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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110519

Dossier : T-1392-10

Référence : 2011 CF 576

Ottawa (Ontario), le 19 mai 2011

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

 

RICHARD TIMM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur à l’encontre d’une décision prise le 30 juillet 2010 par le troisième palier de la procédure de grief, instaurée aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, ch 20. Pour les motifs qui suivent, cette demande sera rejetée.

 

[2]               Le 2 mai 2010, le demandeur a formulé un grief au troisième palier de la procédure de grief (U30A00043089) pour délais excessifs et abusifs, harcèlement et violations multiples des Directives du commissaire DC-060 (Code de discipline) et DC-081 (Plaintes et griefs des délinquants). Dans ce grief, le demandeur dénonçait plus précisément les délais à transmettre un de ses griefs antérieurs pour harcèlement au deuxième palier et reprochait au directeur de l’établissement La Macaza ainsi qu’à la coordonnatrice des plaintes et griefs de cette institution leur laxisme volontaire, et dans le cas du directeur son abus de pouvoir et d’autorité, dans la mesure où il agissait en violation d’un ordre de son supérieur hiérarchique (le sous-commissaire principal) l’enjoignant de voir à ce que les griefs soumis par les délinquants au deuxième palier soient dirigés de façon expéditive à ce palier.  Dans le cadre de ce grief, le demandeur formulait trente-trois mesures correctives et exigeait qu’une réponse écrite, complète et détaillée soit donnée pour chacune des mesures demandées.

 

[3]               Le 3 mai 2010, le demandeur a présenté un autre grief au troisième palier de la procédure de grief (U30A00043099), également pour délais excessifs et abusifs, harcèlement et violations multiples des Directives du commissaire DC-060 et DC-081. Dans ce deuxième grief, le demandeur dénonçait les délais du deuxième palier à répondre à quatre griefs antérieurs de harcèlement et reprochait à la sous-commissaire régionale pour la région du Québec de ne pas respecter les lois, règlements et politiques auxquels elle est assujettie ainsi qu’un ordre direct de son supérieur hiérarchique (le sous-commissaire principal) lui enjoignant de s’assurer que les délais prescrits dans la DC-081 soient respectés. De nouveau, le demandeur a requis soixante-quatorze mesures correctives et a demandé une réponse écrite, complète et détaillée pour chacune de ces mesures.

 

[4]               Le 30 juillet 2010, le sous-commissaire principal, en tant que troisième palier, a rendu une décision unique traitant des deux griefs précités. Il a été décidé de maintenir en partie les griefs du demandeur, dans la mesure où l’on a constaté que les délais encourus par les autorités du Service correctionnel du Canada concernées pour acheminer les dossiers ou répondre aux doléances du demandeur n’avaient pas été respectés et allaient à l’encontre des délais prescrits par la Directive du commissaire DC 081. En revanche, le sous-commissaire principal a fait état des lettres de prolongation envoyées au demandeur l’informant des raisons ayant causé ces délais et prévoyant une nouvelle date d’échéance, conformément au paragraphe 41 de la DC 081. On a également noté que des mesures avaient été prises au deuxième palier de façon à ce que le système de réception et d’envoi des griefs soit amélioré, de sorte qu’aucune autre mesure n’a été jugée nécessaire pour résoudre cette partie du grief.

 

[5]               Le demandeur a d’abord soutenu que la décision du troisième palier enfreignait les principes de justice naturelle et d’équité procédurale dans la mesure où le sous-commissaire principal a rendu une seule décision pour traiter de ses deux griefs. Il est vrai que le premier de ses griefs porte sur le retard à transmettre ses griefs antérieurs au deuxième palier, tandis que le deuxième grief porte sur les délais à répondre à ces mêmes griefs antérieurs. Il n’en demeure pas moins que les deux griefs dont le sous-commissaire principal a traité dans la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire soulevaient des questions communes et visaient à obtenir les mêmes correctifs. D’autre part, le sous-commissaire principal a traité de façon distincte des cinq griefs sous-jacents aux deux griefs qui étaient devant lui, et chaque allégation se rapportant au retard dans le traitement des griefs en cause, à un stade ou à un autre de la procédure, a fait l’objet d’une réponse distincte. C’est donc à bon droit que le troisième palier a disposé des deux griefs dans une seule décision. Ce faisant, aucun manquement aux principes de justice naturelle ou à l’équité procédurale n’a été commis.

 

[6]               Le demandeur reproche également au sous-commissaire principal de ne pas avoir répondu spécifiquement à chacune de ses demandes de mesures correctives. Encore une fois, une simple lecture des correctifs demandés permet de constater qu’ils sont redondants et répétitifs, en ce qu’ils visent tous à obtenir que Service correctionnel Canada reconnaisse par écrit le fait que les délais prescrits dans les Directives du commissaire n’ont pas été respectés. Or, il appert de la décision du sous-commissaire principal qu’il a bien saisi l’essence des reproches formulés par le demandeur. Il avait toute discrétion pour décider des mesures correctives appropriées dans les circonstances, et il a fourni des motifs clairs pour justifier son refus des mesures revendiquées par le demandeur.  L’article 37 de la Directive DC 081 prévoit que le décideur doit veiller à ce que le plaignant reçoive une réponse complète « à toutes les questions soulevées » dans son grief. C’est ce qui a été fait ici.  Par conséquent, je ne vois encore une fois aucun manquement à l’équité procédurale ou aux principes de justice naturelle.

 

[7]               Le demandeur s’en est également pris à la raisonnabilité de la décision, arguant que les délais auxquels ses griefs ont été soumis ont été exagérément longs et qu’il s’agit là d’un problème récurrent. Bien que la Cour sympathise avec la frustration que peut éprouver le demandeur, la réponse du sous-commissaire principal ne peut être qualifiée de déraisonnable. En ce qui concerne les délais dans le traitement des dossiers à l’établissement de La Macaza, le sous-commissaire principal a donné raison au demandeur en concluant que ces délais n’étaient pas justifiés. Il a cependant indiqué que des mesures avaient été prises pour que les griefs soient acheminés au deuxième palier avec plus de célérité, et qu’un système avait été mis en place pour que ces mesures soient respectées. Étant donné ces développements, il était raisonnable de conclure qu’aucune mesure supplémentaire n’était requise pour faire suite aux griefs du demandeur.

 

[8]               Quant aux délais dans lesquels une réponse a été fournie aux griefs du demandeur par le deuxième palier, le sous-commissaire principal a également donné raison au demandeur en décidant que ces délais ne respectaient pas les termes de l’article 35 de la DC 081. En revanche, il a refusé d’octroyer au demandeur les mesures correctives recherchées en soulignant que des lettres de prolongation de délai avaient été transmises au demandeur, conformément à l’article 41 de la DC 081, l’informant des raisons de la prolongation du délai et de la date à laquelle il pouvait s’attendre à recevoir une réponse. Une fois de plus, la Cour peut comprendre la déception du demandeur et son impatience à voir ses griefs traités par les autorités compétentes; ceci étant dit, il n’a pas été démontré que la décision du sous-commissaire principal est déraisonnable dans les circonstances.

 

[9]               S’agissant finalement de l’argument du demandeur relatif au harcèlement, le troisième palier a conclu que les allégations présentées par le demandeur ne rencontraient pas la définition de ce que constitue du harcèlement au sens de la DC 081. L’article 10 de cette directive prévoit que le harcèlement s’entend notamment de « tout comportement inapproprié de la part d’un ou de plusieurs employés (...) à l’égard d’une autre personne, et dont l’auteur ou les auteurs savaient ou auraient raisonnablement dû savoir qu’il serait offensant ou préjudiciable ». Le demandeur n’a pas particularisé son argument à cet égard, et a semblé soutenir que les délais dont il se dit victime, de par leur caractère répétitif, constitueraient du harcèlement. Or, il n’y a aucune preuve devant la Cour que les délais dont le demandeur se plaint le visaient personnellement et que les personnes responsables de ces délais savaient ou auraient raisonnablement dû savoir que le demandeur en serait offensé. Le sous-commissaire principal pouvait raisonnablement conclure que les allégations du demandeur ne rencontrent pas la définition de harcèlement contenue à l’article 10 mentionné plus haut, d’autant plus que cette disposition prévoit que le harcèlement comprend « tout acte, propos ou exhibition répréhensible qui diminue, rabaisse, humilie ou embarrasse une personne, ou tout acte d’intimidation ou de menace ». En l’absence de toute preuve tendant à démontrer que le demandeur était personnellement ciblé et que les délais ont eu pour effet de l’humilier ou le rabaisser, ce motif invoqué au soutien de sa demande de contrôle judiciaire ne peut donc être retenu.

 

[10]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, avec dépens.

 

                                                                                « Yves de Montigny »

                                                                        ___________________________

                                                                                                Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1392-10

 

INTITULÉ :                                       RICHARD TIMM

                                                            c

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 mai 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE de MONTIGNY     

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 19 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Timm

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Nicholas Banks

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Richard Timm

La Macaza (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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