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Date : 20110629

Dossiers : T-520-10

T-666-10

 

Référence : 2011 CF 791

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2011

En présence de madame la juge Heneghan

 

ENTRE :

Dossier : T-520-10

 

J.D. IRVING, LIMITED

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

SIEMENS CANADA LIMITED, MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC., SUPERPORT MARINE SERVICES LTD. ET CORPORATION D’ÉNERGIE NUCLÉAIRE DU NOUVEAU-BRUSNWICK

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

 


 

Dossier : T-666-10

 

 

MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

SIEMENS CANADA LIMITED, J.D. IRVING, LIMITED, SUPERPORT MARINE SERVICES LTD., CORPORATION D’ÉNERGIE NUCLÉAIRE DU NOUVEAU-BRUNSWICK ET BMT MARINE AND OFFSHORE SURVEYS LTD.

 

 

 

défenderesses

 

 

et

 

 

 

 

AXA CORPORATE SOLUTIONS

 

 

 

 

mise en cause

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Aperçu

[1]             En moins de dix secondes dans l’avant-midi du 15 octobre 2008, deux rotors de turbine à vapeur qui étaient destinés à la Centrale nucléaire de Point Lepreau, à Point Lepreau (Nouveau‑Brunswick), et qui avaient été déposés sur le pont du chaland de charge SPM 125, amarré au quai no 3 du port de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), ont basculé dans les eaux du port (l’incident).

 

[2]             Le 8 avril 2010 ou aux environs de cette date, Siemens Canada Limited (Siemens), fournisseur des rotors, a introduit une action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans le dossier CV‑10‑400645, à l’encontre de J.D. Irving Ltd. (Irving), BMT Marine and Offshore Surveys Limited (BMT), Maritime Marine Consultants (2003) Inc. (MMC) et Superport Marine Services Ltd. (Superport). Dans le cadre de cette action, Siemens a déposé des demandes pour rupture de contrat, assertion négligente, négligence ou négligence grossière et défaut de mise en garde, et a réclamé des dommages-intérêts de 40 000 000 $ ainsi que des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement sous le régime de la Loi sur les tribunaux judiciaires, LRO 1990, c C.43, et les dépens sur une base d’indemnisation substantielle. Cette demande initiale de 40 000 000 $ a plus tard été majorée à 45 000 000 $.

 

[3]             De plus, Siemens a demandé une indemnisation conjointe et solidaire de la part d’Irving, MMC, BMT et Superport (les parties défenderesses) à l’égard de la [traduction] « totalité des créances, responsabilités, accusations ou exigences formulées contre elle par la Corporation d’énergie nucléaire du Nouveau-Brunswick (CENNB), y compris toutes les demandes formulées par la CENNB à titre de dommages-intérêts extrajudiciaires aux termes de l’entente » conclue entre elle et la CENNB. Siemens s’était engagée par contrat à fournir les rotors à la CENNB.

 

[4]             Par une déclaration déposée le 7 avril 2010, Irving a engagé une action devant la Cour fédérale en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6 (la LRM ou la Loi), dans laquelle elle sollicitait notamment un jugement déclaratoire portant qu’elle était en droit de limiter à 500 000 $, plus les intérêts, sa responsabilité à l’égard de l’incident jusqu’à la date de constitution d’un fonds de limitation, conformément au paragraphe 29(6), à l’article 29.1 et au paragraphe 32(5) de la LRM. Cette action porte le numéro de dossier T‑520‑10.

 

[5]             Irving a désigné Siemens, MMC, Superport et la CENNB comme défenderesses (les défenderesses).

 

[6]             Par une déclaration déposée le 30 avril 2010, MMC a introduit une action devant la Cour fédérale en vue de limiter sa responsabilité, sous le régime de la LRM, à l’égard de l’incident. MMC a désigné Siemens, Irving, Superport, la CENNB et BMT comme défenderesses dans son action. Cette action porte le numéro de dossier T‑666‑10.

 

[7]             Par un avis de mise en cause déposé le 28 juillet 2010, BMT a demandé, relativement à l’incident, une contribution et une indemnisation ainsi que d’autres mesures de réparation contre AXA Corporate Solutions (AXA), un assureur de cargaison.

 

[8]             Par une lettre datée du 22 novembre 2010, les avocats d’Irving ont fait savoir que Siemens avait engagé une seconde action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario à l’égard de l’incident. Dans cette action, qui porte le numéro de dossier CV‑10‑412‑348, Siemens a réclamé la somme de 45 000 000 $ en dommages-intérêts à l’encontre de douze personnes, dont M. Don Bremner, un dirigeant de MMC, et Atlantic Towing Limited, une filiale d’Irving.

 

[9]             Cette action a commencé le 14 octobre 2010 et Irving a fait valoir que Siemens avait omis d’informer la Cour fédérale de cette seconde action quand les différentes requêtes ont été plaidées le 19 octobre 2010. Irving a fait savoir que la réparation demandée dans sa requête devait s’appliquer à la seconde action. Les parties ont eu l’occasion de présenter d’autres observations à cet égard, et elles l’ont fait en déposant des arguments écrits en janvier et en février 2011.

 

Le contexte

[10]         Les faits qui suivent sont tirés des documents déposés dans les dossiers de requête des parties, y compris les actes de procédure qui ont été déposés à la fois dans les actions introduites devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et la Cour fédérale.

 

[11]         Le 1er septembre 2006 ou aux environs de cette date, Siemens a conclu un contrat avec Énergie atomique du Canada Ltée à propos de certains travaux de remise à neuf et de modernisation de la Centrale nucléaire de Point Lepreau, située à Point Lepreau (Nouveau-Brunswick). Le contrat, cédé par la suite à la CENNB, prévoyait la fourniture de trois modules à intégrer à Point Lepreau. Ces modules incluaient des rotors à turbine. Les modules ont été fabriqués en Allemagne et transportés jusqu’à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), en vue d’être amenés à Point Lepreau.

 

[12]         Siemens a conclu un contrat avec Irving au moyen d’une commande d’achat (la commande) faite le 11 janvier 2007, ou aux environs de cette date, pour le transport des modules. Les rotors devaient être transportés par mer depuis le port de Saint-Jean jusqu’à la Centrale nucléaire de Point Lepreau.

 

[13]         Irving a retenu les services de MMC, une entreprise d’architecture navale, pour le transport par mer des rotors depuis Saint-Jean jusqu’à Point Lepreau. MMC devait améliorer la stabilité du chaland SPM 125, déterminer les dispositions appropriées en matière d’arrimage et de saisissage et calculer un plan de ballastage en vue du chargement des rotors sur le chaland SPM 125. MMC a établi un plan intitulé « Barge “SPM 125” Stability Conditions for Lepreau Rotor Move First Load » [Conditions de stabilisation de la barge « SPM 125 » pour le premier chargement de transport des rotors de Lepreau], daté du 8 octobre 2010 et révisé le 10 octobre 2010.

 

[14]         Par une charte-partie coque nue datée du 9 octobre 2008, Irving a affrété auprès de Superport le SPM 125, un chaland d’une jauge brute déclarée de 256 tonnes. La charte-partie accordait aussi à Irving l’utilisation du remorqueur Mary Steele.

 

[15]         Siemens a retenu les services de BMT, le 2 octobre 2008, ou aux environs de cette date, pour qu’elle lui fournisse des services d’expertise maritime liés au plan de manutention et de transport concernant le déplacement des rotors à bord du chaland SPM 125.

 

[16]         Comme il a été mentionné plus tôt, lors de leur chargement à bord du chaland SPM 125 dans la matinée du 15 octobre 2008, les deux rotors ont basculé dans les eaux du port de Saint-Jean.

 

[17]         La submersion des rotors les a endommagés. Siemens allègue qu’elle est responsable de la livraison, à ses frais, de nouveaux modules à la centrale de Point Lepreau. Le coût de la fabrication et de la livraison de deux nouveaux rotors s’élèvera à un montant estimatif d’environ 20 000 000 $ et les travaux dureront quatre ans. Dans un effort pour atténuer ses pertes, Siemens a pris des dispositions en vue de faire réparer les rotors endommagés. Le coût de ce travail de réparation est estimé à 10 000 000 $, plus les frais de transport.

 

Les étapes procédurales

[18]         Le 13 octobre 2009, Siemens, Irving, BMT, Superport et la CENNB ont signé un contrat d’achat ferme dans le cadre duquel elles ont convenu de n’intenter aucune action avant le 13 avril 2010 sans donner au préalable un préavis de deux semaines d’une telle intention. L’article 1 de ce contrat suspendait la totalité des délais applicables pendant la durée du contrat. Le 24 mars 2010, Siemens et Irving ont toutes deux donné un préavis de deux semaines à toutes les autres parties au contrat d’achat ferme.

 

[19]         Comme il a été mentionné plus tôt, Siemens a intenté en avril 2010 une action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, et les présentes actions ont été engagées en même temps. Siemens a intenté sa seconde action devant la Cour supérieure de l’Ontario en octobre 2010.

 

[20]         Les actions engagées devant la Cour fédérale portent sur des questions relatives à la limitation de responsabilité, y compris l’établissement d’un fonds de limitation. Les déclarations présentées dans les dossiers T‑520‑10 et T‑666‑10 sont essentiellement les mêmes, et elles mettent en cause la même série de faits, les mêmes parties principales et les mêmes questions de droit. Même s’il y a de légères différences dans le libellé des deux déclarations, c’est essentiellement la même réparation qui est demandée, à savoir un jugement déclaratoire portant que la responsabilité d’Irving et de MMC est limitée à 500 000 $ en vertu de la LRM, ainsi qu’une ordonnance interdisant d’introduire une instance devant tout tribunal autre que la Cour fédérale.

 

Les présentes requêtes

(i)         T-520-10

[21]         Le 28 avril 2010, Siemens a déposé un avis de requête sollicitant, d’une part, la suspension de cette action dans la mesure où elle était liée à la constitution et à la répartition d’un fonds de limitation conformément à l’article 33 de la LRM et, d’autre part, la suspension permanente de l’action relative au droit d’Irving de limiter sa responsabilité aux termes des articles 28 et 29 de la Loi.

 

[22]         Par un avis de requête daté du 30 avril 2010, Irving a sollicité la réparation suivante :

[traduction

a)      donner des conseils et des directives quant à la manière dont peut être entendue et tranchée l’action de la demanderesse en vue d’obtenir, d’une part, un jugement déclaratoire portant que sa responsabilité à l’égard de l’incident du 15 octobre 2008, décrit dans la déclaration relative à la présente action (l’incident), est limitée conformément aux dispositions de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6 (la LRM) à 500 000 $, plus les intérêts, entre le 15 octobre 2008 et la date à laquelle le fonds de limitation prévu par la loi est constitué et,  d’autre part, la constitution d’un fonds de limitation (le fonds de limitation);

 

b)      donner avis de la présente action aux réclamants éventuels en en faisant l’annonce dans deux éditions de fin de semaine du New Brunswick Telegraph Journal ou en recourant aux autres formes de publicité que la Cour estime justes et appropriées;

 

c)      autoriser la demanderesse J.D. Irving, Limited (JDI), à déposer une garantie (la garantie) d’un montant que la Cour fixera, soit 500 000 $ plus les intérêts, entre le 15 octobre 2008 et la date de constitution du fonds de limitation, et que cette garantie constitue le fonds de limitation relatif à l’incident;

 

d)     fixer le délai dans lequel les défenderesses et les autres réclamants éventuels sont tenus de déposer leurs défenses ou leurs créances à l’égard du fonds de limitation;

 

e)      ordonner que toute créance à l’égard du fonds de limitation qui n’a pas été déposée dans le délai prescrit par la Cour soit exclue de toute participation à la répartition de ce fonds;

 

f)       interdire aux défenderesses, ainsi qu’à toute autre personne, d’intenter ou de continuer une instance devant tout tribunal autre que la Cour à l’encontre de la demanderesse, relativement à l’incident;

 

g)      déclarer que le fonds de limitation soit réparti au prorata entre les personnes qui, selon ce que la Cour décidera, sont en droit de produire une créance à l’égard du fonds de limitation;

 

h)      toute autre réparation que les avocats peuvent proposer et que la Cour estime juste et appropriée.

 

(ii)        T-666-10

[23]         Par un avis de requête daté du 4 juin 2010, Siemens a sollicité la réparation suivante :

[traduction
1. Une ordonnance suspendant la présente action (l’action) dans la mesure où elle se rapporte à la constitution et à la répartition d’un fonds aux termes de l’article 33 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime;

 

2. Une ordonnance suspendant l’action de manière permanente dans la mesure où elle se rapporte au droit de Maritime Marine Consultants (2003) Inc. (MMC) de limiter sa responsabilité aux termes des articles 28 et 29 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime;

 

3. Toute autre réparation que les avocats peuvent proposer et que la Cour estime juste.

 

 

[24]         Par un avis de requête daté du 23 juillet 2010, MMC a sollicité la réparation suivante :

[traduction]
1. Une ordonnance donnant aux parties des conseils et des directives quant à la manière dont l’action de la demanderesse en vue d’obtenir un jugement déclaratoire portant que sa responsabilité à l’égard d’un incident survenu le 15 octobre 2008, et décrit plus en détail dans la déclaration (l’incident), est limitée conformément aux dispositions de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6;

 

2. Une ordonnance en vue de la signification de l’avis de la présente action aux réclamants éventuels, et ce, par la voie d’une annonce publiée dans deux éditions de fin de semaine du New Brunswick Telegraph Journal, ou par toute autre forme de publicité que la Cour estimera  juste et appropriée, laquelle publicité sera faite en même temps que la publicité concernant l’action engagée par J.D. Irving Limited sous le numéro de dossier T-520-10 (l’action d’Irving);

 

3. Une ordonnance fixant le délai dans lequel les défenderesses et les autres réclamants éventuels sont tenus de déposer leurs défenses ou leurs créances en lien avec la présente action;

 

4. Une ordonnance prescrivant que toute créance non déposée dans le délai précisé par la Cour soit exclue de toute participation à la répartition du fonds de limitation qui peut être établi en lien avec la présente action ou l’action d’Irving;

 

5. Une ordonnance empêchant les défenderesses, ou toute autre personne, d’intenter ou de continuer une instance devant tout tribunal autre que la Cour fédérale du Canada à l’encontre de la demanderesse, relativement à l’incident;

 

6. Toute autre réparation que les avocats peuvent proposer et que la Cour estime juste et appropriée.

 

 

[25]         Enfin, par un avis de requête daté du 4 août 2010, BMT a sollicité la réparation suivante :

[traduction]
1. une ordonnance prescrivant aux défenderesses aux présentes, y compris Siemens Canada Limited et toute autre personne ou partie ayant connaissance de ladite ordonnance, d’intenter ou de continuer une instance devant un tribunal ou une autorité autre que la Cour fédérale du Canada, soit la Cour d’amirauté définie par la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6, dans sa forme modifiée, relativement à toute demande découlant du chavirement du chaland « SPM 125 » à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), le 15 octobre 2008 ou aux environs de cette date, ou liée à cet incident;

 

2. une ordonnance prescrivant, d’une part, que les demandes déposées par la voie d’une instance judiciaire devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, à Toronto (dossier CV‑10‑400645), y compris toute demande reconventionnelle connexe, soient formulées par la voie de demandes reconventionnelles en l’espèce et, d’autre part, que les demanderesses visées par ces demandes s’abstiennent de continuer lesdites instances;

 

3. toute autre réparation que les avocats peuvent proposer et que la Cour estime juste et appropriée;

 

4. le tout avec dépens.

 

 

La preuve

[26]         Irving et Siemens ont toutes deux déposé une preuve par affidavit et une preuve documentaire dans les présentes affaires. À l’appui de sa requête dans le dossier T‑520‑10, Irving a déposé l’affidavit de M. Wayne Power, vice-président de cette société.

 

[27]         Dans son affidavit, M. Power a fourni des renseignements de base sur la relation entre Irving et Siemens, sur les dispositions prises en vue du transport des rotors de Saint-Jean à Point Lepreau, sur l’engagement de MMC à donner des conseils à Irving à ce sujet, sur les références faites à l’accident du 15 octobre 2008 ainsi que sur une enquête menée ultérieurement par Transports Canada à cet égard. Il a aussi renvoyé au début de l’exécution d’un contrat d’achat ferme conclu entre les parties au présent litige ainsi qu’à l’introduction d’une action par Siemens devant la Cour supérieure de l’Ontario.

 

[28]         Divers documents sont joints à titre de pièces à l’affidavit de M. Power, dont la proposition de prix d’Irving, datée du 28 avril 2006, pour le transport des rotors, une copie de la commande datée du 11 janvier 2007 faite par Siemens, une copie de la charte-partie conclue entre Irving et Superport, une copie de certains calculs de stabilité que MMC a faits pour le transport des rotors sur le chaland SPM 125, de même qu’une copie du rapport d’enquête rédigé par la Division de la sécurité maritime de Transports Canada.

 

[29]         Dans la présente affaire, Irving a également déposé trois affidavits de Mme Jean Campbell, parajuriste en contentieux au service des avocats d’Irving. Dans son premier affidavit, souscrit le 30 avril 2010, Mme Campbell a joint comme pièces des copies de certains documents établis par l’Agence du revenu du Canada au sujet d’intérêts à payer sur des paiements d’impôt excédentaires pour le trimestre financier au cours duquel l’incident avait eu lieu, ainsi que pour les deux trimestres financiers suivants. Mme Campbell a également joint, en tant que pièce, un tableau montrant les intérêts, composés quotidiennement, qui s’étaient accumulés de la date de l’incident au 15 juin 2010. Le montant des intérêts s’élevait à 29 217,96 $.

 

[30]         Dans son deuxième affidavit, souscrit le 27 septembre 2010, Mme Campbell a joint comme pièces des copies de certaines lettres échangées entre les avocats d’Irving et ceux de Superport, des copies de certains courriels échangés entre les avocats d’Irving et ceux de Siemens, de même qu’une copie d’une lettre dans laquelle les avocats d’Irving donnaient des réponses à des questions et engagements pris lors du contre-interrogatoire de M. Power qui a eu lieu le 21 juin 2010.

 

[31]         Le troisième affidavit de Mme Campbell est daté du 13 octobre 2010. Y est jointe à titre de pièce une copie d’un avis d’arbitrage entre Superport et Irving, daté du 13 octobre 2010, et transmis par courriel par les avocats de Superport aux avocats d’Irving. L’avis d’arbitrage, donné conformément à la charte-partie conclue entre Irving et Superport, avisait que Superport entendait obtenir une décision par arbitrage quant à la question de savoir [traduction] « si et dans quelle mesure » Irving était responsable envers Superport des pertes et des dommages causés par l’incident du 15 octobre 2008.

 

[32]         Siemens a déposé quatre affidavits souscrits par Mme Jennifer Robinson, parajuriste auprès des avocats de Siemens. Dans son premier affidavit, souscrit le 14 avril 2010, Mme Robinson a fait référence à l’incident donnant lieu au présent litige ainsi qu’aux litiges connexes, et a joint divers documents à titre de pièces, dont une copie du contrat d’achat ferme et une copie de la déclaration liée à l’action engagée par Siemens devant la Cour supérieure de l’Ontario.

 

[33]         Dans son deuxième affidavit, souscrit le 4 juin 2010, Mme Robinson a fait référence à l’introduction de l’instance en limitation engagée par MMC devant la Cour fédérale et a joint, à titre de pièces, des copies de la déclaration à cet égard ainsi qu’une copie de la défense déposée par MMC dans le cadre de l’instance en limitation engagée par Irving devant la Cour fédérale.

 

[34]         Dans le troisième affidavit, souscrit le 18 juin 2010, Mme Robinson a joint des copies de certaines lettres que les avocats de Siemens avaient envoyées à trois des parties défenderesses dans l’instance engagée en Ontario et dans lesquelles il demandait les défenses déposées pour le compte de MMC, BMT et Superport à l’égard de l’instance engagée en Ontario. Cet affidavit comprenait également comme pièce une copie d’un rapport d’expert préparé pour le compte de Siemens par Design Research Engineering. Ce rapport est daté du 10 juin 2010. Enfin, cet affidavit comprenait une copie d’un avis de procès devant jury que Siemens avait déposée au sujet de l’instance engagée en Ontario.

 

[35]         Dans son quatrième affidavit, souscrit le 1er septembre 2010, Mme Robinson a joint des copies de divers documents relatifs à l’instance engagée en Ontario ainsi qu’à l’action introduite par MMC devant la Cour fédérale, soit le dossier T‑666‑10. Elle a joint aussi une copie d’un rapport d’expert supplémentaire, daté du 2 août 2010 et préparé par Design Research Engineering. Siemens avait commandé ce rapport pour s’en servir en lien avec l’instance engagée en Ontario. Enfin, elle a joint une copie d’une lettre datée du 1er septembre 2010, des avocats de Siemens aux avocats d’Irving, indiquant que Siemens n’avait pas besoin de la création d’un fonds de limitation et ajoutant que la CENNB renonçait à la création d’un tel fonds.

 

[36]         Outre ces affidavits de Mme Robinson ainsi que les pièces qui y étaient jointes, Siemens a déposé un recueil de documents constitué principalement de copies des actes de procédure déposés jusque-là dans le cadre des actions engagées en Ontario et devant la Cour fédérale. Siemens a également déposé un recueil de pièces constitué de documents portant sur les efforts faits par Irving pour obtenir un chaland en vue du transport des rotors, des documents concernant des communications entre Irving et MMC quant au caractère approprié du chaland et des calculs de stabilité, des communications relatives au moment du transport, de même que des courriels connexes. Le recueil de pièces contient également des copies d’une série de photographies et un extrait d’une page Web d’Irving Equipment.

 

[37]         Aucune preuve par affidavit à l’égard des présentes requêtes n’a été déposée par MMC, BMT ou AXA.

 

Analyse

(i) La compétence

[38]         Comme il a été indiqué au début des présents motifs, la Cour est saisie de cinq requêtes dans le cadre des deux instances. Siemens a déposé une requête dans le dossier T‑520‑10 et le dossier T‑666‑10, sollicitant la suspension des deux actions respectives dans la mesure où la réparation que sollicitent Irving et MMC, respectivement, est principalement la constitution et la répartition d’un fonds de limitation conformément à la LRM. De plus, dans les deux actions, Siemens sollicite la suspension permanente de ces actions au motif que ni Irving ni MMC ne sont en droit de limiter leur responsabilité conformément à la LRM.

 

[39]         Dans la mesure où elle cherche à faire suspendre les deux instances en limitation devant la Cour fédérale, Siemens conteste la compétence de la Cour à l’égard de l’objet de sa demande, c’est-à-dire la demande de dommages-intérêts dans le cadre des actions qu’elle a engagées devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Siemens soutient que sa demande ne relève pas de la compétence de la Cour car il ne s’agit pas d’une affaire de droit maritime et que, en tout état de cause, s’il existe un doute quant à cette question, la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence, conformément à l’article 33 de la LRM.

 

[40]         Elle soutient que sa demande de dommages-intérêts ne résulte pas de l’exploitation d’un navire, que les dommages n’ont pas eu lieu à bord du navire et que sa demande de dommages-intérêts ne découle pas du retard dans le transport des marchandises. Sa demande est plutôt liée aux frais de réparation et de remplacement. Elle soutient en outre que l’instance engagée devant la Cour supérieure de l’Ontario est d’une portée plus large et ne suscite aucun doute quant à la compétence de cette Cour à l’égard de toutes les parties défenderesses. Elle ajoute que l’objet de l’instance engagée en Ontario est nettement différent de celui de l’instance en limitation qui a été engagée devant la Cour fédérale.

 

[41]         Elle soutient que le fondement de sa demande est un contrat conclu avec Irving à la suite d’une commande faite le 11 janvier 2007 en vue du transport des rotors de Saint-Jean à Port Lepreau. Elle ajoute que cette commande est un contrat type concernant le transport de marchandises et non un contrat relatif au transport de marchandises par mer. Elle allègue que le caractère essentiel de sa demande n’est pas lié à la navigation ou à la marine marchande et que ces éléments n’ont rien à voir avec sa perte.

 

[42]         Siemens se fonde sur l’arrêt Ontario (Procureur général) c Pembina Exploration Canada Ltd., [1989] 1 RCS 206, pour faire valoir qu’une demande peut être d’une nature « locale ou privée » et revêtir aussi des aspects maritimes et que, de ce fait, cette demande peut être tranchée par une cour provinciale.

 

[43]         Irving, MMC et BMT rejettent la manière dont Siemens qualifie la demande et elles font valoir que celle-ci est manifestement une affaire de droit maritime qui relève de la compétence de la Cour fédérale.

 

[44]         La première question consiste donc à savoir si la Cour fédérale a compétence à l’égard de la demande de Siemens visant le recouvrement de dommages-intérêts.

 

[45]         Siemens qualifie sa demande de recouvrement de dommages-intérêts d’affaire de contrat et de négligence en common law. Dans leurs observations additionnelles, Siemens et AXA invoquent un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, Canada (Procureur général) c TeleZone Inc., [2010] 3 RCS 585, pour faire valoir que, pour décider si elle a compétence, la Cour fédérale devrait considérer la cause d’action de la manière dont elle a été qualifiée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Elle soutient que l’affaire en litige ne relève pas de la compétence de la Cour fédérale parce que sa demande ne relève pas essentiellement du droit maritime.

 

[46]         À cet égard, elle invoque les arrêts Dreifelds c Burton (1998), 38 OR (3d) 393 (ONCA), et Isen c Simms, [2006] 2 RCS 349, pour faire valoir notamment que la simple présence d’un plan d’eau et d’un navire ne suffit pas pour établir qu’une demande relève de la compétence de la Cour fédérale.

 

[47]         Irving et BMT soutiennent que l’arrêt TeleZone ne s’applique pas en l’espèce parce que cette décision porte sur la disponibilité de certaines mesures de réparation, à savoir une demande de contrôle judiciaire par opposition à une action contre la Couronne fédérale.

 

[48]         Je souscris à l’argument général présenté par Siemens, à savoir que la simple proximité d’un plan d’eau et la présence d’une embarcation ne suffisent pas en soi pour conférer compétence à la Cour fédérale. C’est dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] RCS 752, à la page 766, que la Cour suprême du Canada a énoncé le critère permettant de conclure à la compétence en matière de navigation et de marine marchande :

La question de la compétence de la Cour fédérale se pose en l’espèce dans le contexte de la demande adressée par Miida contre ITO, une demande portant sur la négligence dont aurait fait preuve un manutentionnaire acconier dans l’entreposage après déchargement de la marchandise du destinataire. L’étendue générale de la compétence de la Cour fédérale a été examinée à maintes reprises par les tribunaux ces dernières années. Dans l’arrêt Quebec North Shore Paper Co. c. Canadien Pacifique Ltée, [1977] 2 R.C.S. 1054, et dans l’arrêt McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654, on a établi les conditions essentielles pour pouvoir conclure à la compétence de la Cour fédérale. Ces conditions sont les suivantes :

 

 

1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

 

2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

 

3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

[49]         L’article 22 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 remplit la première condition du critère énoncé dans l’arrêt ITO en décrivant la compétence de la Cour fédérale en matière d’amirauté. Le paragraphe 22(1) est un énoncé de compétence générale :

Navigation et marine marchande

 

22. (1) La Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas — opposant notamment des administrés — où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d’une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.

Navigation and shipping

 

 

22. (1) The Federal Court has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law or any other law of Canada relating to any matter coming within the class of subject of navigation and shipping, except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned.

 

[50]         Le paragraphe 22(2) comporte un nombre de cas précis dans lesquels la Cour fédérale a compétence en matière maritime. Les alinéas e), h) et i) du paragraphe 22(2) sont pertinents :

Compétence maritime

 

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants :

 

[...]

 

e) une demande d’indemnisation pour l’avarie ou la perte d’un navire, notamment de sa cargaison ou de son équipement ou de tout bien à son bord ou en cours de transbordement;

 

[...]

 

 

h) une demande d’indemnisation pour la perte ou l’avarie de marchandises transportées à bord d’un navire, notamment dans le cas des bagages ou effets personnels des passagers;

 

i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte-partie;

[...]

Maritime jurisdiction

 

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

 

...

 

(e) any claim for damage sustained by, or for loss of, a ship including, without restricting the generality of the foregoing, damage to or loss of the cargo or equipment of, or any property in or on or being loaded on or off, a ship;

 

...

 

(h) any claim for loss of or damage to goods carried in or on a ship including, without restricting the generality of the foregoing, loss of or damage to passengers’ baggage or personal effects;

 

(i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise;

...

 

[51]         Cette attribution légale de compétence à l’égard du droit maritime canadien trouve sa source dans un certain nombre de lois qui s’appliquent en l’espèce, dont la LRM, laquelle intègre la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (la « Convention ») aux termes du paragraphe 26(1) de cette Loi, de même que la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, LC 2001, c 26.

 

[52]         Dans l’arrêt Radil Bros. Fishing Co. c Canada (Ministère des Pêches et des Océans, Région du Pacifique), [2002] 2 RCF 219 (CA), au paragraphe 60, la Cour d’appel fédérale a énoncé certains des facteurs qui permettent de distinguer une simple demande de nature contractuelle d’une demande dans laquelle « le contrat invoqué [est] véritablement un contrat maritime ». Voici ce que la Cour a écrit, au paragraphe 60 :

 

60 Aucun de ces précédents ne vient en aide à l’appelante. Bien au contraire, ils tendent à montrer que la Cour n’affirmera pas sa compétence en matière maritime sur des revendications résultant d’un contrat de mandat, à moins que le contrat invoqué ne soit véritablement un contrat maritime. Tel n’est pas le cas ici, où le seul facteur qui pourrait être rattaché au droit maritime est le fait que le permis à l’égard duquel a été conclu le contrat de mandat se trouve à avoir été délivré pour une activité devant se dérouler en mer. Il n’y a pas de contrat de transport de marchandises par mer. Il n’y a pas d’assurance maritime. Il n’y a pas de marchandises en jeu. Rien n’est arrivé en mer. La navigabilité des navires n’est pas en cause. Les navires ne sont pas parties à l’action. Il n’y a pas de procédure in rem. Il n’y a pas de courtiers maritimes. Il n’y a pas de lois, de principes ou de pratiques maritimes qui soient applicables. Au mieux, et accessoirement, on pourrait dire que la demande se rapporte à la capacité d’un navire d’effectuer certaines activités de pêche en conformité avec des exigences qui n’ont rien à voir avec la navigation et la marine marchande, et tout à voir avec les pêches.

 

[53]         Siemens adopte une conception hautement restrictive du contexte juridique qui entoure sa demande de dommages-intérêts. Il ressort clairement de la preuve produite ainsi que des arguments que les parties ont invoqués en lien avec les présentes requêtes qu’un grand nombre des indices de la compétence maritime qui ont été relevés dans l’arrêt Radil Bros. sont présents. À mon avis, il est évident que la demande de Siemens relève essentiellement du droit maritime.

 

[54]         L’incident s’est produit sur un plan d’eau. Des experts maritimes ont participé aux mesures préparatoires au transport, en l’occurrence MMC et BMT, ainsi qu’un assureur de cargaison, AXA. Les rotors se trouvaient à bord d’un navire, le SPM 125. L’incident a fait l’objet d’une enquête en vertu de l’article 219 de la Loi de 2001 sur la marine marchande conformément à la politique de sécurité maritime de Transports Canada relative aux enquêtes portant sur les incidents maritimes.

 

[55]         Les allégations de fausses déclarations formulées par Siemens concernaient la préparation du chargement des rotors à bord de la péniche, ce qui soulevait par conséquent la question de la navigabilité, laquelle question était assujettie aux règles, principes et pratiques applicables en matière de droit maritime.

 

[56]         La prétendue rupture de contrat et la prétendue négligence se rapportaient à un contrat de transport de marchandises par mer. Siemens soutient que la commande, qui constitue un contrat, n’est pas une question qui relève du droit maritime canadien. Néanmoins, l’objet du contrat est le transport des rotors entre le port de Saint-Jean et la centrale nucléaire de Point Lepreau. L’obligation du transporteur, en ce qui concerne le contrat de transport de marchandises, consiste à charger et à transporter les marchandises en toute sécurité (The « Muncaster Castle », [1961] 1 Lloyd’s Rep. 57 (C.L.).

 

[57]         MMC, une société d’expertise maritime, a été engagée par Irving pour fournir des services d’architecture navale. La responsabilité d’Irving à l’égard des actions, de la négligence ou du défaut de MMC peut être évaluée au regard du paragraphe 4 de l’article 1 de la Convention.

 

[58]         Le droit de BMT de limiter sa responsabilité sera une question à trancher dans le cadre de l’instance en limitation. Les services de BMT ont été retenus par Siemens en vue de [traduction] « fournir des services d’expertise maritime concernant cet aspect du plan de manutention et de transport ». Les services d’expertise maritime sont liés à la navigation et à la marine marchande.

 

[59]         Il est inexact de dire que la demande de dommages-intérêts de Siemens excède la compétence de la Cour fédérale parce que sa décision finale peut obliger à appliquer des principes de common law en matière de responsabilité délictuelle. Dans l’arrêt Chartwell Shipping Limited c Q.N.S. Paper Co. Ltd. (1989), 101 NR 1 (CSC), la Cour suprême du Canada a dit que le droit maritime canadien englobe les principes de common law en matière de responsabilité délictuelle, de contrat, de dépôt et de mandat.

 

[60]         L’argument de Siemens selon lequel la nature de sa demande n’a rien à voir avec la marine marchande est directement contredit par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Dans l’arrêt Isen, au paragraphe 22, la Cour suprême du Canada a déclaré :

La navigation commerciale est traditionnellement considérée comme relevant de la compétence du Parlement sur la navigation et les bâtiments ou navires. Les contrats de transport maritime visent non seulement le transport en toute sécurité de marchandises par voie maritime, mais également le déplacement des marchandises lors des chargements et déchargements du navire. [...]

 

 

[61]         Les arrêts Dreifelds et Isen, précités, peuvent être distingués de la présente affaire. Dans l’arrêt Dreifelds, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que, dans cette affaire, les actes de procédure avaient trait aux préparatifs et le déroulement d’une excursion de plongée sous-marine. Les demandeurs n’avaient plaidé aucune négligence de la part du bateau affrété qui était en cause, c’est-à-dire que rien n’était lié à la navigation ou à la marine marchande.

 

[62]         Dans l’affaire Isen, l’accident était survenu sur terre, quand un câble élastique que l’on fixait à une bâche, sur un bateau de plaisance, pendant qu’on préparait ce dernier en vue de son transport sur une route provinciale, avait décroché et blessé le demandeur. La Cour suprême du Canada a conclu que la blessure avait été causée par un acte négligent qui n’avait rien à voir avec la navigation ou la marine marchande. L’acte négligent était assujetti au droit provincial, et non au droit maritime fédéral.

 

[63]         Siemens soutient également que la Cour n’a pas compétence à l’égard de sa demande parce que ni MMC ni BMT ne sont en droit de limiter leur responsabilité en vertu de la Loi puisqu’elles ne tombent pas sous le coup des définitions applicables de cette dernière et que, en tout état de cause, l’article 4 de la Convention les empêche de limiter leur responsabilité.

 

[64]         Quel que soit le mérite des arguments invoqués par Siemens au sujet du droit d’Irving, de MMC et de BMT de limiter leur responsabilité, il est évident que les conclusions qui seront en fin de compte tirées sur ces questions le seront en fonction des dispositions de la LRM et de la Convention. Autrement dit, le droit maritime canadien s’applique aux questions que Siemens soulève en ce qui concerne la limitation de la responsabilité d’Irving, de MMC et de BMT.

 

[65]         Je souscris aux arguments d’Irving et de BMT voulant que la décision rendue dans l’affaire TeleZone n’a rien à voir avec la question de la compétence de la Cour fédérale à l’égard de la demande découlant de l’incident. La demande de Siemens, même de la manière dont elle est plaidée dans l’instance engagée en Ontario, est clairement de nature maritime.

 

[66]         Il existe une compétence concurrente de la Cour fédérale et de la Cour supérieure de justice de l’Ontario à l’égard des questions de responsabilité et de limitation de responsabilité. Aucune des défenderesses ne conteste la compétence de la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

(ii) Les requêtes en suspension

[67]         Siemens, appuyée par AXA, cherche à faire suspendre les deux instances en limitation, sur une base à la fois interlocutoire et permanente. Elle souhaite obtenir la suspension interlocutoire afin de permettre à la Cour supérieure de justice de l’Ontario d’instruire et de trancher l’affaire qui lui a été présentée. Elle veut une suspension permanente au motif que, eu égard à l’article 4 de la Convention, Irving et MMC n’ont pas droit à une limitation de responsabilité.

 

[68]         Irving, MMC et BMT s’opposent pour leur part à cette requête et souhaitent empêcher que des instances soient engagées devant tout autre tribunal, y compris la Cour supérieure de justice de l’Ontario, car, selon elles, toutes les questions relatives à l’incident devraient être traitées devant la Cour fédérale.

 

[69]         Le pouvoir de suspendre une instance soumise à la Cour fédérale découle du paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales :

Suspension d’instance

 

50. (1) La Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

 

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

 

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

Stay of proceedings authorized

 

50. (1) The Federal Court of Appeal or the Federal Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter

 

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

 

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

 

[70]         Siemens est d’avis que les deux circonstances mentionnées au paragraphe 50(1) s’appliquent en l’espèce, qu’il y a lieu d’accorder une suspension parce qu’une demande est en instance devant un autre tribunal et qu’une telle mesure doit être prise dans l’intérêt de la justice.

 

[71]         Siemens souligne qu’elle est la seule partie à avoir subi une perte. Aucune autre partie ne présente une demande contre Siemens et l’instance qu’elle a engagée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario est d’une portée plus large que celle de l’instance en limitation introduite devant la Cour fédérale. Elle signale de plus que le fait d’engager des instances à la fois devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et la Cour fédérale présente un risque d’obtenir des conclusions contradictoires. Elle invoque à l’appui la décision Jazz Air LP c Toronto Port Authority (2009), 343 FTR 165 (CF), aux paragraphes 13, 31 et 32.

 

[72]         Irving, MMC et BMT s’opposent à la requête en suspension de Siemens. Elles signalent notamment qu’une suspension ordonnée en vertu du paragraphe 50(1) est une ordonnance discrétionnaire. Elles ajoutent que l’on servira le mieux l’intérêt de la justice, en causant moins d’inconvénients et de dépenses à toutes les parties, si l’on autorise que l’instance engagée devant la Cour fédérale se poursuive et si l’on empêche d’engager une instance devant tout autre tribunal, ce qui inclut l’instance actuellement introduite devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

[73]         Irving, MMC et BMT sont unanimes à contester la requête en suspension de Siemens, et chacune d’elles fait référence aux vastes pouvoirs qui sont conférés à la Cour fédérale, à titre de Cour d’amirauté pour les besoins de la Loi, relativement à l’établissement de la procédure qui s’applique à la constitution et à la répartition d’un fonds de limitation. Ces pouvoirs sont décrits, de manière non exclusive, au paragraphe 33(1) de la LRM :

Pouvoirs de la Cour d’amirauté

 

33. (1) Lorsque la responsabilité d’une personne est limitée aux termes des articles 28 ou 29 de la présente loi ou du paragraphe 1 des articles 6 ou 7 de la Convention, relativement à une créance — réelle ou appréhendée — , la Cour d’amirauté peut, à la demande de cette personne ou de tout autre intéressé — y compris une partie à une procédure relative à la même affaire devant tout autre tribunal ou autorité — , prendre toute mesure qu’elle juge indiquée, notamment :

 

a) déterminer le montant de la responsabilité et faire le nécessaire pour la constitution et la répartition du fonds de limitation correspondant, conformément aux articles 11 et 12 de la Convention;

 

b) joindre tout intéressé comme partie à la procédure, exclure tout créancier forclos, exiger une garantie des parties invoquant la limitation de responsabilité ou de tout autre intéressé et exiger le paiement des frais;

 

 

 

c) empêcher toute personne d’intenter ou de continuer quelque procédure relative à la même affaire devant tout autre tribunal ou autorité.

 

Powers of Admiralty Court

 

33. (1) Where a claim is made or apprehended against a person in respect of liability that is limited by section 28 or 29 of this Act or paragraph 1 of Article 6 or 7 of the Convention, the Admiralty Court, on application by that person or any other interested person, including a person who is a party to proceedings in relation to the same subject-matter before another court, tribunal or authority, may take any steps it considers appropriate, including

 

 

(a) determining the amount of the liability and providing for the constitution and distribution of a fund under Articles 11 and 12 of the Convention;

 

 

 

(b) joining interested persons as parties to the proceedings, excluding any claimants who do not make a claim within a certain time, requiring security from the person claiming limitation of liability or from any other interested person and requiring the payment of any costs; and

 

(c) enjoining any person from commencing or continuing proceedings in any court, tribunal or authority other than the Admiralty Court in relation to the same subject-matter.

 

 

[74]         L’alinéa 33(1)c) autorise expressément la Cour fédérale à empêcher d’intenter ou de continuer quelque procédure devant « tout autre tribunal ou autorité ».

 

[75]         Dans la décision Canadien Pacifique Ltée c Sheena M (Le), [2000] 4 RCF 159 (CF 1re inst.), feu le protonotaire Hargrave a analysé, au paragraphe 17, la différence qu’il y a entre le fait d’empêcher une procédure et celui de la suspendre :

Pour compléter ce raisonnement, précisons qu’il existe une différence entre le fait d’empêcher (enjoining) une procédure et celui de suspendre (staying) la procédure. En ce qui concerne le terme « enjoining » , la définition du Black’s Law Dictionary, 4e édition révisée, parle d’une injonction obligeant quelqu’un à faire ou à ne pas faire quelque chose. [...]

 

En revanche, une suspension, ou la suspension de la procédure, selon la terminologie juste, est une ordonnance par laquelle un tribunal suspend sa propre procédure, soit temporairement, jusqu’à ce qu’un acte soit accompli, soit de façon permanente, lorsqu’il n’est pas approprié de procéder [...]

 

Le critère généralement reconnu comme applicable pour déterminer si la procédure doit être suspendue, dans l’intérêt de la justice, est le critère en trois volets énoncé dans l’arrêt RJR--MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 311, qui correspond au critère à trois volets établi dans American Cyanamid [American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 (H.L.)], bien qu’en l’espèce il faille plutôt appliquer à la suspension de la procédure le critère en deux volets énoncé dans la décision Mon-Oil Ltd. c. Canada (1989), 26 C.P.R. (3d) 379 (C.F. 1re inst.); je reviendrai sur cette question en temps opportun. Le critère d’application d’une suspension correspond à un concept et à un critère très différents du critère applicable pour empêcher une partie de commencer ou de continuer une procédure devant un autre tribunal sous le régime de la Loi sur la marine marchande du Canada. Il ne faut pas s’en étonner, puisque le législateur a utilisé le terme « empêcher » (enjoin) dans une loi et le terme « suspendre » (stay) dans l’autre [...]

 

 

[76]         Au paragraphe 32, après avoir passé en revue deux séries de décisions traitant de l’obligation et du critère applicable à une suspension, le protonotaire Hargrave est arrivé à la conclusion suivante :

En résumé, le critère en deux volets s’applique à la suspension de la procédure de la Cour même, alors que le critère en trois volets énoncé dans RJR--MacDonald s’applique à la suspension de la procédure d’un autre tribunal et à la suspension de l’exécution d’une ordonnance de la Cour en attendant l’issue d’un appel. [...]

 

[77]         Selon moi, le même raisonnement s’applique en l’espèce. Le critère à deux volets consacré par la jurisprudence Mon‑Oil Ltd. c. Canada (1989), 26 CPR (3d) 379 (CF 1re inst.) est celui dont il convient de tenir compte pour statuer sur la requête en suspension de Siemens. Ce critère exige que la Cour examine deux questions, en l’occurrence, celle de savoir si la poursuite de l’action causera un préjudice au défendeur, en l’espèce Siemens, et celle de savoir si la suspension fera subir une injustice aux demanderesses, c’est‑à‑dire à Irving et à MMC.

 

[78]         Comme l’a fait remarquer le juge en chef Thurlow dans l’arrêt Nisshin Kisen Kaisha Ltd. c CNR, [1982] 1 CF 530 (CA), une action en limitation est « accessoire » à toute action en détermination de la responsabilité. Il s’agit d’une action relative à l’établissement et à la répartition d’un fonds, ainsi qu’au partage de ce dernier après avoir tiré des conclusions en matière de responsabilité. À mon avis, Siemens n’a pas montré que les présentes actions, qui ont été engagées en temps opportun, lui porteront préjudice. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je refuse d’accorder une suspension interlocutoire de l’action en limitation.

 

[79]         Je traiterai maintenant de la demande de Siemens en vue d’obtenir la suspension permanente des deux actions.

 

[80]         La demande de Siemens en vue d’obtenir la suspension permanente des instances engagées devant la Cour fédérale repose sur sa position selon laquelle Irving, MMC et BMT n’ont pas droit à une limitation de la responsabilité, en application de l’article 4 de la Convention, dont le texte est le suivant :

 

 

Conduite supprimant la limitation

 

Une personne responsable n’est pas en droit de limiter sa responsabilité s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement.

 

 

Conduct barring limitation

 

 

A person liable shall not be entitled to limit his liability if it is proved that the loss resulted from his personal act or omission, committed with the intent to cause such loss, or recklessly and with knowledge that such loss would probably result.

 

[81]         Siemens se fonde sur l’opinion d’expert qu’elle a obtenue en vue de l’instance engagée en Ontario, c’est-à-dire les deux rapports établis par Design Research Engineering. Ces deux rapports contestent en particulier les calculs de stabilité qui ont été faits pour le chargement et le transport des rotors en octobre 2008. L’auteur de ces deux rapports, M. Robert K. Taylor, a exprimé l’avis suivant dans son rapport supplémentaire daté du 2 août 2010 :

[traduction] À défaut de la présence d’une telle analyse, je persiste à croire que le fait de ne pas prendre en considération la stabilité transversale générale du système tout entier est dangereux et, d’un point de vue technique, imprudent.

 

S’appuyant sur cette opinion, Siemens soutient que la conduite d’Irving a été insouciante et qu’elle n’est donc pas en droit de limiter sa responsabilité, eu égard à l’article 4 de la Convention.

 

[82]          À mon avis, cet argument est toutefois prématuré. Le fondement probatoire dont la Cour dispose à ce stade-ci est insuffisant pour conclure qu’Irving, MMC ou BMT ne sont pas en droit de limiter leur responsabilité, si responsabilité il y a, envers Siemens. On ne peut priver une personne du droit de limiter sa responsabilité en l’absence d’un dossier de preuve approprié, et ce dossier de preuve sera disponible après la tenue d’un procès.

 

[83]         Je ne suis pas convaincue que Siemens a présenté des éléments de preuve permettant de conclure qu’elle subirait un préjudice si les instances en limitation de responsabilité devaient se poursuivre. Elle est partie du principe que les défenderesses ne seront pas en mesure de limiter leur responsabilité en raison de leur conduite, se fondant sur l’application de l’article 4 de la Convention. Il ne s’agit toutefois que d’une thèse. Il faudra faire la preuve de l’application de l’article 4 (Société Telus Communications c. Peracomo Inc., 2011 CF 494).

 

[84]         Quelle que soit la façon dont on qualifiera, en fin de compte, le comportement des défenderesses, les arguments que Siemens a présentés jusqu’ici ne démontrent pas la réalité d’un préjudice et, en tout état de cause, aucun argument juridique ne saurait remplacer des éléments de preuve.

 

[85]         Siemens fait également valoir, en se fondant sur la décision Jazz Air LP, qu’il y a lieu de suspendre de façon permanente l’action en limitation afin d’éviter de dédoubler des instances et d’arriver à des conclusions contradictoires.

 

[86]         Je conviens qu’il y a lieu d’éviter de dédoubler des instances et d’arriver à des conclusions contradictoires. Cependant, comme l’a déclaré la protonotaire Milczynski dans la décision Jazz Air LP, au paragraphe 32 : [traduction] « accepter qu’il faut éviter tout dédoublement ne répond pas à la question de savoir quel tribunal il faudrait privilégier [...] ».

 

[87]         Comme nous l’avons vu, la Cour fédérale a pleine compétence à l’égard de la demande de Siemens. Cette dernière peut poursuivre entièrement sa demande devant notre Cour. À mon avis, les arguments de Siemens selon lesquels il y a lieu d’éviter les dédoublements et les contradictions, sans plus, ne montrent pas qu’elle subira un préjudice si la demande de suspension de l’instance engagée devant la Cour fédérale est rejetée.

 

[88]         En revanche, une suspension de l’action en limitation causerait une injustice à Irving, à MMC et à BMT. Il existe un droit présumé à une limitation de la responsabilité. L’article 33 de la LRM autorise une partie qui souhaite limiter sa responsabilité à déposer sa propre action devant la Cour fédérale et à demander des directives. L’objet même du régime de limitation est d’éviter de multiples instances (voir Bayside Towing Ltd. c Canadien Pacifique Ltée., [2001] 2 RCF 258 (CF 1re inst.), au paragraphe 30).

 

[89]         La suspension des instances empêcherait Irving, MMC et BMT de donner suite à leurs actions en limitation. Irving, MMC et BMT pourraient invoquer la limitation en tant que défense dans l’action engagée en Ontario, mais elles ne peuvent traiter que de la constitution du fonds de limitation dans le cadre de la présente instance devant la Cour fédérale. Si le droit de limitation n’est pas rompu et si la responsabilité est limitée, le fonds de limitation sera réparti. Ces deux aspects d’une action en limitation, c’est-à-dire la constitution et la répartition d’un fonds, relèvent exclusivement de la compétence de la Cour fédérale.

 

[90]         Je fais référence une fois de plus à la décision Jazz Air LP, dans laquelle la protonotaire Milczynski, au paragraphe 35, a déclaré : [traduction] « une suspension ne doit être accordée que dans les cas les plus évidents ». Après avoir examiné les observations de toutes les parties, je ne suis pas convaincue qu’il y a lieu de suspendre les actions en limitation à titre interlocutoire ou à titre permanent.

 

 

(iii) Le fonds de limitation

 

[91]         Dans la requête qu’elle a présentée à la Cour fédérale, Irving sollicite des conseils et des directives quant à la manière dont l’action en limitation qu’elle a engagée devant la Cour peut être entendue et tranchée, de même que des conseils et des directives au sujet de la constitution d’un fonds de limitation. Dans leurs requêtes, MMC et BMT sollicitent elles aussi des directives quant à la manière dont leur action en limitation devrait se dérouler.

 

[92]         Dans la mesure où Siemens et AXA contestent le droit de limitation, cette possibilité leur sera donnée dans le contexte de l’action en limitation.

 

[93]         La première question à régler est celle de savoir s’il y a lieu d’établir un fonds de limitation.

 

[94]         Il existe une présomption en faveur d’une limitation de la responsabilité à l’égard d’une créance maritime, ainsi que le prévoit la Convention, qui, du fait de son intégration à la LRM, fait partie du droit maritime canadien.

 

[95]         La partie 3 de la LRM est intitulée « Limitation de responsabilité en matière de créances maritimes ». L’article 24 définit des termes qui s’appliquent à la présente instance, et plus précisément « convention » et « créance maritime », dont les définitions sont les suivantes :

« Convention »

 

« Convention » La Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes conclue à Londres le 19 novembre 1976 — dans sa version modifiée par le Protocole — dont les articles 1 à 15 figurent à la partie 1 de l’annexe 1 et l’article 18 figure à la partie 2 de cette annexe.

 

 

« créance maritime »

 

« créance maritime » Créance maritime visée à l’article 2 de la Convention contre toute personne visée à l’article 1 de la Convention.

 

“Convention”

 

“Convention” means the Convention on Limitation of Liability for Maritime Claims, 1976, concluded at London on November 19, 1976, as amended by the Protocol, Articles 1 to 15 of which Convention are set out in Part 1 of Schedule 1 and Article 18 of which is set out in Part 2 of that Schedule.

 

“maritime claim”

 

“maritime claim” means a claim described in Article 2 of the Convention for which a person referred to in Article 1 of the Convention is entitled to limitation of liability.

 

[96]         L’article 25 de la Loi s’applique lui aussi à la présente instance :

25. (1) Pour l’application de la présente partie et des articles 1 à 15 de la Convention :

 

a) « navire » s’entend d’un bâtiment ou d’une embarcation conçus, utilisés ou utilisables, exclusivement ou non, pour la navigation, indépendamment de leur mode de propulsion ou de l’absence de propulsion, à l’exclusion des aéroglisseurs et des plates-formes flottantes destinées à l’exploration ou à l’exploitation des ressources naturelles du fond ou du sous-sol marin; y sont assimilés les navires en construction à partir du moment où ils peuvent flotter, les navires échoués ou coulés ainsi que les épaves et toute partie d’un navire qui s’est brisé;

 

 

 

b) la définition de

« propriétaire de navire», au paragraphe 2 de l’article premier de la Convention, vise notamment la personne ayant un intérêt dans un navire ou la possession d’un navire, à compter de son lancement, et s’interprète sans égard au terme « de mer »;

 

[...]

 

(2) Les articles 28 à 34 de la présente loi l’emportent sur les dispositions incompatibles des articles 1 à 15 de la Convention.

25. (1) For the purposes of this Part and Articles 1 to 15 of the Convention,

 

 

(a) “ship” means any vessel or craft designed, used or capable of being used solely or partly for navigation, without regard to method or lack of propulsion, and includes

 

(i) a ship in the process of construction from the time that it is capable of floating, and

 

(ii) a ship that has been stranded, wrecked or sunk and any part of a ship that has broken up,

 

but does not include an air cushion vehicle or a floating platform constructed for the purpose of exploring or exploiting the natural resources or the subsoil of the sea-bed;

 

 

(b) the definition “shipowner” in paragraph 2 of Article 1 of the Convention shall be read without reference to the word “seagoing” and as including any person who has an interest in or possession of a ship from and including its launching;

 

 

...

 

(2) In the event of any inconsistency between sections 28 to 34 of this Act and Articles 1 to 15 of the Convention, those sections prevail to the extent of the inconsistency.

 

 

[97]         Le paragraphe 2 de l’article 1 de la Convention définit comme suit l’expression « propriétaire de navire » :

2. L’expression « propriétaire de navire », désigne le propriétaire, l’affréteur, l’armateur et l’armateur-gérant d’un navire de mer.

2. The term “shipowner” shall mean the owner, charterer, manager and operator of a seagoing ship.

 

 

[98]         La définition d’une « créance maritime » que l’on trouve à l’article 24 de la LRM renvoie aux paragraphes (1) et (2) de l’article 2 de la Convention :

Article 2

Créances soumises à la limitation

 

1. Sous réserve des articles 3 et 4, les créances suivantes, quel que soit le fondement de la responsabilité, sont soumises à la limitation de la responsabilité :

 

a) créances pour mort, pour lésions corporelles, pour pertes et pour dommages à tous biens (y compris les dommages causés aux ouvrages d’art des ports, bassins, voies navigables et aides à la navigation) survenus à bord du navire ou en relation directe avec l’exploitation de celui-ci ou avec des opérations d’assistance ou de sauvetage, ainsi que pour tout autre préjudice en résultant;

 

b) créances pour tout préjudice résultant d’un retard dans le transport par mer de la cargaison, des passagers ou de leurs bagages;

Article 2

Claims subject to limitation

 

 

1. Subject to Articles 3 and 4 the following claims, whatever the basis of liability may be, shall be subject to limitation of liability:

 

 

(a) claims in respect of loss of life or personal injury or loss of or damage to property (including damage to harbour works, basins and waterways and aids to navigation), occurring on board or in direct connexion with the operation of the ship or with salvage operations, and consequential loss resulting therefrom;

 

 

 

(b) claims in respect of loss resulting from delay in the carriage by sea of cargo, passengers or their luggage;

 

2. Les créances visées au paragraphe 1 sont soumises à la limitation de la responsabilité même si elles font l’objet d’une action, contractuelle ou non, récursoire ou en garantie. Toutefois, les créances produites aux termes des alinéas d), e) et f) du paragraphe 1 ne sont pas soumises à la limitation de responsabilité dans la mesure où elles sont relatives à la rémunération en application d’un contrat conclu avec la personne responsable.

2. Claims set out in paragraph 1 shall be subject to limitation of liability even if brought by way of recourse or for indemnity under a contract or otherwise. However, claims set out under paragraph 1(d), (e) and (f) shall not be subject to limitation of liability to the extent that they relate to remuneration under a contract with the person liable.

 

 

[99]         Nul ne conteste que le chaland SPM 125 est un navire au sens de l’alinéa 25(1)a) de la Loi, ou qu’Irving est un « propriétaire de navire » au sens de l’alinéa 25(1)b) de la LRM ainsi que du paragraphe 2 de l’article 1 de la Convention.

 

[100]     Nul ne conteste que le chaland SPM 125 pèse moins de 300 tonnes et, de ce fait, la limitation de cette jauge brute qui est indiquée à l’alinéa 29b) de la Loi s’applique. Le texte de cet alinéa est le suivant :

29. La limite de responsabilité pour les créances maritimes — autres que celles mentionnées à l’article 28 — nées d’un même événement impliquant un navire d’une jauge brute inférieure à 300 est fixée à :

[...]

 

b) 500 000 $ pour les autres créances.

29. The maximum liability for maritime claims that arise on any distinct occasion involving a ship of less than 300 gross tonnage, other than claims referred to in section 28, is

 

...

 

(b) $500,000 in respect of any other claims.

 

[101]     L’article 11 de la Convention autorise à créer un fonds de limitation :

Article 11

 

Constitution du fonds

 

1. Toute personne dont la responsabilité peut être mise en cause peut constituer un fonds auprès du tribunal ou de toute autre autorité compétente de tout État Partie dans lequel une action est engagée pour des créances soumises à limitation. Le fonds est constitué à concurrence du montant tel qu’il est calculé selon les dispositions des articles 6 et 7 applicables aux créances dont cette personne peut être responsable, augmenté des intérêts courus depuis la date de l’événement donnant naissance à la responsabilité jusqu’à celle de la constitution du fonds. Tout fonds ainsi constitué n’est disponible que pour régler les créances à l’égard desquelles la limitation de la responsabilité peut être invoquée.

 

2. Un fonds peut être constitué, soit en consignant la somme, soit en fournissant une garantie acceptable en vertu de la législation de l’État Partie dans lequel le fonds est constitué, et considérée comme adéquate par le tribunal ou par toute autre autorité compétente.

 

3. Un fonds constitué par l’une des personnes mentionnées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 ou au paragraphe 2 de l’article 9, ou par son assureur, est réputé constitué par toutes les personnes visées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 ou au paragraphe 2 respectivement.

Article 11

 

Constitution of the fund

 

1. Any person alleged to be liable may constitute a fund with the Court or other competent authority in any State Party in which legal proceedings are instituted in respect of claims subject to limitation. The fund shall be constituted in the sum of such of the amounts set out in Articles 6 and 7 as are applicable to claims for which that person may be liable, together with interest thereon from the date of the occurrence giving rise to the liability until the date of the constitution of the fund. Any fund thus constituted shall be available only for the payment of claims in respect of which limitation of liability can be invoked.

 

 

 

2. A fund may be constituted, either by depositing the sum, or by producing a guarantee acceptable under the legislation of the State Party where the fund is constituted and considered to be adequate by the Court or other competent authority.

 

3. A fund constituted by one of the persons mentioned in paragraph 1(a), (b) or (c) or paragraph 2 of Article 9 or his insurer shall be deemed constituted by all persons mentioned in paragraph 1(a), (b) or (c) or paragraph 2, respectively.

 

[102]     L’article 32 de la LRM expose la procédure à suivre à l’égard de la constitution d’un fonds de limitation aux termes des articles 11 à 13 de la Convention :

Compétence exclusive de la Cour d’amirauté

 

32. (1) La Cour d’amirauté a compétence exclusive pour trancher toute question relative à la constitution et à la répartition du fonds de limitation aux termes des articles 11 à 13 de la Convention.

 

Droit d’invoquer la limite de responsabilité

 

(2) Lorsque la responsabilité d’une personne est limitée aux termes des articles 28, 29 ou 30 de la présente loi ou du paragraphe 1 des articles 6 ou 7 de la Convention, relativement à une créance — réelle ou appréhendée — , cette personne peut se prévaloir de ces dispositions en défense, ou dans le cadre d’une action ou demande reconventionnelle pour obtenir un jugement déclaratoire, devant tout tribunal compétent au Canada.

Jurisdiction of Admiralty Court

 

 

32. (1) The Admiralty Court has exclusive jurisdiction with respect to any matter relating to the constitution and distribution of a limitation fund under Articles 11 to 13 of the Convention.

 

 

Right to assert limitation defence

 

(2) Where a claim is made or apprehended against a person in respect of liability that is limited by section 28, 29 or 30 of this Act or paragraph 1 of Article 6 or 7 of the Convention, that person may assert the right to limitation of liability in a defence filed, or by way of action or counterclaim for declaratory relief, in any court of competent jurisdiction in Canada.

 

[103]     Aux termes de l’article 2 de la Loi, la « Cour d’amirauté » désigne la Cour fédérale.

 

[104]     Il ressort clairement du libellé de l’article 32 de la Loi que seule la Cour fédérale a compétence pour « trancher toute question relative à la constitution et à la répartition du fonds de limitation » aux termes des articles applicables de la Convention.

 

[105]     Le paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention s’applique lui aussi à la présente instance :

Concours de créances

 

1. Les limites de la responsabilité déterminée selon l’article 6 s’appliquent à l’ensemble de toutes les créances nées d’un même événement :

 

a) à l’égard de la personne ou des personnes visées au paragraphe 2 de l’article premier et de toute personne dont les faits, négligences ou fautes entraînent la responsabilité de celle-ci ou de celles-ci; ou

 

b) à l’égard du propriétaire d’un navire qui fournit des services d’assistance ou de sauvetage à partir de ce navire et à l’égard de l’assistant ou des assistants agissant à partir dudit navire et de toute personne dont les faits, négligences ou fautes entraînent la responsabilité de celui-ci ou de ceux-ci;

 

c) à l’égard de l’assistant ou des assistants n’agissant pas à partir d’un navire ou agissant uniquement à bord du navire auquel ou à l’égard duquel des services d’assistance ou de sauvetage sont fournis et de toute personne dont les faits, négligences ou fautes entraînent la responsabilité de celui-ci ou de ceux-ci.

Aggregation of claims

 

1. The limits of liability determined in accordance with Article 6 shall apply to the aggregate of all claims which arise on any distinct occasion:

 

 

(a) against the person or persons mentioned in paragraph 2 of Article 1 and any person for whose act, neglect or default he or they are responsible; or

 

 

 

 

(b) against the shipowner of a ship rendering salvage services from that ship and the salvor or salvors operating from such ship and any person for whose act, neglect or default he or they are responsible; or

 

 

 

 

(c) against the salvor or salvors who are not operating from a ship or who are operating solely on the ship to or in respect of which the salvage services are rendered and any person for whose act, neglect or default he or they are responsible.

 

[106]     L’effet conjugué des articles 9 et 11 de la Convention, qui fait partie de la Loi, est qu’un seul fonds est établi pour répondre à « l’ensemble de toutes les créances nées d’un même événement ».

 

[107]     Au vu de la preuve actuellement soumise, le « même événement » dont il est question en l’espèce est la perte des rotors dans le port de Saint-Jean le 15 octobre 2008.

 

[108]     Dans ses observations supplémentaires, Siemens soutient qu’il n’est pas nécessaire de constituer un fonds de limitation, car cela n’est nécessaire que si la perte est de nature internationale et qu’il y a eu saisie de biens.

 

[109]     Cet argument n’est pas fondé. La LRM, qui intègre la Convention, est une loi interne. Rien dans la Loi ne donne à penser qu’une instance en limitation ne peut pas être engagée pour une créance maritime survenant au Canada. L’incident est survenu au Canada.

 

[110]     Le fonds de limitation est disponible au profit du propriétaire de navire, comme il est établi dans l’instance en limitation, ainsi que de « toute personne dont les faits, négligences ou fautes » entraînent sa responsabilité » : voir l’alinéa 1a) de l’article 9.

 

[111]     Comme nous l’avons vu plus tôt, la Loi prévoit des limites différentes dans des situations différentes. Dans les circonstances de l’incident dont il est question en l’espèce, soit un « même événement impliquant un navire d’une jauge brute inférieure à 300 [tonnes] », la limite de responsabilité pour toutes les créances est de 500 000 $ selon l’alinéa 29b) de la Loi. Comme l’a décrit le juge en chef Thurlow dans l’arrêt Nisshin Kisen Kaisha Ltd., à la page 237, les fonds de limitation sont constitués dans le but de « déterminer la répartition du fonds de limitation entre les réclamants ».

 

[112]     Irving, MMC et BMT souhaitent obtenir diverses directives sur les actions en limitation, y compris des directives quant à la manière dont ces actions devraient se dérouler, la signification d’un avis des actions aux réclamants éventuels, la constitution d’un fonds de limitation par le dépôt d’une garantie, le dépôt des créances à l’égard du fonds de limitation ainsi que la répartition du fonds à la suite de l’audition de l’action dans le dossier T‑520‑10.

 

[113]     À mon avis, il y a lieu d’établir un fonds de limitation en l’espèce. Irving a proposé que l’on dépose une garantie d’un montant fixé par la Cour, soit 500 000 $ plus les intérêts, conformément au paragraphe 33(5). La Cour peut déterminer la forme de cette garantie, aux termes de l’alinéa 33(4)b) de la Loi.

 

[114]     Je ne suis pas convaincue que les parties ont fourni assez de détails pour qu’il me soit possible de donner d’autres directives à ce stade-ci. Les parties n’ont pas présenté d’observations sur l’acceptabilité d’une garantie, ou de sa forme, qui constituerait le fonds de limitation, pas plus que sur les circonstances de la publication d’un avis des présentes actions. Il faudrait que les parties discutent de ces questions, notamment.

 

[115]     La question de fixer les délais dans lesquels les défenderesses et d’autres réclamants éventuels doivent déposer leurs défenses ou leurs créances à l’égard du fonds de limitation est un aspect qui peut être réglé par le juge responsable de la gestion de l’instance qui a été désigné par une ordonnance rendue le 10 juin 2010, en application des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), relativement à Irving et à MMC.

 

[116]     Le juge responsable de la gestion de l’instance peut aussi traiter des autres délais qui peuvent être requis dans la poursuite des deux actions en limitation au procès.

 

[117]     Cependant, il y a un délai que la Cour fixera, à l’égard de l’alinéa e) de la demande de réparation d’Irving :

[traduction] ordonner que toute créance à l’égard du fonds de limitation qui n’est pas déposée dans le délai prescrit par la Cour soit exclue de toute participation à la répartition de ce fonds;

 

[118]     Ce délai sera fixé par la Cour après qu’elle aura examiné les observations des parties au sujet d’un délai approprié.

 

 

(iv) La requête en interdiction

 

[119]     Comme il a été signalé plus tôt, Irving, MMC et BMT sollicitent une ordonnance interdisant la poursuite de l’instance introduite devant la Cour supérieure de l’Ontario ainsi que l’engagement d’une instance devant tout autre tribunal judiciaire ou administratif. Les requêtes sont déposées en vertu de l’article 33 de la LRM.

 

[120]     Siemens soutient que la Cour ne devrait pas empêcher l’instance engagée en Ontario à moins qu’elle ne soit convaincue que les actions introduites devant la Cour fédérale et les actions introduites en Ontario découlent d’une « procédure relative à la même affaire », ce qui n’est pas le cas selon elle.

 

[121]     Siemens allègue par ailleurs que le droit qu’elle a de choisir son tribunal ne doit pas être entravé à la légère, que les Règles de pratique et de procédure de l’Ontario autorisent un éventail plus large d’interrogatoires préalables, que la Cour de l’Ontario a compétence sur toutes les parties et toutes les demandes, qu’elle serait forcée d’entreprendre une autre action contre Irving, MMC, BMT et Superport et que les parties seraient tenues de déposer des mises en cause pour des contributions et des indemnités. Elle soutient par ailleurs que la Cour fédérale n’est pas le tribunal le plus efficace pour trancher toutes ces questions.

 

[122]     La première question est le critère à appliquer pour exercer le pouvoir discrétionnaire d’empêcher une procédure prévu à l’article 33 de la LRM.

 

[123]       Dans la décision Sheena M, le protonotaire Hargrave a indiqué que le critère à trois volets qui a été énoncé dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1995] 3 RCS 199, s’appliquerait à une requête en interdiction d’une instance devant un autre tribunal judiciaire ou administratif. Il n’a toutefois pas tranché ce point dans cette affaire et, à mon avis, ses remarques à cet égard doivent être considérées comme incidentes.

 

[124]     Le libellé de l’article 33 de la Loi est très large. Le paragraphe 33(1) dispose que la « Cour d’amirauté peut prendre toute mesure qu’elle juge indiquée », y compris la mesure extraordinaire prévue à l’alinéa 33(1)c), c’est‑à‑dire celle consistant à interdire l’introduction d’une instance devant tout autre tribunal ou autorité. La possibilité offerte à la Cour de prendre cette mesure témoigne de l’importance que le législateur a accordée au règlement par un seul et même tribunal de toutes les questions se rapportant à la constitution et à la répartition du fonds de limitation. Le fait d’exiger que les recours soient exercés devant un tribunal unique favorise le règlement expéditif des questions litigieuses se rapportant à la limitation de la responsabilité.

 

[125]     Le concept de la « mesure indiquée » englobe celui de la convenance. À cet égard, je me reporte à la décision Levitt c. Carr et al. (1992), 23 WAC 27, au paragraphe 53.

 

[126]     Je me reporte également à l’arrêt R. c McIvor (2006), 210 CCC (3d) 161 (C.A.C.-B.) où la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans le contexte d’une instance criminelle, a déclaré ce qui suit au paragraphe 30 :

[traduction] [...] dans son sens ordinaire, le mot « indiqué » dénote qu’une chose convient à une fin particulière, une chose qui est juste et appropriée dans les circonstances.

 

 

[127]     À mon avis, compte tenu des faits allégués dans la preuve présentée en l’espèce, il est indiqué d’interdire les instances introduites ailleurs que devant la Cour fédérale, afin de permettre à notre Cour de trancher toutes les questions relatives à l’incident, ce qui inclut les questions de responsabilité qui sont l’objet des instances actuellement introduites devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

[128]     Je ne souscris pas à l’argument de Siemens selon lequel les actions qu’elle a introduites en Ontario ne sont pas « relatives à la même affaire » que la présente instance. Je préfère les arguments d’Irving et de BMT sur ce point. Selon moi, l’« affaire » sur laquelle porte l’instance introduite en Ontario et l’instance introduite devant la Cour fédérale est l’incident, c’est-à-dire les dommages causés aux rotors, la responsabilité à l’égard de ces dommages, de même que toute limitation de cette responsabilité.

 

[129]     Dans les actions qu’elle a introduites en Ontario, Siemens soutient qu’Irving, BMT, MMC et d’autres sont responsables de la perte qu’elle a subie. La présente instance soulève une demande de limitation de responsabilité. La Convention, qui fait partie intégrante de la LRM, indique clairement qu’il existe un droit présumé de restreindre la responsabilité et un lourd fardeau, aux termes de l’article 4 de la Convention, de la part de toute personne qui souhaite rompre cette limite.

 

[130]     Dans les actes de procédure qu’elles ont déposés dans le cadre de la présente instance, Irving, MMC et BMT revendiquent un droit de limiter leur responsabilité, si responsabilité il y a, par rapport à Siemens.

 

[131]     Dans le dossier T-520-10, MMC, à titre de défenderesse, cherche à obtenir une contribution et une indemnité d’Irving et elle dit que cette demande précise n’est pas soumise à une limitation. Dans sa réponse, Irving fait valoir que la demande de contribution et d’indemnité est soumise à une limitation aux termes de la Loi et de la Convention.

 

[132]     Dans le dossier T-666-10, BMT, à titre de défenderesse, demande une contribution et une indemnité de la part de MMC et fait valoir une demande fondée sur la négligence à l’encontre d’AXA, par la voie d’une mise en cause.

 

[133]     Dans sa défense reconventionnelle, MMC plaide que la demande de contribution et d’indemnité est soumise à une limitation. Dans sa défense contre l’action de MMC, Irving soutient que MMC est en droit de limiter sa responsabilité pour autant qu’Irving est en mesure de le faire.

 

[134]     Dans les actes de procédure qu’elles ont déposés dans les deux actions en limitation, Irving et MMC soutiennent que le montant total des créances établies contre elles, conjointement, se limite à la somme de 500 000 $.

 

[135]     La somme de 500 000 $, à titre de limite de responsabilité, découle de l’effet combiné de l’alinéa 29b) et de l’article 9 de la Convention.

 

[136]     Il est présumé que le fonds disponible pour l’action en dommages-intérêts de Siemens est de 500 000 $. Cette action est liée à l’incident. Peu importe le nombre d’actions introduites et de demandes reconventionnelles déposées, si le droit à la limite n’est pas réduit à néant par une preuve de témérité au sens de l’article 4 de la Convention, le seul montant qui sera disponible pour répondre à l’action de Siemens sera de 500 000 $, plus les intérêts.

 

[137]     Le fait que la demande de Siemens se chiffre à plusieurs millions de dollars ne constitue pas une raison logique justifiant de remettre à plus tard le règlement des questions en litige dans les instances en limitation de responsabilité si tant est qu’une telle limitation soit possible en l’espèce. J’estime d’ailleurs que l’écart qui existe entre le montant réclamé et le montant du fonds de limitation est un facteur qui milite fortement en faveur de la décision d’instruire les actions en limitation de responsabilité et d’interdire l’action en responsabilité. Il s’agit là de considérations d’ordre pratique dont la Cour prend acte. Procéder de cette façon permettra aux parties et à chacun de réaliser d’importantes économies.

 

[138]     S’il est clair qu’Irving est un « propriétaire de navire » au sens de l’article 1 de la Convention, il ressort clairement aussi des arguments présentés que l’on débattra avec vigueur du statut de « propriétaire de navire » de MMC et de BMT. On peut affirmer que MMC s’appuiera sur le paragraphe 4 de l’article 1 pour revendiquer le droit à la limitation de responsabilité.

 

 

[139]     Dans la mesure où BMT revendique le droit de limiter sa responsabilité, il y a lieu de se demander si Siemens répond à la définition de « propriétaire de navire », statut susceptible de découler de la relation contractuelle qu’elle entretient avec Irving.

 

[140]     Je fais référence aussi aux personnes désignées comme défenderesses dans la seconde action que Siemens a introduite devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. À première vue, ces personnes sembleraient tirer avantage du paragraphe 4 de l’article 1 de la Convention parce qu’il s’agit de personnes « dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du propriétaire de navire ».

 

[141]     Toutes ces questions feront l’objet d’arguments tant favorables que défavorables, suivant les éléments de preuve qui seront présentés.

 

[142]     Siemens s’opposera à ce que l’on invoque le droit de limitation. Elle a déjà montré, en introduisant deux actions en Ontario, qu’elle « ratisse large » pour ce qui est des défendeurs éventuels.

 

[143]     Ce large éventail de litiges est un autre facteur qui milite en faveur de procéder en premier à l’action en limitation, ou du moins en même temps que l’action en responsabilité, et de régler les questions du droit de limitation pour savoir qui peut imposer une limite mais aussi s’il existe une conduite qui interdit toute limitation.

 

[144]     Je note également que l’on ignore encore la catégorie des demandeurs ou des créanciers éventuels à l’égard du fonds de limitation. À ce jour, Siemens est l’unique demanderesse, mais il y en a peut-être d’autres. Dans ces circonstances, il devient important d’empêcher les poursuites et les actions introduites devant d’autres tribunaux administratifs ou judiciaires et, après avoir donné avis, de permettre aux créanciers éventuels de déposer leur demande à l’encontre du fonds de limitation.

 

[145]     Siemens a clairement indiqué qu’elle contestera aussi le droit d’Irving et d’autres d’invoquer la limitation de responsabilité, eu égard à l’article 4 de la Convention. Pour pouvoir montrer que le droit de limitation n’est pas disponible, il faudra qu’elle produise des éléments de preuve établissant que la conduite d’Irving et d’autres parties par rapport à l’incident était téméraire. À mon avis, il y aura forcément un chevauchement entre ces éléments de preuve et ceux qui seront exigés pour prouver la responsabilité des parties défenderesses en cause dans les actions introduites en Ontario. Comme le soutient Siemens, le dédoublement d’instances, qui risque de mener à des conclusions contradictoires, est à éviter.

 

[146]     Comme nous l’avons vu plus tôt, la détermination de la responsabilité et la limitation de cette dernière à l’égard de l’incident peuvent être tranchées devant tant la Cour fédérale que la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

[147]     Les présentes requêtes en obtention de directives, relativement à l’article 33 de la Loi, sont de nature interlocutoire. Une ordonnance portant sur la limitation de responsabilité et sa disponibilité ultime ne serait rendue qu’après une instruction complète des questions en litige.

 

[148]     Je ne souscris pas aux observations formulées par Siemens, et entérinées par AXA, selon lesquelles le procès portant sur la responsabilité devrait se dérouler devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, au motif que certaines mesures ont été prises dans le cadre de la poursuite de l’action existante, dont le fait de retenir les services d’un expert pour établir un rapport d’expert et la signification d’un avis de procès devant jury. Siemens fait remarquer que l’article 49 de la Loi sur les Cours fédérales interdit les procès devant jury.

 

[149]     Je n’admets pas non plus que le choix du tribunal que Siemens a fait milite en faveur de l’instance engagée en Ontario. Comme nous l’avons vu, la LRM procure à Irving, à BMT et à MMC leur propre cause d’action en limitation de responsabilité, une instance qui est censée être expéditive. Ces parties peuvent elles aussi choisir le tribunal devant lequel introduire leurs actions, et ce choix doit être mis en balance avec celui que Siemens a fait.

 

[150]     Les Règles de pratique et de procédure de l’Ontario offrent un éventail d’interrogatoires préalables plus vaste, mais le juge responsable de la gestion de l’instance de notre Cour peut aussi l’autoriser si cela est justifié.

 

[151]     La question de la disponibilité d’un procès devant jury est un facteur qu’il convient de prendre en considération, mais il n’est pas déterminant. À mon avis, priver Siemens de l’option de soumettre sa demande à un jury a moins de poids que les inconvénients et les répétitions qui seraient nécessaires pour que la question de la limitation soit examinée devant notre Cour, et la question de la responsabilité tranchée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

[152]     Siemens allègue aussi que la Cour de l’Ontario a compétence à l’égard de toutes les parties et toutes les demandes, et elle soutient une fois de plus que ce n’est pas le cas de la Cour fédérale.

 

[153]     En revanche, BMT soutient qu’il n’est pas clair que la Cour supérieure de justice de l’Ontario a compétence sur tous les défendeurs que Siemens a désignés dans les actions introduites en Ontario, et surtout dans sa seconde action. L’incident n’a pas eu lieu en Ontario, et Siemens n’a pas montré que ces personnes ont acquiescé à l’action introduite en Ontario, qu’elles ont des biens commerciaux dans cette province ou qu’il existe un lien contractuel entre ces défenderesses individuelles et la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

[154]     La Cour fédérale a compétence sur toutes les demandes liées à l’incident, lequel est manifestement de nature maritime. La question de la responsabilité entre Siemens et les défenderesses peut être examinée dans le contexte des actions en limitation.

 

[155]     Il ne sera pas nécessaire que Siemens introduise une autre action devant la Cour fédérale, suivie de demandes reconventionnelles et de demandes entre défendeurs de la part des autres parties, encore qu’elle puisse le faire si elle le souhaite. Siemens elle-même peut procéder par la voie d’une demande reconventionnelle à l’encontre des défenderesses ou d’une demande entre défendeurs dans les deux actions en limitation, conformément à l’alinéa 33(4)a) de la LRM. S’il est conclu dans les actions en limitation qu’une partie n’est pas en droit de limiter sa responsabilité aux termes de la Convention, Siemens pourra poursuivre ses demandes dans le cadre de l’instance engagée en Ontario.

 

[156]     Contrairement à ce que prétend Siemens, la Cour fédérale est la juridiction la mieux à même de trancher l’ensemble des questions relatives à l’incident. Il ne fait aucun doute que la Cour fédérale a compétence sur la question de la responsabilité. Seule la Cour fédérale a compétence sur la constitution et la répartition du fonds de limitation. Bien que ce fonds puisse constituer un aspect accessoire de la responsabilité et de la limitation de la responsabilité, il sera plus efficace de faire examiner toutes ces questions par un seul tribunal. La question du droit de limiter sa responsabilité ne peut être tranchée que dans le cadre d’une action en limitation de responsabilité.

 

[157]     Par conséquent, les requêtes d’Irving, de MMC et de BMT visant à interdire à toutes les parties d’intenter ou de continuer une instance quelconque devant tout tribunal judiciaire ou administratif, y compris un comité d’arbitrage, autre que la Cour fédérale à l’égard de l’incident sont accueillies.

 

Conclusion

[158]     Pour les motifs qui précèdent, les requêtes en suspension de Siemens sont rejetées et les actions en limitation se dérouleront d’une manière conforme aux présents motifs.

 

[159]     Les requêtes d’Irving, de MMC et de BMT en vue d’empêcher la tenue d’autres instances devant tout tribunal judiciaire ou administratif à l’égard de l’incident sont accueillies.

 

[160]     Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, cette question pourra faire l’objet d’observations, qui devront être signifiées et déposées au plus tard le 14 juillet 2011.

 

[161]     Les présents Motifs de l’ordonnance et ordonnance seront déposés dans les deux dossiers portant les numéros T-520-10 et T-666-10.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      Les requêtes en suspension de la présente instance sont rejetées.

 

2.      Il est interdit aux défenderesses et à toute autre personne d’intenter ou de continuer une instance quelconque devant tout tribunal judiciaire ou administratif autre que la Cour fédérale à l’encontre d’Irving, la demanderesse dans le dossier T-520-10, et MMC, la demanderesse dans le dossier T-666-10, à l’égard de l’incident.

 

3.      Toute demande à l’égard de l’incident qui peut faire l’objet d’une limitation de responsabilité sera formulée par la voie d’une demande reconventionnelle ou d’une demande entre défendeurs dans le cadre des présentes actions, ou par la voie d’une action distincte introduite devant la Cour fédérale.

 

4.      Les questions tranchées et la procédure établie par la présente ordonnance n’empêchent aucune des défenderesses ou des réclamants d’alléguer que :

a)      Irving et MMC, à titre de demanderesses, ainsi que toute autre partie, ne sont pas en droit de limiter leur responsabilité comme l’envisage la LRM;

b)      une ou plusieurs des parties n’appartiennent pas à la catégorie de celles qui sont en droit d’invoquer, aux termes de la LRM, le droit de limiter leur responsabilité.

 

5.      Il est ordonné aux parties aux présentes de se consulter et de soumettre une ébauche d’ordonnance en vue de donner effet aux motifs de l’ordonnance relativement à l’établissement d’un fonds de limitation d’un montant de 500 000 $, plus les intérêts, et ce, entre le 15 octobre 2008 et la date de constitution du fonds de limitation prévu par la loi, conformément au paragraphe 33(5) de la Loi. Les parties traiteront précisément de la réparation demandée aux alinéas a), b), c), d), e), g) et h) de l’avis de requête d’Irving. L’ébauche d’ordonnance sera soumise à la Cour au plus tard le 14 juillet 2011.

 

6.      L’établissement d’un fonds de limitation, conformément à la LRM, d’un montant de 500 000 $, plus les intérêts, n’empêchera aucune partie ou personne de nier toute responsabilité ou obligation légale et de contester le montant de n’importe quelle créance.

 

7.      Les présentes actions font l’objet d’une instance à gestion spéciale et, à la suite de la constitution du fonds de limitation, il sera loisible à toute partie de solliciter des ordonnances et des directives auprès du juge responsable de la gestion de l’instance au sujet des étapes préalables au procès, de la réunion des actions, de l’établissement d’une audience unique ou distincte, ainsi que de toute autre question pertinente mentionnée dans la LRM ou dans les Règles.

 

8.      Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles pourront traiter de cette question dans des observations, qui devront être signifiées et déposées au plus tard le 14 juillet 2011.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T-520-10 et T-666-10

 

INTITULÉ :                                      T-520-10, J.D. Irving, Limited c Siemens Canada Limited et al.

 

                                                            T-666-10, Maritime Marine Consultants (2003) Inc. c Siemens Canada Limited et al.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 19 OCTOBRE 2010

 

OBSERVATIONS

ADDITIONNELLES :                     LES 7, 10, 17, 18, 24 ET 26 JANVIER 2011

                                                            LES 2 ET 8 FÉVRIER 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 29 JUIN 2011

 

 

 

COMPARUTIONS (DOSSIER T-520-10) :

 

Joel Richler

David Noseworthy

Rui Fernandes

 

POUR LA DEMANDERESSE

(J.D. IRVING LIMITED)

 

Jonathan Lisus

Erica Baron

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

Barry Oland

 

 

Marc Isaacs

Bonnie Huen

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC.)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER (T-520-10) :

 

Blake, Cassels & Graydon

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(J.D. IRVING, LIMITED)

 

Fernandes Hearn LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

(J.D. IRVING, LIMITED)

 

 

McCarthy Tetrault LLP

Toronto (Ontario)

 

Lax O’Sullivan Scott Lisus LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

Oland & Co.

Kelowna (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

 

Isaacs & Co.

Toronto (Ontario)

 

 

Cox & Palmer

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

John G. Furey

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

POUR LA DÉFENDERESSE

(MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SUPERPORT MARINE SERVICES LTD.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(CORPORATION D’ÉNERGIE NUCLÉAIRE DU NOUVEAU-BRUNSWICK)

 

 

 

COMPARUTIONS (DOSSIER T-666-10) :

 

Marc Isaacs

Bonnie Huen

POUR LA DEMANDERESSE

(MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC.)

 

Joel Richler

David Noseworthy

Rui Fernandes

POUR LA DÉFENDERESSE

(J.D. IRVING, LIMITED)

 

 

Jonathan Lisus

Erica Baron

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

Barry Oland

 

 

Barry Oland

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

POUR LA MISE EN CAUSE

(AXA CORPORATE SOLUTIONS)

 

Robin Squires

Jeremy Bolger

POUR LA DÉFENDERESSE

(BMT MARINE AND OFFSHORE SURVEYS LTD.)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER (T-666-10) :

 

Isaacs & Co.

Toronto (Ontario)

 

 

Blake, Cassels & Graydon

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(MARITIME MARINE CONSULTANTS (2003) INC.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(J.D. IRVING, LIMITED)

Fernandes Hearn LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(J.D. IRVING, LIMITED)

 

 

McCarthy Tetrault LLP

Toronto (Ontario)

 

Lax O’Sullivan Scott Lisus LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

Oland & Co.

Kelowna (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SIEMENS CANADA LIMITED)

 

 

Oland & Co.

Kelowna (Colombie-Britannique)

 

POUR LA MISE EN CAUSE

(AXA CORPORATE SOLUTIONS)

 

 

Borden Ladner Gervais s.r.l.

Montréal (Québec)

 

 

 

Cox & Palmer

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

John G. Furey

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

POUR LA DÉFENDERESSE

(BMT MARINE AND OFFSHORE SURVEYS LTD.)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SUPERPORT MARINE SERVICES LTD.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(CORPORATION D’ÉNERGIE NUCLÉAIRE DU NOUVEAU-BRUNSWICK)

 

 

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