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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110614

Dossier : T-129-89

Référence : 2011 CF 683

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2011

En présence de madame la juge Heneghan

 

ENTRE :

 

LA FÉDÉRATION DES INDIENS DE TERRE‑NEUVE, CALVIN WHITE, CLIFTON GAUDON, AUDREY STANFORD, CALVIN FRANCIS, WILSON SAMMS, EDWARD WEBB, ANDREW TOBIN, BENEDICT WHITE et TERRY MILLS

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

 

défenderesse

 

 

 MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

  • [1] Dans un avis de requête en date du 1er février 2010, le demandeur, M. Calvin White, demande à obtenir le redressement suivant :

1.Une ordonnance annulant l’ordonnance sur consentement provisoire qui rejette la présente action;

 

2. Une ordonnance annulant la renonciation signée par Calvin White;

 

3. Une ordonnance ou une injonction empêchant la demanderesse, par l’intermédiaire de la ministre des Affaires autochtones et du Nord, de présenter la première liste des membres fondateurs au gouverneur en conseil afin d’obtenir une ordonnance de reconnaissance de la bande de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq jusqu’à ce que la Cour ait rendu une autre ordonnance;

 

4. Des dépens;

 

5. Toute autre ordonnance que la Cour juge imposable et juste.

 

Faits

  • [2] La présente action a été amorcée le 12 janvier 1989, par la production d’une déclaration aux noms de la Fédération des Indiens de Terre‑Neuve (« FITN »), Calvin White, Clifton Gaudon, Lawrence Jeddore, Calvin Francis, Wilson Samms, Marie Sparkes et Effie Scanlon (les « demandeurs »). Sa Majesté la Reine du chef du Canada (la « défenderesse ») et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le « ministre ») avaient été nommés défendeurs.Dans une ordonnance en date du 1er avril 2003, le ministre a été radié en tant que défendeur et a cessé d’être partie à la présente action.

 

  • [3] Dans cette déclaration, les demandeurs demandaient à obtenir le redressement suivant :

[traduction]

 

1) Déclarer que les membres de la FITN sont des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

2) Déclarer que le défaut du Canada d’accorder aux demandeurs les avantages et les droits que d’autres Indiens et bandes indiennes reconnus, y compris les membres de la bande de Conne River (Miawpukek) avaient obtenus, est discriminatoire et contraire au paragraphe 15(1) de la Charte;

 

3) Déclarer que les membres de la FITN ont le droit de recevoir du Canada des avantages comparables à ceux qu’il a offerts aux membres de la bande de Conne River (Miawpukek) en vertu de l’Accord de Conne River entre le Canada, Terre-Neuve et les Autochtones du 4 juillet 1981 et tout accord qui lui succède;

 

4) Ordonner au gouverneur en conseil de reconnaître les bandes membres de la Fédération en tant que bande au sens de la Loi sur les Indiens;

 

5) Accorder des dommages‑intérêts à la Fédération pour le manquement du Canada à ses obligations fiduciaires à l’égard des bandes membres de la fédération, ce manquement était le défaut du Canada de leur accorder les avantages de la Loi sur les Indiens et de l’Accord Canada‑Terre‑Neuve.

 

 

  • [4] Cette action visant à obtenir la reconnaissance des Micmacs, maintenant appelés « Mi’kmaq » de Terre‑Neuve‑et‑Labrador en tant qu’« Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑ 5 (la « Loi »). Le demandeur, la FITN, est une personne morale organisée et constituée en vertu des lois de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador en tant que représentant des intérêts des Indiens Mi’kmaq de la province qui ne sont pas inscrits au registre des Indiens en vertu de la Loi.

 

  • [5] M. White était l’un des demandeurs originaux dans cette action. Chacun des demandeurs était décrit comme un Indien Mi’kmaq de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador.M. White était membre de la FITN et il l’est toujours.Selon la déclaration modifiée supplémentaire présentée le 19 octobre 1990, M. White est aussi membre de la bande locale de Flat Bay.

 

  • [6] Les autres demandeurs individuels (les « autres demandeurs ») sont également des Indiens Mi’kmaq de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador et des chefs de diverses bandes de la province. La Fédération et les autres demandeurs s’opposent à la requête présentée par M. White.

 

  • [7] De temps à autre, des ordonnances étaient rendues en vue de modifier les noms des demandeurs, jusqu’à l’ordonnance rendue le 16 octobre 2008, qui prévoyait ce qui suit au paragraphe 6a) :

[traduction]

 

6. La déclaration modifiée sera de nouveau modifiée ainsi :

 

a) Les demandeurs, actuellement désignés comme suit dans l’intitulé:

 

La Fédération des Indiens de Terre‑Neuve, Calvin White, Clifton Gaudon, Lawrence Jeddore, Calvin Francis, Wilson Samms et Marie Sparks

 

Seront désignés ainsi :

 

La Fédération des Indiens de Terre‑Neuve, Calvin White, Clifton Gaudon, Audrey Stanford, Calvin Francis, Wilson Samms, Edward Webb, Andrew Tobin, Benedict White et Terry Mills.

 

 

  • [8] L’affaire n’a pas été instruite, mais des discussions ont eu lieu entre les parties au fil des ans.Au 30 novembre 2007, la FITN et la défenderesse (les « parties ») ont conclu un accord de principe pour la reconnaissance de la bande Qalipu Mi’kmaq (la « bande ») à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Le 23 juin 2008, après une ratification par les parties, la défenderesse et la FITN ont signé l’accord (l’« accord »).

 

  • [9] L’accord offre effectivement le redressement demandé par M. White, la FITN et les autres demandeurs, soit la reconnaissance d’une « bande sans assise territoriale pour le groupe des Indiens mi’kmaq de Terre‑Neuve », comme il est indiqué dans le préambule de l’Accord.

 

  • [10] La clause 8.2 de l’Accord indique qu’il demeurera inopérant jusqu’à ce que les demandeurs dans cette action exécutent une mainlevée complète et définitive (la « mainlevée ») jointe en tant qu’annexe G à l’Accord. Les demandeurs, y compris M. White, ont passé leur acte de renonciation sur la même copie et chacun d’eux l’a aussi passé individuellement. Selon l’affidavit de M. Roy Gray en date du 6 octobre 2008 et présenté en appui à l’avis de requête sous‑jacent à l’ordonnance sur consentement du 16 octobre 2008, la défenderesse avait reçu les renonciations en question au 6 octobre 2008.

 

  • [11] L’exécution de l’Accord a donné lieu à une autre ordonnance rendue ainsi par la Cour le 16 octobre 2008 :

[traduction]

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1. La demande est rejetée sans dépends.

 

2. Le paragraphe 1 de la présente ordonnance entrera en vigueur à la date de l’adoption de l’ordonnance de reconnaissance par le gouverneur en conseil, tel qu’il est prévu au chapitre 3 de l’Accord. Une preuve de l’entrée en vigueur sera présentée au greffe de la Cour dans les dix (10) jours ouvrables suivant la date de l’adoption.

 

3. Si ladite ordonnance de reconnaissance n’est pas rendue dans les trente (30) mois suivant la date de la présente ordonnance, la Cour demeurera saisie de la requête dans le seul but, sur présentation d’une requête par les parties, de modifier l’ordonnance afin de proroger la période susmentionnée ou d’annuler l’ordonnance, le cas échéant.

 

 

  • [12] M. White a présenté deux affidavits à l’appui de sa requête. Dans son premier affidavit, daté du 1er février 2010, il s’est dit préoccupé par le processus ayant mené à la création de la banque Qalipu Mi’kmaq, y compris le processus d’établissement de la première liste des membres fondateurs.Les paragraphes 3, 4 et 5 de cet affidavit se lisent ainsi :

[traduction]

 

3. J’ai consenti à l’adoption de l’« Accord pour la reconnaissance de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq » (ci‑après appelé l’Accord) selon la façon dont il m’avait été présenté et j’étais disposé à abandonner la présente action en mon nom et en celui de la bande de Flat Bay après que le gouverneur en conseil a accueilli l’ordonnance de reconnaissance de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq. Selon ma compréhension, tant que mes confrères et consœurs membres de la bande et moi‑même présentions une demande pour être membres avant le 30 novembre 2009, nous nous trouverions sur la première liste des membres fondateurs et nous serions membres de la bande de la Première Nation Qalipu Mi'kmaq à sa création. L’Accord est joint aux présentes en tant que pièce A.

 

4. Dans le cadre des négociations ayant donné lieu à l’Accord, auxquelles j’ai participé activement, on a indiqué à mes confrères et consœurs membres de la bande et à moi‑même qu’en tant que demandeurs dans l’action devant la Cour fédérale, nous serions sur la première liste des membres fondateurs. Il semblerait toutefois que cela n’est pas le cas.

 

5. On nous a également dit, à moi et à de nombreux autres demandeurs, que nous devions présenter notre demande au Centre d’inscription au plus tard à la date d’échéance fixée au 30 novembre 2009. Ce n’est que le 27 novembre 2009 qu’on nous a informés qu’en fonction de la date d’échéance du 30 novembre 2009, seules les demandes traitées à cette date feraient partie de la première liste des membres fondateurs. Joint aux présentes en tant que pièce B est un article de presse daté du 27 novembre 2009 où il a été déterminé pour la première fois que nous ne nous trouverions pas sur la première liste des membres fondateurs.

[Souligné dans l’original]

 

 

  • [13] Avec l’autorisation de la Cour, M. White a présenté un autre affidavit fait sous serment le 8 septembre 2010. Il a demandé l’autorisation de présenter l’affidavit supplémentaire afin de soumettre des éléments de preuve plus récents liés à son avis de requête du 1er février 2010.

 

  • [14] Deux pièces étaient jointes à son deuxième affidavit : la première était un extrait du site Web tenu à jour par Affaires indiennes et du Nord Canada, intitulé « Foire aux questions – Accord entre le Canada et la Fédération des Indiens de Terre‑Neuve ». La deuxième pièce était la copie d’une lettre datée du 20 août 2010 du bureau du Comité d’inscription mis sur pied conformément à l’Accord sur la formation de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq.Cette lettre signée par M. Thomas G. Rideout, président du Comité d’inscription, contenait les déclarations suivantes :

[traduction]

 

Le Comité conclut que vous répondez aux critères afin d’être inscrit en tant que membre fondateur de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq conformément aux modalités de l’Accord régissant sa création et votre demande en vue d’être inscrit en tant que membre fondateur de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq est approuvée aux présentes. [Souligné dans l’original]

 

[...]

 

Une fois la liste mise à jour afin d’inclure votre nom, on communiquera avec vous afin de confirmer votre appartenance à la nouvelle bande, votre inscription au registre des Indiens et votre admissibilité à des programmes et avantages liés à votre statut de membre.

 

 

  • [15] La défenderesse a présenté deux affidavits de M. Ray Hatfield en réponse à ceux présentés par M. White. M. Hatfield est directeur général de la Direction générale des affaires individuelles à Affaires indiennes et du Nord Canada, un poste qu’il occupe depuis juin 2000.

 

  • [16] Les autres demandeurs ont présenté l’affidavit de M. Brendan Sheppard en objection à la présente requête. M. Sheppard est président de la FITN, un poste qu’il occupe depuis 1994.

 

  • [17] Dans leurs affidavits, M. Hatfield et M. Sheppard présentent des renseignements sur la négociation et la mise en œuvre de l’Accord.

 

  • [18] À la suite de la reconnaissance, en 1982, du peuple Mi’kmaq de Conne River comme étant admissible à une inscription en vertu de la Loi, la FITN a continué de déployer des efforts en vue d’obtenir la reconnaissance en vertu de la Loi d’autres peuples Mi’kmaq de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Après le début de la présente action, en 1989, la FITN a tenté de négocier un accord avec le gouvernement du Canada.

 

  • [19] Un accord de principe a été présenté au conseil d’administration de la FITN en septembre 2006. Les négociations continues entre les parties ont commencé en novembre 2006, et ont donné lieu à la conclusion de l’Accord, le 30 novembre 2007.

 

  • [20] L’Accord comprenait un processus de ratification parmi les membres de la FITN; un scrutin de ratification a eu lieu le 30 mars 2008 et 90 pour cent des membres ont voté en faveur de l’Accord. Les parties ont exécuté l’Accord le 23 juin 2008.

 

  • [21] Selon M. Hatfield et M. Sheppard, l’Accord prévoyait un processus d’inscription en deux étapes : la première durait 12 mois, tandis que la deuxième se déroulait pendant trois ans par la suite. Ceux dont les demandes d’appartenance avaient été approuvées au cours de la première étape verraient leur nom être indiqué dans la première liste des membres fondateurs (la « première liste des membres fondateurs »).Ceux qui avaient présenté une demande après la première étape ou ceux dont la demande n’avait pas fait l’objet d’une décision avant la fin de la première étape verraient leur demande être traitée pendant la deuxième étape.

 

  • [22] Le Comité d’inscription a commencé à accepter les demandes pour devenir membre le 1er décembre 2008. Contre toute attente, un nombre élevé de demandes, soit 25 912, ont été reçues jusqu’au 30 novembre 2009. À cette date, 11 012 demandes avaient été approuvées.

 

  • [23] La première liste des membres fondateurs a été présentée aux parties le 2 février 2010. Le nombre de noms indiqués sur la première liste des membres fondateurs dépassait de 50 % le nombre de membres de la FITN au moment où l’Accord a été exécuté. Selon M. Hatfield, Affaires indiennes et du Nord Canada a commencé à travailler sur la délivrance d’un décret du gouverneur en conseil pour la création de la bande, ce qui comprenait la rédaction d’une ordonnance de reconnaissance provisoire.

 

 

  • [24] Étant donné qu’il restait un nombre considérable de demandes pour devenir membre à traiter, les parties se sont entendues sur un processus accéléré pour mettre à jour la liste des membres fondateurs. Même si l’Accord prévoyait la mise à jour de la liste des membres fondateurs 36 mois après la compilation de la première liste des membres fondateurs, selon le processus accéléré, la liste des membres fondateurs serait mise à jour tous les quatre mois après la reconnaissance de la bande conformément au décret.

 

  • [25] L’instauration du processus accéléré était une étape sur laquelle les parties s’étaient entendues sans la soumettre à un scrutin de ratification parmi les membres de la FITN. Selon M. Sheppard, ce processus accéléré visait à garantir que les [traduction] « membres admissibles des Mi’kmaq de Terre‑Neuve » devenaient membres de la nouvelle bande le plus tôt possible.Il a mentionné que la date de la première élection de la bande avait été reportée afin de permettre à ceux ajoutés à la liste dans le cadre du processus accéléré de participer à la première élection, en se présentant ou en votant.L’établissement du processus accéléré a été communiqué aux membres dans un communiqué de presse qui se trouve dans le site Web de la FITN.

 

  • [26] Dans son affidavit, M. Sheppard a aussi répondu à certaines allégations faites par M. Calvin White dans son affidavit du 1er février 2010. En particulier, il a indiqué comprendre que la demande présentée par M. White afin de devenir membre était en suspens et que ce dernier ne s’était pas vu refuser le droit d’être ajouté à la liste des membres fondateurs ou de voter, d’occuper une charge, de présenter une demande d’emploi ou de profiter de tous les autres droits et avantages offerts à tous les membres de la FITN. Il a également indiqué qu’il n’était pas au courant des observations faites à M. White selon lesquelles il avait [traduction] « tout droit particulier d’être ajouté à la liste des fondateurs, hormis les mêmes droits que tout autre demandeur admissible ».

 

  • [27] Enfin, M. Sheppard a mentionné que la FITN entendait exécuter l’Accord :

[traduction]

 

[...] afin de permettre la reconnaissance de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq et ce processus se poursuivra jusqu’à ce que l’affaire soit présentée au gouverneur en conseil aux fins d’ordonnance de reconnaissance pour donner à la bande un statut en vertu de la Loi sur les Indiens.

 

Arguments

  • [28] Dans la présente requête, M. White demande d’annuler l’ordonnance rendue par la Cour le 16 octobre 2008, d’annuler la renonciation qu’il a signée et d’obtenir une injonction afin d’empêcher la défenderesse, par l’intermédiaire du ministre, de présenter la première liste des membres fondateurs au gouverneur en conseil à l’appui de la délivrance d’un décret qui reconnaît la bande Qalipu.

 

  • [29] M. White soutient essentiellement qu’il s’attendait à être inclus dans la première liste des membres fondateurs et que son exclusion de cette liste, attribuable au retard dans le traitement d’un nombre inattendu de demandeurs, donne lieu à un cas de traitement différentiel, à « deux catégories » de membres. Cette situation portera préjudice aux droits des personnes qui ne sont pas inclus dans la première liste des membres fondateurs. M. White fait valoir que le fait de ne pas être inclus dans la première liste des membres fondateurs a des répercussions négatives sur la capacité d’une personne de voter ou de se présenter aux élections de la bande, de poser sa candidature pour certains emplois offerts à des Indiens inscrits, de participer à des programmes de prestations et des programmes sociaux offerts par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et d’accéder aux avantages qu’offre actuellement la FITN.

 

  • [30] M. White soutient aussi qu’il a signé la renonciation en croyant qu’il serait ajouté à la première liste des membres fondateurs et que cette non‑inclusion constitue une défaillance de contrepartie, ce qui justifie l’annulation de la renonciation.

 

  • [31] M. White fait aussi valoir qu’il agit en tant que représentant dans la présente action et qu’il demande un redressement non seulement pour son propre compte, mais aussi pour tous ceux qu’il représente.

 

  • [32] Les autres demandeurs et la défenderesse s’opposent à la requête. Dans leurs observations écrites et orales, ces parties ont soutenu que la requête doit être rejetée parce que M. White ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve et du fardeau juridique de montrer que le redressement qu’il demandait devrait être accordé.Ces parties soutiennent aussi que la requête présentée par M. White peut uniquement être traitée comme une requête personnelle puisqu’aucune ordonnance n’a été rendue afin de lui accorder le statut de représentant.

 

Analyse et décision

 

i) Contexte des procédures

 

 

  • [33] Lorsque cette action a été amorcée, en février 1989, M. White et les autres demandeurs individuels ne poursuivaient qu’en leur propre capacité. La déclaration a été modifiée une première fois le 19 octobre 1990. À ce moment, M. White prétendait poursuivre en sa capacité et aussi en tant que [traduction] « représentant des membres individuels de la bande locale de Flat Bay [...] ».

 

  • [34] En 1990, les recours collectifs devant la Cour étaient régis par les articles 1708 à 1711 des Règles des Cours fédérales, C.R.C. 1978, ch. 663 (les « anciennes Règles »). L’article 1711 des anciennes Règles est pertinent et dispose de ce qui suit :

(1) Lorsque plusieurs personnes ont le même intérêt dans une procédure, la procédure peut être engagée et, sauf un ordre contraire de la Cour, être poursuivie par ou contre l’une ou plusieurs d’entre elles en tant que représentant toutes ces personnes ou en tant que les représentant toutes à l’exception d’une d’entre elles ou plus.

 

(2) À tout stade d’une procédure engagée en vertu de la présente Règle, la Cour peut, à la demande du demandeur, et, le cas échéant, aux conditions qu’elle estime à propos, désigner un ou plusieurs des défendeurs ou des autres personnes que représentent les défendeurs poursuivis, pour représenter dans la procédure toutes ces personnes ou toutes à l’exception d’une d’entre elles ou plus; lorsque, dans l’exercice du pouvoir que lui attribue le présent alinéa, la Cour désigne une personne dont le nom ne figure pas sur la liste des défendeurs, elle doit rendre une ordonnance mettant cette personne en cause à titre de codéfendeur.

 

(3) Lorsqu’une ordonnance est rendue en vertu de la présente Règle, elle doit contenir des instructions quant aux plaidoiries qui en résulteront ou autres démarches à faire et toute partie intéressée peut demander des instructions supplémentaires.

 

(4) Un jugement ou une ordonnance rendus dans une procédure prévue par la présente Règle lieront toutes les personnes que représentant les demandeurs qui poursuivent ou les défendeurs qui sont poursuivis, selon le cas; toutefois, il n’y aura pas, sans permission de la Cour, d’exécution forcée de ce jugement ou de cette ordonnance contre une personne qui n’était pas partie à la procédure, et une telle permission ne sera accordée qu’à la suite d’une demande dont avis aura été signifié, par voie de signification à personne, à la personne que l’on veut contraindre à l’exécution du jugement ou de l’ordonnance.

 

(5) Nonobstant le fait qu’un jugement ou une ordonnance auquel ou à laquelle a trait une telle demande lie la personne contre laquelle la demande est faite, cette personne peut contester le fait qu’on puisse la contraindre à l’exécution du jugement ou de l’ordonnance, pour le motif qu’elle a droit d’être soustraite à cette exécution en raison de faits particuliers et questions particulières à son cas.

 

(6) La Cour qui entend une demande de permission faite en vertu de l’alinéa (4) peut ordonner que la question de savoir si le jugement ou l’ordonnance a force exécutoire contre la personne que vise cette demande, soit instruite et jugée selon l’un des modes d’instruction et de jugement applicables à une question litigieuse dans une action.

 

  • [35] L’article 1711 des anciennes Règles a été remplacée par l’article 114 des Règles des Cours fédérales en 1998. L’article 114 disposait de ce qui suit à ce moment-là :

(1) Recours collectif – Lorsque des personnes ont un intérêt commun dans une instance, celle-ci peut être engagée par ou contre l’une ou plusieurs de ces personnes au nom de toutes celles-ci ou de certaines d’entre elles.

 

(2) Représentant désigné sur requête – Dans une instance visée au paragraphe (1), la Cour peut, à tout moment, sur requête, désigner une personne en tant que représentant de toutes les parties ou de certaines d’entre elles.

 

(3) Constitution en partie – Si la personne désignée aux termes du paragraphe (2) n’est pas une partie, la Cour rend une ordonnance constituant cette personne partie à l’instance.

 

(4) Effet de l’ordonnance – L’ordonnance rendue dans une instance visée au paragraphe (1) lie toutes les personnes représentées, mais ne peut être exécutée contre celles-ci sans la permission de la Cour.

(1) Representative proceedings - Where two or more persons have the same interest in a proceeding, the proceeding may be brought by or against any one or more of them as representing some or all of them.

 

(2) Motion to appoint representative – At any time, the Court may, on motion, appoint a person to represent some or all of the parties in a proceeding referred to in subsection (1).

 

(3) Where representative not a party – Where under subsection (2) the Court appoints a person not named as a party to the proceeding, it shall make an order adding that person as a party.


(4) Order binding on represented persons – An order in a proceeding referred to in subsection (1) is binding on all represented parties, but shall not be enforced against them without leave of the Court.

 

 

 

 

  • [36] L’article 114 a été abrogé en 2002; voir DORS2002‑417, article 12. L’ancien article 114 des Règles, qui s’appliquait uniquement aux actions, a été abrogé en 2002 lorsque les règles liées aux recours collectifs ont été présentées pour la première fois à la Cour fédérale. L’article 114 a toutefois été rétabli, sous une forme modifiée, en 2007, conformément à DORS/2007‑301, article 4.

 

  • [37] Le statut des demandeurs, y compris M. White, en tant que représentant a été soulevé dans le cadre de la gestion de ce dossier, comme il est indiqué dans le répertoire des inscriptions enregistrées et les diverses ordonnances et directives rendues dans le cadre du processus de gestion de l’instance. À cet égard, je renvoie à la requête présentée par les demandeurs en vue de modifier leur déclaration, en février 2002, et à celle présentée par la défenderesse en vue de radier la FITN en tant que demanderesse, en avril 2004. Ces requêtes parmi d’autres ont été entendues les 14 et 25 novembre 2002.

 

  • [38] En février 2003, l’article des Règles sur les recours collectifs avait été abrogé et celui qui le remplaçait avait été établi. Le juge Blanchard, en tant que juge responsable de la gestion de l’instance, a émis une directive formulée ainsi le 18 février 2003 :

[traduction]

 

[...] Veuille informer les avocats dans l’affaire susmentionnée qu’ils devraient être prêts à s’exprimer sur les sujets qui suivent dans le cadre d’une téléconférence prévue le 6 mars 2003 à 9 h 30 HNE. 1. L’application des nouveaux articles des Règles sur les recours collectifs et leur incidence sur les questions soulevées et sous réserve des requêtes entendues les 14 et 25 novembre 2002 [...].

 

  • [39] Le 6 mars 2003, les parties se sont entendues sur le fait que les demandeurs présenteraient une requête en autorisation de l’action comme recours collectif. Les demandeurs ont présenté cette requête le 17 septembre 2003. Elle n’a toutefois jamais été tranchée.Aucune ordonnance n’a été rendue sur le statut de cette procédure en tant que recours collectif et particulièrement, sur le statut de M. Calvin White en tant que représentant demandeur.

 

  • [40] Au moment où la requête a été présentée, en septembre 2003, les parties négociaient entre elles. Le dossier et le répertoire des inscriptions enregistrées indiquent que la progression active du dossier a été mise en suspens, régie par des mises en suspens « consécutives » de 180 jours. Finalement, la Cour a été informée que les parties avaient conclu un Accord; à la demande de ces dernières, une ordonnance sur consentement a été rendue le 16 octobre 2008.

 

  • [41] Le statut du demandeur M. White n’est pas devenu problématique dans cette procédure jusqu’à la présentation de la présente requête en vue d’annuler l’ordonnance sur consentement et d’annuler la renonciation signée par M. White.

 

  • [42] Je suis d’avis que les arguments qu’il avance maintenant ne sont ni fondés ni pertinents.

 

  • [43] Au moment où l’action a été amorcée, l’article 1711 des anciennes Règles prévoyait les recours collectifs par des demandeurs sans ordonnance de la Cour. Le paragraphe 1711(1) des Règles prévoyait que toute action pouvait être introduite « lorsque de nombreuses personnes ont le même intérêt à l’égard d’une procédure » à moins que la Cour n’ordonne autrement.Aucune ordonnance n’a été rendue entre le moment où l’action a été introduite et celui où les Règles actuelles sont entrées en vigueur, le 25 avril 1998. L’article 501 des Règles disposait de ce qui suit en 1999 :

(1) Instances en cours – Sous réserve du paragraphe (2), les présentes règles s’appliquent à toutes les instances, y compris les procédures engagées après leur entrée en vigueur dans le cadre d’instances introduites avant ce moment.

 

(2) Exceptions – Le juge en chef peut, par ordonnance, soustraire à l’application de la règle 380 certaines instances ou catégories d’instances en cours au moment de l’entrée en vigueur des présentes règles, jusqu’à la date ou aux dates prévues dans l’ordonnance.

(1) Ongoing proceedings – Subject to subsection (2), these Rules apply to all proceedings, including further steps taken in proceedings that were commenced before the coming into force of these Rules.

 

 

(2) Order for exceptions – The Chief Justice may, by order, direct that rule 380 shall not apply to certain proceedings or classes of proceedings pending on the coming into force of these Rules until a date or dates set out in the order.

 

  • [44] L’article 501 des Règles prévoit actuellement ce qui suit :

Instances en cours

 

501. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les présentes règles s’appliquent à toutes les instances, y compris les procédures engagées après leur entrée en vigueur dans le cadre d’instances introduites avant ce moment.

 

Exceptions

 

(2) Le juge en chef de la Cour d’appel fédérale ou de la Cour fédérale, selon le cas, peut, par ordonnance, soustraire à l’application de la règle 380 certaines instances ou catégories d’instances relevant de sa juridiction et qui sont en cours au moment de l’entrée en vigueur des présentes règles, jusqu’à la date ou aux dates prévues dans l’ordonnance.

Ongoing proceedings

 

501. (1) Subject to subsection (2), these Rules apply to all proceedings, including further steps taken in proceedings that were commenced before the coming into force of these Rules.

 

 

Order for exceptions

 

(2) The Chief Justice of the Federal Court of Appeal or the Federal Court, as the case may be, may, by order, direct that rule 380 shall not apply to certain proceedings or classes of proceedings before their court that are pending on the coming into force of these Rules until a date or dates set out in the order.

 

  • [45] Il ressort clairement du paragraphe 501(1) des Règles que les « nouvelles » Règles s’appliquaient à l’ensemble des procédures introduites en vertu des anciennes Règles. Toute question entourant le statut de M. Calvin White en tant que représentant, le cas échéant, aurait dû être tranchée au moment où les Règles actuelles sont entrées en vigueur.Selon mon examen du dossier et du répertoire des inscriptions enregistrées, ce statut est devenu problématique à un certain moment en 2003, ce qui a mené à la directive du juge responsable de la gestion de l’instance.Toutefois, vu les négociations continues entre la FITN et la défenderesse, qui ont mené à l’Accord, la requête sur le statut de représentant des demandeurs n’a jamais été tranchée.

 

  • [46] M. White n’a pas présenté une requête en vue d’obtenir un statut de représentant. Il a uniquement affirmé ce statut dans les trois déclarations modifiées.Dans l’ordonnance rendue le 16 octobre 2008, qui accueillait la troisième déclaration modifiée, on ne lui accordait pas le statut de représentant.

 

  • [47] Comme il est indiqué ci‑dessus, lorsque les Règles actuelles sont entrées en vigueur, le 25 avril 1998, elles s’appliquaient à la présente procédure. L’article 114 des Règles, qui porte sur les recours collectifs, a été abrogé en 2002, mais rétabli en 2007. Cet article exige qu’une ordonnance soit rendue pour reconnaître le statut de représentant.Aucune ordonnance n’a été rendue dans la présente procédure.

 

  • [48] En conséquence, je conclus que M. White agit uniquement en sa capacité personnelle, dans la présente action et la présente requête. Mon opinion à cet égard est étayée par le fait qu’il a exécuté la renonciation uniquement en sa capacité personnelle et pas en tant que représentant.

 

ii) Décision déterminante

  • [49] La présente requête en vue d’annuler l’ordonnance sur consentement et d’annuler la renonciation ne dépend pas du statut de M. Calvin White en tant que représentant demandeur. Qui plus est, chacun des demandeurs devait signer une renonciation en vertu de l’Accord.L’exécution de la renonciation était une condition requise à la délivrance de l’ordonnance sur consentement.

 

  • [50] Le cœur de la plainte présentée par M. White réside dans le fait que son nom ne se trouve pas dans ce qu’il appelle la [traduction] « première liste des fondateurs ». Même s’il soutient qu’on lui a déclaré que son nom serait indiqué dans cette première liste, cette position est contredite par sa propre preuve présentée pendant le contre‑interrogatoire sur son affidavit.À cet égard, je renvoie à la page 111 de ce contre‑interrogatoire, où il est indiqué ce qui suit :

[traduction]

 

Q. D’accord, donc, encore une fois, et je ne veux pas m’éterniser sur le sujet, mais nous, les avocats, modifions légèrement les choses, alors, lorsque vous dites qu’on vous l’a déclaré, personne en particulier ne vous a indiqué précisément que votre nom serait indiqué sur la liste des membres fondateurs en soit, c’est quelque chose qui...

R. Pas une personne, non.

Q. Il s’agit d’un élément que vous avez tiré de l’examen de l’accord.

R. De l’examen de, oui, de l’examen de l’accord.

 

 

  • [51] La clé de la décision sur la présente requête réside dans l’Accord. Comme il est indiqué ci‑dessus, l’exécution de cet Accord prévoit l’établissement d’une bande sans assise territoriale à Terre‑Neuve‑et‑Labrador comprise d’Indiens Mi’kmaq, qui, au moment de la délivrance de l’ordonnance de reconnaissance, obtiendront une reconnaissance en tant qu’Indiens en vertu de la Loi.Le terme « ordonnance de reconnaissance » est défini ainsi dans l’Accord :

[traduction]

 

1.18 Ordonnance de reconnaissance

 

On entend par « ordonnance de reconnaissance » le décret établissant le groupe d’Indiens Mi’kmaq de Terre‑Neuve‑et‑Labrador en tant que bande aux fins de la Loi sur les Indiens, conformément à l’alinéa c) de la définition d’une bande en vertu des paragraphes 2(1) et 73(3) de la Loi sur les Indiens.

 

  • [52] Le chapitre 3 de l’Accord s’intitule [traduction] « Reconnaissance de la bande et inscription ». Ce chapitre de l’Accord établit les circonstances où la bande sera reconnue.L’article 3.1 du chapitre 3 prévoit ce qui suit :

[traduction]

 

Chapitre 3 Reconnaissance de la bande et inscription

 

3.1  Après réception de la première liste des membres fondateurs établie par le Comité d’inscription et à condition que cette liste comprenne un nombre de noms correspondant à tout le moins à cinquante pour cent (50 %) du nombre de membres de la FITN au moment d’initialiser le présent Accord, le ministre recommandera la délivrance de l’ordonnance de reconnaissance par le gouverneur en conseil.

 

  • [53] Même si cette disposition renvoie à une [traduction] « première liste des membres fondateurs », ce terme n’est pas défini séparément dans l’Accord. On trouve plutôt une définition du terme « liste des membres fondateurs », qui renvoie à une « première liste des membres fondateurs ».Voici la définition du terme « liste des membres fondateurs » :

[traduction]

 

1.10  Liste des membres fondateurs

 

On entend par « liste des membres fondateurs » la liste des membres fondateurs établie par le Comité d’inscription à partir d’une première liste de membres fondateurs (« première liste de membres fondateurs »), créée après la première étape du processus d’inscription, modifiée par l’ajout de noms provenant d’une deuxième liste de membres fondateurs (« deuxième liste de membres fondateurs ») créée après la deuxième étape du processus d’inscription.

 

  • [54] Il ressort clairement de la preuve présentée par M. Brendan Sheppard, président de la FITN, qu’il n’y a qu’une liste de fondateurs. Elle devait être créée à la suite d’un processus d’inscription en deux étapes, comme il est indiqué en détail dans l’Accord, précisément au chapitre 4. La liste des membres fondateurs comprendrait les noms tirés d’une première liste des membres fondateurs, au terme de la première étape du processus d’inscription.La liste des membres fondateurs serait modifiée par l’ajout de noms provenant d’une deuxième liste des membres fondateurs, effectué après la deuxième étape du processus d’inscription.

 

  • [55] La bande serait créée à la délivrance de l’ordonnance de reconnaissance. L’effet de l’ordonnance de reconnaissance, au moment de sa délivrance par le gouverneur en conseil, est indiqué à l’article 3.2 ainsi :

[traduction]

 

3.2  L’ordonnance de reconnaissance recommandée déclarera que le groupe d’Indiens formés des personnes nommées dans la liste des membres fondateurs, jointe en tant qu’annexe à l’ordonnance de reconnaissance, est une bande aux fins de la Loi sur les Indiens.

 

  • [56] La délivrance de l’ordonnance de reconnaissance est le but ultime de l’Accord. L’Accord, qui prévoyait que la délivrance de cette ordonnance était conditionnelle au fait que les parties et chacun des demandeurs demandent une ordonnance sur consentement en vue de rejeter la présente action et à l’exécution des renonciations par tous les demandeurs dans la présente action.Ces conditions sont prévues au chapitre 8 de l’Accord.L’article 8.1 prévoit précisément que [traduction] « l’ordonnance sur consentement provisoire contiendra une disposition selon laquelle elle entrera en vigueur à la date de la création de la bande ».

 

  • [57] Cette ordonnance, que la Cour a rendue le 16 octobre 2008, contient effectivement une telle disposition.

 

  • [58] Qui plus est, le chapitre 8 de l’Accord exige aussi que la demande d’inscription présentée conformément au chapitre 4 de l’Accord comprenne aussi une renonciation complète et définitive en faveur du Canada de toute personne qui demande à être inscrite en tant que membre fondateur. Cette condition est établie à l’article 8.3 de l’Accord, comme suit :

[traduction]

 

8.3  Quiconque demande à s’inscrire en vertu du chapitre 4 devra remplir et signer un formulaire de demande conçu par les parties, qui comprendra une renonciation complète et définitive en faveur du Canada en ce qui concerne toute revendication ou procédure à l’égard du Canada ou de ses agents, ses fonctionnaires, ses employés ou ses représentants, afin d’être reconnu en tant qu’Indien en vertu de la Loi sur les Indiens ou de réclamer des dommages‑intérêts en raison du manquement du Canada, de ses agents, ses fonctionnaires, ses employés ou ses représentants, en tout temps, d’offrir au demandeur des avantages comparables à ceux offerts aux Indiens.

 

[...]

 

Le demandeur qui ne signe pas le formulaire de demande approprié, y compris la renonciation complète et définitive, verra sa demande être automatiquement rejetée par le comité d’inscription, sans préjudice à la capacité du demandeur de présenter un nouveau formulaire de demande dûment rempli et signé. Si l’ordonnance de reconnaissance n’est pas délivrée ou que le demandeur se voit refuser son droit de voir son nom être ajouté à la liste des membres fondateurs, la renonciation exécutée sera nulle et non avenue.

 

 

  • [59] L’Accord, la liste des membres fondateurs, l’ordonnance sur consentement et les renonciations forment une partie intégrante et sont tous nécessaires pour la création de la bande. Cette action avait pour but la création de la bande.Selon les observations présentées par les autres demandeurs et la défenderesse, le seul obstacle à la création de la bande en ce moment est cette requête en suspens.

 

  • [60] M. White demande à obtenir trois redressements précis, soit la suppression de l’ordonnance sur consentement rendue le 16 octobre 2008; la suppression de la renonciation qu’il a signée en lien avec cette ordonnance; et une injonction en vue d’empêcher la défenderesse, par l’intermédiaire du ministre, de présenter la liste des membres fondateurs au gouverneur en conseil afin qu’il délivre l’ordonnance de reconnaissance.

 

  • [61] M. White demande à obtenir une ordonnance en vue de supprimer l’ordonnance sur consentement et la renonciation qu’il a signée en lien avec cette ordonnance. Bien que l’ordonnance et la renonciation soient deux différents documents au statut différent dans la présente instance, le fondement juridique à leur suppression est le même.À cet égard, je renvoie à la décision McCowan c. McCowan (1995), 24 O.R. (3e) 707 (C.A. Ont.), où la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué ce qui suit aux pages 712 et 713 :

[traduction]

 

Dans Hudersfield Banking Company, Limited c. Henry Lister & Son, Limited (1895), 2 Ch. 273 (C.A.), le tribunal devait entre autres déterminer s’il fallait annuler une ordonnance rendue sur consentement à la suite d’un accord entre les parties. Les défendeurs ont soutenu qu’une ordonnance sur consentement était tout aussi contraignante pour les parties que toute autre ordonnance et qu’elle ne pouvait être annulée une fois rendue, sauf s’il y a preuve de fraude. Lord Lindley a conclu qu’il était possible de contester une ordonnance sur consentement pour n’importe quel motif (y compris la fraude) qui annulerait l’accord ayant donné lieu à l’ordonnance sur consentement. Il a indiqué ce qui suit, à la page 280 :

 

Une ordonnance sur consentement, je l’accorde, est une ordonnance; et elle doit être traitée de la sorte tant qu’elle demeure en vigueur. Et, tant qu’elle est en vigueur, je suis d’avis qu’il s’agit d’une préclusion aussi valable que toute autre ordonnance. Je n’ai pas le moindre doute à ce sujet; je ne doute aucunement non plus qu’il est possible de contester une ordonnance sur consentement, non seulement au motif qu’il y a eu fraude, mais aussi à tout autre motif qui annule l’accord qu’il exprime de manière plus officielle qu’à l’habitude. [...] Selon moi, la seule question consiste à déterminer s’il est possible d’annuler l’accord sur lequel l’ordonnance sur consentement se fondait. Bien entendu, s’il est impossible d’annuler cet accord, l’ordonnance sur consentement est valide. S’il est possible de l’annuler, l’ordonnance sur consentement est invalide.

 

[...]

 

La cour a accepté ce principe général établi dans ces décisions dans Monarch Construction Ltd. c. Buildevco Ltd. et al. (1988), 26 C.P.C. (2e) 164, aux pages 165 et 166 (C.A. Ont.) :

 

[traduction]

 

Un jugement sur consentement est définitif et contraignant et il ne peut être modifié que s’il n’exprime pas la véritable intention des parties ou s’il y a fraude. Autrement dit, il est possible de corriger un jugement sur consentement uniquement aux mêmes motifs que ceux qui permettent de corriger un contrat.

 

Selon moi, il est bien établi qu’un jugement sur consentement peut être cassé pour les mêmes motifs que l’entente à l’origine du jugement. Ces motifs sont liés à la formation de l’accord, et pas à sa réalisation subséquente. Une preuve de non‑réalisation peut cependant s’avérer pertinente pour déterminer si la formation de l’accord était entachée au point de le rendre invalide.

 

  • [62] Dans Rick c. Brandsema, [2009] 1 R.C.S. 295, la Cour suprême du Canada a indiqué ce qui suit au paragraphe 64 :

Pour cette raison, il est inutile de statuer sur l’effet de l’ordonnance sur consentement, puisque, comme l’a observé le juge d’appel Osborne dans McCowan c. McCowan (1995), 1995 CanLII 1085 (CA ON), 14 R.F.L. (4e) 325 (C.A. Ont.), par. 19, [traduction] « il est bien établi qu’un jugement sur consentement peut être cassé pour les mêmes motifs que l’entente à l’origine du jugement ». Voici les explications données par James G. McLeod à ce sujet :

 

[traduction]

 

Cette règle découle du fait qu’un jugement sur consentement ne constitue pas une décision judiciaire sur le fond même d’une affaire, mais seulement une entente érigée au rang d’ordonnance avec le consentement des parties. Le fondement de l’ordonnance réside dans l’entente intervenue entre les parties, non dans la décision d’un juge sur ce qui est juste et raisonnable dans les circonstances.

 

 

  • [63] Une partie qui demande à annuler une ordonnance sur consentement doit satisfaire au même critère juridique qu’une partie qui demande à faire invalider un contrat. Dans Monarch Construction Ltd. c. Buildevco Ltd. et al. (1988), 26 C.P.C. (2e) 164 (C.A. Ont.), la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué ce qui suit au paragraphe 3 :

[traduction]

 

Un jugement sur consentement est définitif et contraignant et il ne peut être modifié que s’il n’exprime pas la véritable intention des parties ou s’il y a fraude. Autrement dit, il est possible de corriger un jugement sur consentement uniquement aux mêmes motifs que ceux qui permettent de corriger un contrat. En l’espèce, il n’y avait aucune allégation de fraude et, selon nous, aucun motif, selon les documents présentés à la juge, qui lui permettait d’accorder une correction. Le contrat est, à première vue, sans ambiguïté; dans la requête présentée par Monarch, il a été intégré à un jugement sur consentement et il devrait être exécuté selon ses modalités.

 

 

  • [64] Le droit portant sur l’annulation d’une renonciation exécutée est présenté de manière succincte dans la décision Richmond c. Matar, 276 N.S.R. (2e) 221. Dans cette instance, la Cour suprême de Nouvelle‑Écosse a conclu qu’une renonciation exécutée sera appliquée à moins que la partie qui souhaite l’annuler établisse un cas de fraude ou d’autres circonstances; voir les paragraphes 14 à 16, qui indiquent ce qui suit :

[traduction]

 

[14] En l’absence de fraude ou d’autres circonstances exceptionnelles, une renonciation exécutée se voit accorder son effet attendu entier. Van Patter c. Tillsonburg District Memorial Hospital et al, [1998] J.O. no 1700 (C. Ont. Div. gén.).

 

Les nombreuses décisions du recueil de jurisprudence qui portent sur des affaires de règlement peuvent sembler aiguës, mais elles imposent qu’en l’absence de fraude ou de considération fondamentale ou équitable du même genre, la renonciation doit être appréciée à sa juste valeur. La décision Athabasca Reality Co. c. Foster, (1982), 18 Alta. L.R. (2e) 385, à la page 394, 132 D.L.R. (3e) 556 (C.A.) en est un exemple classique. Le juge Laycraft a indiqué ce qui suit à cet égard :

 

Même si un règlement ne s’étend qu’aux sujets prévus par les parties, on ne peut l’éviter parce que les dommages‑intérêts qui surviennent sous l’un des objets escomptés sont supérieurs à ce qui était prévu. Par exemple, lorsqu’une partie règle une revendication pour des blessures corporelles et qu’elle constate plus tard que ses blessures étaient plus graves que prévues, le règlement est contraignant : Thornburn c. Danforth Bus Lines Ltd., [1955] O.R. 494, [1955] I.L.R. 1-188, et Tucker c. Moerman, [1970] 2 O.R. 775, 12 D.L.R. (3e) 119.

 

[...]

 

[16] Cette approche a été confirmée dans Woods c. Hubley, 1995 CarlswellNS 273, où le juge Chipman a fait remarquer ce qui suit :

 

[...] Selon moi, une fois que les premier et troisième éléments exposés par le juge Hallett ont été établis, l’effet est, prima facie, d’établir le deuxième également. Voir le commentaire formulé par B. E. Crawford (1966), 44 C.B.R. 142. C’est donc la partie qui défend l’opération qui aurait le fardeau de montrer que le pouvoir supérieur n’a pas été utilisé en vue d’obtenir l’avantage. Il s’agirait effectivement d’une entreprise difficile dans la plupart des cas.

 

  • [65] Une affirmation frauduleuse constitue aussi un autre motif à l’annulation d’une renonciation : Rick c. Brandsema.

 

  • [66] La contrainte exercée par une partie peut également constituer un motif à l’annulation d’une entente. Dans Wagg c. Canada (Procureur général) (2003), 308 N.R. 67, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit aux paragraphes 29 et 30 :

[traduction]

 

29  Dans l’arrêt Racz c. Mission (District), [1989] 28 C.P.C. (2e) 74, aux pages 75 et 76 (C.A.C.B.), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait décrit ainsi un jugement convenu :

 

[traduction]

 

Une ordonnance inscrite par consentement est en fait un accord de compromis, et une telle ordonnance peut être annulée par tout moyen qui suffirait à faire invalider un contrat. À tous autres égards, le jugement est parfaitement valide.

 

30  C’est à celui qui veut faire annuler le jugement convenu qu’il appartient d’établir les faits qui invalideraient l’« accord de compromis ». La contrainte, si elle est avérée, invaliderait une transaction. Les extraits de la transcription qui sont reproduits plus haut dans les présents motifs montrent que le juge du procès a conduit l’audience d’une manière très énergique. Il décourageait le demandeur de profiter de son témoignage pour se perdre en palabres. Il guidait le demandeur dans chacune des hypothèses factuelles exposées par la Couronne dans sa réponse à l’avis d’appel afin de voir lesquelles étaient admises et lesquelles ne l’étaient pas. Il tentait de trouver une solution administrative au problème du demandeur en s’enquérant de la possibilité de révoquer rétroactivement l’enregistrement du demandeur. Finalement, il mettait le demandeur au fait de la contradiction inhérente à sa position : si l’on devait constater qu’il fournissait des services non exonérés, de telle sorte qu’il serait admissible à des crédits de taxe sur les intrants, il serait également tenu alors de verser la taxe sur les services fournis par lui.

 

 

  • [67] Finalement, la répudiation subséquente d’une entente par une partie peut aussi invalider une renonciation ou une ordonnance sur consentement. Dans Fieguth c. Acklands Ltd. (1989), 59 D.L.R. (4e) 114 (B.C.C.A.), à la page 122, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a indiqué ce qui suit :

[traduction]

 

45   La Cour a récemment réaffirmé le droit à cet égard dans Poole c. Tomenson Saunders Whitehead Ltd. (1987), 16 B.C.L.R. (2e) 349, [1987] 6 W.W.R. 273, 18 C.C.E.L. 238, 43 D.L.R. (4e) 56 (C.A.), où le juge Wallace, qui s’exprimait au nom de la Cour, a examiné un certain nombre de décisions. À la page 357 il a cité un extrait de l’opinion de la Chambre des lords dans Mersey Steel & Iron Co. c. Naylor, Benzon & Co. (1884), 9 App. Cas. 434, où lord Selborne a dit, à la page 438 :

 

« Il faut se pencher sur les circonstances réelles de l’affaire afin de déterminer si la conduite d’une partie au contrat libère l’autre partie de son exécution future. Il faut se pencher sur la conduite afin de déterminer si elle correspond à une renonciation, à un refus absolu d’exécuter le contrat, de sorte qu’il donnerait lieu à une résiliation s’il avait le pouvoir de résilier et si l’autre partie peut l’accepter en tant que motif à la non‑exécution de sa partie ».

 

  • [68] En l’espèce, il n’y a aucune preuve de fraude ou d’autres circonstances exceptionnelles qui pencherait en faveur de l’annulation de la renonciation signée par M. White. La preuve est claire, y compris celle présentée par M. White lui‑même : aucune déclaration ne lui a été faite sur le moment où son nom serait ajouté à la liste des membres fondateurs.Bien entendu, il n’y a aucune preuve selon laquelle on lui aurait dit que son nom serait ajouté au cours de la première étape du processus d’inscription.Il existe une preuve selon laquelle il a présenté sa demande d’inscription, mais que celle‑ci était incomplète; voir la page 121 de la transcription de son contre‑interrogatoire.M. White devait fournir sa renonciation afin que l’Accord entre en vigueur. La renonciation était aussi un élément nécessaire à la délivrance de l’ordonnance de consentement par la Cour.Il n’y a aucune preuve selon laquelle M. White a été trompé quant aux exigences liées à la déclaration ou aux circonstances entourant son exécution.

 

  • [69] Le chapitre 8 de l’Accord s’intitule [traduction] « Règlement du litige, renonciation et indemnité ». À l’article 8.2, on indique précisément que l’Accord sera nul et non avenu à moins que tous les demandeurs n’exécutent une renonciation. M. White en ferait partie.L’article 8.3 prévoit aussi que toutes les demandes d’inscription, soit le processus régi par le chapitre 4 de l’Accord, doivent inclure une renonciation en faveur de la défenderesse.La renonciation a la même forme dans les deux cas et elle est présentée en tant qu’annexe G à l’Accord.

 

  • [70] Le corps de la renonciation elle‑même exige au signataire, dans ce cas, M. White, de reconnaître qu’il a reçu un conseil indépendant.

 

  • [71] Selon son contre‑interrogatoire, M. White a reçu des conseils juridiques indépendants de deux avocats; voir les pages 92 et 268 de la transcription de son contre‑interrogatoire.

 

  • [72] En outre, je précise que M. White avait examiné le texte de l’Accord dans son ensemble avant sa distribution à tous les membres de la FITN.

 

  • [73] Vu cette preuve, je conclus qu’il était au courant des modalités de l’Accord, qui exigeaient d’exécuter la renonciation et qu’après avoir obtenu des conseils juridiques indépendants de deux avocats, il a signé librement et sciemment la renonciation. Il n’était pas loisible pour lui de tenter de renier cette renonciation sous le couvert d’une demande à la Cour de l’annuler.

 

  • [74] Il n’y a aucune preuve que M. White a signé la renonciation en vertu d’une déclaration frauduleuse. Il n’y a aucune preuve que le renonciataire, soit la défenderesse, a renié l’accord auquel la renonciation se rapporte; voir Fieguth.

 

 

  • [75] Enfin, il n’y a aucune preuve que M. White a fait l’objet de contraintes de la part des autres demandeurs ou de la FITN afin de signer la renonciation, comme il en a été question dans Wagg.

 

  • [76] Comme il en a été question ci‑dessus, il faut tenir compte des mêmes facteurs de fraude, de répudiation et de contrainte dans l’examen de la requête présentée par M. White en vue d’annuler l’ordonnance sur consentement; McCowan c. McCowan. Quand on applique ces facteurs aux faits en l’espèce, il est manifeste que « l’entente à l’origine du jugement » est l’Accord.Selon les termes définis dans l’Accord, les parties sont la FITN et la défenderesse.

 

  • [77] M. White n’est pas une partie à l’Accord, même si son exécution d’une renonciation est une condition qu’il faut remplir avant de donner à l’Accord son plein effet, soit la recommandation par le ministre au gouverneur en conseil pour la délivrance d’une ordonnance de reconnaissance qui mènera à la création de la bande.

 

  • [78] Vu le droit pertinent et la preuve qui m’est présentée, je suis convaincue qu’il n’y a aucun motif à annuler l’ordonnance sur consentement ou la renonciation signée par M. White.

 

  • [79] J’aborde maintenant la question restante, soit la demande de M. White de délivrer une injonction en vue d’empêcher la défenderesse, par l’intermédiaire du ministre, de présenter la première liste de membres fondateurs au gouverneur en conseil à l’appui d’une ordonnance de reconnaissance à l’égard de la bande jusqu’à ce que la Cour rende une autre ordonnance.

 

  • [80] Les autres demandeurs et la défenderesse soutiennent que l’article 22 de la Loi sur la responsabilité civile et de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C‑50, fonctionne en tant qu’interdiction absolue de la délivrance d’une injonction à l’encontre de la défenderesse en l’espèce. L’article 22 de la Loi prévoit ce qui suit :

 

22. (1) Le tribunal ne peut, lorsqu’il connaît d’une demande visant l’État, assujettir celui-ci à une injonction ou à une ordonnance d’exécution en nature mais, dans les cas où ces recours pourraient être exercés entre personnes, il peut, pour en tenir lieu, déclarer les droits des parties.

 

(2) Le tribunal ne peut, dans aucune poursuite, rendre contre un préposé de l’État de décision qu’il n’a pas compétence pour rendre contre l’État.

22. (1) Where in proceedings against the Crown any relief is sought that might, in proceedings between persons, be granted by way of injunction or specific performance, a court shall not, as against the Crown, grant an injunction or make an order for specific performance, but in lieu thereof may make an order declaratory of the rights of the parties.

 

(2) A court shall not in any proceedings grant relief or make an order against a servant of the Crown that it is not competent to grant or make against the Crown.

 

  • [81] Je souscris aux observations présentées au nom des autres demandeurs et de la défenderesse, selon lesquelles en temps normal, une mesure injonctive ne peut être prise à l’égard de la Couronne lorsqu’elle agit dans la portée de son pouvoir discrétionnaire. Je renvoie à cet égard à la décision rendue dans Paul et al. c. Canada (2002), 219 F.T.R. 275.

 

  • [82] Je suis aussi d’accord avec les arguments avancés au nom de la défenderesse et des autres demandeurs selon lesquels M. White n’a présenté aucun élément de preuve qui montrait que le ministre avait agi au‑delà de la portée de son pouvoir discrétionnaire. En fait, l’article 3.1 de l’Accord oblige précisément le ministre à recommander la délivrance d’une ordonnance de reconnaissance par le gouverneur en conseil si le nombre de noms indiqué dans la première liste des membres fondateurs correspond à au moins cinquante pour cent du nombre de membres de la FITN au moment où l’Accord a été exécuté.

 

  • [83] Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que M. White ne peut pas satisfaire au critère pour obtenir une injonction.

 

  • [84] Le critère pour obtenir une injonction est bien connu; voir RJR - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Le demandeur d’une injonction doit satisfaire à un critère cumulatif à trois volets et établir qu’une question sérieuse à trancher a été soulevée, qu’un préjudice irréparable sera causé si l’injonction est refusée et que la prépondérance des inconvénients joue en la faveur du requérant.

 

  • [85] En l’espèce, il faut évaluer l’aspect de la « question grave » en renvoyant à la présente requête et pas aux questions soulevées dans la déclaration. Il ne fait aucun doute que la déclaration sous‑jacente soulève des questions graves, y compris des questions liées à l’égalité et à la discrimination en vertu de la Charte canadienne des droits et liberté, la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Canada Act 1982 (R.‑U.), 1982, ch. 11.

 

  • [86] Toutefois, la soi-disant « question grave » soulevée dans l’avis de requête réside dans le traitement différentiel réservé à ceux dont le nom se trouve sur la première liste des membres fondateurs et ceux dont le nom se trouve sur la deuxième liste des membres fondateurs.

 

  • [87] Comme il est indiqué ci‑dessus, la preuve, surtout les modalités de l’Accord, ne soutient pas les arguments avancés par M. White. Selon l’Accord, il y a une liste des membres fondateurs.Il y a un processus d’inscription en deux étapes, qui génèrent toutes deux une liste.La liste générée au terme de la première étape du processus, si elle contient suffisamment de noms, comme il est exigé en vertu de l’Accord, peut devenir la liste des membres fondateurs qui sera présentée au gouverneur en conseil.Les noms qui seront indiqués sur la deuxième liste des membres fondateurs seront ajoutés, à un moment donné, à la liste des membres fondateurs, conformément aux modalités de l’Accord.

 

  • [88] En fin de compte, il n’y a qu’une liste des membres fondateurs, qui est créée par un processus en deux étapes. Lorsque le nom d’un individu est indiqué sur la première ou la deuxième liste des membres fondateurs, à un moment donné, il sera reconnu en tant que membre de la bande, comme tous les autres dont le nom est indiqué.La présente action vise à obtenir la reconnaissance de la bande, et pas celle d’une liste des membres fondateurs.Il ne s’agit pas de l’entente conclue entre les parties, soit la FITN et la défenderesse. Cette entente vise la création et la reconnaissance de la bande aux termes de la Loi.

 

  • [89] Étant donné que M. White n’a pas établi le premier élément du critère cumulatif à trois volets pour obtenir une injonction, je n’ai pas à me pencher sur les éléments restants, soit la question du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients, et la requête en injonction est rejetée.

 

Conclusion

  • [90] Par conséquent, la requête présentée par M. White est rejetée dans son ensemble.

 

  • [91] Je mentionne que le paragraphe 3 de l’ordonnance de consentement prévoit ce qui suit :

[traduction]

 

Si ladite ordonnance de reconnaissance n’est pas rendue dans les trente (30) mois suivant la date de la présente ordonnance, la Cour demeurera saisie de la requête dans le seul but, sur présentation d’une requête par les parties, de modifier l’ordonnance afin de proroger la période susmentionnée ou d’annuler l’ordonnance, le cas échéant.

 

  • [92] Cette période de 30 mois devait être calculée à partir de la date de l’ordonnance sur consentement, soit le 16 octobre 2008. Cette période de 30 mois est arrivée à échéance le 16 avril 2011. Toutefois, vu le libellé clair de l’ordonnance sur consentement faisant l’objet de la présente requête, la Cour a toujours compétence pour prolonger la période de 30 mois ou annuler l’ordonnance sur consentement.

 

  • [93] Même si la présente instance est issue d’une requête en annulation de l’ordonnance sur consentement, cette requête n’a pas été présentée en vertu du paragraphe 3 de l’ordonnance sur consentement. L’ordonnance sur consentement demeure valide et en vigueur et les parties sont libres de poursuivre leurs efforts en vue de mettre en œuvre l’Accord, conformément à ses modalités et à celles de l’ordonnance sur consentement.

 

  • [94] La requête est rejetée et les dépens sont adjugés en faveur des autres demandeurs et de la défenderesse. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur ces dépens, ils peuvent en informer la Cour dans les cinq jours suivant la délivrance de l’ordonnance rejetant la présente requête et des directives seront émises afin de leur demander de présenter leurs observations sur les dépens.

 

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée et les dépens sont adjugés en faveur des autres demandeurs et de la défenderesse. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur ces dépens, ils peuvent en informer la Cour dans les cinq jours suivant la délivrance de l’ordonnance rejetant la présente requête et des directives seront émises afin de leur demander de présenter leurs observations sur les dépens.

 

 

 

 

 

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :   T-129-89

 

INTITULÉ :  LA FÉDÉRATION DES INDIENS DE TERRE‑NEUVE, CALVIN WHITE, CLIFTON GAUDON, AUDREY STANFORD, CALVIN FRANCIS, WILSON SAMMS, EDWARD WEBB, ANDREW TOBIN, BENEDICT WHITE et TERRY MILLS.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  St. John’s (T.‑N.‑L.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 9 septembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :  Le 14 juin 2011 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Keri-Lynn Power

 

POUR LE DEMANDEUR CALVIN WHITE

 

Me Philip J. Buckingham

POUR LES DEMANDEURS FÉDÉRATION DES INDIENS DE TERRE‑NEUVE, CLIFTON GAUDON, AUDREY STANFORD, CALVIN FRANCIS, WILSON SAMMS, EDWARD WEBB, ANDREW TOBIN, BENEDICT WHITE et TERRY MILLS

 

Me John Syme

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 


 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert R. Regular Law Office

CBS (Terre‑Neuve)

 

POUR LE DEMANDEUR CALVIN WHITE

Goodland O'Flaherty

St. John’s (Terre‑Neuve)

POUR LES DEMANDEURS FÉDÉRATION DES INDIENS DE TERRE‑NEUVE, CLIFTON GAUDON, AUDREY STANFORD, CALVIN FRANCIS, WILSON SAMMS, EDWARD WEBB, ANDREW TOBIN, BENEDICT WHITE et TERRY MILLS

 

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

St. John’s (Terre‑Neuve)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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