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Date : 20110412

Dossier : T‑518‑10

Référence : 2011 CF 452

[traduction française certifiée, non révisée]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 12 avril 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

Entre :

 

EVE KOLLAR

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

ROGERS COMMUNICATIONS INC.

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

Motifs de l’ordonnance et ordonnance

 

[1]               Mme Kollar a été à l’emploi de Rogers pendant un peu plus d’un an. Elle a été licenciée, non pas pour un motif de renvoi, mais en raison d’une réorganisation de l’entreprise. Elle a accepté une indemnité de départ. La Cour n’est pas saisie de la question de l’indemnité de départ.

 

[2]               Ce que doit examiner la Cour est la tentative ultérieure de la demanderesse d’obtenir de Rogers les renseignements personnels la concernant, comme elle a le droit de le faire en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la LPRPDE). La demanderesse a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée dans laquelle elle a déclaré que Rogers ne lui a pas fourni en temps opportun tous les renseignements se trouvant dans ses dossiers. À la fin de l’enquête de la commissaire à la protection de la vie privée, Rogers avait fourni des documents supplémentaires et déclaré qu’elle ne pouvait trouver les autres documents que demandait Mme Kollar. La commissaire a conclu que la plainte était bien fondée en ce que les renseignements n’avaient pas été fournis dans les délais prescrits, mais que l’affaire avait été réglée. Il avait été fortement recommandé à Rogers de s’assurer que les employés traitant des demandes liées à la protection de la vie privée connaissent les procédures en place et comprennent l’importance de donner suite aux demandes en temps opportun et avec la diligence voulue. Rogers semble avoir pris cette recommandation au sérieux comme le montrent les bulletins ultérieurs des Ressources humaines.

 

[3]               Insatisfaite de la décision, Mme Kollar a demandé, en application de l’article 14 de la LPRPDE, à la Cour d’entendre l’affaire. Il est bien établi qu’une telle demande n’est pas présentée par voie de contrôle judiciaire mais qu’il s’agit d’une procédure de novo, de sorte que la présentation d’éléments de preuve supplémentaire est autorisée (Englander c. Telus Communications Inc, 2004 CAF 387, [2005] 2 R.C.F. 572 (CAF), au paragraphe 48).

 

[4]               En conséquence, je ne suis pas tenu de confirmer la décision même si je la considère raisonnable eu égard aux documents dont la commissaire était saisie.

 

[5]               Pour reprendre les termes de la demande, voici ce que sollicite Mme Kollar :

[traduction]

i.          L’équité et la justice dans le processus décisionnel;

ii.          une ordonnance portant que la plainte est bien fondée;

iii.         un jugement enjoignant à la défenderesse de corriger ses pratiques;

iv.         une ordonnance enjoignant à la défenderesse de publier un avis dans le bulletin des employés;

v.         une ordonnance lui accordant des dommages‑intérêts;

vi.         la condamnation de la défenderesse à lui payer ses dépens;

vii.        toute autre mesure que la Cour estime pertinente pour ne pas avoir respecté les lois applicables.

 

 

[6]               Devant cette demande, Rogers est passée à l’offensive et demande à la Cour de statuer qu’elle a en fait donné suite à la demande de Mme Kollar en temps opportun.

 

I. Contexte

[7]               Mme Kollar a, au moyen d’une lettre, demandé à Rogers des renseignements personnels qu’elle avait divisés en sept catégories, dont [traduction] « dossier(s) d’employé » et [traduction] « tout autre renseignement ». Rogers y a donné suite dans les 30 jours et lui a fourni les documents conservés sur support papier que contenait son dossier d’employé.

 

[8]               Mme Kollar a répondu en identifiant 19 documents ou catégories de documents qui, selon elle, manquaient. Rogers a accusé réception de sa lettre et déclaré qu’elle examinerait la question. N’ayant toujours rien reçu plus d’un mois plus tard, Mme Kollar a décidé de déposer une plainte au Commissariat à la protection de la vie privée.

 

[9]               Rogers a pris plus d’une année pour fournir, de façon définitive, des documents supplémentaires et pour déclarer qu’elle n’avait aucun autre document demandé. Rogers souhaite faire valoir qu’elle a en fait répondu en mai 2009 et que cette réponse comportait une lettre d’excuses relativement à sa réponse tardive. Mme Kollar nie toutefois avoir reçu ces documents et Rogers n’a pas été en mesure d’établir que la lettre d’excuses était plus qu’un projet de lettre et que des documents avaient été envoyés à ce moment‑là. Des documents ont été envoyés en décembre 2009.

 

[10]           Dans sa décision du 16 février 2010, le Commissariat à la protection de la vie privée était convaincu qu’à ce moment‑là, Mme Kollar avait eu accès à tous les renseignements personnels la concernant détenus par Rogers. Elle a conclu que la plainte était bien fondée mais réglée, en s’appuyant sur les paragraphes 8(3) et 8(5) de la LPRPDE et l’article 4.9 des principes de l’annexe I de la LPRPDE. En vertu du principe 4.9 se trouvant à l’annexe I de cette loi, toute personne qui en fait la demande doit être informée de l’existence de renseignements personnels qui la concernent, de l’usage qui en est fait et du fait qu’ils ont été communiqués à des tiers, et lui permettre de les consulter. En vertu du paragraphe 8(3), les organisations sont tenues de donner suite à une demande avec la diligence voulue et, en tout état de cause, dans les 30 jours. Le paragraphe 8(5) prévoit que faute de répondre dans le délai prévu, l’organisation est réputée avoir refusé de fournir l’accès aux renseignements.

 

[11]           En vertu du paragraphe 8(4), Rogers pouvait proroger le délai d’une période maximale de 30 jours dans les cas où l’observation du délai entraverait gravement l’activité de l’organisation ou si elle avait besoin de temps pour entreprendre des consultations pour donner suite à la demande. Le délai pouvait encore être prorogé si nécessaire pour le transfert des renseignements personnels sur support de substitution. Dans l’un ou l’autre cas, Rogers devait transmettre à Mme Kollar un avis de prorogation dans les 30 jours l’informant du nouveau délai, des raisons de la prorogation du délai et de son droit de présenter une plainte à la commissaire à l’égard de la prorogation. Rogers n’a pas respecté cette exigence.

 

II. Analyse

[12]           Mme Kollar soupçonne que Rogers n’a pas fourni tous les renseignements personnels la concernant. Cependant, peu importe ce dont le Commissariat à la protection de la vie privée était saisi, trois affidavits m’ont été présentés. Les souscripteurs des affidavits n’ont pas été contre‑interrogés et je suis convaincu que tous les documents dans le dossier ont été fournis.

 

[13]           Mme Kollar se plaint que certains renseignements concernant les salaires, les primes et les commissions sont vagues. Cela peut être ou ne pas être le cas, mais je ne peux pas ordonner à Rogers de créer un document qui n’existe pas. Tous les dossiers qui doivent être tenus en vertu du Code canadien du travail l’ont été.

 

[14]           Mme Kollar aimerait une lettre d’excuses. Je ne peux ordonner à quiconque de s’excuser.

 

[15]           Mme Kollar souhaiterait que j’ordonne qu’un avis, dont elle n’a pas précisé les détails, soit publié dans le bulletin de Rogers. À mon avis, l’avis publié dans le bulletin des Ressources humaines était suffisant.

 

[16]           En ce qui a trait à sa demande que la Cour enjoigne à Rogers de modifier ses pratiques, il n’y a rien d’erroné dans les pratiques de l’entreprise. Le problème était que certaines personnes ne respectaient pas ces pratiques. Rien ne porte à croire que le rappel fait par Rogers, à la suite du rapport de la commissaire, n’est pas suffisant.

 

[17]           Mme Kollar sollicite des dommages‑intérêts, mais n’a présenté aucun argument à l’appui. À mon avis, rien ne justifie l’octroi de dommages‑intérêts.

 

[18]           En ce qui a trait aux dépens, puisque la présente demande est dénuée de fondement, j’aurais en temps normal adjugé les dépens à Rogers. Toutefois, Rogers était très agressive dans sa défense. En fait, sa défense était une demande reconventionnelle en ce qu’elle demandait à la Cour de statuer que la commissaire a eu tort de conclure qu’elle n’avait pas respecté la LPRPDE. Trois souscripteurs d’affidavit, qui n’ont pas été contre‑interrogés, ont témoigné à propos de la diligence exercée pour réunir les renseignements demandés. On penserait presque qu’ils ont travaillé nuit et jour pendant plus de six mois. La demande initiale de Mme Kollar a cependant été mal interprétée. Elle n’a pas simplement demandé son dossier d’employé, mais tous les renseignements la concernant. Rogers a eu tort de fournir un dossier d’employé et de ne pas fournir les renseignements qui avaient été conservés sous forme électronique. Compte tenu des documents dont je suis saisi, je ne suis pas convaincu que la diligence voulue avait été exercée et le délai de 30 jours n’a certainement pas été respecté. Si Rogers avait communiqué avec Mme Kollar plus tôt, elle n’aurait peut‑être pas pensé qu’elle avait été simplement abandonnée.

 

[19]           Il s’agit d’une demande qui n’aurait pas dû être présentée et une demande qui n’aurait pas dû être défendue de la manière dont elle l’a été. Dans les circonstances, elle est rejetée, chaque partie payant ses propres dépens.


ordonnance

 

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS,

la cour ordonne que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, chaque partie payant ses propres dépens.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑518‑10

 

Intitulé :                                                   EVE KOLLAR c.
ROGERS COMMUNICATIONS INC.

 

 

Lieu de l’audience :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 5 avril 2011

 

 

Motifs de l’ordonnance

et ordonnance :                                   le juge HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 12 avril 2011

 

 

Comparutions :

 

Eve Kollar

Pour la DEMANDERESSE

(se représentant elle‑même)

 

Howard A. Levitt

 

Pour la défenderesse

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/O

 

POUR LA DEMANDERESSE

(se représentant elle‑même)

 

Howard A. Levitt Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

Pour la défenderesse

 

 

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