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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20110630

Dossier : T-1008-10

Référence : 2011 CF 810

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2011

En présence de monsieur le juge en chef

 

ENTRE :

 

RÉSEAU DE TÉLÉVISION DES
PEUPLES AUTOCHTONES

 

demandeur

 

et

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
(REPRÉSENTANT LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES
ET DU NORD CANADIEN),
SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE
DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA,
ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS,
CHIEFS OF ONTARIO,
ET AMNISTIE INTERNATIONALE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN), souhaite soumettre à un contrôle judiciaire le refus du Tribunal canadien des droits de la personne (le tribunal) de l’autoriser à filmer son audience.

Le contexte

[2]               L’Assemblée des Premières nations et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières nations (la Société de soutien) ont déposé une plainte en matière de droits de la personne, alléguant que le financement inéquitable des services de bien-être à l’enfance fournis dans les réserves des Premières nations équivalait à de la discrimination fondée sur la race et l’origine nationale ou ethnique, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la plainte).

 

[3]               Le caractère singulier et l’importance de cette affaire sont mis en lumière dans l’affidavit d’une membre de la Nation crie d’Opaskwayak, une mère célibataire habitant à une distance d’environ 600 kilomètres au nord de Winnipeg. Voici ce qu’elle dit en décrivant le triste sort des enfants autochtones qui sont placés sous la protection des services de bien-être :

[traduction] Dès le premier jour, le financement insuffisant des services de bien-être qui m’ont été fournis s’est répercuté sur tous les aspects de ma vie. Les injustices que j’ai subies en étant sous la protection des services de bien-être continuent de m’affecter d’une manière qu’il m’est impossible de décrire. Je crois que le fait de regarder l’audience aidera à valider les sentiments d’injustice que j’ai éprouvés toute ma vie. Il est important pour moi de savoir que l’on ne ferme pas les yeux sur ces injustices, comme cela a été le cas dans le passé. Pour moi, il est important aussi de savoir que l’on entend mon récit ainsi que ceux d’autres enfants des Premières nations. J’ai bon espoir que si nos récits sont entendus, les choses changeront pour les enfants des Premières nations. Je crois qu’il est possible de créer pour eux un avenir meilleur. [Non souligné dans l’original.]

 

[4]               Selon les règles de procédure du tribunal, l’audition de la plainte sera ouverte au public. Les membres des médias seront autorisés à y assister, à prendre des notes et à rendre compte de l’audience. Selon la décision du tribunal, les enregistreurs magnétiques et les caméras vidéo sont interdits dans la salle d’audience.

 

[5]               APTN est le seul réseau de télévision au Canada qui se consacre spécialement aux questions autochtones. APTN a demandé au tribunal l’autorisation de filmer l’audition de la plainte, dont les déclarations d’ouverture et de clôture, la déposition des témoins, les questions posées, les objections soulevées et les arguments invoqués.

 

[6]               Le tribunal a rejeté la demande d’APTN au sujet de la présence de caméras.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[7]               Dans ses motifs, le tribunal traite du droit qu’a la communauté autochtone de pouvoir observer les débats, des obstacles de taille qui font qu’il serait difficile, voire impossible, pour la plupart des membres de cette communauté largement dispersée de se rendre à Ottawa pour l’audience, ainsi que de l’effet qu’aura l’issue de l’instance, sur les peuples autochtones en particulier.

 

[8]               Le tribunal a également tenu compte des facteurs mentionnés contre le fait d’autoriser la présence de caméras et la diffusion. Plus précisément, il a fait état de la possibilité que les médias diffusent des extraits sélectifs, offrant un tableau incomplet de la déposition d’un témoin. Cela risquerait de miner l’intégrité du processus judiciaire. De plus, de l’avis du tribunal, la diffusion de l’audience minerait l’efficacité des ordonnances d’exclusion de témoins, et compromettrait les droits à la protection de la vie privée dont jouiraient les personnes participant à l’audience. Enfin, toujours selon le tribunal, les caméras pourraient introduire un élément de distraction qui serait préjudiciable à l’équité de l’audience.

 

[9]               Aussitôt après cette analyse superficielle, le tribunal tire la conclusion suivante (au paragraphe 37 de la décision) :

Je suis fermement d’avis, après avoir attentivement examiné les observations des parties, que rien de moins que l’exclusion des télécaméras de la salle d’audience ne suffira à garantir que la publicité générée par la procédure n’en minera pas l’intégrité. [Non souligné dans l’original.]

 

 

La décision est-elle raisonnable?

[10]           J’ai conclu que le tribunal a rendu sa décision sans tenir compte des documents qui lui avaient été soumis. En particulier, le membre instructeur ne mentionne pas, et examine encore moins, la requête et présentation déposée le 22 octobre 2009 en vue de pouvoir filmer la tenue de l’audience. Le texte de cette requête et présentation (la proposition d’APTN) est joint ci-après en tant qu’annexe « A ». Le résultat auquel est arrivé le tribunal est déraisonnable si on l’évalue par rapport au dossier disponible.

 

[11]           Sous la rubrique [traduction] « Directives en matière de couverture », APTN proposait une quinzaine de directives pratiques concernant la couverture télévisée. Ces directives portaient sur diverses questions, depuis la mise en place du matériel de télévision jusqu’à la tenue portée par l’équipe de tournage d’APTN. La proposition d’APTN décrit aussi le but de la couverture télévisée, et elle indique qu’APTN [traduction] « s’engage […] à travailler avec [le tribunal] en vue d’établir des directives qui respectent la dignité et l’intégrité de [son] audience ». La proposition d’APTN était nécessairement soumise à l’approbation du tribunal.

 

[12]           Il était loisible au tribunal, par l’entremise de son avocat, d’entamer une discussion avec APTN au sujet de sa proposition. La Cour n’a aucune preuve que cela a été fait.

 

[13]           La décision du tribunal ne fait pas référence à cette proposition, ni ne donne une raison quelconque pour laquelle ces directives étaient insuffisantes pour gérer les effets négatifs possibles de l’enregistrement vidéo. Le tribunal n’a pas expliqué pourquoi il était nécessaire d’interdire toute diffusion.

 

[14]           Peu de preuves par affidavit ont été soumises au tribunal à propos des effets négatifs que pouvait avoir l’enregistrement vidéo de l’audience. Le procureur général a produit un affidavit émanant d’une gestionnaire de cas liés aux litiges du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Selon cette gestionnaire, les témoins du gouvernement s’étaient tous dits [traduction] « inquiets » du fait que leur témoignage serait enregistré sur bande vidéo et télévisé. Leur souci premier était que si leur témoignage était sorti de son contexte, il les dépeindrait sous un jour défavorable et nuirait aux relations de travail qu’ils entretenaient avec  les membres et les organismes des Premières nations. Aucun des témoins proposés ne s’est dit inquiet que la présence d’une caméra aurait une incidence sur son témoignage, ou n’a fait état par ailleurs d’une préoccupation quelconque en rapport avec l’équité de l’audience. Aucun des témoins potentiels n’a été nommé, et aucun d’eux n’a fourni directement une preuve au sujet de ses préoccupations.

 

[15]           Les trois préoccupations principales du tribunal au sujet de l’accès des caméras – risque d’un montage sélectif, effet sur d’éventuelles ordonnances d’exclusion et effets sur des témoins – ont été examinées dans la jurisprudence. Ces préoccupations sont analysées en détail dans les décisions R. c. Pilarinos, 2001 BCSC 1332, R. c. Fleet (1994), 137 N.S.R. (2d) 156 (C.S.), et Andreen c. Dairy Producers Co-operative Ltd. (No 2) (1994), 22 CHRR D/80. La décision Pilarinos avait trait à une demande relative à l’expansion de la couverture médiatique du procès d’un ancien premier ministre de la Colombie-Britannique inculpé de fraude à l’endroit du gouvernement et d’abus de confiance par un fonctionnaire. La décision Fleet avait trait à une demande de diffusion du procès d’une personne accusée de meurtre, et dans laquelle l’accès des caméras avait été refusé. Andreen est une décision par laquelle la Saskatchewan Human Rights Commission a autorisé l’accès de caméras à une enquête menée sur des plaintes de harcèlement sexuel, sous certaines conditions.

 

[16]           Le tribunal a omis d’examiner si les préoccupations concernant l’accès des caméras qui avaient été évoquées dans ces affaires s’appliquaient aux faits de l’espèce. Par exemple, il n’y avait aucune preuve que des ordonnances d’exclusion avaient été rendues ou étaient envisagées, ou qu’il était impossible de régler ce problème si jamais il se présentait.

 

[17]           Dans le même ordre d’idées, aucune preuve n’a été soumise au tribunal pour indiquer que les droits à la protection de la vie privée qui étaient en jeu en l’espèce étaient semblables à ceux qui l’étaient dans les affaires Pilarinos, Fleet et Andreen. Dans cette dernière affaire, la préoccupation relative à la protection de la vie privée a été formulée comme suit : [traduction] « [I]l y a une différence entre, d’une part, le fait de dévoiler des détails potentiellement intimes sur la vie d’une personne dans une salle d’audience où le public est présent et, d’autre part, celui de diffuser ces détails dans l’ensemble de la province, et peut-être dans l’ensemble du pays, par l’entremise d’un réseau de télévision […] » (Paragraphe 14.) [Non souligné dans l’original.]

 

[18]           D’après la preuve soumise au tribunal, la plainte en matière de droits de la personne n’obligerait pas à dévoiler des renseignements personnels sur un plaignant ou un intimé. Aucun des témoins proposés n’était une ancienne victime du système de bien-être à l’enfance. Aucune personne n’était nommée à titre d’intimée dans la plainte. Les témoins du gouvernement traiteraient des politiques établies et des décisions prises au sujet de la prestation des services de bien-être à l’enfance. Les renseignements sur ces politiques et ces décisions sont déjà publiquement disponibles dans le cadre de plusieurs rapports, dont une National Policy Review (2000) (Revue des politiques nationales), établie par l’Assemblée des Premières nations et des représentants d’organismes de services aux familles et aux enfants des Premières nations, en partenariat avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, un rapport de la vérificatrice générale du Canada daté de 2008, un rapport du Comité permanent des comptes publics daté de 2009, ainsi que l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants, qui est datée de 2008. Selon la preuve soumise au tribunal, les témoignages et les observations porteraient principalement sur des politiques publiques bien connues.

 

 

[19]           Les droits qu’ont les personnes vivant dans une réserve d’observer le déroulement de l’audience en cause sont plus directs que ceux dont jouit le grand public dans le cas de l’observation du déroulement d’un procès criminel. L’audience permettra de déterminer si un nombre élevé de personnes dispersées du point de vue géographique ont été victimes de discrimination. Elle met directement en cause les droits humains du public que vise APTN.

 

[20]           En omettant de prendre en considération les faits singuliers de la présente affaire, le tribunal a rendu sa décision sans tenir compte des documents qui lui avaient été soumis. La décision ne satisfait pas au critère de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité qu’exige l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.

 

Le caractère théorique

[21]           Le 14 mars 2011, après que la Cour eut pris en délibéré la présente instance, le tribunal a fait droit à la requête déposée par le procureur général du Canada, à savoir que les questions soulevées dans la plainte de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières nations du Canada (et de l’Assemblée des Premières nations) excédaient la compétence du tribunal (la requête en matière de compétence). La décision du tribunal est publiée sous la référence 2011 TCDP 4.

 

[22]           Le fait que le tribunal a rejeté la plainte soulève la question du caractère théorique de la présente demande de contrôle judiciaire concernant l’accès des caméras à l’audition du tribunal. Il est utile, pour situer la question du caractère théorique, de comprendre les délais qui étaient en cause dans les procédures soumises tant au tribunal qu’à la Cour.

 

[23]           Les 2 et 3 juin 2010, la requête en matière de compétence a été plaidée devant le tribunal. Des observations écrites ont été déposées par la suite.

 

[24]           Le 25 juin 2010, APTN a déposé la présente demande de contrôle judiciaire afin de contester le refus du tribunal d’autoriser l’accès de caméras à son audience. Le 4 novembre 2010, après la mise en état de sa demande de contrôle judiciaire, APTN a déposé une demande d’audience.

 

[25]           Avant de fixer la date d’audience, la Cour a eu recours à la gestion d’instance pour obtenir des parties plus de renseignements sur l’état de la requête en matière de compétence soumise au tribunal, le but étant d’éviter, dans la mesure du possible, de faire double emploi des ressources judiciaires. La Cour a été avisée que la décision du tribunal sur la requête en matière de compétence était toujours en délibéré.

 

[26]           Le 1er février 2011, l’audition de la demande de contrôle judiciaire d’APTN a été fixée au 7 mars 2011. En fait, l’audience a duré deux jours.

 

[27]           Comme il a été mentionné plus tôt, le 14 mars 2011 le tribunal a accordé la réparation demandée dans la requête en matière de compétence et a rejeté la plainte pour défaut de compétence.

 

[28]           Le procureur général du Canada a contesté la demande d’APTN en vue d’obtenir l’accès de caméras à l’audience du tribunal, et ce, tant devant le tribunal lui-même que devant la Cour.

 

[29]           Après avoir examiné les observations des parties à propos du caractère théorique de la présente demande et, en particulier, les principes énoncés dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, j’ai conclu dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré qu’il convient de trancher dès à présent la demande de contrôle judiciaire. À mon avis, il subsiste un litige actuel entre les parties, du moins jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire concernant la décision prise par le tribunal à l’égard de la requête en matière de compétence soit réglée de manière définitive.

 

[30]           APTN, soutenue par la Société de soutien et la Commission, a fait valoir que le tribunal avait commis une erreur en concluant que le fait de refuser l’accès de caméras à l’audience ne constituait pas un manquement injustifiable à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est inutile selon moi de trancher à ce stade-ci la question relative à la Charte : Tremblay c. Daigle, [1989] 2 R.C.S. 530, au paragraphe 77.

 

[31]           Par conséquent, la demande d’APTN en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision prise par le tribunal de ne pas autoriser l’accès de caméras à son audience relative à la plainte sera accueillie. Comme le tribunal a décrété qu’il n’est pas compétent pour examiner la plainte sous-jacente, l’examen de la question de soumettre à un nouvel examen sa décision de ne pas accorder l’accès de caméras doit être reporté jusqu’à ce que l’on ait réglé de manière définitive l’examen judiciaire concernant la question de la compétence.

 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La décision du Tribunal canadien des droits de la personne, datée du 28 mai 2010, est annulée. Le réexamen de l’affaire par un membre différent est reporté jusqu’à ce que l’examen judiciaire concernant la question de la compétence ait été réglé de manière définitive.

 

« Allan Lutfy »

Juge en chef

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


ANNEXE « A »

 

[traduction]

 

Le 22 octobre 2009

À :        Tribunal canadien des droits de la personne
Bureau A
100, 11e étage
160, rue Elgin
Ottawa (Ontario) K1A 1J4
À l’attention de Monsieur Gregory M. Smith, registraire

Ceci est la pièce « A » mentionnée dans la déclaration/affidavit de CYNTHIA DAWN SIENKIEWICZ assermenté(e) devant moi le 1er jour de décembre 2009.

                                (Signature)                              

notaire public
exerçant en la province du manitoba

 

REQUÊTE ET PRÉSENTATION

La présente requête et présentation concerne le dossier no T-1340‑708 du Tribunal canadien des droits de la personne, dans lequel les parties plaignantes sont la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières nations du Canada et l’Assemblée des Premières nations, et la partie intimée est le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN ) demande au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) l’autorisation de filmer pour la télévision l’audience qui est censée débuter le 16 novembre 2009.

Description, effet et objet de la couverture

1.                  APTN est le seul réseau au Canada qui se consacre spécialement aux questions autochtones. Il relate les histoires des Premières nations, des Inuits et des Métis. Il a obtenu l’autorisation d’enregistrer l’ouverture de l’audience (T‑1340‑708) avant d’en diffuser des extraits en soirée, dans le cadre de son journal télévisé, de même qu’à des fins d’archivage.

2.                  L’objet de la couverture est le suivant :

a)                  On ne saurait trop insister sur l’importance de cette audience. Seles les allégations, Affaires indiennes et du Nord Canada exercerait de la discrimination contre les enfants qui vivent dans les collectivités des Premières nations en ne finançant pas les services dans la même mesure que pour les enfants vivant en dehors des réserves. L’issue de l’audience du Tribunal aura un effet majeur sur les vies des familles vivant dans les réserves au Canada;

b)                  La Commission canadienne des droits de la personne a donné instruction au Tribunal de décider si les pratiques et les politiques d’Affaires indiennes et du Nord Canada, relativement au financement des services de bien-être à l’enfance destinés aux Premières nations et aux enfants des Premières nations vivant dans des réserves au Canada, constituent un acte de discrimination visé par la Loi canadienne sur les droits de la personne parce que ces services sont insuffisamment financés par rapport aux mêmes services qui sont fournis dans la société dominante. Ce problème est l’un de ceux qui touchent le plus la vie et le bien-être des Premières nations au Canada. Par conséquent, les peuples et les collectivités des Premières nations s’intéressent tous de près aux aspects juridiques et aux faits véritables qui touchent leurs enfants et leur vie, et il faut qu’ils les comprennent. Les questions en jeu sont uniques et cruciales. Il est donc fondamentalement important, non seulement pour les peuples des Premières nations mais aussi pour tous les Canadiens, que les preuves qui seront présentées et les arguments qui seront invoqués au cours de l’audience soient disponibles et accessibles au public. Il s’agira là d’une occasion historique de faire prévaloir la transparence. Les peuples des Premières nations, les fournisseurs de soins et les Canadiens en général pourront en outre, grâce à cette audience, être sûrs que ces questions importantes seront tranchées dans le cadre d’un examen exhaustif, mené par un tribunal impartial, ainsi qu’avec la participation d’avocats représentant la Commission canadienne des droits de la personne et Affaires indiennes et du Nord Canada, et grâce aussi à la participation et à l’action revendicatrice de deux organisations de bonne réputation des Premières nations : la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières nations du Canada et l’Assemblée des Premières nations. En bref, cette audience se prêtera particulièrement bien à une participation et à un visionnement les plus larges possibles et, de cette façon, toutes les parties pourront être assurées que les pratiques et les politiques bénéficient, et bénéficieront, d’une transparence et d’une reddition de comptes appropriées, quelle que soit l’issue;

c)                  Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il augmentera les fonds qu’il verse à cinq provinces : l’Alberta, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, le Québec et l’Île‑du‑Prince‑Édouard. On prévoit que les détails seront dévoilés à l’audience du Tribunal et qu’ils décriront comment les fonds aideront les enfants et les familles qui vivent dans les réserves. De plus, toute information sur la question de savoir si AINC prévoit améliorer le financement accordé à d’autres provinces ou territoires, et comment elle prévoit le faire, revêt une importance fondamentale pour les téléspectateurs d’APTN;

d)                  Vu que cette audience revêt un intérêt public unique et extraordinaire, APTN entend engager des ressources extraordinaires pour offrir à ses téléspectateurs la meilleure couverture possible. La télévision est un média qui dépend d’enregistrements audio et visuels. Les journalistes d’APTN se servent de caméras de télévision pour recueillir des informations et en rendre compte au public. Lorsqu’un journaliste ne peut pas enregistrer un événement, il est obligé de le décrire à partir de notes, qui, dans leur transmission au public, ne sont jamais aussi exactes ou complètes qu’un enregistrement de première main. Si la présente demande est rejetée, cela restreindra considérablement la capacité d’APTN à informer le public, et la compréhension qu’auront les peuples des Premières nations et l’ensemble des Canadiens à l’égard des circonstances et des enjeux sera nettement restreinte; de plus, on aura perdu une occasion de rétablir la confiance des Premières nations.

3.                  APTN se propose de filmer ce qui suit dans la salle d’audience :

a)                  les questions, les objections, les arguments, les déclarations d’ouverture et les conclusions finales des avocats;

b)                  les réponses des témoins;

c)                  les questions, les objections, les arguments, les décisions, la déclaration d’ouverture, la déclaration de clôture et la décision finale du membre instructeur.

Consentement du Tribunal

4.                  APTN reconnaît que la présente demande est soumise au consentement raisonnable du Tribunal. Il s’engage de plus à travailler avec ce dernier en vue d’établir des directives qui respectent la dignité et l’intégrité de l’audience du Tribunal. Si ce dernier en fait la demande, APTN se fera un plaisir de l’aider à obtenir le consentement des parties à la présente demande. Cependant, APTN est respectueusement d’avis que la présente affaire revêt une telle importance sur le plan national et un tel intérêt pour les Premières nations et d’autres que les principes de la transparence, de l’obligation redditionnelle et de la participation complète du public requièrent que le Tribunal consente à la présente demande, et ce, que l’on sollicite ou que l’on donne ou non le consentement des parties.

Directives en matière de couverture

5.                  Le demandeur s’engage à respecter les directives suivantes ainsi que toute ordonnance du Tribunal qui pourrait compléter ces directives dans la présente affaire :

a)                  pas plus d’une seule caméra sera utilisée à la fois;

b)                  les caméras et le personnel qui les utilise seront en place au moins dix minutes avant l’ouverture ou la reprise prévues de l’audience;

c)                  le matériel et le personnel qui l’utilise seront situés à un endroit fixé d’un commun accord par le Tribunal et APTN, et ils ne seront pas déplacés pendant que siégera le Tribunal; l’endroit désigné assurera un accès raisonnable à la couverture;

d)                  les caméras et le matériel d’enregistrement sonore seront discrets et non distrayants. Il y aura un minimum de son et pas de lumière visible, et le matériel sera utilisé de façon à empêcher les participants de savoir si le matériel enregistre. Avec l’assentiment du Tribunal ou des personnes qu’il désignera, des modifications ou des ajouts pourront être faits aux sources d’éclairage qui existent dans l’installation, à la condition que ces modifications ou ces ajouts soient installés et entretenus sans dépense de fonds publics importante;

e)                  tout le matériel autre que les caméras se trouvera à l’extérieur de la salle d’audience et ne fera pas obstacle à l’accès ou à la circulation du public;

f)                    le personnel préposé à l’utilisation des caméras qui sera présent dans la salle d’audience sera convenablement vêtu et se comportera d’une manière conforme aux audiences du Tribunal;

g)                  il n’y aura aucune couverture visuelle des membres du public qui seront présents. Les caméras seront disposées à la droite du siège du membre instructeur, et la tribune du public n’apparaîtra dans aucune des scènes tournées lors de l’audience. Les caméras seront éteintes à l’heure du déjeuner et aux pauses;

h)                  aucune personne ni aucun événement ne seront enregistrés à l’intérieur du bâtiment du Tribunal lors d’une suspension ou d’un ajournement quelconque;

i)                    les caméras ne feront pas de gros plan sur les documents déposés sur les tables des avocats, ou en la possession de ces derniers, ni sur aucun document utilisé dans le cadre de l’interrogatoire d’un témoin et non admis en preuve. Il n’y aura aucune diffusion des conférences qui auront lieu dans le bâtiment du Tribunal entre les avocats et leurs clients, entre les avocats d’un même client, ou entre les avocats et le Tribunal en privé ou à huis clos;

j)                    aucun plan ne sera plus rapproché que ceux qui incluront au moins la tête et les épaules de tout participant filmé;

k)                  rien ne sera diffusé en direct sans le consentement du Tribunal;

l)                    tout enregistrement autorisé ne sera utilisé qu’aux fins autorisées et uniquement durant la période, si période il y a, qui sera précisée dans l’autorisation. Pour pouvoir utiliser un enregistrement à une autre fin ou au cours d’une autre période, le demandeur devra obtenir le consentement du Tribunal, et cela fera l’objet d’une demande distincte au Tribunal ainsi que d’une ordonnance distincte de ce dernier, conformément aux présentes dispositions;

m)               APTN conservera et gardera en lieu sûr tous les enregistrements de la couverture autorisée de l’audience du Tribunal pendant une période d’au moins trois ans. Durant cette période, APTN les communiquera au Tribunal si ce dernier en fait la demande;

n)                  APTN possède le matériel nécessaire pour transmettre l’audience en direct à un nombre maximal de six entités médiatiques. Cette transmission sera gratuite. Il s’agira d’une transmission en direct, et aucune bande d’archivage ne sera fournie;

o)                  aucun élément des scènes filmées, de la bande vidéo, des photographies ou des reproductions audio qui sera créé lors de la couverture de l’audience du Tribunal ou dans le cadre de cette dernière ne sera admissible en preuve dans la procédure d’où cet élément proviendra, dans toute procédure ultérieure ou accessoire, ou dans tout nouveau procès ou tout appel résultant de cette procédure.

Coordonnées

6.                  À APTN, la personne responsable est : Mark Blackburn, chef de production, APTN Ottawa, 165, rue Sparks, bureau 600, Ottawa (Ontario) K1P 5B9, (bureau) 613‑567‑1550, poste 249, (cellulaire) 613‑298‑5799, courriel : MBlackburn@aptn.ca.

7.                  Jack R. London, C.M., c.r., sera également disponible au gré et à la demande du Tribunal auprès du cabinet Pitblado LLP, Avocats, 360, rue Main, bureau 2500, Winnipeg (Manitoba) R3C 4H6, (bureau) 204‑956‑3500, (fax) 204‑957-0227, courriel : london@pitblado.com.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-1008-10

 

INTITULÉ :                                       RÉSEAU DE TÉLÉVISION DES PEUPLES AUTOCHTONES (APTN) c. CCDP ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 MARS 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE EN CHEF

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 JUIN 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Bob Sokalski

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jonathan Tarlton et

Rosemarie Schipizky

POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Daniel Poulin et

Samar Musallam

POUR LA DÉFENDERESSE LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

Anne Lévesque

POUR LA DÉFENDERESSE LA SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hill Sokalski Vioncent Walsh Trippier LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

Champ & Associates

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE LA SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA

 

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