pour la majorité de la Cour, déclare ce qui suit :

[51]      […] Même s’il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d’un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l’objet d’une certaine déférence. Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

 

[17]      Ainsi, donc, lorsque sont déposés en appel des éléments de preuve additionnels qui auraient pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour est tenue de déterminer si cette nouvelle preuve montre qu’il y a eu emploi au sens de l’article 45 de la Loi. À défaut de preuve de cet ordre, la décision du registraire sera révisée selon la norme de la décision raisonnable. Les remarques formulées par le juge John McNair dans Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289, à la p. 293, 8 F.T.R. 310 (C.F. 1re inst.) sont souvent citées pour expliquer le but de l’article 45 et décrire le genre de preuve propre à indiquer qu’une marque est employée conformément à cet article :

Il est bien établi que le but et l’objet de l’article 44 [devenu l’art. 45] sont d’assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour radier du registre les marques de commerce qui ne sont pas revendiquées de bonne foi par leurs propriétaires comme des marques de commerce en usage. Cette procédure a été décrite avec justesse comme visant à éliminer du registre le « bois mort ». […] La décision du registraire ne se prononce pas définitivement sur les droits substantifs, mais uniquement sur la question de savoir si l’enregistrement de la marque de commerce est susceptible de radiation conformément à l’article 44. Si l’usager est fiable, la preuve déposée en réponse à l’avis doit « indiquer » que la marque est employée ou, du moins, se rapporter à des faits dont on peut déduire un tel emploi. Une simple démarche statutaire, sous forme de stricte déclaration stipulant que l’inscrivant employait couramment la marque de commerce, dans la pratique normale du commerce, en liaison avec les marchandises, ne suffit pas pour en établir l’usage, à moins qu’elle soit accompagnée de faits qui la corroborent d’une manière descriptive. La preuve d’une seule vente, en gros ou au détail, effectuée dans la pratique normale du commerce peut suffire, dans la mesure où il s’agit d’une véritable transaction commerciale et qu’elle n’est pas perçue comme ayant été fabriquée ou conçue délibérément pour protéger l’enregistrement de la marque de commerce. La preuve qui donne suite à l’avis de l’article 44 doit se fonder sur la qualité, non la quantité, et une preuve surabondante serait inutile et injustifiable.

 

 

(1)        Le registraire a-t-il commis une erreur en enjoignant à Spirits de montrer qu’elle ou son licencié avait employé la marque de commerce en cause?

 

[18]      Spirits prétend que le registraire a commis une erreur en voulant déterminer, à titre préliminaire, si Spirits avait exercé un contrôle direct ou indirect sur la qualité ou les caractéristiques de la vodka vendue au cours de la période en cause. Puisque la conclusion relative au contrôle était déterminante, le registraire a jugé inutile d’examiner si la preuve de l’emploi produite par Spirits permettait de démontrer qu’il y avait eu emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA, sous la forme déposée. Spirits affirme que le registraire a adopté une démarche erronée compte tenu du libellé du paragraphe 45(3), du but avéré de l’article 45 et de l’esprit de la Loi dans son ensemble. Spirits fait valoir qu’en agissant de la sorte, le registraire a créé une procédure en deux étapes consistant dans un premier temps à décider si le propriétaire de la marque contrôle la qualité ou les caractéristiques des marchandises et, le cas échéant, à déterminer, dans un deuxième temps, si la marque a été employée au cours de la période en cause. Or, selon Spirits, cette approche constitue une pratique administrative dépourvue de fondement en droit.

 

[19]      De son côté, BCF soutient que le droit est clair et que dans le cadre d’une procédure régie par l’article 45, le déposant est tenu d’indiquer que la marque de commerce déposée a été employée par lui, ou par une autre personne « au profit du déposant », conformément à la Loi, et il invoque à cet égard un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Marcus c. Quaker Oats Co. (1988), 20 C.P.R. (3d) 46, aux pages 51 et 52, 9 A.C.W.S. (3d) 264 (C.A.F.) [Quaker Oats]. En conséquence, BCF conclut que le registraire a eu raison de radier l’enregistrement de Spirits parce que celle-ci n’avait pas démontré qu’elle-même ou son licencié avait employé la marque de commerce au cours de la période en cause.

 

[20]      Certes, l’article 45 établit une procédure sommaire visant à éliminer le « bois mort » du registre, et cette procédure n’est pas un substitut aux autres mécanismes prévus par la Loi pour statuer au fond sur les droits des parties. Cela dit, il ressort très clairement du régime de la Loi et de la jurisprudence qu’il ne suffit pas, pour les besoins de l’article 45, de faire la démonstration de n’importe quel type d’emploi de la marque de commerce par n’importe qui.

 

[21]      Dans l’arrêt Quaker Oats, précité, la Cour d’appel fédérale a fait sien le point de vue exposé par le juge Jean-Eudes Dubé dans la décision Lindy c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1981), 57 C.P.R. (2d) 127, [1982] 1 C.F. 241 (C.F. 1re inst.), à savoir qu’« il résulte nécessairement de l’ensemble de la Loi que l’expression “employée au Canada” signifie employée par le propriétaire inscrit ou par l’usager inscrit. […] De toute évidence, il ne peut s'agir d'un concurrent ou d'un étranger […] »

 

[22]      Depuis, les dispositions de la Loi exigeant l’inscription des licenciés à titre d’« usagers inscrits » ont été abrogées, mais la Cour croit que le principe adopté dans Quaker Oats s’applique néanmoins sous le régime légal actuel et qu’il pourrait être reformulé comme suit : « employée au Canada » signifie employée par le propriétaire inscrit ou son licencié.

 

[23]      Autrement dit, la preuve d’emploi de la marque de commerce présentée au registraire dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 doit indiquer que c’est le propriétaire inscrit qui emploie la marque ou que l’emploi de la marque par le licencié est imputé au propriétaire inscrit (voir par ex. House of Kwong Sang Hong International Ltd c. Borden Ladner Gervais, 2004 CF 554, au paragraphe 22; Tucumcari Aero, Inc. c. Cassels, Brock & Blackwell s.r.l., 2010 CF 267, aux paragraphes 9 et 10).

 

[24]      Par conséquent, on ne peut affirmer qu’une marque de commerce a été employée au Canada au cours de la période en cause si elle l’a été par un concurrent, un inconnu ou quelque société vaguement affiliée au propriétaire inscrit. Comme l’a fait observer le registraire dans la présente affaire, toute autre conclusion serait contraire à la définition de la marque de commerce et au principe selon lequel les droits sur une marque de commerce s’acquièrent par l’emploi.

 

[25]      Compte tenu des dispositions de la Loi et de la jurisprudence applicable, la Cour estime qu’il n’y a rien d’illégitime dans la démarche adoptée par le registraire en l’espèce. Spirits était tenue de montrer soit qu’elle avait employé la marque de commerce MOSKOVSKAYA, soit qu’elle contrôlait directement ou indirectement l’emploi sous licence de la marque par une autre partie de sorte que cet emploi lui était imputé.

 

(2)        Le registraire a-t-il commis une erreur en concluant que l’emploi de la marque de commerce par Spirits ou son licencié n’avait pas été démontré?

 

[26]      Spirits soutient que les éléments de preuve nouveaux et additionnels figurant dans l’affidavit Denisov dissipent les prétendues ambiguïtés de la preuve et qu’ils auraient pu avoir, de ce fait, un effet sur les conclusions de fait tirées par le registraire quant à la question déterminante du contrôle. Selon Spirits, l’affidavit Denisov décrit explicitement les relations d’entreprise et les liens contractuels entre Spirits, le Groupe SPI et S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited, et donne des précisions au sujet des dispositions mises en place pour l’octroi de licences et le contrôle concernant l’emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA.

 

[27]      Plus précisément, selon Spirits, l’affidavit Denisov confirme qu’elle contrôlait, à titre de propriétaire inscrite, la qualité ou les caractéristiques des marchandises visées par l’enregistrement et vendues au Canada au cours de la période en cause. Par conséquent, elle affirme que la Cour doit tirer, à la lumière de l’affidavit Denisov, sa propre conclusion concernant la question du contrôle.

 

[28]      Pour sa part, BCF soutient que l’affidavit Denisov est vague et ambigu et qu’il n’aurait pas eu d’effet sur la décision du registraire. Ainsi, selon elle, la décision rendue sur ce point devrait être révisée selon la norme de la décision raisonnable. BCF maintient que l’affidavit Denisov comporte un certain nombre de lacunes, dont les suivantes :

(1)               Il ne définit par clairement le rôle que S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited a joué dans les opérations figurant sur les factures de ventes. Bien que S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited fournisse, selon M. Denisov, des [traduction] « services d’assistance juridique » à Spirits et à d’autres, l’affidavit ne renferme aucun énoncé clair voulant que S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited ait produit ou vendu de la vodka pour le compte de Spirits;

(2)               Ni M. Fedoryna ni M. Denisov n’ont précisé qui, dans les faits, produisait ou vendait la vodka en question. Le seul énoncé attribuant à une entité un rôle quelconque dans la production figure au paragraphe 18 de l’affidavit Denisov; on peut y lire que Spirits a délégué la tâche de [traduction] « procéder à des vérifications périodiques » auprès des sociétés membres du Groupe SPI. BCF affirme qu’il n’y a aucune indication de l’existence de contrats de licence entre ces sociétés ni aucune explication du contrôle exercé, le cas échéant, par ces sociétés à qui ce pouvoir a été « délégué »;

(3)               Si Spirits affirme que S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited était celle qui produisait et embouteillait la vodka en question, cette affirmation est mise en doute par la pièce jointe à l’affidavit Denisov, qui fait état d’une « société d’embouteillage » inconnue. BCF signale en outre que Spirits a omis de nommer cette société ou d’expliquer son rôle dans la production ou la distribution de la vodka en question;

(4)               M. Denisov s’est contenté d’alléguer, sans plus, qu’une licence d’emploi de la marque de commerce est en vigueur entre Spirits et S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited, et il n’y a aucune précision sur ce que fait S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited en vertu de cette prétendue licence et de la façon dont Spirits exerce un contrôle sur ce qui est fait;

(5)               Même si l’on suppose que S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited fabrique ou vend de la vodka pour le compte de Spirits et que la prétendue licence se rapporte à l’exercice de ces activités au cours de la période en cause, l’affidavit Denisov ne renferme aucune déclaration au sujet des dates d’entrée en vigueur et d’expiration de cette licence. BCF fait valoir que sans ces précisions, il est impossible de savoir si la prétendue licence peut être reliée à un jour particulier figurant sur une facture de vente annexée à l’affidavit Fedoryna.

 

[29]      Pour évaluer si les nouveaux éléments de preuve auraient eu un effet sur les conclusions du registraire quant aux faits, la Cour doit se demander dans quelle mesure cette preuve est plus probante que celle soumise au registraire (Diamant Elinor Inc. c. 88766 Canada Inc., 2010 CF 1184, au paragraphe 43). Si l’élément apporté « a peu de poids et ne consiste qu’en une simple répétition des éléments déjà mis en preuve sans accroître la force probante de ceux-ci, la présence de cet élément additionnel ne devrait avoir aucune incidence sur la norme de contrôle appliquée par la Cour en appel » (Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co (1999), 3 C.P.R. (4th) 224, au paragraphe 37, 176 F.T.R. 80 (C.F. 1re inst.)).

 

[30]      Bien que l’affidavit Denisov soit censé traiter de la question du contrôle sur la qualité et les caractéristiques de la vodka vendue au Canada sous la marque de commerce MOSKOVSKAYA, la Cour est d’avis que la preuve qu’il apporte n’aurait pas eu d’effet sensible sur les conclusions de fait du registraire au sujet de cette question.

 

[31]      Le registraire a conclu que le contenu de l’affidavit Fedoryna était insuffisant pour les raisons suivantes :

 

(1)               Bien que les conditions de l’article 50 puissent être remplies s’il existe un même cerveau directeur pour la société déposante et l’usager de la marque de commerce déposée, le registraire ne peut déduire, à partir de ses constatations sur la seule structure de l’organisation, que le propriétaire de la marque en contrôle l’emploi;

(2)               En l’espèce, la preuve a montré que Spirits était l’une des sociétés regroupées sous la désignation « MA COMPAGNIE », au sens où M. Fedoryna l’entendait;

(3)               En revanche, on n’avait fourni ni description du contrôle censément exercé par Spirits, ni copie ou description du contrat de licence entre Spirits et S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited, et Spirits n’avait donné aucune précision au sujet des présidents, administrateurs et dirigeants des diverses entités formant « MA COMPAGNIE » afin de démontrer l’existence d’un même cerveau directeur pour Spirits, la société déposante, et les prétendus usagers de la marque de commerce MOSKOVSKAYA.

 

[32]      Ayant procédé à l’examen de l’affidavit Denisov, la Cour estime qu’il ne comble pas les lacunes de l’affidavit Fedoryna, pas plus qu’il ne possède une valeur probante supérieure à celle soumise au registraire. La Cour souscrit plutôt au point de vue de la défenderesse selon lequel l’affidavit Denisov, au lieu de régler des questions restées sans réponse, en soulève de nouvelles.

 

[33]      Si M. Denisov allègue l’existence d’une licence d’emploi entre Spirits et S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited, on ne sait pas réellement ce que fait cette dernière en vertu de cette licence. M. Denisov affirme que S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited fournit des « services d’aide juridique » à d’autres entités du Groupe SPI. Il est impossible d’affirmer, à la lecture de l’affidavit Denisov, que S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited produit ou vend de la vodka pour le compte de Spirits sous la marque de commerce MOSKOVSKAYA. La preuve présentée par M. Denisov révèle plutôt qu’une « compagnie d’embouteillage » dont le nom n’est pas mentionné est affiliée au Groupe SPI. La preuve n’établit pas que Spirits exerce un contrôle sur la production, l’étiquetage ou la vente de vodka au moyen d’une licence avec S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited, la compagnie d’embouteillage, ou l’une et l’autre.

 

[34]      De plus, la défenderesse a raison de souligner qu’à défaut d’indication précise quant aux dates d’entrée en vigueur et d’expiration de la licence entre Spirits et S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited, il est impossible d’établir un lien temporel entre, d’une part, la licence ou les actes posés au titre de la licence, et d’autre part, les factures de ventes accompagnant l’affidavit Fedoryna.

 

[35]      Finalement, la déclaration faite dans l’affidavit Denisov au sujet de la délégation par Spirits du pouvoir de procéder à des « vérifications » de la vodka selon des « normes » prescrites est tout aussi vague et n’est d’aucun secours pour ce qui est d’établir que Spirits contrôlait la nature et les caractéristiques de la vodka vendue sous la marque de commerce MOSKOVSKAYA au Canada au cours de la période en cause.

 

[36]      En clair, l’affidavit Denisov ne parvient pas à dissiper les réserves exprimées par le registraire à l’égard de l’affidavit Fedoryna parce qu’il n’établit pas clairement que Spirits contrôlait l’emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA.

 

[37]      Puisque la Cour arrive à la conclusion que l’affidavit Denisov n’aurait pas eu d’effet sur la décision du registraire, elle doit se demander si, en tout état de cause, il était raisonnable de sa part de conclure que l’emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA par Spirits ou ses licenciés n’avait pas été démontré.

 

[38]      Lors d’une révision effectuée selon la norme de la décision raisonnable, le caractère raisonnable tient à la transparence, à l’intelligibilité et à la justification du processus décisionnel. La cour de révision ne devrait pas intervenir dans une décision à moins que le raisonnement suivi soit défectueux au point de déboucher sur une décision n’appartenant pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

[39]      S’agissant d’un licencié, il n’est pas nécessaire de produire une entente formelle d’octroi de licence pour prouver l’emploi sous licence d’une marque de commerce aux fins de la Loi (Well’s Dairy, Inc. c. UL Canada Inc (2000), 7 C.P.R. (4th) 77, au paragraphe 38, 98 A.C.W.S. (3d) 189 (C.F. 1re inst.)). Toutefois, le fait qu’il existe quelque forme de contrôle entre le propriétaire inscrit et d’autres entités sociales ne permet pas en soi d’établir que l’emploi de la marque de commerce est contrôlé et d’en déduire qu’il existe un contrat de licence. Le contrôle doit être clairement prouvé (3082833 Nova Scotia Co. c. Lang Michener LLP, 2009 CF 928, au paragraphe 32).

 

[40]      Le registraire a jugé que l’affidavit Fedoryna ne permettait pas de déterminer si Spirits avait exercé le degré de contrôle requis sur les caractéristiques et la qualité des marchandises conformément à l’article 50 de la Loi, ce qui aurait fait en sorte que l’emploi de la marque de commerce par Spirits ou ses licenciés soit imputé à Spirits, la propriétaire inscrite. Le registraire est arrivé à cette conclusion en faisant explicitement référence aux déclarations faites sous serment par M. Fedoryna et au certificat d’entreprise joint à son affidavit. Il a expliqué que l’existence d’un contrôle ne pouvait être démontrée sur la base de ces seules structures organisationnelles, surtout en l’absence d’une description du contrôle prétendument exercé ou d’une copie du contrat de licence prévoyant des dispositions quant au contrôle.

 

[41]      Compte tenu de la preuve dont le registraire disposait, on ne peut affirmer qu’il a tiré à cet égard une conclusion déraisonnable.

 

(3)        Quoi qu’il en soit, l’emploi de la marque de commerce de la façon alléguée aurait‑il constitué un emploi de la marque de commerce déposée?

 

[42]      À titre préliminaire, Spirits soutient que l’affaire devrait être renvoyée devant le registraire pour qu’il statue sur la question de l’emploi de la marque de commerce puisqu’il ne l’a pas fait, ayant conclu que la preuve du contrôle était insuffisante. Pour étayer son argument selon lequel il n’appartient pas à la Cour d’instruire l’appel relatif à une décision qui n’a pas été rendue par le registraire, Spirits invoque les décisions rendues par la Cour dans les affaires Canadian Pacific Ltd. c. Intra Canada Telecommunications Ltd. (1988), 19 C.P.R. (3d) 314, au paragraphe 12, 18 F.T.R. 309 (C.F. 1re inst.) et Tradition Fine Foods Ltd. c. Kraft General Foods Canada Inc. (1991), 35 C.P.R. (3d) 564, au paragraphe 11, 43 F.T.R. 257 (C.F. 1re inst.).

 

[43]      BCF s’oppose à cette demande et soutient que, selon le paragraphe 56(5) de la Loi, dans un appel comme celui-ci, la Cour fédérale « peut exercer toute discrétion dont le registraire est saisi » [non souligné dans l’original]. BCF note également que le présent appel porte sur la décision du registraire de radier l’enregistrement, et non sur les raisons pour lesquelles il a été radié. De plus, BCF prétend que même si la Cour a le pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire au registraire, il serait inopportun de le faire puisque la procédure prévue à l’article 45 est censée être de nature sommaire et que, de toute manière, la Cour est en aussi bonne position que le registraire pour passer le dossier en revue et rendre la décision qui s’impose.

 

[44]      De l’avis de la Cour, on peut établir une distinction entre la présente affaire et les affaires invoquées par Spirits à l’appui de sa demande de renvoi de l’affaire au registraire pour qu’il décide si la marque de commerce MOSKOVSKAYA a été employée sous la forme déposée. Aucune des causes citées ne portait sur la procédure prévue à l’article 45.

 

[45]      Quoi qu’il en soit, le paragraphe 56(5) de la Loi, dont le libellé est clair, confère à la Cour le pouvoir d’« exercer toute discrétion dont le registraire est saisi » lors d’un appel comme celui dont elle est saisie en l’espèce. Lorsque de nouveaux éléments de preuve sont portés à son attention concernant l’importance des écarts entre la marque employée et la marque déposée, la Cour est tenue de trancher ces questions de façon définitive. Spirits n’a pu nommer une seule source faisant autorité ni formuler d’argument convaincant expliquant pourquoi la Cour ne pouvait trancher cette question une fois pour toute à ce stade-ci.

 

[46]      Spirits n’a présenté aucune observation concernant la question de savoir si la marque de commerce, telle qu’elle a été employée, constituait un emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA; elle s’en est plutôt remise aux observations écrites soumises au registraire. Dans ces observations, Spirits faisait valoir que la marque de commerce employée au cours de la période en cause était essentiellement la même que celle qui avait été déposée.

 

[47]      En particulier, Spirits a avancé qu’au moment d’acheter de l’alcool, un consommateur non averti apercevant les deux marques de commerce penserait indubitablement qu’il s’agit dans les deux cas d’étiquettes de VODKA RUSSE MOSKOVSKAYA et que les deux produits ont la même origine. Pour appuyer cette affirmation, Spirits s’est largement fondée sur les déclarations faites par M. Mulvey au sujet des impressions des consommateurs.

 

[48]     De son côté, BCF prétend que Spirits ne se fonde pas sur l’emploi de la marque déposée mais plutôt sur l’emploi allégué d’une autre marque qui est sensiblement différente de la première. BCF note que la demanderesse, dans son propre témoignage, a déclaré que la marque dont l’emploi est allégué différait significativement de celle déposée et que les modifications, qui ont été apportées pour des raisons importantes, ont eu un effet considérable sur les consommateurs et sur le marché. Selon BCF, la preuve issue de l’affidavit Fedoryna est la suivante :

(1)               la marque déposée à l’origine a été source de problèmes eu égard aux produits de contrefaçon et bas de gamme;

(2)               cela a suscité d’importantes préoccupations en matière de santé, préoccupations associées aux produits de contrefaçon;

(3)               la marque de commerce a été revue à titre de [traduction] « mesure de précaution touchant à l’identification »;

(4)               l’objectif visé était de réduire le risque que des marques de contrefaçon emploient une étiquette contrefaite.

 

[49]      BCF souligne également que d’après le témoignage de M. Fedoryna, les modifications ont été apportées pour signaler un changement de propriétaire. Or, BCF prétend que si l’on compare la marque employée à celle déposée, le message relatif au changement de propriété prête à confusion. En effet, si la marque déposée affirme que la vodka est distillée et embouteillée pour « v/o SOJUZPLODIMPORT », la marque dont l’emploi est allégué est accompagnée d’une déclaration selon laquelle la vodka est « importée » par ou pour une entité portant le nom de « SPI ». Selon BCF, la preuve ne renferme aucune explication quant à l’identité de ces sociétés et à la nature de leur lien avec Spirits.

 

[50]      La marque dont l’emploi est allégué (pièce B2 jointe à l’affidavit Fedoryna) et la marque déposée sont reproduites ci-dessous :

                        Pièce B2 jointe à l’affidavit Fedoryna                Marque déposée

 

[51]      À mon avis, les réserves exprimées par BCF au sujet des raisons à l’origine des modifications apportées à la marque de commerce prétendument employée et à leurs implications se rapportent davantage à la question du contrôle, dont nous avons traitée précédemment, qu’à celle de savoir si la marque de commerce employée constitue un emploi de la marque de commerce déposée. La Cour d’appel fédérale a énoncé le critère à appliquer pour déterminer quels écarts sont permis dans l’arrêt Registraire des marques de commerce c. Compagnie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, société anonyme, [1985] 1 CF 406, 4 C.P.R. (3d) 523, à la page 525, (C.A.) :

Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti concluerait [sic], selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

 

[52]      Le critère a été énoncé de manière légèrement différente dans d’autres causes s’inspirant des propos tenus par la Commission des oppositions des marques de commerce dans l’affaire Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, au paragraphe 8, [1984] C.O.M.C. no 52 (QL) : [traduction] « Une marque de commerce particulière sera réputée employée lorsque la marque de commerce réellement employée n’est pas essentiellement différente, et lorsque les variations ne sont d’aucune façon de nature à tromper ou à léser le public. »

 

[53]      De l’avis de la Cour, si on applique ces critères aux faits de l’espèce, on constate que la marque dont l’emploi est allégué conserve l’ensemble des éléments graphiques essentiels de la marque déposée. Bien qu’on puisse en effet déceler quelques différences entre les deux, comme des modifications dans les polices de caractère, le logo du globe terrestre, le texte bilingue, l’espace entre les médaillons et le retrait des mots [traduction] « REFROIDIR AVANT CONSOMMATION », la Cour est d’avis qu’aucun de ces écarts n’est important et qu’un consommateur non averti serait en mesure d’en déduire que les deux produits, malgré ces différences, ont la même origine.

 

[54]      Cependant, nous avons déjà mentionné dans la présente analyse que l’identité de cette origine commune est fort douteuse. À défaut d’éléments de preuve manifestes que l’emploi de la marque de commerce MOSKOVSKAYA, sous sa forme déposée ou autrement, est imputé à Spirits, il ne peut être prouvé que la marque a été employée au sens de l’article 45. C’est parce que Spirits n’a pu donner de réponse concluante à la question relative au contrôle que sa marque a été radiée à l’issue de l’instance devant le registraire, et que, de la même façon, son appel à la Cour doit être rejeté.

 

IV.       Conclusion et dispositif

 

[55]      Pour ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens en faveur de BCF au montant de 2000 $.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. L’appel est rejeté.

 

  1. Les dépens sont fixés à 2000 $.

 

 

 

 

« André F. J. Scott »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


 

ANNEXE

 


Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13

Le registraire peut exiger une preuve d’emploi

 

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l’enregistrement d’une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu’il ne voie une raison valable à l’effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

 

Forme de la preuve

 

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l’avis a été donné ou pour celle-ci.

 

Effet du non-usage

 

(3) Lorsqu’il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l’égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l’enregistrement, soit à l’égard de l’une de ces marchandises ou de l’un de ces services, n’a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l’avis et que le défaut d’emploi n’a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l’enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

 

Avis au propriétaire

 

(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l’enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l’avis visé au paragraphe (1) a été donné.

 

Mesures à prendre par le registraire

 

(5) Le registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n’en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il agit en conformité avec le jugement définitif rendu dans cet appel.

[…]


Licence d’emploi d’une marque de commerce

 

50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

 

(2) Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

 

Action par le propriétaire

 

(3) Sous réserve de tout accord encore valide entre lui et le propriétaire d’une marque de commerce, le licencié peut requérir le propriétaire d’intenter des procédures pour usurpation de la marque et, si celui-ci refuse ou néglige de le faire dans les deux mois suivant cette réquisition, il peut intenter ces procédures en son propre nom comme s’il était propriétaire, faisant du propriétaire un défendeur.

 

L.R. (1985), ch. T-13, art. 50; 1993, ch. 15, art. 69; 1999, ch. 31, art. 211(F).


[…]


Appel

 

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

 

Procédure

 

(2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

 


Avis au propriétaire

 

(3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

 

Avis public

 

(4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

 


Preuve additionnelle

 

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 

Trade-marks Act, RSC 1985, c T-13

 

Registrar may request evidence of user

45.
(1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.


Form of evidence

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.


Effect of non-use

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.


Notice to owner

(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trade-mark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefor to the registered owner of the trade-mark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given.

Action by Registrar

(5) The Registrar shall act in accordance with his decision if no appeal therefrom is taken within the time limited by this Act or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.

[…]

Licence to use trade-mark

50. (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the wares or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.



(2) For the purposes of this Act, to the extent that public notice is given of the fact that the use of a trade-mark is a licensed use and of the identity of the owner, it shall be presumed, unless the contrary is proven, that the use is licensed by the owner of the trade-mark and the character or quality of the wares or services is under the control of the owner.



Owner may be required to take proceedings

(3) Subject to any agreement subsisting between an owner of a trade-mark and a licensee of the trade-mark, the licensee may call on the owner to take proceedings for infringement thereof, and, if the owner refuses or neglects to do so within two months after being so called on, the licensee may institute proceedings for infringement in the licensee’s own name as if the licensee were the owner, making the owner a defendant.

R.S., 1985, c. T-13, s. 50; 1993, c. 15, s. 69; 1999, c. 31, s. 211(F).

[…]

Appeal

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

Procedure

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.


Notice to owner

(3) The appellant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade-mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.


Public notice

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper. Additional evidence

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.



 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1642-10

 

INTITULÉ :                                       SPIRITS INTERNATIONAL B.V. c.

                                                            BCF S.E.N.C.R.L. et LE PROCUREUR

                                                            GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bayo Odutola

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kevin Satorio

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OLLIP Professional Corporation

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.