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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110505

Dossier : IMM-6009-09

Référence : 2011 CF 521

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

TSEGAY KIFLAY WELDESILASSIE

(Alias TSEGAY FIKLAY WELDESILASSIE)

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Le demandeur, M. Tsegay Kiflay Weldesilassie, est un citoyen érythréen. En février 2007, il a payé un intermédiaire afin qu’il lui organise un voyage en avion en Égypte. En 2008, le demandeur a déposé une demande de résidence permanente au Canada en tant que réfugié à l’extérieur du pays. Dans une lettre (aussi nommée lettre de rejet) datée du 21 septembre 2009, une agente des visas (l’agente) à l’ambassade canadienne au Caire, en Égypte, a rejeté sa demande. Le demandeur veut faire annuler cette décision. Pour les raisons suivantes, j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.        Les questions en litige

 

[2]               Les questions soulevées par la présente demande sont les suivantes :

 

1.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en faisant abstraction du statut de réfugié que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR) avait reconnu au demandeur, ainsi que des lignes directrices OP 5 de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) (dont il est traité plus loin)?

 

2.                  L’agente a-t-elle tiré des conclusions erronées quant à la crédibilité en ne tenant pas compte d’éléments de preuve dont elle était saisie, ou en comprenant ou en interprétant mal la preuve?

 

3.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en n’examinant pas tous les motifs possibles de persécution – spécifiquement, l’allégation du demandeur selon laquelle il a quitté l’Érythrée en tant que conscrit réfractaire?

 

4.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en ne motivant pas suffisamment sa décision?

 

5.                  La décision de l’agente donne-t-elle lieu à une crainte raisonnable de partialité?

 

III.       Les dossiers pertinents quant à l’espèce

 

[3]               Ce dossier est une des quatre demandes de contrôle judiciaires étudiées conjointement par la Cour. Les trois autres dossiers de la Cour portent les numéros IMM‑6000‑09 (Henok Aynalem GHIRMATSION), IMM‑6005‑09 (Tsegeroman Zenawi KIDANE) et IMM‑6010‑09 (Selam Petros WOLDESELLASIE). Ces quatre dossiers sont représentatifs d’un groupe de près de 40 dossiers, pour lesquels des demandes de contrôle judiciaire ont été déposées. Les autres dossiers ont été placés en suspens en attente de l’issue de ces quatre dossiers. Les éléments communs aux quatre dossiers et, tel que je les conçois, à tous les dossiers du groupe sont les suivants :

 

·                    chaque demandeur est un citoyen de l’Érythrée;

 

·                    chaque demandeur prétend être membre de l’Église pentecôtiste;

 

·                    chaque demande de résidence permanente a été rejetée;

 

·                    c’est la même agente qui a fait passer des entrevues à tous les demandeurs d’asile et qui a rejeté toutes les demandes de résidence permanente.

 

[4]               Bien que dans chaque dossier particulier de demande de contrôle judiciaire le demandeur fasse valoir de manière distincte le bien-fondé de la demande en cause, les quatre dossiers retenus ont été jugés représentatifs parce que, comme l’explique le demandeur, [traduction] « ils présentaient plusieurs tendances dans le processus décisionnel et erreurs nettes qui [étaient] communes à un grand nombre voire à l’ensemble des autres cas ».

 

[5]               J’insiste toutefois pour dire que la portée de la présente décision s’étend à la seule demande déposée par le présent demandeur. Je ne tire aucune conclusion ni ne rends aucune ordonnance qui ait force obligatoire à l’égard de l’un quelconque des autres dossiers. Chaque dossier concerne un ensemble particulier de faits et doit faire l’objet d’un examen et d’une décision distincts.

 

[6]               Cela étant dit, il existe des questions qui sont communes aux quatre dossiers. Concernant ces questions communes, je présente mon analyse et mes conclusions de façon plus détaillée dans le premier des quatre dossiers, soit le no IMM‑6000‑09. Les motifs du jugement et le jugement dans ce dossier peuvent être trouvés dans la décision Ghirmatsion c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519 [Ghirmatsion]. Lorsqu’il sera pertinent de le faire dans les présents motifs, je référerai les parties et le lecteur aux sections appropriées de la décision Ghirmatsion, précitée.

 

IV.       Les affidavits

 

[7]               Dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, j’ai examiné les affidavits qui ont été déposés en appui à la demande de contrôle judiciaire.

 

[8]               Les affidavits déposés en l’espèce par le demandeur (outre celui du demandeur) sont identiques. J’ai les mêmes préoccupations dont j’ai fait part antérieurement. Pour les motifs exposés aux paragraphes 6 à 23 dans Ghirmatsion :

 

·                    peu d’importance sera accordée aux affidavits de Mme Janet Dench;

 

·                    peu d’importance sera accordée à l’affidavit de M. Tewolde Yohanes;

 

·                    M. William Griffin est reconnu en tant qu’expert de la foi pentecôtiste et, le cas échéant, la preuve et les opinions présentées dans son affidavit seront traitées en tant que preuve d’expert fournie pour aider la Cour;

 

·                    les documents joints à l’affidavit de Mme Natalia Shchepetova n’avaient pas été présentés à l’agente et la Cour ne les examinera donc pas.

 

[9]               Dans la mesure où l’affidavit de l’agente sert à préciser ses motifs ou à les modifier, tels qu’ils sont inscrits dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI) et dans la lettre de rejet, il sera ignoré.

 

V.        Les renseignements généraux du demandeur

 

[10]           Dans cette section des motifs, j’établirai brièvement les renseignements généraux du demandeur tels qu’il les a décrits. Je remarque que ceci est l’historique du demandeur comme il est présenté dans l’exposé circonstancié faisant partie de sa demande; je ne rendrai aucune conclusion quant à la véracité ou sur le fond de la demande.

 

[11]           Le demandeur, M. Tsegay Kiflay Weldesilassie, est né le 9 janvier 1986 à Ararib, en Érythrée. Le demandeur a reçu une éducation catholique, mais s’est converti au pentecôtisme lorsqu’il était adolescent en 2001. En mai 2002, le gouvernement érythréen a banni les églises minoritaires, y compris les églises pentecôtistes, et a commencé, de façon concertée, à cibler les adhérents de ces religions et à fermer leurs églises.

 

[12]           En 2004, le demandeur devait se présenter au centre d’instruction des forces armées de Sawa afin de commencer son service militaire obligatoire. En octobre 2004, le demandeur a été arrêté pour ne pas s’être présenté à son service et il a été conduit à la prison d’Adi Abeto. Le demandeur a été interrogé et torturé, il a été privé de nourriture pendant trois jours et il a été forcé de dormir dehors sans couverture ni souliers. Le demandeur s’est échappé en novembre 2004 et s’est caché. Le 6 mars 2005, le demandeur a été découvert et a été arrêté de nouveau durant un service religieux. Il a été conduit dans une autre prison où il a été sévèrement puni.

 

[13]           En avril 2006, le demandeur a été transféré par camion à Sawa avec 170 autres prisonniers. Dans la circulation, le demandeur et 22 autres personnes ont été capables de sauter du camion; deux prisonniers ont été tués par les gardiens au cours de l’évasion. Le demandeur avait de l’argent avec lui et s’en est servi pour prendre un taxi vers Embagliona. Le demandeur a demeuré chez un parent, parce qu’il avait peur de retourner à la maison.

 

[14]           Le demandeur a payé 2 000 $ à des passeurs pour l’aider à traverser illégalement la frontière du Soudan.

 

[15]           En février 2007, le demandeur a été arrêté par la police soudanaise, mais il a été relâché après avoir payé un pot‑de‑vin. Le demandeur a ensuite payé un intermédiaire pour qu’il lui organise un voyage par avion au Caire, en Égypte.

 

[16]           Le 23 mars 2007, le demandeur est entré en Égypte et en juillet 2007, il s’est inscrit en tant que demandeur d’asile auprès du HCR. Le 15 septembre 2009, le demandeur a été obtenu le statut de réfugié reconnu par le HCR.

 

VI.       L’entrevue

 

[17]           Le 16 septembre 2009, le demandeur a été rencontré par l’agente. L’entrevue a été réalisée en anglais et en tigrina avec l’aide d’un interprète. Il n’existe pas de transcription de l’entrevue. L’agente a entré des notes dans son ordinateur au cours de l’entrevue et a copié celles‑ci dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI), apparemment le 17 septembre 2009.

 

[18]           D’autres descriptions de ce qui s’est déroulé durant l’entrevue sont incluses dans les affidavits de l’agente (établi sous serment le 5 septembre 2010) et du demandeur (établi sous serment le 23 février 2011). Compte tenu du délai entre l’entrevue et les affidavits, durant lequel les souvenirs peuvent s’estomper ou se brouiller, j’hésite à me fier aux versions des affidavits pour les détails de l’entrevue réalisée en 2009.

 

[19]           En l’espèce, comme ce fut le cas dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, le cas du demandeur a été porté à l’attention d’un organisme appelé Africa and Middle East Refugee Assistance (l’AMERA) (aide aux réfugiés d’Afrique et du Moyen‑Orient). Le rôle de l’AMERA est décrit plus en détail dans la décision Ghirmatsion, précitée, aux paragraphes 33 et 34.

 

[20]           Un représentant de l’AMERA a mené une entrevue auprès du demandeur le 1er novembre 2009, au cours de laquelle ce dernier a fourni des détails additionnels concernant son entrevue avec l’agente. Les notes sont jointes à l’affidavit du demandeur. Ces notes ont été prises peu de temps après l’entrevue avec l’agente; elles sont plus contemporaines que les commentaires des affidavits de l’agente ou du demandeur. Comme je l’ai conclu dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, et pour les mêmes motifs, j’accepterai les notes de l’AMERA avec passablement de réserve quant à leur importance.

 

VII.     La décision de l’agente

 

[21]           Dans la lettre de rejet datée du 21 septembre 2009, l’agente donne les motifs suivants au rejet :

[traduction]

Après avoir soigneusement examiné tous les facteurs relatifs à votre demande, je ne suis pas convaincue que vous soyez membre d’une des catégories réglementaires, parce que je ne suis pas convaincue que vous ayez été sincère durant votre entrevue. Je ne suis pas convaincue que vous vous soyez réellement converti au pentecôtisme. Vous étiez incapable de fournir des détails spécifiques concernant la religion pentecôtiste. De plus, l’histoire de votre évasion n’est pas crédible. J’estime déraisonnable que 170 prisonniers soient gardés par seulement six gardiens. En outre, je suis convaincue que vous avez quitté l’Érythrée pour vous soustraire au service national. Déroger aux obligations du service national ne constitue pas une persécution ou une violation des droits de la personne. Puisque je ne vous crois pas crédible, je ne suis pas convaincue : que vous répondiez à la définition d’une personne de pays d’accueil; que vous n’avez pas eu et ne continuiez pas de subir des conséquences graves et personnelles à la suite d’une violation massive de vos droits de la personne; que vous répondiez à la définition d’un réfugié au sens de la Convention selon laquelle vous posséderiez une crainte fondée de persécution, à la définition de réfugié selon le pays source ou que vous ne soyez pas interdit de territoire.

 

[22]           Le paragraphe précédent comprend les motifs pour le rejet de la demande. Si je comprends bien la décision, l’agente a fait les observations ou tiré les conclusions suivantes au sujet du demandeur :

 

1.                  le demandeur n’était pas sincère;

 

2.                  il a été incapable de fournir des [traduction] « détails spécifiques » au sujet de la religion pentecôtiste;

 

3.                  l’agente n’a pas cru le récit de l’évasion, car il était « déraisonnable » que seulement six gardiens soient responsables de 170 prisonniers;

 

4.                  il avait quitté l’Érythrée pour se soustraire au service militaire obligatoire, ce qui, aux yeux de l’agente, ne représente pas une persécution. 

 

[23]           Bien qu’elle ne l’ait pas exprimé clairement, l’agente n’a manifestement pas cru que le demandeur ait été détenu ou qu’il ait été de religion pentecôtiste. C’est le caractère raisonnable de l’analyse sous-jacente qui permettra de décider si ces deux conclusions clés doivent être maintenues.

 

[24]           Il est reconnu que les motifs de l’agente sont ceux qui ont été établis dans la lettre de décision et bonifiés par le contenu des notes du STIDI relatives au dossier. Quels motifs additionnels tirés des notes du STIDI pourraient étayer les conclusions clés de l’agente? Les extraits des notes du STIDI reproduites dans ces motifs sont transcrits de la façon la plus fidèle possible à la version originale.

 

1.                  L'absence de sincérité : Il n’y a absolument rien dans les notes du STIDI qui permet d’expliquer pourquoi l’agente a estimé que le demandeur n’était « pas sincère ».

 

2.                  Les six gardiens : Les notes du STIDI démontrent que le demandeur a fourni des détails concernant son évasion qui a eu lieu durant le transport des prisonniers d’un camp à un autre. Comme il a été établi dans les notes, le demandeur a décrit l’évasion ainsi : [traduction] « VERS 6 H, LE VÉHICULE A RALENTI, LES PRISONNIERS ONT COMMENCÉ À S’ÉCHAPPER, DEUX ONT ÉTÉ TUÉS, J’AI ÉTÉ [CHANCEUX DE POUVOIR] M’ÉVADER ». L’agente a alors demandé : [traduction] « COMBIEN Y AVAIT‑IL DE GARDIENS », ce à quoi le demandeur a répondu [traduction] « 170 PRISONNIERS, 6 GARDIENS ».

 

3.                  La religion pentecôtiste : Voici la portion intégrale des notes du STIDI traitant de la connaissance du demandeur de la foi pentecôtiste :

[traduction]

JE VAIS MAINTENANT VOUS POSER DES QUESTIONS SUR LA RELIGION PENTECÔTISTE. DE QUELLE RELIGION ÉTIEZ‑VOUS AVANT DE DEVENIR PENTECÔTISTE? CATHOLIQUE.

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE CES DEUX RELIGIONS? NOUS SOMMES BAPISTIÉS [SIC] PLUS VIEUX, AU LIEU DE PLUS JEUNE, NOUS NE PRIONS PAS POUR LES ANGES, NOUS N’UTILISONS PAS DE PHOTO.

QUELLES SONT LES AUTRES DIFFÉRENCES? NOUS PRIONS DANS D’AUTRES LANGUES.

 

À la fin de l’entrevue, l’agente a, semble‑t‑il, fait part de ses préoccupations :

            [traduction]

« JE VOUS AI POSÉ DES QUESTIONS SPÉCIFIQUES CONCERNANT LA RELIGION PENTECÔTISTE ET VOUS N’AVEZ PAS LA MOINDRE IDÉE DE CE DONT JE PARLE […] VOTRE CONNAISSANCE EST TRÈS ÉLÉMENTAIRE POUR QUELQU’UN QUI L’ÉTUDIE DEPUIS HUIT ANS. »

 

4.                  L’insoumission : Dans ses observations finales des notes du STIDI, l’agente a écrit :

[traduction]

JE CROIS QUE LE DP VOULAIT ÉVITER LE SERVICE MILITAIRE, PUISQU’IL N’AVAIT PAS ACCEPTÉ DE SE PRÉSENTER À SAWA LORSQU’IL A ÉTÉ AVISÉ DE LE FAIRE EN 2004.

 

[25]           Pour résumer, les notes du STIDI fournissent très peu de renseignements sur les motifs additionnels du rejet.

 

VIII.    Le cadre légal

 

[26]           Un bref aperçu des dispositions légales applicables à la présente demande se trouve dans mes motifs de l’affaire Ghirmatsion, précitée, aux paragraphes 41 à 45. Le texte intégral des dispositions légales pertinentes quant à l’espèce se trouve à l’appendice A de ces motifs.

 

[27]           En résumé, pour être admissible à la réinstallation au Canada en application du paragraphe 139(1) et des articles 144 et 145 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement IPR], une personne

 

·                    doit répondre à la définition de réfugié au sens de la Convention;

                             

 

·                    doit se trouver hors du Canada;

 

·                    à son égard, ne doit être réalisable dans un délai prévisible aucune autre possibilité raisonnable de solution durable, comme

 

o                   le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle avait sa résidence habituelle; et

 

o                   la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays.  

 

IX.       La norme de contrôle judiciaire

 

[28]           Dans l’ensemble, la décision d’un agent des visas est contrôlable en fonction de la norme de la raisonnabilité. Lorsqu’elle contrôle une décision selon la norme de la raisonnabilité, la Cour s’intéresse à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel [ainsi qu’à] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Autrement dit, la décision sera maintenue, sauf si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Nouveau-Brunswick c. Dunsmuir, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS. 190 [Dunsmuir], au paragraphe 47).

 

[29]           Cependant, les questions touchant le défaut de trouver un motif de persécution, la crainte raisonnable de partialité et le caractère suffisant des motifs sont contrôlables en fonction de la décision correcte (Ghirmatsion, précitée, paragraphes 46 à 53).

 

X.        Le défaut de prendre en compte certains facteurs ou éléments de preuve

 

A.        Le statut reconnu par le HCR

 

[30]           Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR) a reconnu au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention, comme en fait foi la « carte bleue » délivrée le 15 septembre 2009, à la suite d’une entrevue avec le HCR. Si je comprends bien, la carte d’identité bleue atteste que son porteur a fait l’objet d’une évaluation individuelle et est officiellement reconnu en tant que réfugié par cet organisme de l’ONU. Le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur en ne considérant aucunement le statut reconnu par le HCR comme étant un facteur pertinent pour sa décision. L’agente a classé « la carte bleue du HCR » comme document établissant l’identité du demandeur, mais elle n’a pas référé à ce document par la suite.

 

[31]           L’importance de la désignation de réfugié par le HCR est examinée de façon assez détaillée dans la décision Ghirmatsion, précitée, et n’est pas répétée dans les présents motifs. Je mentionne à nouveau que les lignes directrices OP 5, Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières, de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), datées du 13 août 2009, (le Guide OP 5) informent l’agente de l’importance qu’entraîne une reconnaissance du statut de réfugié par le HCR. À la Section 13.3 du Guide OP 5, les agents apprennent qu’une décision par le HCR concernant le statut de réfugié d’un demandeur est un facteur à considérer dans l’évaluation de l’admissibilité au statut de réfugié.

 

[32]           Outre la simple référence à la carte émise par le HCR en tant que carte d’identité, il n’y a pas d’autre référence dans les notes du STIDI à la décision rendue par le HCR sur le statut du demandeur. Je suis consciente que le statut de réfugié par le HCR ne constitue pas un facteur déterminant; le mandat de l’agente est d’évaluer la crédibilité du demandeur et de juger sa demande sur le fond en fonction des lois canadiennes applicables. Selon le Guide OP 5, néanmoins, le HCR joue un rôle important et pertinent lorsqu’il s’agit de traiter les demandes selon la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières. À mon avis, le statut de réfugié accordé au demandeur par le HCR constituait, de manière personnelle, un facteur pertinent.

 

[33]           La désignation de réfugié par le HCR était un élément si important de la preuve du demandeur qu'il est possible de déduire du défaut de l’agente de l’avoir mentionnée dans ses motifs qu'elle a rendu sa décision sans en tenir compte (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, [1998] ACF no 1425 (QL)(C.F. 1ère inst.), au paragraphe 17). C’était pourtant une question centrale aux fins de la décision. Face à un demandeur reconnu comme réfugié par le HCR, l’agente aurait dû expliquer dans son évaluation de la demande pourquoi elle ne souscrivait pas à la décision de cet organisme. L’agente n’était pas tenue de souscrire aveuglément à la désignation du HCR; elle avait toutefois l’obligation d’en tenir compte. Or, faute pour un agent des visas d’avoir expliqué pourquoi il n’a pas souscrit à une désignation du HCR, la Cour n’a aucun moyen de savoir si cet élément de preuve d’une grande pertinence a été pris en compte.

 

[34]           L’erreur ainsi commise par l’agente constitue un motif suffisant pour infirmer la décision. Je le répète, toutefois, la reconnaissance par le HCR du statut de réfugié n’a pas un caractère déterminant; il incombait toujours à l’agente d’évaluer par elle-même la preuve dont elle était saisie, y compris la preuve concernant le statut de réfugié du HCR.

 

B.         Le défaut d’évaluer la recevabilité en conformité avec le Guide OP 5

 

[35]           Comme je l'ai dit, l’agente a rejeté la demande du demandeur parce qu’elle n’a pas jugé le demandeur crédible. Le demandeur soutient que l’agente n’a pas évalué s’il répondait à la définition d’un réfugié au sens de la Convention, et lui reproche plus particulièrement de ne pas avoir suivi expressément les étapes prévues à la Section 13.3 du Guide OP 5.

 

[36]           J’ai soulevé puis rejeté cet argument dans la décision Ghirmatsion, précitée. Pour les mêmes motifs, je ne suis pas persuadée que l’agente ait commis une erreur en ne suivant pas les étapes décrites dans le Guide OP 5, à la Section 13.3. 

 

[37]           Comme dans la décision Ghirmatsion, précitée, le problème de l’argument du demandeur concernant cette question est qu’il ne tient pas compte du fait que la décision de l’agente a été fondée sur une conclusion défavorable en matière de crédibilité. Ainsi, une part importante de la preuve documentaire concernant la persécution des pentecôtistes en Érythrée, ou du traitement de ceux qui ont quitté l’Érythrée illégalement, n’était pas pertinente quant à l’espèce. Donc, si les conclusions relatives à la crédibilité sont fondées, je conclurai que l’agente n’avait pas commis d’erreur en ne suivant pas chacunes des étapes indiquées à la Section 13.3 du Guide OP 5.

 

XI.       Le caractère raisonnable des conclusions quant à la crédibilité

 

[38]           Comme je l’ai noté précédemment, la conclusion défavorable de l’agente contenait deux éléments; spécifiquement, l’agente ne croyait pas que le demandeur avait été emprisonné et qu’il était adhérent à la foi pentecôtiste. J’examinerai chacun de ces éléments.

 

A.        La détention du demandeur

 

[39]           Le motif donné par l’agente pour ne pas croire le récit du demandeur concernant sa détention se rapporte à son évasion de prison en avril 2006. D’après le témoignage du demandeur (tel qu’il est inscrit dans les notes du STIDI), le demandeur s’est échappé du centre de détention pendant le transport de 170 prisonniers par camion. En réponse à la seule question traitant de son évasion, le demandeur a raconté qu’il y avait environ six gardiens avec les camions. Dans sa lettre de rejet, l’agente a écrit : [traduction] « J’estime déraisonnable que 170 prisonniers soient gardés par seulement six gardiens ». C’est la seule raison que donne l’agente pour motiver le rejet du récit du demandeur au sujet de sa détention. S’il y avait d’autres motifs à son scepticisme, l’agente n’en a pas fait part au demandeur (ou à la Cour).

 

[40]           Il n’y avait absolument pas de preuve documentaire présentée à l’agente relativement au ratio de prisonniers et de gardiens pour des situations similaires. Lorsqu’elle a été contre‑interrogée au sujet de son affidavit, l’agente a été questionnée concernant le motif de sa conclusion qu’un ratio de 170 prisonniers pour six gardiens n’était pas crédible ou vraisemblable. Sa réponse a été simplement [traduction] « cela semble un peu faible ». Elle a aussi admis qu’elle ne possédait pas de preuve pour fonder sa décision (contre-interrogatoire d’AnnMarie McNeil, 22 et 23 mars 2011, Q784, Q788 et Q791).

 

[41]           Selon moi, cette conclusion d’invraisemblance est de nature purement hypothétique ou conjecturale. Ni l’agente ni la Cour n’ont une idée du nombre de gardiens nécessaire au transport de 170 prisonniers d’un camp à un autre en Érythrée. Est-ce que le deuxième camp se trouvait loin du premier? De quelle façon les gardiens étaient­‑ils armés? Est‑ce que certains prisonniers étaient menottés ou attachés de quelque façon? Une conclusion voulant que le demandeur n’ait jamais été détenu ne peut tout simplement pas être fondée sur la croyance de l’agente que le ratio « semble un peu faible ».

 

[42]           Le traitement du demandeur durant sa détention est l’élément clé de sa demande. L’agente avait le droit de douter du récit du demandeur. Cependant, l’agente a erré en fondant son doute sur de pures conjectures ou hypothèses. L’erreur de l’agent est suffisante pour motiver l’annulation de sa décision.

 

B.         La religion pentecôtiste

 

[43]           L’autre conclusion en matière de crédibilité tirée par l’agente était qu’elle ne croyait pas que le demandeur était pentecôtiste. Le seul motif fourni dans la lettre de rejet était que le demandeur était incapable de donner [traduction] « des détails spécifiques concernant la religion pentecôtiste ». Les notes du STIDI apportent peu de renseignements sur le sujet :

[traduction]

JE VOUS AI POSÉ DES QUESTIONS SPÉCIFIQUES CONCERNANT LA RELIGION PENTECÔTISTE ET VOUS N’AVEZ PAS LA MOINDRE IDÉE DE CE DONT JE PARLE […] VOTRE CONNAISSANCE EST TRÈS ÉLÉMENTAIRE POUR QUELQU’UN QUI L’ÉTUDIE DEPUIS HUIT ANS.

 

[44]           Les notes du STIDI présentent quelques questions qui ont été posées. Tel qu’il a été consigné, le demandeur a donné des réponses très élémentaires aux questions concernant la différence entre son ancienne religion, le catholicisme romain, et la religion pentecôtiste.

 

[45]           Il ne s’agit pas d’une affaire où l’agente a posé des questions qui n’étaient pas en accord avec les croyances fondamentales du pentecôtisme. De plus, le dossier indique que l’agente a posé un nombre de questions et de questions suivies de façon à obtenir plus d’information du demandeur en ce qui a trait à sa conversion et ses croyances.

 

[46]           En général, il est raisonnable de s’attendre d’un demandeur ayant fait l’expérience d’une conversion religieuse marquante qu’il ait une connaissance importante de sa nouvelle foi. Les notes du STIDI ne démontrent pas que le demandeur avait une telle connaissance.

 

[47]           Dans les notes tirées de son entrevue de l’AMERA, le demandeur a raconté à l’intervieweur que lorsqu’il s’était fait demander par l’agente pourquoi il s’était converti, il avait cité un extrait des Écritures. Il a ajouté que l’agente lui avait demandé [traduction] « un mot que la plupart des pentecôtistes utilisent ». Quand il lui avait demandé quel était ce mot, l’agente n’avait pas voulu lui dire. Au cours de son contre‑interrogatoire concernant son affidavit, l’agente a déclaré qu’elle ne se souvenait pas avoir posé une question à propos « d’un mot ». Il m’est difficile de croire que ce qu’a répondu le demandeur au cours de son entrevue de l’AMERA soit véritablement ce qui s’est dit durant l’entrevue avec l’agente. L’entrevue de l’AMERA a été tenue après que le demandeur ait eu connaissance de son rejet et qu’il ait eu le temps de réfléchir aux réponses qu’il aurait pu donner à son entrevue. En particulier, je doute que le demandeur ait cité les Écritures à l’agente, sans que les notes contemporaines à l’entrevue en fassent mention. Cette divergence soulève le doute quant à la précision des souvenirs du demandeur concernant son entrevue avec l’agente. En l’espèce, je n’accorde que très peu d’importance aux notes tirées de l’entrevue de l’AMERA.

 

[48]           En me servant de la norme de la raisonnabilité, je ne peux pas conclure que la conclusion de l’agente au sujet de l’adhérence du demandeur à la foi pentecôtiste n’appartient pas aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, paragraphe 47).

 

[49]           Je tiens à souligner que cette conclusion n’implique pas que le demandeur ne soit pas pentecôtiste. Cela veut plutôt dire qu’en se fondant sur les réponses qui lui ont été données par le demandeur, l’agente n’a pas tiré de conclusion déraisonnable.

 

C.        La conclusion quant à la crédibilité

 

[50]           Bien que je conclurai que la conclusion concernant la foi du demandeur est corroborée par le dossier, dans l’ensemble, la conclusion quant à la crédibilité tirée par l’agente est déraisonnable. Je fonde ma décision sur deux conclusions. Premièrement, l’agente a fondé sa décision que la détention du demandeur n’était pas crédible sur une hypothèse. Deuxièmement, le commentaire de l’agente selon lequel le demandeur n’était pas « sincère » n’est pas motivé.

 

XII.     Les autres motifs de persécution

 

[51]           En l’espèce, l’agente a considéré qu’un seul motif de persécution. Spécifiquement, elle a étudié le dossier afin de savoir s’il existait un risque pour le demandeur en fonction de la persécution religieuse.

 

[52]           Le demandeur allègue, comme en fait écho son récit, qu’il avait aussi une crainte de persécution du fait qu’il était un conscrit réfractaire. Il soutient que l’agente a commis une erreur en ne tenant pas compte de cet autre motif de persécution. De plus, le demandeur prétend que son départ illégal de l’Érythrée l’expose à un risque s’il y retourne. Selon lui, la preuve documentaire suggère fortement que les personnes qui quittent le pays illégalement, notamment les conscrits réfractaires, sont victimes de mauvais traitement par les autorités érythréennes à leur retour en Érythrée.

 

[53]           Dans sa lettre de rejet, l’agente mentionne que [traduction] « je suis convaincue que vous avez quitté l’Érythrée pour vous soustraire au service national ». L’agente a poursuivi en déclarant que [traduction] « [d]éroger aux obligations du service national ne constitue pas une persécution ou une violation des droits de la personne ». Autrement dit, l’agente n’a pas douté de l’allégation du demandeur selon laquelle en quittant l’Érythrée il se sauvait du service militaire obligatoire.

 

[54]           Au cours de son contre‑interrogatoire concernant son affidavit, l’agente a continué d’affirmer que la persécution religieuse constituait le seul motif à la demande du demandeur. Toutefois, elle a aussi reconnu qu’elle avait effectivement conclu que le demandeur était un conscrit réfractaire (contre‑interrogatoire d’AnnMarie McNeil, 22 et 23 mars 2011, Q801). L’échange qui suit a eu lieu au cours du contre‑interrogatoire et concerne le risque potentiel pour le demandeur (contre‑interrogatoire d’AnnMarie McNeil, 22 et 23 mars 2011, Q 819 à 821) :

                        [traduction]

Q. Acceptez‑vous que la preuve objective montre que les conscrits réfractaires sont à risque?

 

A. Oui.

 

Q. Croyiez‑vous que vous aviez une quelconque obligation de considérer cet état de fait dans le présent contexte?

 

A. Je n’ai pas de réponse à cette question.

 

Q. Mais, dans les faits, vous n’avez pas considéré ce risque dans la présente affaire, n’est‑ce pas?

 

A. C’est exact.

 

[55]           Étant donné que l’agente reconnaissait clairement que le demandeur était un conscrit réfractaire et que la preuve documentaire soutenait qu’un tel demandeur courrait un risque, l’agente avait le devoir d’évaluer ce risque (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689, 20 Imm LR (2d) 85 [Ward], au paragraphe 89). Ne pas l’avoir évalué constituait une erreur susceptible de contrôle et un motif suffisant pour annuler cette décision.

 

[56]           De plus, l’agente n’a pas jugé si le demandeur avait (comme il l’a raconté dans son récit et au cours de sa déposition orale) ou non quitté l’Érythrée illégalement. L’agente aurait pu tenir compte de cet aspect du récit du demandeur et aurait pu conclure qu’il n’était pas crédible. Cependant, elle ne pouvait pas simplement l’ignorer. Une fois de plus, j’estime que le fait pour l’agente de ne pas tenir compte de cette partie de la demande du demandeur constituait une erreur susceptible de contrôle.

 

[57]           L’agente aurait pu considérer l’autre motif de persécution puis le rejeter, toutefois, ce n’est pas ce qu’elle a fait. L’agente n’avait pas d’explication au fait qu’elle n’avait pas évalué ce risque. Le défendeur souhaiterait que la Cour accepte que l’agente n’avait pas le devoir de considérer cet autre risque, car elle n’a pas jugé le récit du demandeur vraisemblable. Cependant, ce n’est pas la raison pour laquelle l’agente n’a pas considéré l’autre motif de persécution. Elle n’avait pas d’explication à donner. Cela constitue une erreur susceptible de contrôle.

 

XIII.    La décision était-elle suffisamment motivée?

 

[58]           Le demandeur soutient que les motifs de l’agente sont inadéquats. Pour les motifs établis dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, concernant la question précise de savoir si les motifs sont adéquats pour répondre à l’obligation de motiver ses décisions, je conclurai que les motifs de l’agente sont adéquats.

 

XIV.    La crainte raisonnable de partialité

 

[59]           Le demandeur prétend que la décision de l’agente soulève une crainte raisonnable de partialité. Pour les motifs établis dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, je ne suis pas d’accord avec le demandeur.

 

XV.      Conclusion

 

A.        Le résumé de la décision

 

[60]           Pour en revenir aux questions soulevées au début des présents motifs, je conclurai que la décision dans son ensemble était déraisonnable et devrait être annulée. Spécifiquement, l’agente a commis les erreurs susceptibles de contrôle suivantes :

 

1.                  l’agente a commis une erreur en faisant abstraction du statut de réfugié octroyé au demandeur par le HCR;

 

2.                  la conclusion de l’agente que le demandeur n’avait pas été détenu en Érythrée était fondée sur une simple hypothèse;

 

3.                  l’agente a erré en ne tenant pas compte du risque que représente pour le demandeur le fait d’être un conscrit réfractaire.

 

[61]           Ces conclusions constituent un motif suffisant pour justifier l’intervention de la Cour. Cependant, pour compléter ce résumé, voici mes autres conclusions :

 

1.                  l’agente n’a pas commis d’erreur en ne suivant pas et en ne mentionnant pas explicitement les étapes établies à la Section 13.3 du Guide OP 5;

 

2.                  l’agente pouvait raisonnablement tirer la conclusion que le demandeur n’était pas pentecôtiste en vertu de la preuve dont elle était saisie;

 

3.                  les motifs de l’agente (les notes du STIDI et la lettre de rejet) répondent à l’obligation de l’agente de motiver ses conclusions;

 

4.                  le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau de démontrer que la décision de l’agente soulève une crainte raisonnable de partialité.

 

B.         Les mesures de réparation

 

[62]           Le demandeur demande un nombre de mesures de réparation qui vont au‑delà d’un réexamen de la demande par un autre décideur. Comme il est déclaré dans le [traduction] « Nouveau mémoire des arguments des demandeurs » (des observations communes aux quatre demandes de contrôle judiciaire), le demandeur sollicite les mesures suivantes :

 

Les demandeurs demandent à la Cour d’annuler les décisions de l’agente des visas dans les quatre « causes types », en renvoyant dans chaque cas l’affaire à un décideur chevronné, ailleurs qu’au bureau des visas du Caire, pour qu’il rende une nouvelle décision dans les 60 jours sur la recevabilité de la demande. Si la décision sur la recevabilité devait être favorable, les demandeurs demandent en outre que la vérification des antécédents soit effectuée dans les 30 jours qui suivent, puis qu’un visa soit délivré dans un autre délai de sept jours.

 

[63]           Je suis disposée à annuler les décisions et, dans chaque cas, à renvoyer l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision. Je suis également disposée à ordonner que le demandeur puisse présenter les autres documents qu’il estime nécessaires au soutien de sa demande. Je ne suis toutefois pas disposée à décerner l’ordonnance précisément sollicitée par le demandeur en l’espèce. Concernant le reste de la requête, je réfère à mes motifs de la décision Ghirmatsion, précitée, aux paragraphes 118 à 122.

 

C.        Les dépens

 

[64]           Le demandeur sollicite l’octroi des dépens dans le présent dossier et les trois autres dossiers connexes. Le demandeur pourra présenter de nouvelles observations relatives aux dépens d’ici le 27 mai 2011. Il devra s’agir d’observations conjointes pour les quatre dossiers connexes, d’une longueur maximale de dix pages. Les observations devront aussi préciser le montant total des dépens demandés, dans chacun des dossiers ou pour les quatre dossiers réunis. Le défendeur devra répondre au plus tard le 9 juin 2011 aux observations du demandeur sur les dépens.

 

D.        Les prochaines étapes

 

[65]           Je l’ai dit au début des présents motifs, le demandeur est l’un parmi une quarantaine de demandeurs se trouvant dans des situations semblables. Dans des motifs de jugement et jugements rendus en même temps que les présents motifs et jugement, j’ai conclu qu’il fallait aussi accueillir les demandes de contrôle judiciaire pour les trois affaires instruites en même temps que la présente. Comme je l’ai fait d’entrée de jeu dans les présents motifs, j’insiste pour dire que la présente décision ne concerne que la demande particulière présentée par M. Tsegay Kiflay Weldesilassie. Je ne tire aucune conclusion ni ne rends aucune ordonnance qui ait force obligatoire à l’égard de l’un quelconque des dossiers restants. Chaque dossier concerne un ensemble particulier de faits et doit faire l’objet d’un examen et d’une décision distincts. J’espère toutefois que les présents motifs permettront aux avocats des divers demandeurs et du défendeur d’en arriver à une entente sur l’issue à apporter à toutes les demandes restantes du groupe ou à certaines d’entre elles.

 

[66]           À la fin de l’audience, les parties se sont dites intéressées à participer avec moi à une conférence et à discuter des prochaines étapes. Si les parties croient encore utile la tenue d’une telle conférence, je les convie à en faire la demande par l’entremise du greffe de la Cour.

 

E.         La certification d'une question

 

[67]           Ni l’une ni l’autre partie ne proposent de question de portée générale en vue de sa certification. J’estime également qu’il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agente est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

 

2.                  Le demandeur pourra présenter à l’agent des visas nouvellement désigné tout document additionnel qu’il estime être pertinent quant à sa demande.

 

3.                  Le demandeur pourra présenter de nouvelles observations relatives aux dépens d’ici le 27 mai 2011. Il devra s’agir d’observations conjointes pour les quatre dossiers connexes, d’une longueur maximale de dix pages. Les observations devront en outre préciser le montant total des dépens demandés. Le défendeur devra répondre au plus tard le 9 juin 2011 aux observations du demandeur sur les dépens.

 

4.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6009-09

 

INTITULÉ :                                       TSEGAY KIFLAY WELDESILASSIE

c.. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 AVRIL 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 5 MAI 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Brouwer

Timothy Wichert

 

POUR LE DEMANDEUR

Stephen H. Gold

Alex Kam

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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