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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110407

Dossier : IMM-3796-10

Référence : 2011 CF 432

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

GUO QING ZHENG

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée par Guo Qing Zheng en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugié, SC 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 7 juin 2010 par la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI), qui a rejeté l’appel de la décision d’un agent des visas de refuser la demande parrainée de résidence permanente soumise par l’épouse du demandeur. La SAI a tranché que le demandeur n’avait pas démontré que son mariage était authentique ou n’avait pas été contracté principalement pour permettre à sa femme d’acquérir un statut au Canada.

 

I.          Le contexte

 

A.        Le contexte factuel

 

[2]               Le demandeur est originaire de la République populaire de Chine (Chine), mais il vit au Canada depuis 1995 et y possède le statut de résident permanent. Son épouse, Mme Qui Yan Huang, vit en Chine et ne jouit d’aucun statut au Canada. Tant le demandeur que Mme Huang avaient déjà été mariés par le passé.

 

[3]               Le demandeur s’est marié avec son ancienne épouse en décembre 1986. Ils ont eu trois enfants ensemble : une fille (née le 12 février 1987) et deux fils (nés le 22 juin 1988 et le 8 avril 1990). L’un des fils du demandeur est né avec une déficience intellectuelle. En 1995, le demandeur est arrivé au Canada et y a demandé l'asile. Sa demande a été rejetée, mais il est quand même demeuré au pays. Son ancienne épouse a présenté avec succès une demande d’asile en 2002 et, par conséquent, le demandeur est devenu résident permanent du Canada en août 2004. Cependant, en septembre 2004, le demandeur s’est séparé de sa femme, puis, le 3 novembre 2005, ils ont divorcé.

 

[4]               L’épouse actuelle du demandeur, Mme Huang, a épousé son ex-mari en avril 1990. Sont issus de leur union une fille (née le 13 novembre 1987) et un fils (né le 22 février 1990). L’ex-mari de Mme Huang a quitté la Chine pour les États-Unis en 1998. Les deux ont officiellement divorcé avec l’aide d’un intermédiaire le 31 janvier 2005.

 

[5]               En 2005, le demandeur s’est rendu en Chine pour visiter ses parents. Le 6 mars 2005, alors qu’il assistait à un service religieux, un ami commun lui a présenté Mme Huang. Ils se sont ensuite mutuellement visités, jusqu’à ce que le demandeur retourne au Canada, le 1er avril 2005. Après son retour au Canada, le demandeur a gardé le contact avec Mme Huang par téléphone. En février 2006, il lui a rendu visite en Chine pendant une semaine. Le 2 mars 2006, il l’a demandée en mariage au téléphone, et elle a accepté. Le demandeur est arrivé en Chine le 9 mai 2006, et les deux se sont mariés le 22 mai 2006, après quoi le demandeur est retourné seul au Canada le 10 juin 2006.

 

[6]               En juillet 2006, Mme Huang a déposé, auprès du bureau des visas de Hong Kong, une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie du regroupement familial. Dans sa demande, elle a indiqué que ses deux enfants l’accompagneraient au Canada. Le demandeur a déposé les formulaires de demande de parrainage requis.

 

[7]               Au moyen de deux lettres datées du 4 avril 2007, on a informé Mme Huang que sa demande de visa de résidente permanente avait été rejetée aux termes du paragraphe 11(1) de la LIPR. L’agent des visas a invoqué deux raisons pour justifier ce refus : 1) l’agent n’était pas convaincu que le mariage de Mme Huang était authentique et avait principalement été contracté à une fin autre que l’obtention d’une admission au Canada (cela étant, Mme Huang ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 12(1) de la Loi, en application de l’article  4 du Règlement sur l'Immigration et la protection des réfugiés (le Règlement); et 2) « les lettres que [Mme Huang] a fournies à l’appui de sa demande [étaient] frauduleuses », ce qui fait qu’elle était interdite de territoire conformément à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Le 18 juin 2007, le demandeur a déposé auprès de la SAI un avis d’appel pour en appeler de la décision de l’agent des visas.

 

[8]               Depuis le refus de l’agent des visa, le demandeur a visité son épouse en Chine à trois occasions : du 14 novembre 2007 au 14 décembre 2007; du 15 juin au 11 septembre 2008; et du 21 mars au 5 mai 2009.

 

[9]               En mai 2008, le demandeur a recommencé à cohabiter avec son ancienne épouse. Lors de l'audience de la SAI, le demandeur a expliqué que son propriétaire lui avait demandé de quitter les lieux parce que les accès de colère et les crises de convulsions de son fils dérangeaient les voisins. En conséquence, il a indiqué avoir décidé d’emménager avec son ancienne épouse (tout en continuant de vivre séparément d’elle) en tant que locataire, pour qu’ils puissent partager la responsabilité de s’occuper de leur enfant handicapé.

 

B.         La décision contestée

 

[10]           La SAI a commencé sa décision en indiquant qu’après consultation des rapports d’experts, il paraissait peu probable que Mme Huang ait soumis des documents frauduleux en appui à sa demande de résidence permanente. À ce titre, contrairement à la conclusion de l’agent des visas, la SAI a tranché que Mme Huang n’était pas interdite de territoire au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi.

 

[11]           La SAI a néanmoins décidé de rejeter l’appel, au motif que le demandeur n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que son mariage n’était pas visé par l’article 4 du Règlement – c’est-à-dire que son mariage était authentique et ne visait pas principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la Loi. La SAI est parvenue à cette conclusion après avoir formulé un certain nombre d’observations.

 

[12]           Premièrement, la SAI a exprimé des préoccupations à l’égard du moment où le couple s’était rencontré, le 6 mars 2005. La SAI a trouvé « étrange » qu’on ait présenté son épouse actuelle au demandeur à l’église alors que, techniquement, il était encore marié à sa femme. La SAI a également estimé « étrange » qu’il ait pu être intéressé à entamer une autre relation « sans prendre le temps de respirer un peu » entre cette relation et son union d’une vingtaine d’années, par ailleurs en cours de dissolution.

 

[13]           Deuxièmement, la SAI s’est dite préoccupée quant aux circonstances entourant la proposition de mariage. Elle a indiqué que les deux avaient passé « à peine un mois ensemble » lorsque le demandeur a fait sa demande en mariage. Elle a, en outre, exprimé ses préoccupations au sujet du fait que Mme Huang n’avait pas rencontré les enfants du demandeur avant d’accepter de l’épouser. La SAI a jugé cela particulièrement problématique pour ce qui est de l’enfant handicapé du demandeur. De plus, la SAI s’est dite troublée par le fait qu’au moment de la demande en mariage, les enfants du demandeur n’avaient pas été présentés à ceux de Mme Huang afin qu’ils puissent déterminer s’ils allaient tous « réussir à ne former qu’une seule famille. »

 

[14]           Troisièmement, la SAI a souligné l’existence d’« un facteur d’attraction » qui incitait Mme Huang à venir au Canada : son frère, sa sœur et le père de ses enfants vivent aux États-Unis.

 

[15]           Quatrièmement, la SAI a fait valoir que le demandeur « n’a jamais eu l’intention de vivre en Chine avec [Mme Huang] ». À ce sujet, la SAI a pris note du témoignage du demandeur quant au fait que « l’environnement, la sécurité, l’air, les droits de la personne » et l’enseignement sont meilleurs au Canada qu’en Chine, en soulignant également que, selon le témoignage de Mme Huang, le demandeur lui avait dit qu’au Canada, tout était mieux qu’en Chine.

 

[16]           Compte tenu de ce qui précède, la SAI a conclu que, en dépit de certains autres éléments de preuve  – des factures de téléphone, une correspondance écrite, des éléments de preuve relatifs à des virements de fonds – le fondement du mariage du demandeur n’était pas digne de foi.

 

II.         La question en litige

 

[17]           La présente demande soulève une unique question :

a)         La décision de la SAI quant à l’authenticité du mariage du demandeur était-elle déraisonnable?

 

III.       La norme de contrôle applicable

 

[18]           La détermination de l’authenticité d’un mariage aux fins de l’article 4 du Règlement est une question mixte de droit et de fait, car elle requiert de faire coïncider les circonstances de l’affaire aux exigences du Règlement. Cela étant, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité (Provost c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1310, 360 FTR 287, au paragraphe 23; Das c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 189, 79 Imm LR (3d) 134, au paragraphe 15. Ainsi que l’a déclaré mon collègue le juge Michel Shore dans la décision Ma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 509, 368 FTR 116, au paragraphe 32 :

[32]      La Cour est consciente de la place qu’elle occupe dans le régime d’immigration au Canada dans le contexte des affaires comme celle en l’espèce. Il est établi en droit qu’un appel interjeté devant la SAI est un appel de novo (Provost c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1310 (CanLII), 2009 CF 1310, [2009] A.C.F. no 1683 (QL), paragraphe 25). Par conséquent, le demandeur doit convaincre la SAI, et non la Cour, que le mariage est authentique ou qu’il ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). La compétence de la Cour se limite au contrôle, et elle ne doit pas servir à s’immiscer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la SAI si ce pouvoir discrétionnaire a été raisonnablement exercé.

 

[19]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada a affirmé, au sujet de la norme de la raisonnabilité, qu’elle « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »

 

IV.       Analyse

 

A.        La décision de la SAI quant à l’authenticité du mariage du demandeur était-elle déraisonnable?

 

[20]           Le paragraphe 12(1) de la Loi indique que la sélection des étrangers de la catégorie du « regroupement familial » se fait en fonction de la relation à titre de conjoint qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent. Toutefois, l’article 4 du Règlement décrit les conditions dans lesquelles un étranger ne sera pas considéré comme un conjoint. Au moment ou la SAI a rendu sa décision, en juin 2010, l’article 4 se lisait comme suit :

Mauvaise foi

 

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un  privilège aux termes de la Loi.

Bad faith

 

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

 

[21]           Ainsi que la SAI l’a fait valoir à juste titre dans ses motifs, il incombait au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que sa relation avec Mme Huang était authentique et ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un  privilège aux termes de la Loi. C’est-à-dire que, pour que son mariage avec Mme Huang ne soit pas visé par l’exclusion prévue à l’article 4, il devait établir que l’une des deux conditions prévues dans cette disposition n’était pas remplie (Das, précité, au paragraphe 19; Ouk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 891, 316 FTR 15, au paragraphe 12).

 

[22]           Le demandeur blâme en partie la SAI pour n’être pas arrivée à une conclusion raisonnable quant à l’authenticité de son mariage, en se fondant sur les facteurs énoncés dans la décision Khera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 632, 158 ACWS (3d) 813. Même si, en effet, dans l’affaire Khera, le juge Luc Martineau avait mentionné certains facteurs ayant servi à l’analyse de la SAI, il l’avait fait pour indiquer qu’ils constituaient tous des facteurs qu’« il était loisible à la SAI de prendre en considération », et non pour établir un critère. Le juge a ainsi indiqué, au paragraphe 10 :

[…] En effet, il était loisible à la SAI de prendre en considération dans sa décision, comme elle l’a fait, la durée de la relation des époux avant leur mariage arrangé, leur différence d’âge, leur ancien état matrimonial et civil, leur situation financière et d’emploi respective, leurs antécédents familiaux, leur connaissance respective du vécu de l’autre (y compris l’âge des filles de la demanderesse et la situation générale de ces dernières), leur langue, leurs intérêts respectifs, le fait que la mère de la personne parrainée, deux de ses frères, des tantes et des cousines vivent en Colombie‑Britannique et le fait que la personne parrainée avait tenté de venir au Canada par le passé. […]

 

[non souligné dans l’original]

 

[23]           De fait, la Cour a souligné à quelques reprises qu’aucun critère ni ensemble de critères particuliers n’a été établi pour déterminer si un mariage est authentique ou non aux termes de l’article 4 du Règlement (Ouk, précité, au paragraphe 13; Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1490, 154 ACWS (3d) 458). En conséquence, on ne peut reprocher à la SAI d’avoir pris en compte un ensemble de critères quelque peu différent dans le cadre de l’espèce. Néanmoins, il convient de souligner, ainsi que l’a fait remarquer le défendeur, qu’un certain nombre de critères considérés par la SAI en l’espèce étaient, dans les faits, des critères également énumérés par le tribunal dans l’affaire Khera, précitée : la durée de la relation des époux avant leur mariage, leur ancien état matrimonial, leurs antécédents familiaux et les liens familiaux de Mme Huang au Canada (ou, en l’occurrence, aux États-Unis).

 

[24]           Le demandeur a en outre fait valoir que la préoccupation de la SAI quant au fait qu’il n’avait pas pris le temps « de respirer un peu » entre la fin de son mariage précédent et le début de sa relation avec Ms. Huang était déraisonnable. Le demandeur affirme que la SAI avait ignoré son témoignage concernant le fait que son ancienne épouse et lui avaient eu des rapports tendus pendant un certain temps avant leur séparation et que, de toute manière, ils s’étaient séparés sans espoir de réconciliation en septembre 2004, soit quelque 6 mois avant qu’on lui présente Mme Huang. Qui plus est, le demandeur soutient que chaque personne est différente, et que le fait qu’il ait été disposé à ce qu’on lui présente quelqu’un « pour qu’il fasse sa connaissance » six mois après la séparation d’avec son ancienne épouse n’était pas un motif raisonnable de douter de l’authenticité de son union actuelle.

 

[25]           Je ne suis pas d’avis que la SAI a ignoré le témoignage du demandeur au sujet de l’échec de son précédent mariage. Au contraire, au paragraphe 8 de ses motifs, la SAI a expressément reconnu que le demandeur s’était séparé de son ancienne épouse en septembre 2004. Il ressort clairement de la jurisprudence que le moment de la relation peut être une considération pertinente lorsqu’il s’agit de rendre une décision concernant l’applicabilité de l’article 4 du Règlement (Chertyuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 870, 168 ACWS (3d) 1063, au paragraphe 31; Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1131, au paragraphe 17; Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 659, au paragraphe 7). En l’espèce, je ne vois rien de déraisonnable dans l’opinion de la SAI selon laquelle il était « étrange » que le demandeur ait pu être intéressé à entamer une nouvelle relation aussi rapidement après s’être séparé de son ancienne épouse, compte tenu que leur mariage avait duré 20 ans et qu’à ce moment-là, ils n’avaient pas encore divorcé. Bien qu’il aurait vraisemblablement été déraisonnable de rejeter, sur cette seule base, l’authenticité du mariage du demandeur, il ne s’agissait là que d’un facteur parmi ceux examinés par la SAI.

 

[26]           En ce qui a trait à la préoccupation de la SAI concernant le fait que Mme Huang et ses enfants n’aient pas rencontré les enfants du demandeur avant les fiançailles du couple, le demandeur a fait valoir qu’en raison de l’amour que Mme Huang et lui se portaient l’un à l’autre, ils n’avaient aucune raison de croire que le fait de joindre les deux familles entraînerait pour eux des problèmes insurmontables, à plus forte raison qu’il n’y avait pas de jeunes enfants en cause. Quant aux inquiétudes liées au fait que Mme Huang n’avait pas rencontré son fils handicapé avant les fiançailles, le demandeur a réitéré son témoignage selon lequel Mme Huang avait été mise au courant de l’état de son fils avant la proposition de mariage, et que le fait qu’elle [traduction] « était prête à prendre en charge [son] fils n’[était] pas seulement raisonnable, mais aussi attendu », compte tenu de l’amour qu’ils avaient l’un pour l’autre.

 

[27]           La SAI a agi de façon raisonnable en évaluant les circonstances de la relation du demandeur avec Mme Huang au moment de la proposition de mariage. Je ne crois pas qu’il était déraisonnable de la part de la SAI d’avoir exprimé des préoccupations à l’égard du fait que Mme Huang avait accepté d’épouser le demandeur alors que ni elle, ni ses enfants n’avaient rencontré ses enfants à lui. S’il est vrai qu’au moment de la proposition de mariage, les enfants du demandeur n’étaient pas en bas âge (ils étaient âgés respectivement de 15, 17 et 19 ans), l’un de ses fils continuerait tout de même à dépendre du demandeur (et, vraisemblablement, de Mme Huang) en raison de son handicap. La préoccupation de la SAI à ce sujet est particulièrement compréhensible, compte tenu de sa conclusion que, à la date de la proposition de mariage, le demandeur et Mme Huang avaient eux-mêmes passé « à peine un mois ensemble ».

 

[28]           Le demandeur a en outre indiqué que la conclusion de la SAI selon laquelle il n’avait jamais eu l’intention de vivre en Chine avec Mme Huang était contraire à la preuve. Il a soutenu avoir témoigné, dans les faits, que si tous les appels échouaient, il envisagerait de retourner en Chine.

 

[29]           Il est vrai qu’au cours de l’audience du 1er février 2010 devant la SAI, le demandeur a fini par indiquer qu’il déménagerait peut-être en Chine si tous ses appels étaient rejetés. Toutefois, après avoir examiné la transcription de l’audience, je ne suis pas d’avis que la SAI a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le demandeur « n’a jamais eu l’intention de vivre en Chine avec [Mme Huang] ». Il semble suffisamment clair, d’après l’échange du 1er février, que le demandeur avait toujours eu l’intention que Mme Huang vienne au Canada. Voici la partie pertinente de la transcription de l’audience :

[traduction]

Q : […] Maintenant, si cet appel n’est pas accueilli et que votre femme ne peut pas venir au Canada, qu’allez-vous faire?

R : Je vais continuer de faire appel.

Q : Je suppose que vivre en Chine n’est pas une option pour vous?

R : J’ai des enfants qui vont à l’école ici, au Canada, et aussi des enfants qui ont une déficience intellectuelle et dont il faut s’occuper. Je présente une demande pour que ma femme vienne me rejoindre au Canada, ce qui est une demande tout à fait normale et raisonnable. Pourquoi ma requête n’est-elle pas ---

Q : C’est moi qui pose les questions, ici. Veuillez uniquement écouter la question, puis y répondre.

R : Je suis navré.

Q : Ainsi donc, si votre femme ne peut pas venir au Canada, dans la mesure où vous n’êtes manifestement pas prêt à déménager en Chine, comment votre relation fonctionnera-t-elle?

R : Je vais continuer à faire appel.

Q : Eh bien, il y a des limites à interjeter appel. Tous vos appels finiront par être épuisés. Que ferez-vous, alors?

R : Si tous les appels sont épuisés, je n’aurai pas le choix : je devrai retourner en Chine.

 

[30]           On a également interrogé le demandeur au sujet d’un éventuel déménagement en Chine au cours de la précédente audience qui s’était tenue devant la SAI, le 25 juin 2009. Lors de l’audience, le demandeur a indiqué « [vouloir] seulement parrainer [sa] femme pour qu’elle vienne au Canada. » L’échange au cours de l’audience s’est déroulé comme suit :

[Traduction]

Q : Oui. Y a-t-il jamais eu une possibilité que vous déménagiez en Chine pour vivre avec votre femme?

[…]

R : Ce n’est pas ce que je veux.

Q : Pardon?

R : Je ne souhaite pas un tel résultat.

Q: Pourquoi?

R : Je veux seulement parrainer ma femme pour qu’elle vienne au Canada.

Q : Mais pourquoi n’avez-vous jamais discuté de la possibilité que vous alliez en Chine, et que ce soit vous qui déménagiez là-bas?

A : Parce qu’au Canada, l’environnement ---

Q: Pardonnez-moi; qu’avez-vous dit?

A: Parce qu’au Canada, l’environnement – et, vous savez, la sécurité, l’air et les droits de la personne, entre autres choses ici, sont mieux qu’en Chine. Et le genre d’enseignement et d’environnement dont bénéficient les enfants sont préférables, ici. Les choses sont mieux au Canada qu’en Chine.

 

Compte tenu de ce qui précède, on ne peut aucunement dire que la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur n’a jamais eu l’« intention » de vivre en Chine avec sa femme était contraire à la preuve. J’estime qu’il s’agissait d’une conclusion de fait qu’il était loisible à la SAI de tirer, sur la base de la preuve dont elle disposait.

 

[31]           Il incombait au demandeur de démontrer que son mariage était authentique ou qu’il ne visait pas principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la Loi. Je partage le point de vue du défendeur quant au fait que, compte tenu de la preuve, il n’était pas déraisonnable de la part de la SAI de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté de cette obligation. Il ressort nettement des motifs de la SAI, ainsi que des transcriptions des audiences, que la SAI a considéré la preuve soumise par le demandeur pour étayer l’authenticité de son mariage – les photos, les factures de téléphone, la correspondance écrite et les preuves relatives à des virements de fonds. Compte tenu de ses diverses préoccupations, la SAI a tranché que la preuve n’était pas suffisante pour permettre d’établir que le demandeur s’était acquitté de son obligation à l’égard de l’article 4 du Règlement.

 

[32]           Même si la Cour aurait pu parvenir à une autre conclusion, il ne lui revient pas d’apprécier de nouveau la preuve. Il était loisible à la SAI de tirer cette conclusion qui, par conséquent, ne peut être annulée. Cela étant, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Il n'y a pas de question de portée générale à certifier.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie-Marie Bissonnette, traductrice

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3796-10

 

INTITULÉ :                                       GUO QING ZHENG

                                                            c.

                                                            MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 FÉVRIER 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 AVRIL 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart A. Kaminker

 

POUR LE DEMANDEUR

Alex Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart A. Kaminker

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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