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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110531

Dossier : IMM-6132-10

Référence : 2011 CF 605

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2011

En présence de monsieur le juge Pinard

 

ENTRE :

Vladislav VIDAKOVIC

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Vladislav Vidakovic (le demandeur) en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue par une agente d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agente). L’agente a rejeté la demande de permis de séjour temporaire du demandeur.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Bosnie-Herzégovine, né le 16 août 1955.

 

[3]               Le 7 juin 2006, le demandeur est entré au Canada muni d’un permis de travail valide jusqu’au 30 avril 2010.

 

[4]               Le demandeur s’est blessé à une jambe au travail le 12 septembre 2007, alors qu’il travaillait comme travailleur résident temporaire en Colombie-Britannique. Le demandeur a présenté auprès des autorités d’indemnisation des accidentés du travail une demande d’indemnité pécuniaire pour sa blessure.

 

[5]               Le passeport du demandeur a échu le 31 mai 2010. L’ambassade de la Bosnie-Herzégovine a informé le demandeur qu’en raison de problèmes techniques, elle se trouvait dans l’incapacité soit de prolonger son dernier passeport, soit d’en émettre un nouveau. Un citoyen de la Bosnie-Herzégovine ne peut pas faire de demande d’un nouveau passeport ou de renouvellement de l’extérieur de la Bosnie-Herzégovine. En avril 2010, le demandeur a demandé un permis de séjour temporaire valide jusqu’au 30 mai 2011.

 

[6]               Le demandeur a fait la demande de ce permis alors qu’il était en attente d’un appel auprès du Tribunal d’appel des accidents du travail (le Tribunal). Il affirme qu’il croyait que par cet appel il serait statué sur toutes les revendications qu’il avait faites concernant sa blessure (paragraphe 6 de l’affidavit du demandeur, à la page 13 du dossier de la demande).

 

[7]               Le demandeur affirme que la décision du Tribunal, rendue le 21 juillet 2010, ne concernait qu’une partie de ses revendications, notamment celle concernant le dédommagement pour une incapacité permanente partielle en raison de douleurs chroniques, mais ne concernait pas les autres aspects de la demande tel un dédommagement pour les pertes de salaire ou pour son état psychologique. Le site Internet du Tribunal présentait l’affaire comme étant [TRADUCTION] « réglée ».

 

[8]               La décision défavorable de l’agente a été rendue le 14 octobre 2010 et le demandeur l’a reçue le 18 octobre.

 

* * * * * * * *

 

[9]               L’agente a conclu, en se basant sur l’information du site Internet du Tribunal, qu’une décision définitive avait été rendue au sujet de l’appel du demandeur le 21 juillet 2010. L’agente était donc convaincue que le demandeur avait eu suffisamment de temps au Canada pour s’occuper de son appel.

 

[10]           L’agente n’était pas convaincue que la délivrance d’un permis de séjour temporaire était justifiée et elle a conclu que le demandeur n’avait pas présenté de preuve montrant qu’il serait incapable d’obtenir un document de voyage de l’ambassade de la Bosnie-Herzégovine qui lui permettrait de rentrer chez lui.

 

[11]           Étant donné que le demandeur se trouvait sans statut au Canada, il devait partir.

 

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[12]           La partie applicable de la Loi est libellée ainsi :

 

Permis de séjour temporaire

 

  24. (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

 

Cas particulier

 

(2) L’étranger visé au paragraphe (1) à qui l’agent délivre hors du Canada un permis de séjour temporaire ne devient résident temporaire qu’après s’être soumis au contrôle à son arrivée au Canada.

 

Instructions

 

(3) L’agent est tenu de se conformer aux instructions que le ministre peut donner pour l’application du paragraphe (1).

 

Réserve

 

(4) L’étranger dont la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés a rejeté la demande d’asile ou dont elle a prononcé le désistement ou le retrait de la demande ne peut demander de permis de séjour temporaire que si douze mois se sont écoulés depuis le dernier rejet de la demande d’asile ou le dernier prononcé du désistement ou du retrait de celle-ci.

 

Temporary resident permit

 

  24. (1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

 

Exception

 

(2) A foreign national referred to in subsection (1) to whom an officer issues a temporary resident permit outside Canada does not become a temporary resident until they have been examined upon arrival in Canada.

 

Instructions of Minister

 

(3) In applying subsection (1), the officer shall act in accordance with any instructions that the Minister may make.

 

Restriction

 

(4) A foreign national whose claim for refugee protection has been rejected or determined to be withdrawn or abandoned by the Refugee Protection Division or the Refugee Appeal Division may not request a temporary resident permit if less than 12 months have passed since their claim was last rejected or determined to be withdrawn or abandoned.

 

 

 

 

[13]           L’unique question soulevée par la présente demande est la suivante :

a.       L’obligation d’équité procédurale exigeait-elle de l’agente qu’elle fasse un suivi de la décision du Tribunal auprès du demandeur?

 

 

 

[14]           Il s’agit d’une question d’équité procédurale, laquelle est contrôlée selon la décision correcte. Aucune retenue n’est due à l’égard de la décision de l’agente (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 129, 151; Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392 (C.A.F.), au paragraphe 46).

 

[15]           Le demandeur a soulevé une question à savoir si l’agente avait tiré une conclusion de fait erronée en ce qui concerne la décision du Tribunal. Pour les motifs mentionnés plus bas, cette question n’est pas, en fait, pertinente quant à la présente affaire. De toute façon, le défendeur fait remarquer qu’un permis de séjour temporaire est une exception et est sujet au pouvoir discrétionnaire de l’agent (Farhat c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1275, au paragraphe 17). La norme de contrôle applicable est donc la raisonnabilité.

 

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A. L’obligation d’agir équitablement

[16]           Le demandeur soutient qu’il ne savait pas que l’agente avait consulté le site Internet du Tribunal, et que l’agente ne l’avait pas informé de ses conclusions. Le demandeur affirme que l’agente aurait dû lui demander de plus amples informations avant de rendre sa décision, ce qui lui aurait permis ainsi de l’informer que la décision du Tribunal ne constituait pas une décision définitive sur tous les aspects de sa demande, et qu’il y avait encore des aspects non traités. Le demandeur soutient que l’équité dans la prise des décisions administratives dicte qu’il doit pouvoir savoir à quoi s’en tenir et qu’il doit raisonnablement avoir l’occasion de présenter des éléments de preuve et soumettre ses observations en réponse.

 

[17]           Je note que le dossier du tribunal ne contient qu’une copie imprimée de la page du site Internet du Tribunal (aux pages 7 et 8), page selon laquelle l’affaire du demandeur avait été [TRADUCTION] « réglée ». Le dossier du tribunal ne contient pas la décision en tant que telle, et l’agente n’en a pas reçu de copie. À mon avis, le défendeur a raison de soutenir que l’agente était dans son droit de se fier sur l’information du site Internet, information à laquelle le demandeur avait également accès. L’agente ne pouvait pas savoir qu’une affaire marquée [TRADUCTION] « réglée » n’était pas, en fait, réglée dans sa totalité. Le demandeur savait que la décision sur son appel était pertinente quant à sa demande de permis de séjour temporaire. Le demandeur a raison de faire remarquer que, sans les motifs de la décision, l’agente ne pouvait pas savoir exactement quelle était la situation du demandeur. Cependant, le demandeur avait reçu une copie de cette décision et savait que l’affaire n’était pas complètement réglée. S’il avait fourni cette information à l’agente, celle-ci aurait pu en tenir compte dans sa décision. À mon avis, la charge ne revenait pas à l’agente de chercher à savoir si l’affaire n’était pas complètement réglée malgré la décision supposément définitive du Tribunal. Le demandeur aurait dû fournir à l’agente cette information pertinente lorsqu’il s’est rendu compte que l’affaire n’était pas complètement réglée. Comme il est établi dans Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 R.C.F. 360 (C.A.F.), au paragraphe 45, l’obligation d’agir équitablement varie en fonction du contexte, et je conclus qu’il n’y a eu aucun manquement à cet égard dans la présente affaire.

 

B. Erreur de fait

[18]           Le demandeur soutient que l’expression de l’agente quant au caractère absolument définitif du règlement de la demande du demandeur au sujet des dédommagements donne à penser que l’agente a considéré que la décision au sujet de l’appel concernait tous les aspects de la demande. Le demandeur soutient que ce n’était pas le cas, vu que la décision ne concernait qu’une partie des revendications pécuniaires du demandeur. Une décision de premier palier au sujet des autres aspects de la demande n’a pas encore été rendue. Le demandeur affirme que l’agente ne savait pas si le demandeur se considérait lésé par la décision du Tribunal et souhaitait contester cette décision à un plus haut palier.

 

[19]           Subsidiairement, le demandeur affirme que si les recherches de l’agente l’ont menée à comprendre le caractère restreint de la décision du Tribunal, alors la décision de l’agente était basée sur une conclusion de fait abusive ou arbitraire.

 

[20]           Bien que la compréhension de l’agente au sujet de l’appel auprès du Tribunal était, en fait, erronée, l’erreur ne lui était pas imputable : le dossier du tribunal montre qu’elle n’avait pas eu accès à la décision du Tribunal. Le site Internet du Tribunal disait l’appel [traduction] « réglé » et le demandeur n’a pas fourni de plus amples informations pour montrer le contraire. En me fondant sur le dossier dont elle disposait lorsqu’elle a rendu sa décision, je conclus qu’il n’y a aucune erreur dans la conclusion de fait de l’agente.

 

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[21]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Je suis d’accord avec les avocats des deux parties qu’il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada refusant le permis de séjour temporaire au demandeur est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6132-10

 

INTITULÉ :                                       VLADISLAV VIDAKOVIC c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le Juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Charles E.D. Groos                              POUR LE DEMANDEUR

 

Helen Park                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Charles E.D. Groos                                          POUR LE DEMANDEUR

Surrey (Colombie-Britannique)

 

Myles J. Kirvan                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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