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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110624

Dossier : T-1946-07

Référence : 2011 CF 766

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

R. JON WILLIAMS

 

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite la délivrance d’une ordonnance annulant la décision du ministre du Revenu national selon laquelle il ne pouvait se prévaloir du Programme des divulgations volontaires (le PDV) pour obtenir un allègement de certaines obligations découlant de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi). La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs que je vais maintenant exposer.


Contexte

[2]               La déclaration du revenu et le paiement de l’impôt de manière volontaire constituent le fondement du système fiscal canadien. Les contribuables qui ne déclarent pas leur revenu ou n’acquittent pas leur dette fiscale sont tenus de payer l’impôt exigible ainsi que les intérêts et pénalités qui s’y rattachent. Le paragraphe 220(3.1) de la Loi confère toutefois au ministre du Revenu national (le ministre) un large pouvoir discrétionnaire de renonciation aux pénalités dont serait par ailleurs passible un contribuable, ou d’annulation de ces pénalités. Diverses considérations de politique générale guident le ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, y compris celles énoncées dans la circulaire d’information IC-001R. Ce document accessible au public énonce des lignes directrices encadrant l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans l’application du Programme des divulgations volontaires.

 

[3]               L’objet du PDV, d’après l’IC-001R, est de promouvoir l’observation volontaire de la Loi sur les douanes, du Tarif des douanes, de la Loi sur la taxe d’accise et de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le PDV encourage les contribuables à corriger les renseignements inexacts ou incomplets fournis et à divulguer les renseignements non déclarés. Les contribuables qui font une divulgation dans le cadre du programme doivent payer les impôts et les droits exigibles, plus les intérêts, mais il peut y avoir renonciation aux pénalités auxquelles ils seraient autrement assujettis sous le régime de ces lois.

 

[4]               Une divulgation doit remplir les quatre conditions suivantes énoncées dans l’IC-001R pour être considérée comme une divulgation valide aux fins du PDV :

                    i)      la divulgation est volontaire;

                   ii)      la divulgation est complète;

                 iii)      la divulgation met en cause l’imposition d’une pénalité; et

                 iv)      la divulgation comprend des renseignements dont la production est en retard d’au moins un an ou, s’ils sont en retard de moins d’un an, qui ne sont pas alors divulgués seulement pour éviter des pénalités pour production tardive ou relatives aux acomptes provisionnels.

 

[5]               L’initiative de procéder à la divulgation volontaire revient au contribuable. Une divulgation ne sera pas considérée volontaire s’il est conclu que le contribuable l’a faite alors qu’il était au courant d’une vérification, d’une enquête ou d’autres mesures d’exécution entreprises par l’Agence du revenu du Canada. L’objet de cette condition saute aux yeux. L’objectif visé avec le PDV est de favoriser l’observation et la déclaration volontaire, le principe fondamental sur lequel s’appuie la Loi de l’impôt sur le revenu. Le PDV ne se veut pas une soupape de sûreté pour les contribuables qui, seulement une fois sous la mire de l’ARC, deviennent soudain sensibles aux vertus de l’observation de la loi.

 

[6]               Pour que la divulgation soit considérée complète, le contribuable doit présenter des renseignements complets et exacts pour toute période où il y a eu des renseignements inexacts, incomplets ou non déclarés. Les renseignements fournis doivent être essentiellement complets, et les divulgations renfermant des erreurs ou des omissions importantes ne seront pas considérées valides aux fins du PDV.

 

[7]               Le demandeur n’a pas produit de déclarations T1 pour les années d’imposition 1997, 1998  et 2000 à 2003, ni de déclarations de TPS pour les années 1997 à 2002. Le demandeur a par conséquent reçu des demandes formelles de produire ses déclarations T1 en souffrance. Il a aussi été en communication périodique avec des agents de la Section des non-déclarants de l’Agence du revenu du Canada, qui ont demandé la production de ces déclarations.

 

[8]               Après plusieurs années d’échanges avec les agents de la Section des non-déclarants, le demandeur, par lettre datée du 21 avril 2006, a demandé l’allègement accordé dans le cadre du PDV, quant à son défaut de production pour les années d’imposition 1997 à 2003 et à son défaut de respecter des obligations connexes liées à la TPS.

 

Décision à l’examen

[9]               Une agente du PDV a rejeté la demande d’allègement dans le cadre du PDV (la demande d’allègement) du contribuable, après avoir procédé à un examen de premier niveau. Le demandeur a sollicité un deuxième examen de la décision de rejeter sa demande, mais la décision de premier niveau a été confirmée.

 

[10]           Dans les décisions de premier et de deuxième niveaux, on a rejeté la demande d’allègement du demandeur au motif qu’il n’avait satisfait ni au critère de la divulgation volontaire ni à celui de la divulgation complète. Le demandeur n’avait pas satisfait au premier critère parce que la Section des non-déclarants avait communiqué à de nombreuses reprises avec lui au sujet de ses déclarations T1 en souffrance. Des avis avaient également été transmis au demandeur en vue de la production de déclarations pour les années d’imposition 1997, 1998 et 2000 à 2003. Quant au second critère, le demandeur n’y avait pas satisfait parce que, n’ayant pas produit ces déclarations dans le délai fixé, sa divulgation n’était pas complète.

 

[11]           Le demandeur conteste la décision de deuxième niveau confirmant le rejet de sa demande d’allègement.

 

Questions en litige

[12]           Le demandeur soutient que la décision de lui refuser les avantages liés au PDV était déraisonnable, qu’il y a eu déni d’équité procédurale à son endroit et que la décision à l’examen a enfreint les droits que lui garantissait l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982.

 

Norme de contrôle judiciaire

[13]           Les décisions rendues en application des dispositions d’allègement pour les contribuables prévues par la Loi appellent la norme de la décision raisonnable (Canada (Agence du revenu) c. Telfer, 2009 CAF 23, paragraphe 2). Dans l’arrêt Telfer, la Cour d’appel fédérale a statué que la large portée du pouvoir discrétionnaire extraordinaire conféré par la loi au ministre militait contre un examen judiciaire minutieux de la décision (paragraphe 40). Lorsque par contre le processus décisionnel met en cause des questions d’équité procédurale, c’est la norme de la décision correcte qui est alors applicable (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, paragraphe 53).

 

Question préliminaire

[14]           À titre préliminaire, le demandeur conteste l’exactitude et l’admissibilité d’un paragraphe d’un affidavit déposé par le défendeur parce qu’il s’agirait d’une preuve par ouï-dire inadmissible. Au paragraphe 14 de son affidavit, M. Merali a déclaré qu’il avait passé en revue les notes de journal internes consignées sur ordinateur par des employés de l’ARC après des communications avec les contribuables. Les notes relatives au demandeur sont jointes à titre de pièce à l’affidavit.

 

[15]           Les notes informatisées n’ont pas été rédigées par M. Merali, qui ne peut attester de la véracité de leur contenu. Je conclus conformément au paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales (DORS/98-106) que le paragraphe 14 de l’affidavit de M. Merali et les notes informatisées qui y sont jointes sont admissibles en tant qu’éléments du dossier dont le décideur était saisi, sans toutefois considérer que ces notes font foi de la véracité de leur contenu.

 

Qu’est-ce qui constitue une mesure d’exécution?

[16]           Le demandeur soutient que les demandes formelles de production générées par ordinateur qu’il a reçues pour ses déclarations et les communications qu’il a eues avec le personnel de la Section des non-déclarants ne constituaient pas des mesures d’exécution, et que le représentant du ministre a commis une erreur de droit en considérant qu’elles en étaient. Je conclus qu’il était raisonnable pour le décideur, compte tenu des faits dont il était saisi, de décider que la délivrance des avis de production et les communications avec des agents de la Section des non-déclarants de l’ARC constituaient des mesures d’exécution aux fins du PDV.

 

[17]           M. Merali a relevé dans son rapport d’examen de deuxième niveau que des avis de production TX11 ou TX14D générés par ordinateur avaient été délivrés relativement à chaque déclaration en souffrance que le demandeur voulait désormais produire au moyen du PDV. De même, des agents de la Section des non-déclarants de l’ARC ont eu des échanges avec le demandeur pendant les deux années ayant précédé la divulgation alléguée pour tenter de le convaincre de produire ses déclarations en souffrance. Les déclarations exigées du demandeur par l’ARC étaient celles-là mêmes qu’il cherchait à produire au moyen du PDV.

 

[18]           Je n’admets pas l’argument invoqué selon lequel c’est uniquement par voie de poursuites au criminel que peuvent être engagées des mesures d’exécution. C’est par l’autodéclaration volontaire que l’on se conforme à la Loi, et la Loi prévoit divers mécanismes permettant au ministre, sans qu’il ait à recourir à des poursuites, d’inciter à la conformité. Considérer que seules des poursuites sont des mesures d’exécution reviendrait à avoir une vision étroite de la portée et de la nature des recours à la disposition du ministre.

 

[19]           Les lignes directrices du Programme des divulgations volontaires sont des lignes directrices internes qui décrivent la façon dont il convient d’examiner, aux premier et deuxième niveaux, les demandes d’allègement dans le cadre du PDV. Or, il est expressément déclaré dans les lignes directrices que les mesures d’exécution comprennent la délivrance d’avis de production générés par ordinateur (p. ex. TX11, TX14, RC80) et les activités de recouvrement en cours.

 

[20]           Lorsqu’il lui a été demandé dans le Formulaire d’acceptation du client du PDV si une mesure quelconque d’exécution avait été prise, le demandeur a répondu ce qui suit : [traduction] « Seulement des appels de la Section des non-déclarants. Aucune mesure d’exécution à ma connaissance. » La question de savoir si les actions de l’ARC constituent ou non des mesures d’exécution ne peut dépendre de l’opinion subjective de l’ARC ou du demandeur. Une évaluation objective est requise, qui s’appuie sur les faits et, bien sûr, sur les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ainsi, il n’est d’aucun secours pour le demandeur de soutenir que, selon ce qu’il en avait lui-même perçu, les avis de production ne constituaient pas des mesures d’exécution. En outre, l’agent était saisi d’éléments montrant clairement que c’était directement en réaction aux tentatives de recouvrement de l’ARC que le demandeur avait cherché refuge dans le PDV. Une personne raisonnable conclurait, compte tenu de degré de non-conformité en cause, de la délivrance répétée d’avis de production et des échanges entre le demandeur et la Section des non-déclarants de l’ARC, que des mesures d’exécution étaient engagées. Étant donné les efforts soutenus consentis par l’ARC pour obtenir du demandeur qu’il se conforme, il était raisonnable de conclure que ce dernier ne procédait pas à une divulgation volontaire.

 

Divulgation incomplète

[21]           Le demandeur soutient finalement qu’il ne devrait pas avoir à faire de divulgation avant qu’il ne soit statué sur sa demande d’allègement dans le cadre du PDV, et qu’il était déraisonnable de conclure que sa divulgation était incomplète. Cet argument découle d’une mauvaise compréhension du mode de fonctionnement du PDV.

 

[22]           Les contribuables qui veulent s’assurer de leur admissibilité au PDV avant de faire une divulgation peuvent communiquer de manière anonyme avec l’ARC pour obtenir un avis sur l’acceptation éventuelle de leur divulgation dans le cadre du PDV. Une fois rendue la décision hypothétique sur l’admissibilité au PDV, le contribuable peut procéder à une divulgation en bonne et due forme sous son identité véritable. L’ARC donnera suite à toute décision rendue selon la procédure anonyme. Cela est expliqué dans la circulaire IC00-1R.

 

[23]           Les exigences du PDV et les risques qui y sont associés sont clairement énoncés dans la circulaire IC-001R et dans le Formulaire d’acceptation du client. Les contribuables doivent faire une divulgation complète, et si la divulgation est jugée ne pas être volontaire, ou complète, le contribuable pourra être assujetti aux pénalités découlant de la divulgation. Le demandeur a reçu à cet égard une lettre où un représentant du PDV déclarait : [traduction] « Vous disposez de 90 jours à compter de la date de la divulgation pour remettre tous les documents nécessaires en vue d’étayer la divulgation. » Le demandeur a déclaré qu’il ferait parvenir ses déclarations en souffrance le 4 octobre 2006. Il ne l’a pas fait.

 

[24]           L’objet du programme est d’encourager les divulgations des contribuables. On a transmis au demandeur le Formulaire d’acceptation du client (PDV-1) qui faisait état de la nécessité de procéder à une divulgation complète, et des conséquences du défaut de ce faire. En l’espèce, le demandeur n’a jamais fait parvenir ses déclarations en souffrance. Il était ainsi raisonnable pour l’ARC dans les circonstances de rejeter la demande d’allègement du demandeur au motif qu’elle était incomplète.

 

[25]           La présente affaire diffère de l’affaire Wong c. Canada (Revenu national), 2007 CF 628, où le juge Michael Phelan a conclu que le demandeur avait fait sa divulgation en croyant que la seule question en suspens quant à sa demande d’allègement était celle du caractère complet. Il y a eu manquement à l’équité procédurale du fait que les fonctionnaires de l’ARC ont accepté la divulgation de M. Wong tout en sachant très bien, sans l’en informer, qu’elle serait considérée être involontaire. Pour faire ressortir encore davantage ce qui distingue la présente affaire de l’affaire Wong, notons que le juge Phelan y a fait remarquer, au paragraphe 28, que le fait de présenter le formulaire PDV-1 aurait peut-être éliminé tous les problèmes rencontrés en l’instance. Or, dans le cas qui nous occupe, le formulaire PDV-1 a été présenté au demandeur, et signé.

 

Équité procédurale

[26]           Le contenu de l’obligation d’équité procédurale varie en fonction de la nature et des conséquences de la décision à l’examen (Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, paragraphes 21 et 22). En l’espèce, l’obligation d’équité à respecter pour rendre une décision dans le cadre du PDV est peu rigoureuse (Wong c. Canada (MRN), 2007 CF 628, paragraphe 29). Le demandeur était tenu de se conformer aux exigences de la Loi et, ne l’ayant pas fait, il est devenu passible de pénalités. Le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre de renoncer aux pénalités imposées ou de les annuler est large, et il permet de manière exceptionnelle aux contribuables d’obtenir un allègement des pénalités auxquelles ils seraient autrement assujettis en vertu de la loi.

 

[27]           Au soutien de son argument relatif à l’équité procédurale, le demandeur fait valoir qu’il y a eu à la fois manque réel et apparent d’indépendance dans le déroulement de l’examen de deuxième niveau. Il relève ainsi que toutes les personnes ayant participé à l’examen de son dossier travaillaient en étroite collaboration au sein de la même équipe de l’ARC :

       i.              C’est M. Merali, un collègue de travail de Mme Neal qui a procédé à l’examen de premier niveau, qui a effectué l’examen de deuxième niveau.

     ii.              La fonctionnaire qui a approuvé le premier examen était Mme Giraldi. Or, c’est elle qui a assuré la formation de M. Merali quant à des éléments clés du PDV. Mme Giraldi était la superviseure de M. Merali avant que ne soit effectué l’examen de deuxième niveau. M. Merali s’est ainsi trouvé à passer en revue, essentiellement, la décision de sa superviseure.

   iii.              Le fonctionnaire qui a approuvé l’examen de deuxième niveau, M. Meggetto, faisait aussi partie du même bureau des services fiscaux, et il devait être au courant qu’étaient des collègues de travail M. Merali et les autres fonctionnaires qui avaient pris part à l’examen de premier niveau.

 

 

[28]           M Merali a confirmé avoir simplement passé le dossier en revue, et n’avoir pris aucune note ni avoir fait passer la moindre entrevue en vue d’établir son rapport d’examen de deuxième niveau. De plus, M. Meggetto n’a fait passer aucune entrevue ni procédé à la moindre analyse indépendante avant d’approuver l’examen de deuxième niveau.

 

[29]           À mon avis, les liens de travail existant entre les fonctionnaires qui ont effectué les examens de premier et de deuxième niveaux n’équivalaient pas à un déni d’équité procédurale. Il n’y a aucune preuve montrant que ceux qui ont participé à l’examen de deuxième niveau, M. Merali et M. Megetto, ont consulté Mme Neal ou Mme Garibaldi, les personnes qui ont procédé à l’examen de premier niveau. Il n’y a non plus aucune preuve que M. Merali ou M. Megetto se sont sentis poussés à confirmer les conclusions du premier examen. Pendant son contre-interrogatoire, d’ailleurs, M. Merali a invariablement déclaré qu’il comprenait bien la nécessité de procéder à son examen de manière indépendante de l’examen de premier niveau.

 

[30]           Fait important, le demandeur n’a nullement allégué que l’indépendance de M. Megetto était compromise par son lien de proximité avec Mme Giraldi ou Mme Neal. M. Megetto était le véritable décideur. Il est de pratique administrative courante qu’un fonctionnaire subalterne établisse un rapport, lorsqu’est rendue une décision discrétionnaire, et qu’un fonctionnaire de niveau supérieur passe en revue et approuve ce rapport. Compte tenu des faits d’espèce, il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale du fait pour M. Megetto d’approuver le rapport de M. Merali.

 

[31]           Avant de conclure sur cet argument, j’ajouterais que le degré requis d’équité procédurale et la vigueur avec laquelle il faut appliquer le principe d’équité varient selon la nature des intérêts ou droits en jeu et la nature du pouvoir discrétionnaire exercé. Le PDV est un programme de nature hautement discrétionnaire qui vise à encourager la conformité à d’importantes exigences impératives de la loi. Pour parler net, le but visé est d’inciter les contribuables à faire ce qu’ils étaient légalement tenus de faire en tout premier lieu. À ce titre, les critères régissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire sont stricts et étroits et les droits en jeu sont minimes.

 

Arguments fondés sur la Charte

[32]           Le demandeur fait valoir l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, pour soutenir qu’en l’empêchant de se prévaloir du PDV, on lui a occasionné un grave préjudice psychologique et on a porté atteinte au droit à la sécurité de sa personne que lui garantit l’article 7 de la Charte.

 

[33]           Le demandeur a avancé ses arguments fondés sur la Charte à une étape tardive de l’instance, après que les parties eurent déposé leurs affidavits et terminé leurs contre-interrogatoires. Le demandeur n’a pas fait allusion à la Charte dans son avis de demande, et n’a pas présenté non plus d’avis de demande modifié. Le demandeur, en outre, n’a produit aucune preuve par affidavit à l’appui de ses arguments liés à la Charte.

 

[34]           La Cour suprême du Canada a souligné combien il importait que les décisions sur les affaires relatives à la Charte puissent s’appuyer sur un fondement factuel valable. La Cour suprême a ainsi statué comme suit dans l’arrêt MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, au paragraphe 20 :

Si les conséquences préjudiciables ne sont pas établies, il ne peut y avoir de violation de la Charte ni même de cause. Le fondement factuel n’est donc pas une simple formalité qui peut être ignorée et, bien au contraire, son absence est fatale à la thèse présentée par les appelants.

 

 

[35]           Ces commentaires sont judicieux. Le demandeur n’a produit aucune preuve par affidavit étayant sa prétention de préjudice psychologique et il n’a pas démontré les conséquences préjudiciables de la décision défavorable du ministre. Cela est fatal à sa thèse. Sans fondement factuel valable, la Cour ne se saisira pas d’une question fondée sur la Charte. Si je devais me saisir de la question liée à la Charte soulevée par le demandeur, je conclurais, quoi qu’il en soit, que la décision à l’examen ne met pas en cause des droits garantis par l’article 7. Comme il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale ni aux règles de justice naturelle, il est difficile de voir quelles protections procédurales découlant de l’article 7 pourraient ici être en jeu.

 

[36]           Quant à ce que garantit l’article 7 de la Charte sur le fond, on énonce dans l’arrêt Blencoe, précité, le critère permettant d’établir si un préjudice psychologique équivaut à une atteinte à des droits garantis par cet article. Le préjudice psychologique doit être infligé par l’État et doit avoir « des répercussions graves et profondes sur l’intégrité psychologique de l’[intéressé] » (Blencoe, paragraphe 81). Dans l’arrêt Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), [1999] 3 R.C.S. 46, la Cour suprême a statué, au paragraphe 59, que l’article 7 ne protégeait pas les individus contre « les tensions et les angoisses ordinaires qu’une personne ayant une sensibilité raisonnable éprouverait par suite d’un acte gouvernemental ». Il n’y a en l’espèce aucune preuve montrant que le demandeur subirait quoi que ce soit d’autre que les tensions ordinaires de tout Canadien qui ne se conforme pas aux exigences de la Loi. Bref, même si les arguments liés à la Charte reposaient sur un fondement probatoire suffisant, ils devraient être écartés sur le fond.

 

Conclusion

[37]           Le défendeur a statué que le demandeur n’était pas admissible au PDV parce qu’il faisait l’objet de mesures d’exécution en raison de déclarations en souffrance avant qu’il ne présente sa demande d’allègement, et parce qu’il n’avait pas procédé en fin de compte à la divulgation de ces déclarations. À mon avis, les conclusions du défendeur appartiennent aux issues acceptables au regard des faits et de la nature du pouvoir discrétionnaire conféré. Pour ce qui est de l’autre question, le demandeur, lors de l’examen de deuxième niveau de la décision défavorable quant à l’admissibilité au PDV, a bénéficié de l’équité procédurale. Pour ces motifs, je conclus que rien ne justifie l’intervention de la Cour face à la décision du ministre de refuser au demandeur les avantages liés au PDV.

 

[38]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans frais.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1946-07

 

INTITULÉ :                                       R. JON WILLIAMS c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 24 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

R. Jon Williams

POUR LE DEMANDEUR

 

Laurent Bartleman

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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