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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110415

Dossier : T-152-10

Référence : 2011 CF 465

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2011

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

 

ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LA MINISTRE DE LA SANTÉ

ET GLAXOSMITHKLINE INC.

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] L’Association canadienne du médicament générique (« l’ACMG ») interjette appel de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière, datée du 1er décembre 2010 (l’ordonnance). Le protonotaire Lafrenière a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’ACMG contre la décision de la ministre de la Santé (« la ministre ») de maintenir le furoate de fluticasone dans la liste du registre des drogues innovantes de Santé Canada (le « registre »). Le protonotaire a décidé de rejeter la demande aux motifs que l’ACMG n’a pas qualité pour contester l’inscription de médicaments particuliers dans le registre en vertu des dispositions de protection des données de l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues C.R.C., ch. 870 (le « règlement »).

 

  • [2] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’appel en l’espèce doit être rejeté. Il est évident et manifeste que l’ACMG n’est pas directement touchée par la décision de la ministre, et qu’elle ne peut agir en fonction du critère de l’« intérêt public ». Par conséquent, l’association n’a aucune chance de réussir et la demande a été rejetée de manière appropriée dans le cadre d’une requête préliminaire.

 

I. Faits

  • [3] La défenderesse GlaxoSmithKline a obtenu un avis de conformité (« AC ») en août 2007, pour son médicament AVAMYS qui contient l’ingrédient médicinal furoate de fluticasone. En octobre 2009, AVAMYS a été ajouté au registre pour empêcher d’autres fabricants de produits génériques d’enregistrer de nouvelles versions du médicament AVAMYS jusqu’en août 2013, et aucun ADC ne peut être attribué pour de telles demandes avant le mois de février 2016.

 

  • [4] La fonction du registre est de dresser la liste de ce qui est connu comme étant des « drogues innovantes ». Ce régime de protection des données a été publié le 18 octobre 2006 dans la Gazette du Canada Partie II, Vol. 140, n21, SOR/DORS/2006-241 et enregistré le 5 octobre 2006. La disposition sur la protection des données, maintenant C.08.004.1 du règlement, impose un monopole qui fonctionne en plus et indépendamment des monopoles liés aux brevets exposés dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133.

 

  • [5] C.08.004.1 du règlement crée un mécanisme qui permet aux fabricants d’une « drogue innovante » d’avoir au moins huit ans d’exclusivité commerciale pour le produit de la drogue innovante. Six mois supplémentaires d’exclusivité commerciale peuvent être obtenus si certaines études concernant la population pédiatrique sont effectuées. Les parties les plus pertinentes de C.08.004.1 sont exposées ci-dessous :

 

Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870

 

C.08.004.1 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

« drogue innovante » S’entend de toute drogue qui contient un ingrédient médicinal non déjà approuvé dans une drogue par le ministre et qui ne constitue pas une variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé tel un changement de sel, d’ester, d’énantiomère, de solvate ou de polymorphe. (innovative drug)

 

 

« population pédiatrique » S’entend de chacun des groupes suivants : les bébés prématurés nés avant la 37e semaine de gestation, les bébés menés à terme et âgés de 0 à 27 jours, tous les enfants âgés de 28 jours à deux ans, ceux âgés de deux ans et un jour à 11 ans et ceux âgés de 11 ans et un jour à 18 ans. (pediatric populations)

 

[…]

 

(3) Lorsque le fabricant demande la délivrance d’un avis de conformité pour une drogue nouvelle sur la base d’une comparaison directe ou indirecte entre celle-ci et la drogue innovante :

 

 

a) le fabricant ne peut déposer pour cette drogue nouvelle de présentation de drogue nouvelle, de présentation abrégée de drogue nouvelle ou de supplément à l’une de ces présentations avant l’expiration d’un délai de six ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l’innovateur pour la drogue innovante;

 

b) le ministre ne peut approuver une telle présentation ou un tel supplément et ne peut délivrer d’avis de conformité pour cette nouvelle drogue avant l’expiration d’un délai de huit ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l’innovateur pour la drogue innovante.

 

 

[…]

 

(9) Le ministre tient un registre des drogues innovantes, lequel contient les renseignements relatifs à l’application des paragraphes (3) et (4).

 

Food and Drug Regulations, C.R.C, c. 870

 

C.08.004.1 (1) The following definitions apply in this section.

 

“innovative drug” means a drug that contains a medicinal ingredient not previously approved in a drug by the Minister and that is not a variation of a previously approved medicinal ingredient such as a salt, ester, enantiomer, solvate or polymorph. (drogue innovante)

 

“pediatric populations” means the following groups: premature babies born before the 37th week of gestation; full-term babies from 0 to 27 days of age; and all children from 28 days to 2 years of age, 2 years plus 1 day to 11 years of age and 11 years plus 1 day to 18 years of age. (population pédiatrique)

 

[…]

 

 (3) If a manufacturer seeks a notice of compliance for a new drug on the basis of a direct or indirect comparison between the new drug and an innovative drug,

 

(a) the manufacturer may not file a new drug submission, a supplement to a new drug submission, an abbreviated new drug submission or a supplement to an abbreviated new drug submission in respect of the new drug before the end of a period of six years after the day on which the first notice of compliance was issued to the innovator in respect of the innovative drug;

 

 

(b) the Minister shall not approve that submission or supplement and shall not issue a notice of compliance in respect of the new drug before the end of a period of eight years after the day on which the first notice of compliance was issued to the innovator in respect of the innovative drug.

 

[…]

 

(9) The Minister shall maintain a register of innovative drugs that includes information relating to the matters specified in subsections (3) and (4).

 

  • [6] Une « drogue innovante » est définie dans C.08.004.1 comme une drogue qui contient un ingrédient médicinal qui n’a pas déjà été approuvé dans une drogue. La définition des « drogues innovantes » exclut les drogues qui ne sont qu’une « variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé ». L’article C.08.004.1 donne des exemples de ce qui pourrait être une variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé, comme « un changement de sel, d’ester, d’énantiomère, de solvate ou de polymorphe » de l’ingrédient médicinal déjà approuvé. Cette exclusion des variantes de la protection de C.08.004.1 a été introduite pour éviter d’accorder des termes multiples de huit années d’exclusivité commerciale quand un fabricant innovateur se voit accorder l’approbation de changements mineurs à un ingrédient médicinal déjà sur le marché.

 

  • [7] Dans une lettre datée du 14 décembre 2009, l’ACMG a écrit au ministre pour demander que le furoate de fluticasone soit retiré du registre. Les motifs de cette demande reposaient sur des raisons techniques et scientifiques. L’association a soutenu qu’étant donné que le furoate de fluticasone est une variante d’ester d’un ingrédient médicinal déjà approuvé (propionate de fluticasone), AVAMYS ne se définit pas comme étant une « drogue innovante » en vertu du règlement et n’est pas admissible pour l’inscription au registre.

 

  • [8] Dans une lettre datée du 6 janvier 2010, la ministre a rejeté la demande de l’ACMG et a exposé les motifs de la ministre de refuser de retirer le furoate de fluticasone du registre. Le Bureau des médicaments brevetés et de la liaison (« BMBL »), qui agit au nom de la ministre, a informé l’association que le furoate de fluticasone et le propionate de fluticasone sont deux esters de fluticasone. Puisque le fluticasone n’est pas un ingrédient médicinal « déjà approuvé dans une drogue par la ministre », le furoate de fluticasone n’est pas « une variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé », selon le bureau. AVAMYS n’est alors pas exclue de la catégorie des « drogues innovantes », et est admissible pour l’inscription au registre.

 

  • [9] L’ACMG a intenté la poursuite en l’espèce en déposant un avis de requête daté du 3 février 2010. L’ACMG soutient que la ministre a commis une erreur de fait et de droit en ne retirant pas AVAMYS du registre parce que c’est en effet une variante d’un ingrédient médicinal déjà approuvé (p. ex., le propionate de fluticasone).

 

  • [10] Dans sa demande, l’ACMG demande : (1) une ordonnance de mandamus ordonnant au ministre de retirer le furoate de fluticasone du registre ou, (2) subsidiairement, une déclaration selon laquelle le furoate de fluticasone n’aurait pas dû être ajouté au registre et que cette inscription n’a aucun effet du point de vue juridique.

 

  • [11] Il n’est pas contesté en l’espèce que l’ACMG est une association du secteur qui représente la plupart des fabricants de médicaments au Canada en ce qui a trait aux questions réglementaires et juridiques qui touchent ses membres. Par exemple, quand l’ébauche des dispositions qui ont établi la version actuelle de C.08.004.1 a été publiée, l’ACMG a fourni au gouvernement une rétroaction sur la formulation du régime et son attrait. En effet, l’ACMG a contesté (sans succès) la validité de C.08.004.1 devant notre Cour : voir Association canadienne du médicament générique c Canada (Santé), 2009 CF 725; affidavit 2010 CAF 334.

 

  • [12] La défenderesse GSK a déposé une requête demandant le rejet de cette demande de contrôle judiciaire prétendant qu’elle est vouée à l’échec pour deux motifs. Premièrement, GSK a affirmé que la demande ne concerne pas une « décision » au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Deuxièmement, GSK a affirmé que l’ACMG n’a pas qualité pour agir dans le cadre d’un contrôle judiciaire, ni comme « intéressée » ni au soutien de « l’intérêt public ».

 

  • [13] La ministre a généralement convenu que le deuxième de ces motifs est valide, et qu’il constitue un fond suffisant pour que la Cour accorde la requête de la défenderesse en radiation de la demande de l’ACMG.

 

  • [14] M. James Keon, président de l’ACMG, a déposé un affidavit en réponse à la requête en radiation de GSK. M. Keon affirme que le fait de développer une version générique d’un produit de marque et obtenir l’approbation de Santé Canada est un processus très coûteux et exigeant pour les fabricants de médicaments génériques. Selon M. Keon, si l’ACMG n’a pas le droit d’intenter la présente poursuite pour contester une inscription inappropriée au registre de drogues innovantes, il est alors peu probable qu’aucune des sociétés membres de l’ACMG ne conteste individuellement l’inscription du furoate de fluticasone. La raison étant que cela signifierait que chaque société investirait substantiellement dans le développement d’un produit à base de furoate de fluticasone et effectuerait des études coûteuses, mais nécessaires, pour appuyer le dépôt d’un nouveau médicament abrégé. Le retard, le fardeau, l’incertitude et les coûts associés à la contestation juridique de l’inscription du furoate de fluticasone au registre des drogues innovantes par une société individuelle seraient importants.

 

  • [15] Au contre-interrogatoire, M. Keon a admis que l’ACMG n’est pas un fabricant de médicaments, qu’elle n’effectue pas de dépôts pour de nouveaux médicaments, et qu’elle n’a jamais reçu d’avis de conformité ni vendu des médicaments au Canada. En particulier, l’ACMG n’a jamais fait le dépôt d’un médicament pour le furoate de fluticasone (AVAMYS) M. Keon a refusé de dire si l’association a l’intention de le faire à l’avenir. Il a également refusé de dire si l’ACMG représente l’intérêt public en soutenant les intérêts, par exemple, des pharmacies provinciales, des patients ou des acheteurs de médicaments. Il a tout simplement indiqué que l’ACMG représentait les intérêts de ses sociétés membres.

 

II. La décision en appel

  • [16] Le protonotaire expose d’abord les faits ci-dessus. Il fait ensuite remarquer qu’il n’a pas à prendre une décision sur l’une des questions contestées par les parties; soit celle concernant la décision de la ministre de refuser le retrait du médicament du registre à la demande de l’ACMG est une décision susceptible d’examen indépendamment ou concernant la décision initiale d’inscrire le médicament dans la liste.

 

  • [17] Il déclare plutôt que la question principale pour laquelle une décision doit être prise sur la qualité nécessaire de l’ACMG pour demander le contrôle judiciaire d’une décision (soit la décision d’ajouter le furoate de fluticasone au registre ou le refus de le retirer) – à titre d’intéressée ou au nom de l’intérêt public.

 

  • [18] Il a observé que la Cour utilise rarement son pouvoir pour radier une demande de contrôle judiciaire avant d’entendre les faits de la demande, sauf dans les cas comme celui en l’espèce, lorsqu’il est évident que la demanderesse n’a pas qualité pour l’introduire : Apotex inc. c Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CF 232, au paragraphe 33.

 

  • [19] Il a tenu compte et a rejeté l’argument de l’ACMG qu’elle avait qualité parce qu’elle était « directement touchée » par l’inscription du médicament au registre. Il note que bien que, dans l’ensemble, les organisations comme la demanderesse ont en effet occasionnellement l’autorisation de déposer des demandes au nom de leurs membres, cela n’est pas le cas lorsqu’une telle procédure est appropriée, et distingue le cas en l’espèce des autres procédures qui ont été permises.

 

  • [20] Le protonotaire a expliqué que pour avoir qualité au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, une partie doit être « touchée directement » par la décision contestée. Pour qu’une partie soit touchée directement par la décision, elle doit porter atteinte à ses droits, lui imposer des obligations juridiques ou lui causer directement préjudice (Rothmans of Pall Mall Canada Ltd c Canada (Minister of National Revenue), [1976] 2 CF 500 (CAF), au paragraphe 13; CanWest MediaWorks Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 752, au paragraphe 13, affidavit 2009 CAF 207; Independent Contractors and Business Association c Canada (Minister of Labour), [1998] ACF no 352; 39 CLR (2d) 121, aux paragraphes 30 et 31 (CAF)).

 

  • [21] Le protonotaire a conclu que l’ACMG n’a pas respecté ce critère – en tant qu’association professionnelle défendant les droits de ses sociétés membres en leur nom, elle ne fabrique pas de médicaments, ne dépose pas de médicaments, n’obtient pas les ADC ou ne vend pas de médicaments. L’ACMG n’a pas non plus ni aucun de ses membres n’a déposé une demande d’avis de conformité pour le furoate de fluticasone ni n’a exprimé l’intention de le fabriquer. Comme telle, la décision en litige n’affecte pas de manière adverse les droits juridiques de l’ACMG ni ne lui impose des obligations ou un préjudice. Par conséquent, elle n’est pas directement touchée.

 

  • [22] De plus, en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (règlement MB(ADC)), un fabricant de médicaments génériques (et, par analogie, une association de fabricants de médicaments génériques comme l’ACMG) n’a pas qualité pour contester la décision de la ministre d’enregistrer un brevet au registre à moins qu’il ait déposé une PADN concernant le médicament contesté : Apotex Inc. c Canada (ministre de la Santé et du Bien-être social) (1998), 82 CPR (3d) 65, au paragraphe 5 (FCTD).

 

  • [23] Ensuite, le protonotaire a tenu compte de l’argument de l’ACMG concernant sa qualité d’intérêt public. Il a rejeté cet argument en appliquant les trois volets du critère exposé dans Conseil canadien des Églises c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236, à la page 253 :  

  • Premièrement, la question de l’invalidité de la loi en question se pose‑t‑elle sérieusement? 

  • Deuxièmement, a‑t‑on démontré que le demandeur est directement touché par la loi ou qu’il a un intérêt véritable quant à sa validité? 

  • Troisièmement, y a‑t‑il une autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour?

 

  • [24] Le protonotaire a accepté que la demande respecte le premier volet concernant la question sérieuse.

 

  • [25] Toutefois, il a conclu qu’elle ne répondait pas au deuxième volet concernant le fait que la demanderesse soit directement touchée par la décision ou qu’il y avait un intérêt véritable sur sa validité, pour les motifs exposés ci-dessus. Il a également affirmé que parce que le véritable objectif de l’ACMG vise la radiation du régime C.008.004.1 au complet (ce qui était son but dans une action concurrente séparée), elle n’avait pas un intérêt véritable pour retirer le furoate de fluticasone du registre.

 

  • [26] Il a également conclu que la demande ne répondait pas non plus au troisième volet, qui demande s’il y a une autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. Ce volet concerne la justification de la qualité de l’intérêt public, pour assurer que le gouvernement ou toute autre action ne soit pas immunisé contre les contestations simplement parce qu’aucune partie n’aurait qualité conventionnelle.

 

  • [27] Selon le protonotaire, il y a une autre manière raisonnable et efficace de contester la décision – soit par l’entremise d’une demande de contrôle judiciaire déposée par une partie intéressée légitime, comme un fabricant de médicaments génériques qui souhaitent faire une PADN pour le médicament en question, ce qui est permis en vertu du règlement.

 

  • [28] Il note que le véritable objectif de l’ACMG semble être la radiation du régime judiciaire au complet comme étant ultra vires et reconnaît que l’association aurait qualité de contester en l’occurrence, mais qu’elle ne soumet pas une telle affirmation en l’espèce et par conséquent n’a pas qualité de le faire.

 

  • [29] Le protonotaire conclu conséquemment qu’il était évident et manifeste que la demanderesse n’a pas qualité et que la demande était vouée à l’échec; l’avis de demande est alors radié et la procédure est rejetée avec préjudice.

 

III. Les questions en litige

  • [30] Il y a deux questions en litige dans la présente requête :

    1. Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable à une ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire?

    2. Est-il évident et manifeste que l’ACMG n’a pas qualité pour faire une demande de contrôle judiciaire?

 

 

 

IV. Discussion

  • [31] Il est possible d’interjeter appel d’une ordonnance d’un protonotaire en en faisant la requête devant un juge conformément à la règle 51 de la Loi sur les Cours fédérales, DOR/98-106. Il est bien établi en droit que les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne doivent pas être dérangées sur appel à moins que les questions soulevées dans la requête soient déterminantes à l’issue de l’affaire ou à moins que les ordonnances soient évidemment erronées : Canada c Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 CF 425; Merck & Co., Inc. c Apotex Inc., 2003 CAF 488, au paragraphe 19.

 

  • [32] Il n’y a aucun doute que la décision d’un protonotaire de radier une demande de contrôle judiciaire doit être examinée de novo, parce qu’elle est nettement déterminante à l’issue de l’affaire : Sanofi-Aventis Canada Inc. c Canada (Santé), 2008 CF 129, au paragraphe 2. Je vais donc examiner l’affaire à nouveau sans tenir compte si le protonotaire a commis ou non une erreur concernant les questions de droit ou de faits.

 

  • [33] Dans David Bull Laboratories (Canada) Inc c Pharmacia Inc, [1995] 1 CF 588 (CA), la Cour d’appel fédérale a décidé que les demandes de contrôle judiciaire ne devraient pas être radiées avant une audience des faits à moins que la demande soit « manifestement irréguli[ère] au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli[e] ». La CAF a ajouté que « [c]es  cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations [...], où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l’avis de requête ».

 

  • [34] Les motifs concernant la sévérité des critères sont simples à comprendre : puisque l’audience complète des faits d’une demande de contrôle judiciaire procède de manière semblable à une requête en radiation de la demande – soit en s’appuyant sur l’affidavit de la preuve et des arguments déposés devant un juge – il n’y a aucun avantage véritable ni de raison économique de radier une demande de manière préliminaire. Les demandes de contrôle judiciaire sont censées être des procédures sommaires et, par conséquent, le processus de radiation est plus facile à exécuter dans le cadre d’une action que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, à la place d’une requête en radiation d’un avis de demande qui ajoute considérablement au coût et au temps que requiert l’examen de telles questions : voir Addison & Leyen Ltd. c Canada, 2006 CAF 107, au paragraphe 5, révisée sur d’autres motifs 2007 CSC 33; Amnesty International Canada c Canada (Procureur général), 2007 CF 1147, aux paragraphes 22 à 24.

  • [35] Cela étant dit, il y a des exceptions à cette règle générale, et l’une d’entre elles est quand le demandeur n’a aucune qualité pour faire la demande : voir Apotex inc. c Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CF 232, au paragraphe 33. CanWest MediaWorks Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 752, au paragraphe 10, affidavit 2008 CAF 207. La Cour suprême du Canada a accepté qu’une question de qualité puisse être décidée de manière appropriée dans le cadre d’une procédure préliminaire quand la Cour a suffisamment d’information devant elle pour bien comprendre les intérêts présentés : Finlay c Canada (ministre des Finances), [1986] 2 RCS 607, au paragraphe 16. En l’espèce, je suis convaincu que le dossier devant moi est suffisant pour me permettre de prendre une décision définitive concernant la question de la qualité.

 

  • [36] L’ACMG soutient qu’elle est touchée directement par la décision de la ministre et par conséquent la qualité d’agir devrait lui être accordée. L’ACMG soutient, comme elle l’a fait devant le protonotaire, que l’idée que les associations représentatives n’ont pas qualité est de plus en plus vue comme étant trop formaliste. Pour appuyer cette proposition, l’association cite la décision de mon collègue le juge Harrington qui a conclu, dans une requête préliminaire, que l’ACMG avait en effet qualité de contester les dispositions sur la protection des données du règlement à titre de personne « directement touchée » : Association canadienne du médicament générique c Canada (Conseil), 2007 CF 154, au paragraphe 17, affidavit 2007 CAF 375.

 

  • [37] Je ne pense pas qu’il soit sérieusement possible de prétendre que l’ACMG est directement touchée par la décision de la ministre d’inscrire le furoate de fluticasone au registre à titre de drogue innovante; le protonotaire a correctement rejeté cet argument. En vertu du paragraphe 18.1(1), aucune personne ne peut faire la demande d’un contrôle judiciaire devant notre Cour, à moins que cette personne soit « directement touchée par l’objet de la demande ». La Cour a créé une jurisprudence telle pour l’application appropriée du présent critère judiciaire. Pour qu’un demandeur soit reconnu comme étant « directement touché », la question en litige doit en être une qui enfreindrait ses droits juridiques, imposerait des obligations juridiques ou le toucherait directement avec préjudice : voir Rothmans of Pall Mall Canada Ltd, ci-dessus.

 

  • [38] Il est évident que le règlement en litige vise à imposer certaines limites sur les fabricants qui demandent des avis de conformité pour de nouveaux médicaments. Conséquemment, seules les personnes qui sont directement touchées par l’inscription d’AVAMYS sont les fabricants qui présenteraient une nouvelle drogue pour approbation, s’il n’y avait pas cette inscription. En l’espèce, il n’y a aucune preuve que l’inscription d’AVAMYS affecterait réellement un fabricant de médicaments en particulier, parce qu’il n’y a aucune preuve qu’aucun fabricant n’ait l’intention de présenter une demande. Si un membre de l’association est touché par l’inscription du furoate de fluticasone dans l’avenir, ce membre touché, plutôt que l’ACMG, serait la partie ayant qualité de présenter une demande pour contester l’inscription.

 

  • [39] M. James Keon, président de l’ACMG, a déposé un affidavit en réponse à la requête en radiation de GlaxoSmithKline. Au contre-interrogatoire, M. Keon a admis que l’association n’est pas un fabricant de médicaments, qu’elle n’effectue pas de dépôts pour de nouveaux médicaments et qu’elle n’a jamais reçu d’avis de conformité ni n’a vendu des médicaments au Canada. En particulier, l’ACMG n’a jamais fait le dépôt de médicament pour furoate de fluticasone. Évidemment, l’ACMG ne peut par conséquent être directement touchée par la décision de la ministre d’inclure un médicament au registre des drogues innovantes.

 

  • [40] En ce qui concerne la décision de mon collègue le juge Harrington sur laquelle s’appuie l’ACMG, elle n’a aucune pertinence en l’espèce. Dans cette affaire, la procédure était une contestation généralisée de la validité constitutionnelle du règlement dans leur ensemble. La ministre a déposé une requête en radiation de la demande en question sur les motifs que l’ACMG n’a pas qualité d’agir. Le juge Harrington a conclu que l’ACMG avait qualité pour contester que les dispositions sur la protection des données du règlement étaient justiciables en tant que personne « directement touchée » étant donné que l’ACMG n’était pas « un “ingéreur” officieux ».

 

  • [41] Toutefois, cet aspect de la décision n’a pas été déterminant dans l’appel. La Cour d’appel fédérale a confirmé les conclusions du juge Harrington quant à la question de la qualité pour agir dans l’intérêt public, mais elle n’a pas jugé utile de se prononcer sur la conclusion du juge selon laquelle « il n’était pas évident et apparent que l’intimée ne fût pas “directement touchée” au sens de l’article 18.1 ».

 

  • [42] À l’audience des faits, le juge Mandamin a conclu que l’ACMG n’était pas directement touchée par le règlement, étant donné qu’elle ne présentait pas des demandes pour obtenir des ADC. Par conséquent, l’affaire en litige (la valeur justiciable du règlement) ne toucherait pas de manière adverse les droits de l’ACMG ni lui imposerait d’obligations juridiques ni lui causerait de préjudice. Cet aspect de la décision n’a pas été poursuivi en appel : Association canadienne du médicament générique c Canada (Santé), 2009 CF 725, aux paragraphes 138 et 139, affidavit 2010 CAF 334.

 

  • [43] Si l’ACMG ne peut être directement touchée par les limites imposées sur les fabricants par le règlement, elle est certainement encore moins touchée directement par l’inscription d’un médicament particulier au registre et par le refus de la ministre de le retirer du registre. L’effet de ce refus est d’empêcher un fabricant de médicaments qui cherche à en commercialiser une version générique de le faire. Étant donné que l’association n’est pas un fabricant, sa qualité de personne « directement touchée » est encore plus ténue que dans l’affaire où elle contestait l’ensemble du régime réglementaire.

 

  • [44] Il est également évident que l’ACMG n’a pas qualité pour agir dans des circonstances analogues en vertu du règlement MB(ADC). Dans le cadre de ce régime, un fabricant n’a pas qualité de contester la décision de la ministre d’inscrire un brevet au registre des brevets à moins que le fabriquant ait fait une présentation abrégée de drogue nouvelle (« PADN ») faisant référence à un médicament associé au brevet contesté. Dans une affaire, les fabricants de médicaments ont déposé une demande de contrôle judiciaire attaquant la manière dont la ministre gère le registre des brevets, en général et sans faire référence à un brevet précis. Dans une autre affaire entendue en même temps que la première, les fabricants demandeurs ont contesté une décision de la ministre d’ajouter un brevet particulier au registre des brevets. Dans les deux cas, la Cour a jugé que les demandeurs n’avaient pas qualité de faire la demande. Dans la première affaire, la Cour a déclaré ce qui suit :

 

[14] Les demanderesses sont des fabricants de médicaments génériques et, à ce titre, elles soumettent régulièrement des présentations de drogues nouvelles en conformité avec le Règlement. Elles participent aussi régulièrement à des procès visés par le Règlement en question qui sont intentés contre elles par des « fabricants de médicaments d’origine » ou des « premières personnes ». Il n’est toutefois fait mention en l’espèce d’aucun brevet précis inscrit au registre au sujet duquel l’une ou l’autre des demanderesses aurait soumis une présentation de drogue nouvelle.

 

[…]

 

[16] Compte tenu des éléments de preuve qui ont été portés à ma connaissance, je ne vois aucune raison de conclure que les demanderesses sont « directement touchées » au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale par la façon dont le ministre tient le registre à jour. Les demanderesses ne sont pas des « secondes personnes » ayant des intérêts déterminés en jeu au sens du Règlement en vertu duquel le ministre tient le registre à jour. Je conclus que, bien qu’elles soient de telles personnes, ou qu’elles puissent un jour le devenir, en ce qui concerne une ou plusieurs inscriptions précises du registre, cela ne suffit pas pour constituer un intérêt direct justifiant la présente demande.

 

[…]

 

[18] Je conclus que, même si l’objet de la présente demande peut régulièrement faire l’objet d’un contrôle judiciaire, les demanderesses n’ont toutefois pas la qualité pour introduire la présente demande.

 

Apotex Inc. c Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] ACF no 1096; 82 CPR(3d) 68, affidavit concernant d’autres motifs [1999] FCJ No 1978, 3 CPR(4th) 1.

 

  • [45] Dans la deuxième affaire, la Cour a déclaré :

 

[5]  […] Je ne suis pas convaincu que les demanderesses ont la qualité nécessaire pour introduire la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre n’a en effet déposé d’avis de conformité comme point de comparaison ou de référence d’un médicament visé par le brevet, et ni l’une ni l’autre n’a envoyé d’avis d’allégation de non-contrefaçon au titulaire du brevet.

 

[…]

 

[6] Si des observations sont effectivement présentées un jour au sujet d’un avis de conformité, si Glaxo Biochem Inc. présente alors une demande de contrôle judiciaire en vue de faire juger si l’allégation de non-contrefaçon est justifiée, la Cour sera alors saisie de la question de savoir si le brevet est régulièrement consigné au registre et la partie ou les parties qui soumettront alors la présentation de drogue nouvelle se présenteront elles aussi régulièrement devant notre Cour.

 

Apotex Inc. c Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] A.C.F. no 1092, 82 CPR (3d) 65.

 

  • [46] Dans une autre affaire n’ayant rien à voir avec la réglementation des médicaments, la Cour d’appel a examiné la demande d’une association de fournisseurs. La demande contestait une décision qui imposait de nouvelles modalités et conditions générales pour les contrats de constructions avec le gouvernement. La Cour a jugé que les fournisseurs avaient qualité, mais que l’association ne l’avait pas :

 

[30]  […] elle n’a tout simplement pas l’intérêt juridique nécessaire pour demander le contrôle judiciaire de la décision. Il ne s’agit pas d’une entreprise de construction et elle n’est donc pas en position de soumissionner relativement à des contrats publics fédéraux en Colombie-Britannique. Il s’ensuit que l’association n’est pas « directement touchée » par la décision du 6 décembre 1996 en ce que celle-ci ne lui confère aucun avantage et ne lui inflige aucun préjudice de façon directe.

 

Independent Contractors and Business Association ci-dessus.

 

  • [47] La position de l’ACMG est parfaitement analogue à cette dernière affaire. L’ACMG n’est pas un fabricant de médicaments. L’inscription d’AVAMYS au registre ne peut vraisemblablement la toucher. Elle ne peut toucher de manière adverse les droits juridiques de l’association, imposer des obligations juridiques, ni lui être un préjudice direct. L’association ne peut pas non plus profiter ni souffrir d’effet néfaste à la suite de l’inscription d’AVAMYS. Au mieux, l’intérêt de l’ACMG dans le litige est tout simplement indirect ou éventuel.

 

  • [48] La seule décision sur laquelle la demanderesse pouvait s’appuyer est celle de la Alberta Court of Queen’s Bench dans Alberta Liquor Store Association c Alberta (Gaming & Liquor Commission), 2006 ABQB 904, au paragraphe 20. Je suis loin d’être convaincu, toutefois, que cette décision est suffisante pour repousser la longue liste d’autorité décrite ci-dessus. De plus, il semble, après une lecture attentive de la décision, que la Cour du Banc de la Reine n’était pas censée appliquer le critère de qualité d’une personne « touchée directement » ou qu’il y avait un critère quelconque. En effet, les affaires auxquelles elle fait référence appuient sa proposition que la qualité des organisations associatives devrait être accordée soit selon l’intérêt public soit sur des dispositions législatives qui définissent de manière plus générale la qualité d’une personne en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

  • [49] Pour tous les motifs précédents, je suis par conséquent d’avis qu’il est évident et manifeste que l’ACMG n’est pas une personne touchée directement en l’espèce du redressement demandé. Conséquemment, elle n’est pas qualifiée en vertu du paragraphe 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

  • [50] Dans des cas exceptionnels qui invoquent les droits publics, une partie qui n’a aucun intérêt privé dans l’affaire peut toujours être qualifiée pour déposer des demandes devant les Cours. L’ACMG a également soutenu qu’en l’espèce, l’association se qualifiait pour un tel intérêt public.

 

  • [51] Dans une longue série de cas, la Cour suprême du Canada a créé un certain nombre de critères pour la qualité d’agir au nom de l’intérêt public. Cette jurisprudence culmine dans Conseil canadien des Églises c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236; [1992] ACS no 5, dans laquelle la Cour expose un critère à trois volets pour la qualité d’agir au nom de l’intérêt public (à la page 253) :

 

On a vu qu’il faut tenir compte de trois aspects lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a lieu de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public.  Premièrement, la question de l’invalidité de la loi en question se pose‑t‑elle sérieusement?   Deuxièmement, a‑t‑on démontré que le demandeur est directement touché par la loi ou qu’il a un intérêt véritable quant à sa validité? Troisièmement, y a‑t‑il une autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour?

 

Voir également : Thorson c Procureur Général du Canada, [1975] 1 RCS 138; Nova Scotia Board of Censors c McNeil, [1976] 2 RCS 265; ministre de la Justice (Can.) c Borowski, [1981] 2 RCS 575 Finlay c Canada (ministre des Finances), [1986] 2 RCS 607

 

  • [52] Les parties sont d’accord que la présente demande soulève une question sérieuse ou justifiable et répond donc au premier volet du critère en trois volets.

 

  • [53] Quant au deuxième volet, l’ACMG soutient que pour arriver à avoir un intérêt véritable, la partie ne doit pas directement être touchée, contrairement aux conclusions du protonotaire. Comme les autres associations qui ont réussi à répondre à ce volet du critère, l’ACMG aurait un intérêt véritable quant à la validité de la loi en question, soutient l’association, même si elle est touchée directement ou non. Je suis d’accord avec cette proposition, étant donné qu’il s’agit de l’objectif même de la qualité d’agir au nom de l’intérêt public dans les cas où une partie n’est pas, strictement parlant, directement touchée.

 

  • [54] La demanderesse conteste également une autre conclusion faite par le protonotaire, soit que l’ACMG ne puisse pas avoir un intérêt véritable à retirer le furoate de fluticasone du registre étant donné qu’elle ne représente pas le public en général, mais représente plutôt les intérêts de ses membres. Selon l’ACMG, les cours accordent fréquemment à des organisations de métiers qui représentent les intérêts de ses membres, à avoir la qualité d’agir au nom de l’intérêt public. Pour appuyer cette proposition, l’ACMG fait référence à un certain nombre de décisions dans lesquelles les associations professionnelles d’avocats, de comptables, d’architectes et même l’ACMG elle-même se sont vu accorder la qualité d’agir pour l’intérêt public au nom de leurs membres.

 

  • [55] Comme déjà mentionné, l’ACMG a déjà obtenu la qualité d’agir pour l’intérêt public pour contester la validité du règlement. Mais l’affaire dans laquelle cela lui a été accordé est très différente qu’en l’espèce, dont l’objet contesté est une décision précise faite par la ministre pour inscrire un produit de médicament précis dans le registre des drogues innovantes. À mon avis, c’est une distinction importante à faire à l’égard de la qualité d’agir pour l’intérêt public.

 

  • [56] La qualité d’agir pour l’intérêt public a toujours été associée au besoin d’assurer que les principes constitutionnels soient respectés et suivis par les représentants du gouvernement et les législateurs. Une telle préoccupation peut remonter jusqu’aux premiers cas d’intérêt public pour lesquels la doctrine a été créée comme option additionnelle à la notion que seuls ceux qui sont directement touchés par la loi ou la décision du gouvernement pourraient déposer une affaire devant les tribunaux. Dans Thorson, précité, par exemple, le juge Laskin déclare qu' « il serait étrange et même alarmant qu’il n’y ait aucun moyen par lequel une question d’abus de pouvoir législatif, matière traditionnellement de la compétence des cours de justice, puisse être soumise à une décision de justice » (à la page 145). Le juge Martland, écrivant au nom de la majorité, a tiré à une conclusion semblable dans Ministre de la Justice (Can.) c Borowski, ci-dessus, dans laquelle la question était si les dispositions sur l’avortement du Code criminel étaient devenues inopérantes en contredisant la Déclaration canadienne des droits. Ayant examiné les décisions dans Thorson et Nova Scotia Board of Censors (qui contestent respectivement la constitutionnalité des lois fédérales et provinciales), le juge Martland a écrit ce qui suit (à la page 598) :

 

Selon mon interprétation, ces arrêts décident que pour établir l’intérêt pour agir à titre de demandeur dans une poursuite visant à déclarer qu’une loi est invalide, si cette question se pose sérieusement, il suffit qu’une personne démontre qu’elle est directement touchée ou qu’elle a, à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validité de la loi, et qu’il n’y a pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. À mon avis, l’intimé répond à ce critère et devrait être autorisé à poursuivre son action.

 

  • [57] La formulation du premier et du deuxième volet du critère en trois volets pour la qualité d’agir pour l’intérêt public exposé par la Cour suprême dans Conseil canadien des Églises réitère que la validité d’une loi est au cœur du raisonnement derrière ce concept élargi de qualité. La Cour suprême a voulu approfondir sur la qualité pour l’intérêt public tout au plus pour contester l’exercice d’une autorité administrative. Dans Finlay, ci-dessus, un résident du Manitoba et une « personne ayant besoin de protection » selon la définition du Régime d’assistance publique du Canada, ont intenté une poursuite pour déclarer que les paiements de contributions qui étaient effectués dans le cadre du régime par le Canada au Manitoba étaient illégaux. Il a demandé une injonction d’arrêter les paiements aussi longtemps que le régime provincial d’aide aux personnes ayant besoin de protection ne se conformait pas aux conditions et aux engagements imposés par le régime. En concluant que M. Finlay avait la qualité d’agir au nom de l’intérêt public pour intenter une action, la Cour a déclaré ce qui suit :

 

[31]  […] nos arrêts Thorson, McNeil et Borowski ne sauraient être considérés comme accordant une autorisation claire et directe de reconnaître, en tant qu’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal, la qualité pour intenter dans l’intérêt public une action en jugement déclaratoire, sans contestation de constitutionnalité, à l’égard du pouvoir que confère la loi de faire des dépenses publiques ou quelque autre action administrative. Cependant il faut dire en toute justice qu’ils n’excluent pas clairement une telle autorisation. La question donc, comme je la conçois, est de savoir si la Cour devrait étendre à de tels cas le principe qui se dégage des arrêts Thorson, McNeil et Borowski. Cette question à son tour soulève des considérations de principe, sous‑jacentes aux attitudes des juges envers la qualité pour agir dans l’intérêt public et, en particulier, si la même valeur doit être attribuée à l’intérêt public dans le maintien du respect des limites de l’autorité administrative que celle que cette Cour a attribuée, dans les arrêts Thorson, McNeil et Borowski, à l’intérêt public dans le maintien et le respect des limites de l’autorité législative.

 

[32]  À mon avis, il faut répondre à cette question par l’affirmative. La qualité pour agir reconnue au procureur général pour faire valoir un intérêt purement public dans les limites de son pouvoir légal, par une action de son propre chef ou à l’instigation d’un autre justiciable, constitue une reconnaissance de l’intérêt public à assurer le respect de ces limites. Pour les raisons données dans l’arrêt Thorson, je ne pense pas que son refus d’agir dans un tel cas doive interdire au tribunal de reconnaître, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les critères énoncés dans l’arrêt Borowski, qualité à un particulier pour engager dans l’intérêt public une telle procédure. Les préoccupations traditionnelles des juges de ne pas élargir la qualité pour agir dans l’intérêt public peuvent être résumées ainsi : la crainte d’une dissipation de ressources judiciaires limitées et la nécessité d’écarter les trouble‑fête; la préoccupation des tribunaux, quand ils statuent sur des points litigieux, d’entendre les principaux intéressés faire valoir contradictoirement leurs points de vue et la préoccupation relative au rôle propre des tribunaux et à leur relation constitutionnelle avec les autres branches du gouvernement. Ces préoccupations trouvent leur réponse dans les critères d’exercice du pouvoir discrétionnaire des juges de reconnaître qualité pour demander dans l’intérêt public un jugement déclaratoire, que les arrêts Thorson, McNeil et Borowski exposent. […]

 

  • [58] Toutes les décisions présentées par la demanderesse pour défendre le fait que les cours accordaient fréquemment la qualité d’agir au nom de l’intérêt public à des associations professionnelles concernent des contestations sur la validité constitutionnelle des dispositions des lois ou de la légalité des décisions administratives. Dans Federation of Law Societies of Canada c Canada (Procureur général), [2002] O.J. no 17 et Law Society of British Columbia c Canada (Procureur général), 2001 BCSC 1593, les demandeurs ont obtenu la qualité de contester la validité constitutionnelle de certaines dispositions de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 sur le motif qu’elles imposaient des dépôts douaniers inconstitutionnels aux avocats en violant la protection des droits à un barreau indépendant en vertu des paragraphes 7,8 et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés. De même, une association qui représente les intérêts économiques et professionnels de sociétés dans la province de Québec a obtenu la qualité de contester la validité de dispositions législatives empêchant d’engager des travailleurs pour remplacer ceux qui sont en grève en soulignant que cela contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Enfin, l’Association du Barreau canadien et la Law Society of British Columbia ont obtenu qualité de contester une loi provinciale obligeant les avocats à percevoir une taxe pour l’achat de services juridiques, à la fois sur les motifs que cela contrevenait à la Loi constitutionnelle de 1867 et à la Charte canadienne des droits et libertés : voir Association du Barreau canadien c Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] BCJ no 407 (BCSC).

 

  • [59] Les deux autres décisions citées par la demanderesse ne m’ont pas convaincu que l’association était admissible en qualité d’agir pour l’intérêt public, parce qu’elles présentent des situations qui ne sont pas analogues au dossier en l’espèce présenté devant moi. Une décision, dans Ordre des architectes de l’Ontario c Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, ne discute même pas de la question de la qualité d’agir au nom de l’intérêt public, mais aborde plutôt le droit d’interjeter appel dans le contexte de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. L’autre décision, dans Certified General Accountants Association of Canada c Canadian Public Accountability Board, [2008] OJ no 194, se rapproche plutôt de la situation décrite dans Finlay, ci-dessus, qu’en l’espèce. Dans cette dernière décision, la Cour divisionnaire de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu qu’un organisme d’autoréglementation professionnel a la qualité de contester les sujets qui touchent la profession qu’il réglemente et pour laquelle il expose les normes. Conséquemment, il a obtenu qualité de déposer une action déclaratoire devant la décision du Conseil canadien sur la reddition de comptes en vertu des règles de justice naturelle et que le Conseil ne respecte pas ses obligations de justice naturelle et d’équité procédurale.

 

  • [60] En somme, la justification derrière la qualité d’agir au nom l’intérêt public n’a rien à voir avec les intérêts de l’ACMG en l’espèce, soit qu’elle représente les fabricants de médicaments génériques et, prétendument, fournit au public des choix génériques. Encore une fois, l’objectif d’accorder la qualité de poursuite à des parties qui ne sont pas directement touchées vise à prévenir l’immunisation à la loi ou aux agissements publics de toutes contestations. Comme l’indique la Cour suprême dans Conseil canadien des Églises, ci-dessus, c’est la reconnaissance grandissante de l’importance des droits publics dans notre société qui est venue confirmer la nécessité d’élargir la reconnaissance du droit à la qualité pour agir au nom de l’intérêt public comme moyen pour maintenir le respect des limites de l’autorité législative.

 

  • [61] Accorder la qualité d’agir au nom de l’intérêt public dans l’affaire en l’espèce ne respecte pas cette justification. Ce que l’ACMG souhaite contester est une décision discrétionnaire de la ministre dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la réglementation qui a été établie comme étant intra vires au Parlement fédéral et rattachée de manière justificative à sa disposition habilitante. Cela est loin des décisions dans lesquelles la qualité d’agir au nom de l’intérêt public a été accordée sur les motifs d’une préoccupation véritable pour la constitutionnalité ou la validité d’une disposition législative ou d’une décision administrative.

 

  • [62] À plusieurs égards, cette affaire est semblable à la décision prise par la Cour d’appel fédérale dans Canwest Mediaworks, ci-dessus. Dans cette affaire, Canwest a fait une demande de contrôle judiciaire d’une ordonnance de mandamus pour exiger que les défenderesses enquêtent et poursuivent les sociétés des médias américaines qui, apparemment, diffusaient leurs publicités de médicaments délivrés sur ordonnance au Canada à l’encontre de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27 et le Règlement sur les aliments et drogues,  C.R.C., ch. 870. Écrivant au nom d’une cour unanime, le juge adjoint Evans a confirmé une décision de la Cour fédérale accordant une requête par les défenderesses de rejeter la demande parce que la demanderesse n’avait pas la qualité d’en faire une. Dans le cadre de sa justification, le juge Evans déclare :

 

[traduction]

 

[14]  Le fait que l’intérêt de Canwest à faire respecter les interdictions de la publicité directe aux consommateurs est un intérêt commercial, il indique également qu’elle n’a pas « un intérêt véritable et continu » pour obtenir la qualité d’agir au nom de l’intérêt public. Les intérêts privés sont principalement pertinents pour décider si les personnes sont « directement touchées » par l’action administrative contestée et par conséquent auraient la qualité de droit.

 

[15]  Dans cette affaire, le juge des requêtes a conclu que Canwest n’était pas « directement touchée » parce que le préjudice prétendu des défendeurs pour ne pas avoir fait respecter la loi touche ses intérêts commerciaux, était trop spéculatif et indirect. Canwest ne peut sûrement pas compter sur les mêmes intérêts qui ne lui donnaient pas « qualité au nom de l’intérêt privé » pour établir un « intérêt véritable » pour obtenir la qualité au nom de l’intérêt public.

 

  • [63] La demanderesse n’ayant pas respecté le deuxième volet du critère en trois volets exposé dans Conseil canadien des Églises, ci-dessus, je suis d’avis que notre Cour, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, ne devrait pas accorder qualité pour l’intérêt public à l’ACMG.

 

  • [64] Il existe un autre motif irréfutable pour tirer cette conclusion : la demanderesse ne respecte pas non plus le troisième volet du critère, parce qu’il y a une autre manière raisonnable et efficace de présenter la question devant la Cour. Ce dernier volet a été décrit par la Cour suprême comme étant « au cœur même du pouvoir discrétionnaire de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public » :Hy and Zel’s Inc. c Ontario (Procureur général), [1993] 3 RCS 675, au paragraphe 16.

 

  • [65] Comme déjà mentionné, l’objectif principal de la qualité d’agir au nom de l’intérêt public était pour « garantir qu’une loi n’est pas à l’abri de la contestation ». Lorsqu’une telle immunisation existe, « le motif à la base même de la reconnaissance à une partie de la qualité pour agir dans l’intérêt public disparaît » : Conseil canadien des Églises, ci-dessus, à la page 256. Le fardeau de la preuve revient à l’ACMG à démontrer qu’il n’y a aucun autre moyen plus adéquat à sa disposition pour défendre la question en litige dans la présente demande.

 

  • [66] L’avocat pour la demanderesse a soutenu qu’il n’y a pas d’autres moyens raisonnables et efficaces de présenter la question à la cour. Il conteste la conclusion du protonotaire qu’un moyen plus raisonnable et plus efficace de poursuivre le litige en l’espèce est d’inviter les fabricants de médicaments génériques de faire une PADN pour le furoate de fluticasone. Il appuie son argument essentiellement sur les points suivants :

[traduction]

-  Demander à un fabricant de médicaments génériques à préparer et faire une PADN pour une version générique d’un médicament dans le registre est à la fois coûteux au fabricant et prolonge le temps durant lequel une drogue est incorrectement inscrite dans le registre tandis que la PADN est préparée;

 

-  Interdire une coalition de fabricants de médicaments génériques d’intenter une seule procédure pour retirer un médicament du registre cause des litiges répétitifs étant donné que chaque fabricant doit présenter sa propre demande de contrôle judiciaire;

 

-  C.08.004.1 ne décrit pas de mécanisme sur comment une partie peut contester l’inscription de médicaments inscrits de manière inappropriée au registre;

 

-  En vertu de C.08.004.1(3), il est illégal à un fabricant de médicaments génériques de faire une PADN pour une version générique d’un médicament qui apparaît dans la liste du registre et la peine pour le faire comprend trois mois d’emprisonnement (en vertu de l’article 31 de la Loi sur les aliments et drogues).

 

  • [67] En ce qui a trait à la déclaration qu’il serait coûteux et long pour qu’un fabricant de médicaments génériques prépare une PADN avant de pouvoir présenter une demande de contrôle judiciaire pour contester la décision de la ministre, elle est au plus spéculative et n’appuie pas la preuve devant moi. À part l’affidavit de M. Keon, qui défend cette question sans donner de références précises pour ses prétentions, il n’y a rien au dossier pour appuyer cette affirmation. Ce qui est plus important, le niveau « d’investissement » qu’un fabricant de médicaments aurait à faire pour une demande d’approbation d’un médicament, le cas échéant, pour obtenir la qualité de présenter une demande dans un tel cas, n’a pas encore été établi dans la jurisprudence. En effet, il semble que cette question est actuellement soulevée pour la première fois dans une contestation d’enregistrement présentée par un fabricant de médicaments génériques dans Teva Canada Limited c Canada (Santé), T-1172-10.

 

  • [68] L’argument de l’ACMG suppose que notre Cour ne donnerait pas à un fabricant de médicaments les moyens raisonnables et efficaces de contester une décision qui touche ses droits. Il est vrai que lorsque poussée sur cette question, l’avocat de la ministre de la Santé refuse de prendre position sur comment son client tiendrait compte des circonstances suffisantes pour qu’un fabricant puisse avoir la qualité de faire une demande de contrôle judiciaire. Cela étant dit, et sans vouloir d’aucune façon faire préjudice à la décision de la Cour dans Teva, ci-dessus, un juge peut très bien être prêt à décider qu’un fabricant puisse établir sa qualité simplement par l’entremise de preuves convaincantes sur l’intention véritable de présenter une demande d’approbation d’un médicament.

 

  • [69] Cela m’amène à un autre argument soulevé par la demanderesse. La demanderesse fait remarquer que le règlement MB(ADC) fournit expressément un processus par lequel les fabricants de médicaments génériques peuvent obtenir un redressement dans l’éventualité qu’un préjudice leur revienne à la suite de l’inclusion de brevets inadmissibles dans le registre des brevets. À cet égard, l’alinéa 6(5)a) du règlement MB(ADC) indique qu’un fabricant de médicaments génériques peut présenter une requête de rejet d’une procédure entièrement ou en partie concernant ces brevets qui ne sont pas admissibles d’être inclus dans le registre des brevets. De plus, l’article 8 fournit un redressement de coûts quand des procédures inutiles sont intentées à cause des brevets inadmissibles.

 

  • [70] Il est vrai qu’il n’y a pas de régime comparable à C.08.004.1. Mais cela va sans dire que les fabricants de médicaments génériques ne sont pas sans recours. La Ligne directrice : La protection des données en vertu de l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues [Santé Canada, 2010] établit une procédure par laquelle un fabricant de médicaments génériques qui demande un ADC pour un médicament comparable à une drogue innovante peut présenter des observations au BMBL pour contester sa désignation :

 

Durant la période de protection des données de huit ans, un fabricant ne pourra pas déposer une demande d’ADC sur la base d’une comparaison directe ou indirecte à une drogue innovante pendant les six premières années de cette période de protection. Le fabricant recevra une décision préliminaire dans une lettre l’informant de l’intention de rejeter la demande et d’accorder une période de 30 jours pour présenter des observations en réponse. Si, après la prise en considération des observations reçues, la DPT reste d’avis que la présentation ne peut être déposée, il en informera le fabricant, et la présentation sera supprimée du système de Santé Canada.

 

Ligne directrice : La protection des données en vertu de l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues [Santé Canada, 2010], pages 6 et 7.

 

  • [71] Cela, à mon avis, est une réponse claire à l’argument fait par l’ACMG sur le fait que les fabricants de médicaments devraient agir illégalement pour contester directement une décision de la ministre. En effet, le règlement ne parle pas seulement de créer une contravention pour le fabricant de médicaments génériques qui fait une PADN lorsqu’un médicament est dans la liste du registre. Il est plutôt évident que selon la procédure décrite dans la Ligne directrice : La protection des données que ce n’est pas un acte criminel pour un fabricant de médicaments de déposer une présentation abrégée de drogue nouvelle pendant la période de protection des données.

 

  • [72] Je note, en outre, que l’ACMG a écrit au ministre de la présente affaire pour demander que le furoate de fluticasone soit retiré du registre. Même si aucune PADN n’est faite, et sans aucune indication qu’un fabricant de médicaments génériques ait l’intention de faire une PADN, le BMBL a répondu à cette lettre et a fourni les motifs essentiels du refus de retirer le furoate de fluticasone du registre. Je ne vois pas pourquoi un fabricant de médicaments génériques ne pourrait pas avoir fait de même, et ne pourrait pas éventuellement faire une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

 

  • [73] Enfin, je n’accepte pas qu’interdire une coalition de fabricants de médicaments génériques à intenter une simple procédure pour enlever un médicament de la liste du registre cause des litiges inutiles. Premièrement, il n’y a absolument aucune preuve à cet effet, et une telle affirmation est va intuitivement à l’encontre de la précédente concernant le coût et la longueur de la préparation d’une PADN. En effet, nous ne savons même pas s’il y a des fabricants de médicaments représentés par l’ACMG ont l’intention de déposer une PADN pour le furoate de fluticasone.

 

  • [74] En outre, l’affirmation de la demanderesse peut facilement être renversée. Si l’ACMG obtient la qualité de présenter l’affaire, cela ouvrirait potentiellement les écluses de contestations additionnelles en vertu des réglementations sur la protection des données par les associations professionnelles. L’ACMG ne devrait pas avoir la qualité pour agir dans l’intérêt public pour exempter ses membres de la divulgation publique et du contre-interrogatoire, et pour accéder à des renseignements confidentiels.

 

  • [75] Pour tous les motifs précédents, je suis par conséquent d’avis qu’il est évident et manifeste que la demande de l’ACMG est vouée à l’échec et qu’elle devrait être rejetée. L’ACMG n’est pas directement touchée par la décision de la ministre. Elle n’a aucun intérêt véritable dans la question en litige et ne parle pas au nom de l’intérêt public en l’espèce. D’autres moyens plus raisonnables et efficaces sont à sa disposition pour présenter cette affaire devant la Cour. Par conséquent, l’appel est rejeté avec dépens.

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté avec dépens.

 

   « Yves de Montigny » 

___________________________

    Juge


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :   T-152-10

 

INTITULÉ :  ASSOCIATION CANADIENNE DU MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE c LA MINISTRE DE LA SANTÉ ET GLAXOSMITHKLINE INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  le 9 février 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :  le 15 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jonathan Stainsby

Me Mark Edward Davis

 

Pour le demandeur

 

Me Rick Woyiwada

 

Me Jason Marwell

Me Amy E. Grenon

POUR LA MINISTRE DÉFENDERESSE

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE GSK INC.

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

 

Pour le demandeur

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

Me Ogilvy Renault LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA MINISTRE DÉFENDERESSE

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE GSK INC.

 

 

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