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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 


Date : 20110630

Dossier : IMM-6475-10

Référence : 2011 CF 811

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 30 juin 2011

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

YONG HANG YANG

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Yong Hang Yang demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) par laquelle la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger lui a été refusée.

 

[2]               La Commission a estimé que le récit de M. Yang concernant sa présumée fréquentation d’une « maison‑église » en Chine manquait totalement de crédibilité. Elle a cependant accepté qu’il soit maintenant un chrétien pratiquant, mais elle a jugé qu’il pouvait exercer sa foi dans la province du Fujian.

 

[3]               M. Yang soutient qu’il n’a pas reçu une audience juste de la part de la Commission parce que celle‑ci a fait référence à des éléments de preuve documentaire dont elle n’avait pas été régulièrement saisie au cours de l’audience, sans lui accorder la possibilité d’y répliquer. Il prétend de plus que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il ne ferait pas face à une éventuelle persécution en Chine.

 

[4]               Pour les motifs suivants, je conclurai que M. Yang n'a pas été victime d'un déni d'équité procédurale issu du traitement de la preuve documentaire par la Commission. Je suis aussi convaincue que la Commission n’a pas erré dans son évaluation du risque auquel ferait face M. Yang s’il retournait en Chine.

 

Le contexte

[5]               M. Yang est un homme de 38 ans de la province du Fujian, en Chine. Avant de quitter la Chine, M. Yang était employé en tant qu’ouvrier en bâtiment. Il est arrivé au Canada le 29 mai 2008 et a déposé une demande d’asile.

 

[6]               M. Yang déclare qu’au printemps 2008, il a été initié au christianisme par un ami proche. Son ami l’a invité à se présenter à une maison-église non enregistrée. M. Yang n’est pas allé à l’église tout de suite, car il savait que les maisons-églises étaient illégales en Chine. Quelques jours plus tard, M. Yang a accepté d’y aller avec son ami. La cérémonie religieuse a eu lieu dans une maison et dix personnes y ont assisté. M. Yang a par la suite offert à l’église ses services en tant qu’ouvrier en bâtiment et a effectué des rénovations aux maisons utilisées par l’église.

 

[7]               Le 27 avril 2008, M. Yang a été incapable d’aller à l’église, car il devait finir un travail urgent. Il prétend avoir reçu un appel d’un membre de l’église l’informant que l’église avait fait l’objet d’une descente par des agents du Bureau de la sécurité publique (le BSP). Certains membres se sont échappés, mais le pasteur et l’ami de M. Yang ont été arrêtés. La personne au téléphone lui a conseillé de se cacher.

 

[8]               M. Yang s’est rendu chez sa tante pour s’y cacher. Plus tard cette nuit, la femme de M. Yang l’a appelé et lui a dit que le BSP était venu à leur maison et qu’il le cherchait. Les agents avaient interrogé la femme de M. Yang au sujet de ses activités religieuses illégales et de son aide à la rénovation des maisons‑églises. Le BSP est retourné plusieurs fois à la maison pour trouver M. Yang.

 

[9]               M. Yang croyait qu’il ne pouvait pas demeurer en sécurité en Chine et il est venu au Canada avec l’aide d’un mandataire. À son arrivée à Toronto, M. Yang est devenu membre d’une église protestante et a été baptisé le 27 septembre 2008.

 

La décision de la Commission

[10]           La Commission a estimé que le récit de M. Yang de ce qui s’était passé en Chine n’était pas crédible. Il y avait des incohérences dans son témoignage qui ont mené la Commission à conclure qu’il n’avait pas établi un fondement factuel crédible à sa demande.

 

[11]           La Commission a aussi rejeté la demande d’asile sur place de M. Yang. Quoiqu’elle ait accepté qu’il soit maintenant un chrétien pratiquant à Toronto, elle n’a pas conclu que M. Yang ferait face à une possibilité sérieuse de persécution s’il devait retourner dans la province du  Fujian. La Commission a noté que le Fujian possède les politiques les plus libérales en matière de pratiques religieuses de toute la Chine, en particulier en ce qui concerne le protestantisme. La Commission a de plus estimé qu’il y avait peu d’éléments de preuve de persécution envers les membres ordinaires des maisons‑églises dans la province du Fujian.

 

Analyse

L’utilisation de nouveaux éléments de preuve par la Commission

[12]           M. Yang allègue que la Commission a manqué à la justice naturelle et à l’intégrité procédurale lorsqu’elle s’est fondée sur un document qui a été publié presque deux mois et demi après son audience. Ce document n’a pas été communiqué à M. Yang avant la publication de la décision du comité et M. Yang n’a pas eu l’occasion de répondre à cet élément de preuve.

 

[13]           L’audience de M. Yang par la SPR a eu lieu le 12 avril 2010. Dans sa décision, la Commission a fait référence à la version du 30 juin 2010 de la Réponse aux demandes d’information (la RDI) CHN103500.EF tirée du Cartable national de documentation (30 juillet 2010) dont le titre est : « Chine : information sur la situation des protestants et sur le traitement qui leur est réservé par les autorités, en particulier au Fujian et au Guangdong » (2005 – mai 2010). Le document est une version à jour de la RDI CHN100387.EF, datée du 7 septembre 2005 et incluse dans le Cartable national de documentation du 17 mars 2010, lequel avait été présenté à la Commission au moment de l’audience de la demande d’asile de M. Yang.

 

[14]           Le défendeur soutient qu’il s’agit d’une simple erreur typographique et que la Commission a involontairement cité la version plus récente du document. De plus, le défendeur fait remarquer que M. Yang n’a pas signalé dans ce document des extraits qui ne sont pas dans l’ancienne version.  

 

[15]           Lorsqu’il est question d’équité procédurale, le devoir de la cour de révision est de déterminer si le processus utilisé par le décideur répond au degré d’équité exigé en toute circonstance : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43.

 

[16]           Le décideur commet un manquement à l’équité procédurale lorsqu’il fonde sa décision sur des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés d’une façon régulière à la Commission, sans donner au demandeur l’occasion d’y répondre : Muthusamy c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1333, 50 A.C.W.S. (3d) 475, au paragraphe 2; Bonilla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 889, [2010] A.C.F. no 1106.

 

[17]           Cependant, il est évident que la référence au document de juin 2010 n’était qu’une erreur typographique de la part de la Commission. La référence en question décrit le document comme faisant partie du Cartable national de documentation du 17 mars 2010. C’est évidemment une erreur puisqu’un document de juin 2010 n’aurait pas pu exister en mars de la même année.

 

[18]           De plus, une lecture attentive de la décision de la Commission et des RDI de 2005 et de 2010 montre que les déclarations de la Commission concernant le traitement des protestants par le gouvernement chinois, particulièrement dans la province du Fujian, étaient tirées, presque mot à mot, des RDI de 2005, même si elles ont été attribuées au document de 2010.

 

[19]           Le document dont la Commission était saisie était celui de 2005, ce qui est confirmé également par le fait que c’est le document de 2005 et non celui de 2010 qui est inclus dans le dossier certifié du tribunal.

 

[20]           Bien que la Commission ait erré dans la façon dont elle a cité le document, je suis convaincue que le document sur lequel elle s’est fondée était en réalité la RDI de 2005, ce qui par conséquent implique qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

 

L’évaluation du risque par la Commission

[21]           Quoique la Commission ait estimé que M. Yang n’était pas crédible quant à sa prétention de persécution en Chine, elle a accepté qu’il soit maintenant un chrétien pratiquant. La Commission a conclu cependant qu’il ne ferait pas face à un risque sérieux de persécution s’il devait retourner en Chine.

 

[22]           M. Yang allègue que la Commission a erré dans son évaluation du risque, car elle n’a considéré que le risque auquel il ferait face s’il devait pratiquer sa religion en tant que simple membre d’une maison‑église non enregistrée, sans tenir compte du fait qu’il serait à risque s’il décidait de convertir des personnes ou de devenir chef dans son église. 

 

[23]           La Commission devait considérer le risque couru par une personne avec le même profil que celui du demandeur. Il n’y avait pas d’élément de preuve présenté à la Commission démontrant que la vision de M. Yang de sa religion l’obligeait à faire des conversions ou qu’il aspirait à un poste de chef dans son église. Conséquemment, le risque auquel il s’exposerait s’il devait retourner en Chine devait être évalué en fonction qu’il serait un simple membre d’une maison‑église.

 

[24]           La Commission a jugé que M. Yang ne ferait pas face à un risque sérieux de persécution s’il devait exercer sa foi dans une petite maison‑église non enregistrée. Avant d’arriver à cette conclusion, la Commission a examiné l’information sur la situation du pays dont elle était saisie, notant qu’il y avait peu d’éléments de preuve qui indiquaient que les protestants étaient persécutés dans la province du Fujian.

 

[25]           La Commission a reconnu l’existence de documents dans le dossier qui font référence à la fermeture de maisons‑églises dans la province du Fujian et a expliqué pourquoi elle a choisi de leur accorder peu d’importance. Ce fait distingue l’espèce de la situation à laquelle faisait face la Cour dans l’affaire Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 65, [2011] A.C.F. no 74, dans laquelle cette preuve ne semblait pas avoir été prise en considération par la Commission.

 

[26]           En conséquence, je suis convaincue que la conclusion de la Commission voulant que M. Yang ne fasse pas face à un risque sérieux de persécution s’il devait retourner en Chine est raisonnable.

 

Conclusion

[27]           Pour les motifs précédents, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Certification

[28]           Aucune des parties n’a présenté de question aux fins de certification et l’espèce n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  2. Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6475-10

 

 

INTITULÉ :                                       YONG HANG YANG c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 juin 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelley Levine

POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SHELLEY LEVINE

Avocat

Levine Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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